ANTIDOTES

A longueur de colonnes, les "Notes & Etudes"publient l'indigeste prose des nationalistes, des communistes combattants et des révolutionnaires islamiques. Ce faisant, nous sommes dans notre rôle : pas d'analyses correctes sans matériel original et non dénaturé, selon nous.

Mais, ces substances idéologiques ne se contentent pas d'être indigestes elles sont également toxiques à haute dose. D'où l'idée de cette nouvelle rubrique destinée à fournir, çà et là, à nos lecteurs, des contre poisons d'origine et de sens très divers. Ils seront éclectiques et sélectionnés selon deux critères très simples :

- critiques, mais intellectuellement. Nous laissons à d'autres la morale et le registre indigné-larmoyant.

- ironiques quand c'est possible, féroces quand ça le mérite.

Tout de suite, un démarrage en fanfare. Ci-après, deux courts textes tirés du dernier livre du philosophe Clément Rosset

LE PRINCIPE DE C UAUTE Editions de Minuit-Collection critique Juin 1988-92p., 59F. dont la lecture intégrale est hautement recommandable. X.R.

N.B.: Les titres des deux morceaux choisis sont de Notes & Etudes. "Chahadat"signifie témoignage, et par extension, martyre.

1- CHAHADAT, AYATOLLAH, Etc.

"On touche ici à un point assez mystérieux, et en tout cas non encore élucidé de la nature humaine : l'intolérance à l'incertitude, intolérance telle qu'elle entraîne beaucoup d'hommes à souffrir les pires et les plus réels des maux en l'échange de l'espoir si vague soit-il d'un rien de certitude. Ainsi le martyr, incapable qu'il est d'établir et même seulement de définir la vérité dont il se prétend certain, se résout-il à en témoigner, comme l'indique l'étymologie du mot martyr, par l'exhibition de sa souffrance : "Je souffre, donc j'ai raison"-comme si l'épreuve de la souffrance suffisait à valider la pensée, ou plutôt (absence de pensée, au nom de laquelle le martyr - témoin se dit prêt à souffrir et mourir. Cette confusion de la cause à laquelle il se sacrifie explique incidemment le caractère toujours insatiable de l'amateur de souffrance (alors qu'il arrive à l'amateur de plaisir d'être comblé) : aucune cause n'étant véritablement en vue, aucune souffrance ne réussira vraiment à l'établir, si fort et si longtemps que fion vous frappe. D'où la surenchère au supplice, qu'évoquent de manière drolatique A. Aymard et J. Auboyer : "Il y a une psychologie du martyre et elle est éternelle (...) Aussi y eut-il même des volontaires du martyre, comme ces chrétiens d'Asie qui sous Commode, se présentèrent si nombreux au proconsul que celui-ci, après avoir prononcé quelques condamnations, les refoula en les invitant à recourir aux cordes et aux précipices"(...)

Je remarquerai en terminant que le goût de la certitude est souvent associé à un goût de la servitude. Ce goût de la servitude, très étrange, mais aussi universellement observable depuis qu'il y a des hommes et qu'ils pensent trop, dirais-je pour parodier La Bruyère, s'explique probablement moins par une propension incompréhensible à la servitude pour elle-même que par l'espoir du gain d'un peu de certitude obtenu en échange d'un aveu de soumission à l'égard de celui qui déclare se porter garant de la vérité (sans pour autant, il va de soi, en rien révéler). Incapables de tenir quoi que ce soit pour certain, mais incapables de s'accommoder de cette incertitude, les hommes préfèrent le plus souvent s'en remettre à un maître qui affame être dépositaire de la vérité à laquelle ils n'ont pas accès eux-mêmes : tel Moïse face aux Hébreux, Jacques Lacan face à ses fidèles (...). Plutôt que d'assumer leur ignorance, ils préfèrent troquer leur liberté contre l'illusion que quelqu'un est là qui pense pour eux et sait ce qu'ils ne réussissent pas à savoir. L'adhésion à une cause, le fanatisme sous toutes ses formes, est ainsi moins l'oeuvre de la personne qui s'y rallie que de la personne intermédiaire et fantasmatique au nom de laquelle s'opère le ralliement. Le fanatique ne croit lui-même à rien, il croit en revanche en celui ou celle dont il pense confusément qu'ils croient à quelque chose. Ce n'est pas moi qui croit, c'est Lui; et c'est pourquoi en Lui, quoique je ne sache rien de Lui ni de ce qu'Il sait. Cette croyance par procuration en dit long sur la nature de la crédulité humaine."

2- SUR LE DÉSIR DE MORT AU SEIN DES AVANT-GARDES

"Ce désir d'aucune chose réelle relève en somme d'un attrait du vide qui se manifeste aussi, et de manière plus exemplaire encore, dans une hallucination qui fait périodiquement la "Une"de l'actualité prétendument philosophique et littéraire : l'idée d'une fin du monde probable et imminente, -ou encore d'un fin de la culture, de la civilisation, de la nature, etc.- que chacun de ses prophètes successifs annonce comme un fait à la fois absolument nouveau et absolument certain. Deux supercheries sont à prendre ici en considération. La première est de présenter comme neuf ce qui est vieux et usé jusqu'à la corde, aussi vieux que le monde lui-même et l'aversion que celui-ci a toujours pu inspirer à tel ou tel. Témoin Pline l'Ancien qui, il y a presque deux mille ans, diagnostiquait tout au long de son Histoire naturelle une dégradation de la nature et une fin du monde prochaine qui se sont en fin de compte résumées à la disparition de la seule personne de Pline lui-même, imprudemment aventuré sur les flancs d'un Vésuve en pleine éruption. La seconde, plus grave, est de représenter comme vérité de fait , dont on assure par surcroît de duplicité qu'on est le premier à s'en désoler, ce qui est en réalité un simple fait de désir , fruit d'une banale lassitude ou angoisse face à l'existence. Il me semble que Cioran inverse, sinon l'ordre de ses propres pensées, du moins celui de la pensée habituelle des annonciateurs du désastre, lorsqu'il déclare : "l'homme va disparaître, c'était jusqu'à présent ma ferme conviction. Entre temps, j'ai changé d'avis : il doit disparaître". Le désir de mort suit un ordre inverse : je désire d'abord que tout finisse; ce n'est qu'à partir de ce terrain propice que s'élabore (hallucination d'une fin effective et imminente, dont j'avise alors mon entourage après m'être composé un visage consterné.

