Élisée RECLUS 

(15 mars 1830 - 4 juillet 1905)

Par Marc Nadaux

Fils d’un pasteur protestant, Élisée Reclus est né à Sainte-Foy-la-Grande, dans le département de la Gironde, le 15 mars 1830. L’année suivante, tandis que ses parents s’installent à Orthez, l’enfant est confié à ses grands-parents, résidant à la Roche Chalais. Il passera sept années en leur compagnie. En 1843, Élisée Reclus effectue un séjour chez les Frères Moraves de Neuwied, une communauté protestante se réclamant de l’enseignement de Jean Huss et implantée en Allemagne. Il entre ensuite l’année suivante au Collège protestant de Sainte-Foy-la-Grande.

En 1848 et après avoir obtenu son Baccalauréat, l’adolescent entame des études de théologie à la Faculté protestante de Montauban. En effet, son père le destine alors à suivre son exemple et à dévouer également son existence au sacerdoce. Cependant l’étudiant est bientôt exclu de l’institution, son indiscipline ainsi que son républicanisme trop affiché indisposant les autorités de la Faculté. Passionné par les sciences géographiques, Élisée Reclus se rend alors à Berlin afin de suivre les cours de Carl Ritter.

 

De retour à Orthez, il s’insurge comme nombre de républicains convaincus contre le coup d’État du 2 décembre 1851 organisé par Louis-Napoléon Bonaparte. Opposé à l’avènement du Second Empire, Élisée Reclus publie un premier ouvrage intitulé Le Développement de la liberté dans le Monde. Cependant, avec son frère Élie, il est bientôt contraint à l’exil. Après un court séjour à Londres et en Irlande, le proscrit gagne en 1852 la Louisiane où il s’emploie comme précepteur dans une riche famille de planteurs. Quelques mois plus tard, Élisée Reclus s’installe dans la Nouvelle Grenade voisine, vivant d’expédients ou se faisant à l’occasion paysan.

En 1857, affaibli par les fièvres tropicales, il décide de rentrer à Paris. L’année suivante, Élisée Reclus se marie à Clarisse Brian. De leur union naîtront deux filles. Paraissent en 1861 ses souvenirs de voyage sous le titre de Voyage à la Sierra Nevada. Il collabore ensuite à la rédaction des Guides Joanne avant d’être admis à la prestigieuse Société de Géographie de Paris. Suivront d’ailleurs, en 1863 puis en 1864, deux autres ouvrages de géographie, Les Volcans et les Tremblements de Terre ainsi que La Sicile et l’éruption de l’Etna.

 

A cette époque, Élisée Reclus fréquente également les milieux socialistes de la capitale. Il fonde ainsi en 1863, la Banque coopérative du Crédit du Travail, une société ouvrière, avant d’adhérer à la section du quartier des Batignolles de l’Association Internationale des Travailleurs, récemment créée à Londres le 28 septembre 1864. Cependant, la rencontre de Michel Bakounine, le fondateur de la Fraternité Internationale, décide des nouvelles orientations de ses convictions politiques. Avec l’anarchiste russe, Élisée Reclus fonde alors en 1868 l’Alliance internationale de la Démocratie socialiste.

Poursuivant également ses travaux géographiques, il publie en 1869 chez Hetzel, dans la célèbre Bibliothèque d’éducation et de récréation, l’Histoire d’un ruisseau, un livre d’initiation au langage imagé et poétique ainsi qu’un autre ouvrage de vulgarisation scientifique, La Terre, description des phénomènes de la vie du globe. Après le décès de son épouse en 1869, Élisée Reclus se remarie quelques mois plus tard avec Fanny Lherminez.

 

Avec la déclaration de guerre à la Prusse, il s’engage après la déchéance de l’Empire et la proclamation de la République, le 4 septembre 1870, aux côtés de Félix Nadar dans la compagnie des aérostats. Le militant libertaire s’enthousiasme bientôt pour la Commune de Paris, proclamée le 28 mars 1871. Il rédige alors de nombreux articles dans la presse. Engagé dans les bataillons de Fédérés, Élisée Reclus est fait prisonnier le 4 avril suivant, lors de la sortie de Châtillon.

Jugé et condamné à la déportation en Nouvelle Calédonie, l’intervention de nombreux savants lui permet de voir sa peine commuer en bannissement. En 1872, le militant de la cause libertaire décide de s’installer en Suisse. A Genève, il se lie alors d’amitié avec le prince Piotr Kropotkine et s’occupe en sa compagnie à la rédaction d’un journal, Le Révolté. Dans ce périodique, Élisée Reclus se fera le défenseur du droit au vol, la " reprise individuelle " des militants anarchistes, l’un des moyens de la " propagande par le fait " décidée au Congrès de Londres au mois de juillet 1881.

 

En 1875, de nouveau veuf, il s’unie pour la troisième fois à Ermance Gorini. Pendant ces années d’exil, Élisée Reclus se consacre tout entier à son grand œuvre, la rédaction d’une géographie universelle, la deuxième du genre après l’ouvrage pionnier de Malte-Brun. Le premier volume où se mêlent la description du monde et l’études des sociétés humaines paraît chez Hachette à partir de 1875. Il sera suivi de dix-huit autres jusqu’en 1894. Achevée, la Géographie universelle d’Élisée Reclus comptera 17 873 pages et 4 290 cartes ! Quelques voyages effectués dans les régions méditerranéennes, en Asie Mineure puis en Algérie et en Égypte, en 1883 et en 1884 ainsi qu’un nouveau séjour en Amérique du Nord en 1889, lui permettent de se distraire de ses travaux scientifiques, auxquels ils donnent tout de même de la matière.

De retour à Paris en 1889, soit bien des années après le vote de l’amnistie des Communards, Élisée Reclus choisit bientôt de résider dans la Belgique voisine. Alors qu’il reçoit la médaille d’or de la Société de géographie de Paris en 1892, il enseigne la géographie à l’Université Nouvelle de Bruxelles à partir de 1894. Élisée Reclus rédige encore deux nouveaux traités, une Afrique australe en 1901 ainsi que l’Empire du Milieu l’année suivante et en collaboration avec son frère Onésime. Parallèlement, ses convictions anarchistes s’expriment toujours dans des ouvrages comme L’Évolution, la Révolution et l’Idéal anarchique publié en 1897.

Alors que commence à paraître L’Homme et la Terre, Élisée Reclus décède le 4 juillet 1905, à Thourout, près de Bruges.

© Les Forums de l'Histoire, 2001