Que la crainte de la catastrophe soit le plus souvent l'expression mal déguisée d'un désir impérieux de cette catastrophe même est une évidence que confirme quotidiennement tant la lecture de certains livres que celle des journaux. Je trouve à cet égard beaucoup de sens dans un macabre fait divers survenu dernièrement en Espagne : un employé d'une centrale nucléaire, pénétré du sentiment d'un désastre imminent et général, tue sa femme et ses trois enfants et explique son acte, dans une lettre trouvée auprès des cadavres, par son désir d'"éviter aux siens la fin du monde". Curieuse façon de conjurer le pire que de le convoquer ainsi séance tenante. Mais le pire n'est jamais assez sûr, aux yeux de celui qui prétend le redouter mais ne réussit à s'en assurer qu'en en provoquant lui même l'accomplissement. Cette malheureuse aventure illustre à merveille le caractère hautement improbable de la catastrophe, au gré de celui-là même qui la déclare inéluctable et assurée. (... )

Une même vérité ressort de ces exemples : d'abord que la catastrophe n'est pas objet de crainte, mais de désir; ensuite et surtout qu'elle n'est pas tenue par celui qui l'annonce pour un fait assuré, mais pour une réalité des moins certaines. D'où la nécessité de prendre les devants, puisque décidément le cataclysme tarde, et de rassembler tous les moyens artisanaux dont on peut disposer afin d'en précipiter l'événement."

INTRODUCTION

Xavier Raufer

Une étude comme celle qui suit n'est utile que quand elle est analysée et intégrée par ceux qui ont en charge - à un niveau ou à un autre, dans une instance ou dans une autre - la répression du terrorisme.

Lapalissade? Non, si l'on veut bien se souvenir du fait que la lutte anti-terroriste est, au fond, une vieille histoire pour la police française1 mais dont (aspect discontinu, par vagues, rend difficile, sinon impossible la transmission des réflexes à avoir, des méthodes à employer. D'où, à chaque épisode commençant un redémarrage à zéro ; une longue période de tâtonnement; une ignorance assez grande de la nature et de (idéologie de l'adversaire; une tendance instinctive de chacun à ramener le terroriste sur un terrain connu: celui du criminel de droit commun ou de l'agent secret, selon les cas. D'où surtout, une grande difficulté à anticiper les mouvements dudit adversaire.

Anticiper les mouvements de l'organisations terroriste, arriver avant elle sur le terrain de ses futurs crimes n'est pas impossible ; nous pensons l'avoir montré lors d'un précédent séminaire2. Nous avions vu alors que cela supposait réunies deux conditions essentielles

- partir du réel,

- disposer de la longue mémoire.

Ou, en d'autres termes, faire en sorte que le regard posé par les instances de répression sur les terrorismes soit plus pertinent, et le soit plus vite, que celui posé par ces derniers sur la Justice et la Police.

Cela suppose chez ceux qui luttent contre le terrorisme un niveau d'expertise qui ne peut être atteint que par une pratique continue de (adversaire, par (existence d'un flux régulier et abondant d'informations le concernant; ce, au minimum, sur le moyen terme. Or cette pratique, ces informations ininterrompues sont bien là dans le cas de la criminalité de droit commun; elles font défaut ou offrent un aspect discontinu dans le cas du terrorisme. Du fait de leur éloignement dans le temps, les vagues de terrorisme passées n'ont jamais permis la transmission directe de l'expérience antiterroriste d'une génération policière et judiciaire à une autre.

D'où (aspect "éternel retour"de la lutte antiterroriste, surtout au niveau international. A comparer la presse des années 1898-1910 avec celle des années 1981-87 on a l'impression d'un voyage dans le temps, d'un très exact retour de l'identique 3.

C'est ainsi que la première grande conférence internationale contre le terrorisme (anarchiste) se déroula à Rome à la fin de l'année 1898, à l'initiative du gouvernement italien "Tout fier de ses succès à Milan"4. Lucides et clairvoyants les socialistes français de l'époque s'opposèrent vigoureusement à la dite conférence. Ils distinguaient deux anarchies, celle d'en haut, des grands exploiteurs qui sont au-dessus des lois ; celle d'en bas, "pure action individuelle provoquée soit par (indignation aveugle, soit par la main clairvoyante de la police. Contre celle-ci, qu'elle soit maladie comme dans le premier cas, ou simple moyen de gouvernement, la société actuelle ne peut rien... L'anarchie ne disparaîtra qu'avec le capitalisme"("Le Socialiste"4-12-1898).

L'objet de la conférence était de réaliser entre les gouvernements "une entente pratique et permanente destinée à combattre avec succès les associations anarchistes et leurs adeptes"5.

Le gouvernement italien proposait le programme suivant :

a - définir (anarchiste comme délinquant,

b - considérer le délit anarchiste comme un crime de droit commun,

c - adopter des mesures spéciales contre la presse excitant au délit anarchiste,

d - établir (extradition,

e - organiser un service de police pour rendre plus faciles les rapports entre les gouvernements. Remplacez le mot "anarchiste"par "terroriste"et songez un instant aux programmes des réunions internationales contre le terrorisme, quatre-vingt dix ans plus tard...

Dans la circulaire qui convoque la conférence de quoi parle, au nom du gouvernement italien, (amiral Canevaro ? "De "théories criminelles dont il s'agit d'enrayer autant que possible la propagation". Il dénonce comme devant être l'objet d'une "entente pratique permanente"entre tous les gouvernements "se sentant solidaires ... la classe dont les agissements n'ont d'autre but que de saper les bases sur lesquelles est assise la société telle qu'elle est actuellement constituée".

La plupart des gouvernements européens envoyèrent des représentants à la conférence. Ce fut le cas du gouvernement français. Le président du Conseil, Charles Dupuy fut interpellé à ce sujet ou fin novembre, ou le 1 ou 2 décembre, par les socialistes Dejéante, Vaillant et Zévaès (Le Socialiste, 4-12-1898).

L'Angleterre était également représentée, mais "Lord Salisbury, au banquet du Lord-Maire, a pris soin d'aviser l'Europe gouvernementale"qu'elle ne laisserait pas toucher au droit d'asile "en des termes qui ne permettent aucune espérance à la "Troisième section"et d'autres police, monarchique ou républicaines en quête d'extradition".

La conférence se réunit fin octobre, début novembre. il semble qu'elle se soit rapidement scindée en deux "Les diplomates gênaient les policiers. Aussi ont-ils fait au fond deux congrès : ambassadeurs à part, policiers à part. Ces derniers ont seuls fait de la besogne sérieuse. Ils ont constitué leur Mafia et leur Camorra pour le brigandage international sur le dos des anarchistes. En vraie Camorra, ils ont brûlé leurs protocoles, afin qu'il ne reste nulle trace de leurs conspirations"(Temps nouveaux 7-13 janvier 1899).

Vers le 15 décembre, la conférence de Rome suspendit ses travaux pour 5 ou 6 semaines. "Il paraît que les délégués ont vainement dépensé d'énormes efforts intellectuels pour codifier un règlement assimilable à la législation sociale de chaque État. Les représentants de la Russie, de (Allemagne, de la France, de (Autriche et de l'Italie sont uniquement d'accord sur le principe qu'il faut frapper de terreur les partis subversifs"(Le Socialiste 18-12-1898)6.

Les Temps nouveaux des 7-13 janvier 1899 signalaient dans leur style approximatif, que "le but principal de cette conférence, l'extradition, avait échoué (sic) parce que (Angleterre, la Belgique et la Suisse avaient refusé d'adhérer à cette proposition".

Le moins que l'on puisse dire est que ces textes presque centenaires procurent un fort sentiment de déjà -vu, dans l'actualité la plus immédiate... Que resta-t-il de cette conférence ? Rien. Et les policiers et les magistrats confrontés à la vague de terrorisme des années 30 repartirent bien évidemment de zéro, en attendant qu'un homme politique ou un diplomate se touche le front et déclare : "J'ai une idée ! Convoquons une conférence internationale !"...

Un second obstacle sur la route qui mène à la connaissance de la réalité des terrorismes est celui du malaise - inconscient ou subconscient le plus souvent - que ressentent juges et policiers au contact avec les criminels politiques. Une fois de plus c'est la vague anarchiste des années 18901910 et la littérature qu'elle a engendrée qui vont nous fournir un texte de référence, lui - aussi frappant de modernité : il s'agit d'un extrait de "L'agent secret"de Joseph Conrad

"Au début de sa carrière, le commissaire Heat avait eu en charge la grande criminalité. C'est dans ce milieu qu'il avait fait ses preuves et, bien entendu il avait gardé pour cette forme de délinquance, après qu'il ait été muté dans un autre service, un sentiment pas très éloigné de (affection. Le crime, le vol, n'étaient pas, pour lui, des actes absurdes. C'était une forme de (industrie humaine perverse, certes, mais bien une industrie, exercée par des professionnels. C'était une tâche dont les fins étaient les mêmes que la poterie, le travail dans les mines, dans les champs, ou dans les ateliers. C'était un travail dont les conséquences pratiques différaient des autres du fait du risque encouru : ankylose, silicone, saturnisme dans un cas; dans (autre ce qu'il exprimait, dans son langage professionnel, par "sept ans ferme".

Le commissaire Heat était évidemment sensible à l'aspect immoral du crime, mais ceux des criminels qu'il il avait approché l'étaient aussi. Ils supportaient les condamnations que leur valait la réprobation morale de la société avec résignation. Les criminels étaient ses concitoyens, ayant mal tourné du fait d'une éducation imparfaite, pensait le commissaire Heat. Mais, conservant de fait en mémoire, il comprenait la psychologie d'un cambrioleur, qui était la même que celle d'un officier de police. Tous deux suivent des règles en gros identiques, ont une connaissance concrète des méthodes et des habitudes de l'autre. Ils se comprennent, ce qui est avantageux pour les deux parues et met, dans leurs relations, une espèce d'aménité. Produits par la même machine sociale, l'un étant considéré comme nuisible et (autre tenu pour utile, ils tiennent tous deux cette machine pour acquise, de façon différente, mais, dans les deux cas, sérieusement.

L'Esprit du commissaire Heat était, en revanche, imperméable à la notion de révolte. Mais les criminels n'étaient pas des rebelles. Sa vigueur physique, ses manières froides et inflexibles, son courage mais également son sens de la justice lui avaient valu, dans le domaine de son activité d'origine, beaucoup de respect et, même, un peu d'admiration. Et le commissaire Heat, à six pas du chef anarchiste surnommé "Le Professeur", eut une pensée de regret pour le milieu et pour ses délinquants - moralement sain, dépourvu d'idéaux morbides, traditionaliste et respectueux des autorités, dépourvu, au fond, de haine et de désespoir".

Le commissaire Heat avait peu d'estime pour l'anarchisme. Il n'attachait que peu d'importance à la doctrine, et n'avait jamais pu se résoudre à la prendre au sérieux. Elle tenait, pour lui, du désordre sur la voie publique, sans avoir (excuse bien humaine de l'alcoolisme, qui implique au minimum de bons sentiments et un sens assez développé de la fête. En tant que criminels, les anarchistes ne constituaient pas, pour lui, de catégorie distincte, résolument pas.

Et, se souvenant du "Professeur"le commissaire, marchant du même pas, murmura entre ses dents "espèce de cinglé".

Arrêter les criminels, ça, c'était autre chose. Cela avait la qualité de sérieux d'un sport où le meilleur gagne, dans le respect de règles claires et compréhensibles.

Avec les anarchistes, il n'y avait pas de règles. Et cela, pour le commissaire, était détestable.

C'était, au fond, une histoire de fou, mais qui inquiétait et rendait furieuse l'opinion publique, affectait les sphères supérieures de l'Etat et les relations internationales.

Tout en marchant, le commissaire arborait une expression sévère et méprisante évoquant, dans sa tête, sa clientèle d'anarchistes, il conclut qu'aucun d'entre eux n'avait le cran d'un de "ses"cambrioleurs, loin de là".

Seule une transmission interrompue des connaissances sur la criminalité à finalité politique pourra mettre fin à cette série de démarrages au niveau zéro en matière de lutte antiterroriste, et donnera à ceux qui en ont la charge une meilleure compréhension de la nature et des réflexes de leur adversaire.

Les textes qui suivent, sur Action Directe, Black War, etc. sont une participation de l'Institut de Criminologie de Paris à ce nécessaire effort.

(Voir Annexe p.85 le texte sur la lutte antiterroriste en 1900)

NOTES

1 Une vague terroriste, de type "carbonariste"au milieu du 19° siècle ; une seconde, anarchiste à la fin du 19° / début du 20°; une troisième, balkanique, dans les années 30 et une quatrième, multiforme, à partir de la fin des années 60, qui dure toujours.

2 Novembre 1986

3 Une bonne partie des informations qui suivent nous ont été communiquées par (éminent historien du mouvement social et de (anarchie qu'est Claude Hamel. (voir son texte p . ... )

4 D'avril à juin 1898, l'Italie avait connu des troubles sanglants, notamment en Sicile et dans le Milanais, espèces de jacqueries que les socialistes condamnèrent (ce qui n'empêcha pas certains d'entre eux non des moindres : Turati, d'être arrêtés et condamnés) mais que les anarchistes revendiquèrent ("Dès ses premiers moment, la révolution à Milan s'est annoncée franchement populaire, anarchiste"Temps nouveaux 21 mai 1898). Une répression sévère suivit, des lois "scélérates"furent votées, et le gouvernement italien prit l'initiative de la conférence. '

5 "Le Socialiste"4.12.1898.

6 Souligné par nos soins. "Terroriser les terroristes"déjà...,

LE TERRORISME EN FRANCE DE 1880 À 1914 DE RAVACHOL À LA BANDE À BONNOT

DEUX VAGUES D'ATTENTATS TRÈS DIFFÉRENTES

Claude Harmel

La France a connu deux grandes vagues de terrorisme anarchiste fort différentes l'une de (autre, la première de 1892 à 1894, qui a laissé dans la mémoire collective le nom de Ravachol, peut-être celui de Vaillant, l'autre en 1911 et 1912, marquée par les exploits de la "Bande à Bonnot", formule qui a subsisté dans les souvenirs, peut-être à cause de sa consonance, comme y a subsisté aussi le nom de Raymond-la-Science, sans qu'on sache toujours bien ce que désignent ces deux formules: n'appliquait-on pas récemment la dernière à ... Raymond Barre ?

Dès que (anarchie a commencé à s'organiser en France - si l'on peut parler d'organisation pour l'anarchie, - aux alentours de 1880, les "groupes"ont été séduits parce qu'on appelait "la propagande par le fait". Le congrès international anarchiste qui se tient à Londres en juillet 1881 _ pour tenter de reconstituer l'Association Internationale des Travailleurs avait, si l'on ose dire, "légalisé"cette pratique, car "le plus simple fait dirigé contre les institutions actuelles parle mieux aux masses que des milliers d'imprimés et des torrents de parole", et, constant que "les sciences techniques et chimiques"avaient défia rendu des services à la cause révolutionnaire et qu'elles étaient appelées à leur "en rendre encore de plus grands dans l'avenir", le Congrès avait recommandé à chacun "de donner une plus grande importance à l'étude et aux applications de ces sciences comme moyens d'attaque et de guerre".

MODÈLES ÉTRANGERS

Il est vrai que le 13 mars 1881, le tsar Alexandre II avait été assassiné à la bombe par ceux qu'on appelait à tort "les nihilistes", et que cet attentat avait suscité parmi les anarchistes, mais aussi dans d'autres milieux révolutionnaires, une sorte de délire : Louise

Michel avait adressé aux meurtriers un salut grandiloquent, du Hugo de parodie : "Nihilistes, mes frères, vous êtes vengés. Sur vos gibets, plane la liberté. Russie, nous te saluons".

Dès lors, les publications anarchistes avaient multiplié les exhortations à la violence, donné des recettes pour la fabrication des explosifs, des bombes, mais sans résultat: il y eut bien çà et là des attentats, comme la bombe de Cyvoct en octobre 1882 au restaurant du théâtre Bellecourt à Lyon, mais le mouvement restait épisodique si même on pouvait parler de mouvement : rien là qui puisse ébranler l'État et la bourgeoisie ni susciter la puissante révolte populaire qui devait les précipiter au néant !

DANS LE SILLAGE DE RAVACHOL

Tout changea avec l'intervention d'un "spécialiste", si l'on ose parler' ainsi, un criminel de droit commun, un nommé Koenigstein, qui se faisait appeler Ravachol et dont la main, il s'en vantait, avait tué autant de bourgeois qu'elle comptait de doigts. Poursuivi pour ses crimes, il s'était réfugié dans la région parisienne, à Saint-Denis, où, bien qu'il n'eût pas caché qu'il était recherché pour une "expropriation"accompagnée de meurtre, il avait été accueilli en ami par les "compagnons". Dévoué à la cause, ne manquant pas d'argent, sobre, rangé, "ne se livrant pas à la femme", il conquit tous les coeurs.

Une grande colère agitait alors les groupes anarchistes dans ce coin de banlieue. On y parlait sans cesse de venger les "martyrs de Clichy", trois "compagnons"durement condamnés en août 1891 pour avoir, le 1er mai 1891 à Clichy, tiré sur les policiers qui les appréhendaient. On se répétait avec indignation qu'ils avaient été sauvagement brutalisés au poste de police et que le président de la cour et le procureur avaient fait preuve d'une odieuse partialité. Indigné, Ravachol fabriqua des bombes, les déposa aux domiciles des deux magistrats (la première éclata le 11 mars 1892) et il s'ensuivit une sorte d'épidémie d'attentats qui culmina le 24 juin 1894 avec (assassinat du président de la République, Sadi Carnot, Caserio, son meurtrier, voulant ainsi venger l'anarchiste Auguste Vaillant, condamné à mort et exécuté pour avoir lancé une bombe au Palais Bourbon ("la séance continue"). Quelques jours après son exécution, Émile Henry, le 12 février 1894, avait déjà - autre "sommet"de cette période terroriste - jeté une bombe dans la salle du café Terminus à la gare St-Lazare : un mort, vingt blessés.

Ces attentats répandirent l'épouvante dans l'ensemble de la population, dans le peuple comme dans la bourgeoisie (ce qui explique la rigueur de la répression) mais ils reçurent dans de larges milieux intellectuels un accueil enthousiaste. Auprès des intellectuels anarchisants, bien sûr (tel Laurent Tailhade, qui buvait "d la vaillance"ou qui, le soir de l'attentat d'Émile Henry, déclarait : "Qu'importent les victimes si le geste est beau! Qu'importe la mort de vagues humanités si par elle s'affirme l'individu !") Beaucoup d'autres aussi, de gauche et de droite, de Mirbeau à Drumont, déploraient le prosaïsme de (époque, la chute des énergies, l'épuisement de la race et, en quête d'âmes fortes, célébraient un peu au hasard les violences qui leur paraissaient primitives, ce qui pour eux signifiaient saines et régénératrices. Ils croyaient y voir (annonce du prochain réveil des énergies, les uns devaient dire sociales, les autres nationales. Barrès, qui semble avoir vu en Émile Henry une âme fraternelle, alla assister à son exécution: c'était une sorte d'hommage.

Le "procès des trente", en août 1984, fit apparaître en pleine lumière cette solidarité des intellectuels avec les anarchistes, avec ceux qui justifiaient le vol comme un acte révolutionnaire, y compris ceux qui joignaient le geste à la parole, sans qu'on pût toujours déceler ce qui avait été chez eux l'élément premier, la justification doctrinale, la condamnation de la propriété qui est elle-même un vol, puisque Proudhon fa dit, ou la pratique du vol qu'on est tout heureux de légitimer par des théories sociales. Les "trente"furent acquittés, et l'anarchie tout entière entonna un chant de victoire. Ce fut un peu un chant du cygne. Déjà, des doctrinaires expliquaient que "la bombe"avait fait son temps, que "la propagande par le fait"pouvait revêtir d'autres formes que (attentat terroriste. Au lendemain du vote des lois visant à la répression des "menées anarchistes", - les fameuses "lois scélérates"que dénonçaient les socialistes du temps - nombre d'anarchistes avaient cherché refuge dans les syndicats et trouvé dan s l'action syndicale une autre forme de la propagande par le fait, et d'utilisation de la violence, cette fois collective : "l'action directe". Tels furent les débuts de l'anarcho-syndicalisme qui, s'il contribua pour une large part au durcissement des conflits sociaux et, disons-le crûment, au fourvoiement du mouvement syndical dans l'impasse du syndicalisme révolutionnaire, offrit au moins l'avantage d'ouvrir un dérivatif aux énergies anarchistes : de 1894 à 1914, on ne peut citer que deux attentats du style Vaillant, Henry et Caserio.

LA BANDE A BONNOT

Toutefois, certains anarchistes empruntèrent une autre voie qui les conduisit à leur tour à des violences criminelles. Eux aussi répandirent la terreur, mais la terreur n'était pas vraiment leur but. Les premiers terroristes mettaient en avant des rêveries de fraternité universelle. C'est au nom d'un individualisme effréné qu'agiront ceux de la seconde vague. "Il est idiot que ceux qui ont compris soient forcés d'attendre que la masse des crétins ait évolué. Le troupeau sera toujours le troupeau. Laissons-le piétiner surplace et travaillons à notre propre émancipation", lisait-on le 17 octobre 1907 dans "Les Temps nouveaux", alors quelque chose comme le Monde de la presse anarchiste. Et fauteur -que la rédaction n'approuvait pas - d'affirmer qu'après avoir mis au rancart "les vieilles rengaines", la Patrie, la Société, la Morale, on ne devait pas susciter de nouvelles entités, l'Idée, la Révolution, la Propagande, la Solidarité, qui à leur tour, exigeraient qu'on se sacrifie pour elles.

"L'individu a droit à tout le bien être possible, et il doit chercher d le réaliser à chaque instant, par n'importe quels moyens".

Ainsi débuta !individualisme il légaliste qui, s'armant de théories scientifiques ou philosophiques plus ou moins bien assimilées "la lutte pour la vie"de Darwin, "l'égoïsme, base de toute société", de Félin Le Dantec ("la biologie ne nous apprend que la nécessité de la lutte et la noble utopie de la justice n'a pas de fondement scientifique', Nietzsche et son "surhomme"- justifiait tout, et d'abord "l'expropriation individuelle", autrement dit le vol, fût-il accompli pour l'usage personnel de "l'expropriateur". On vit alors fleurir dans les "milieux"anarchistes (les individualistes préféraient ce mot à celui de "groupe") d'étranges discussions :Peut-on "estamper"un camarade ? Et pourquoi pas, s'il est assez bête pour se laisser "exproprier"? Et n'est-il pas normal de dénoncer un camarade à la police si l'on n'a pas d'autres moyens de sauver sa propre liberté ?

Cette philosophie eut des effets pernicieux au-delà des milieux anarchistes proprement dit (elle affecta notamment la C.G.T. à la veille de la Grande Guerre), mais - et c'est pourquoi nous en parlons ici -elle justifia et provoqua à la fois (apparition de deux bandes illégalistes qui répandirent la terreur.

Celle de Marins Jacob qui, de 1900 à 1903, pratiqua sur une vaste échelle "le cambriolage à main armée"(il reconnut avoir effectué personnellement cent six vols), ce cambriolage n'étant, prétendait-il, "qu'un moyen de révolte propre d combattre le plus inique de tous les vols la propriété individuelle".

L'autre, la fameuse "Bande à Bonnot", plus illustre, opéra en 1911 et 1912. Son chef, comme Ravachol, était un criminel de droit commun, qui, par son âge et son énergie, s'imposa à un groupe de jeunes illégalistes. Ils étaient plus ou moins rassemblés à Romainville, autour du journal l'Anarchie (animé alors par une étudiante Rirette Maitrejean et son ami Kibaltchiche, qui signait le Rétif et qui devait rendre illustre le nom de Victor Serge). N'en avaient-ils pas assez de l'existence misérable que leur procuraient de maigres cambriolages, la vente de bicyclettes

volées le long des trottoirs, des chapardages aux étalages ? Il fallait agir en grand.

Alors commence une brève mais brutale et abondante série d'agressions et de meurtres dont le vol était le but et qui sont demeurés célèbres dans l'histoire de la criminalité par la méthode employée (mécanicien de profession, Bonnot fut l'inventeur du "hold-up"en auto), par l'insensibilité (bestiale chez les uns, juvénile chez les autres) avec laquelle "les bandits en auto"abattaient ceux qui les gênaient, par les péripéties rocambolesques et sanglantes de leur arrestation, enfin par la philosophie dont ils firent étalage : une seule valeur acceptée, le moi, une seule règle l'égoïsme, le droit de s'affirmer et de satisfaire ses désirs par tous les moyens, quels qu'ils soient, s'ils sont efficaces, le droit d'exercer librement sa volonté, le tout associé assez illogiquement à la croyance dogmatique en un déterminisme absolu qui enlève à l'individu toute responsabilité personnelle, y compris quand il assassine : la bête qui tue n'est pas responsable, et l'homme est-il beaucoup plus qu'elle ?

On vit non sans raison dans cette criminalité à base philosophique - associée à de la criminalité tout court - l'extrême (et pour certains fatale) conséquence d'un scientisme que l'esprit du temps commençait à répudier fortement et l'un de ç es "bandits tragiques"(une expression bien littéraire) demeura même un moment comme le symbole de ces autodidactes empiégés dans un savoir qu'ils n'ont ni assimilé ni dominé : le malheureux Caillemin, dit Raymond la Science - vingt et un ans - qui avait horreur de la violence physique, mais qui tua avec un sang-froid cynique pour se montrer à lui-même et pour montrer aux autres qu'il n'était point prisonnier de la morale courante.

On a souvent cité, comme le signe d'une maturité acquise dans l'épreuve, (expression d'une philosophie qui ne se fait plus d'illusion sur (humanité, le mot que jeta Raymond la Science à ceux qui le regardaient monter sur l'échafaud de la guillotine : "C'est beau, n'est-ce pas, l'agonie d'un homme ?".

Mais était-ce beaucoup plus que le cri hargneux d'un adolescent rageur ?

FERNAND PELLOUTIER ET LE CONCEPT D'"ACTION DIRECTE"

Jean-François Gayraud

Fernand Pelloutier (1867-1901) secrétaire de la Fédération des Bourses du travail en 1895 est semble-t-il l'inventeur de l'expression "action directe"en 1897. L'idée est ancienne et en définitive inséparable du mouvement ouvrier au XIXème siècle puisqu'il s'agit de la reprise et du commentaire de la célèbre formule de la 1ère Internationale selon laquelle "(émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes". Mais plus qu'une simple formule 1"'action directe"sera pour Pelloutier et les autres anarchistes révolutionnaires (Pouget et Griffuelhes) une véritable doctrine dont tout découle : une conception du syndicalisme, de l'action sociale et de la révolution.

CONTRE "LA PROPAGANDE PAR LE FAIT"

F. Pelloutier considère que l'emploi de la dynamite et du poignard se solde par un constat d'échec, d'impuissance ; "la propagande par le fait"est une impasse qui détourne les travailleurs, pourtant désabusés du socialisme parlementaire, du socialisme libertaire. Après Ravachol et Vaillant plus personne selon Pelloutier n'ose se dire anarchiste de crainte de paraître pour la révolte isolée et suicidaire au préjudice de faction collective. Les terroristes même généreux discréditent (anarchie et fournissent aux socio-démocrates et autres partisans de la conquête du pouvoir par le voie légale des armes politiques contre les anarchistes de toutes tendances y compris les moins violents. En un mot : un repoussoir.

POUR "LE SYNDICALISME RÉVOLUTIONNAIRE"

Afin de détacher les masses de la tentation terroriste à la spontanéité vaine, des syndicats traditionnels sclérosés et fonctionnarisés et des prétendus socialistes qui les bernent, F. Pelloutier considère que le devoir impérieux des anarchistes est de pénétrer les syndicats ; prendre le contrôle des organisations ouvrières7. L- anarcho-syndicalisme"ou le "syndicalisme révolutionnaire"est né;

L'"ACTION DIRECTE"

L'action directe n'est pas autre chose que 1a traduction en termes syndicaux de la tactique de la lutte des classes. Les moyens de l'action directe sont multiples : revendications professionnelles, négociations du syndicat avec les employeurs, placement organisé par les travailleurs eux-mêmes, mutuelles, caisses de retraites et de secours, culture populaire prise en charge et organisée par les ouvriers eux-mêmes, coopératives de consommation. L'instrument idéal de cette action directe fut la Fédération des Bourses du Travail dont F. Pelloutier fut l'apôtre. L'action directe n'est pas violente par principe mais en cas de nécessité son utilisation n'est pas écartée : piquets de grève luttant contre les briseurs de grève, sabotages du travail, occupations, boycottages et grève générale. Pour Pelloutier action directe n'est pas synonyme d'action violente.

L'action directe n'est ni la violence systématique ni un refus systématique de la violence et de la révolution. C'est ainsi que la grève générale, moyen suprême de faction directe et prodrome de la révolution sociale, est une arme fondamentalement violente (Briand concevant la grève générale comme une "arme pacifique"se séparera de Pelloutier). Qui plus est la violence n'est pas seulement une question d'efficacité mais aussi de dignité : "la violence, enfin, qui seule peut mettre un frein à la violence, et qui est l'arme naturelle de tout être fier et digne".

SUCCÈS D'UNE IDÉE

L'expression "action directe"fera fortune après 1900. Elle tient lieu de mot d'ordre à la C.G.T. (1895) et son succès est tel que les syndicalistes révolutionnaires groupés autour de Pouget (secrétaire adjoint de la C.G.T) et Griffuelhes (secrétaire de la C.G.T.) créent à deux reprises un organe de presse dont le titre est "Action directe": 1"'Action Directe"revue syndicaliste révolutionnaire qui paraît de juillet 1903 à février 1905 (9 numéros) et 1"'Action Directe"hebdomadaire qui paraît du 15 janvier au 3 octobre 1908 (33 numéros). Ce sera également le titre d'une brochure de Pouget où l'on peut lire : "Elle [faction directe] signifie que la classe ouvrière, en réaction contre le milieu actuel, n'attend rien des hommes, des puissances et des forces extérieures à elle, mais qu'elle crée ses propres conditions de lutte et puise en soi les moyens d'action. Elle signifie que, contre la société actuelle qui ne connaît que le citoyen, se dresse désormais le producteur". ("L'Action directe", éditions de la guerre sociale, 1910). L'action directe est faction syndicale "indemne de tout alliage", "franche de toutes les impuretés".

Et Victor Griffuelhes autre théoricien de l'action directe "[cela] veut dire action des ouvriers eux-mêmes, directement exercée par les ouvriers. C'est le travailleur qui accomplit lui-même son effort. Par faction directe, l'ouvrier crée lui-même sa lutte, c'est lui qui la conduit, décidé à ne s'en rapporter à personne d'autre du soin de se libérer. (29 juillet 1904).

Il n'est pas inutile de noter que Pouget théoricien de faction directe dirigera le journal "La Cause du Peuple", titre qui sera repris moins d'un siècle plus tard par les maoïstes (Directeur de publication : J-P Sartre) qui publieront les textes théoriques de la Nouvelle Résistance Populaire (voir annexe p.93).

La formule "action directe"deviendra un cliché du discours des groupes gauchistes tentés par faction violente (voir notice biographique de F. Oriach p.57) et traversera même l'Atlantique puisqu'une organisation nommée "Direct Action"commettra des attentats à (explosif au Canada en 1982.

NOTE

7 voir l'article de F. Pelloutier paru en 1895 dans les Temps Nouveaux sous le titre "L'anarchisme et les syndicats ouvriers"

HISTOIRE POLITIQUE D'UNE ORGANISATION COMMUNISTE COMBATTANTE

Jean-François Gayraud

LA NAISSANCE D'ACTION DIRECTE UNE "ORGANISATION CERCUEIL"

Action Directe naît en 1979. Ses membres fondateurs ne sont pas des novices de l'action armée : ils viennent d'organisations diverses ayant échoué dans leurs entreprises respectives. Action Directe est à la fin des années soixante-dix une sorte de "cône de déjection"où vont s'entasser les survivants de plusieurs mouvements: la Gauche Prolétarienne - Nouvelle Résistance Populaire (GP - NRP), le Mouvement Ibérique de Libération (MIL), les Groupes d'actions révolutionnaires internationalistes (GARD, les Noyaux armés pour (autonomie populaire (NAPAP), les Brigades Internationales (BI) et les autonomes. Ce sont les plus durs et les plus aguerris à l'illégalisme armé qui créent cette nouvelle organisation des individus expérimentés donc, plus que des nouveaux venus.

· La Gauche Prolétarienne (GP) apparaît en 1968. Ce sont des maoïstes - spontanéistes, les "maos-spontex", qui s'ils se radicalisent au niveau du discours fin 1969 pour créer la Nouvelle Résistance Populaire (NRP) et adopter le dogme du "bras armé"ne franchiront jamais vraiment le Rubicon du terrorisme ; on longe un gouffre sans jamais y tomber : enlèvement du député gaulliste de Grailly, bombe au journal "Minute", enlèvement d'un cadre de Renault, M. Nogrette. La N.R.P., organisation "militaire", est le premier embryon d'une Organisation Communiste Combattante (O.C.C.), un ancêtre. Ce sont d'ailleurs les maos qui vont inventer la pratique de l'illégalisme armé reprise par la suite en Italie et en Allemagne fédérale (voir la revue des maos : "La Cause du Peuple"). Mais cas unique, le bras armé (N.R.P.) n'aspirera pas (organisation politique (G.P.) vers la terreur : ont joué tant des blocages idéologiques (les maoïstes récusaient la vision léniniste de la révolution aux forceps sans les masses) que des considérations morales : massacre des jeux Olympiques de Munich à l'été 1972, évolution suicidaire de la "bande à Baader". En 1973, (auto-dissolution est prononcée.

· Le Mouvement Ibérique de Libération (MIL), créé en 1970 à Barcelone en Catalogne est d'inspiration communiste-libertaire. Cette nébuleuse qui recrute parmi les étudiants réalise pendant ses trois années d'existence une douzaine de vols à main armée et quelques attentats. Le MIL ne survit pas à l'arrestation de son chef Salvador Puig Antich pris les armes à la main, condamné à mort en janvier 1974 pour être exécuté au garrot le 8 mai de la même année. A ses côtés, un jeune militant toulousain, Jean-Marc Rouillan qui parvient à s'enfuir.

· Les groupes d'actions révolutionnaires internationalistes (GARI) naissent directement de la mort de Puig Antich dès 1974 avec pour projet la lutte contre la dictature franquiste. Ce groupe éphémère dont J.M. Rouillan est le fondateur se dissout à la mort du Caudillo. A son actif une longue série de vols à main armée et d'attentats : enlèvement du directeur de la banque de Bilbao à Paris, destruction de véhicules de la caravane du Tour de France etc...

· Les Noyaux armés pour l'autonomie populaire (N.A.P.A.P.) se forment en 1976 avec d'anciens de la GP-NRP et des GARI (dont JM. Rouillan: son parcours à lui seul est exemplaire). Une fois encore ce groupe tonnait une existence météorique puisque dès 1977 la police a arrêté la plupart de es membres. L'histoire du groupe peut se résumer en deux mots: "venger Pierrot". Pierre Overney militant maoïste de la régie Renault est tué par un vigile, Jean-Antoine Tramoni, le 25 janvier 1972 devant les grilles de Renault-Billancourt. Le 3 mars 1977 les NAPAP assassinent Tramoni. Suivront quelques attentats mineurs.

· Les Brigades Internationales (BI) ont elles aussi une existence très brève (1974-1976) et se distinguent par leur violence. Les BI vont principalement assassiner des personnalités diplomatiques étrangères en poste à Paris : le colonel Trabal attaché militaire urugayen et Joachim Zentano ambassadeur de Bolivie ; s'ajoutent à ces meurtres des tentatives manquées contre des diplomates espagnol, mauritanien et iranien. Les BI d'inspiration maoïste semblent avoir entretenu des liens étroits avec les N.A.P.A.P.

DE L'ANARCHIE AU MARXISME LENINISME

L'histoire d'Action directe entre le 1er mai 1979 (Acte de naissance : mitraillage du C.N.P.F.) et le 21 février 1987 (Acte de décès: arrestation des chefs historiques à Vitry-aux-Loges est celle de l'évolution d'une ligne anarchiste libertaire au Marxisme-Léninisme.

Le nom du groupe est significatif des origines intellectuelles de ses membres : "Action Directe"est une expression utilisée dans la deuxième moitié du XIX° siècle par les anarchistes (voir p.17).

Les attentats commis jusqu'en 1981 ont également des cibles révélatrices du fond doctrinal de ces "veuves maos"et "anarchistes cassoulet": des objectifs sociaux (logement, emploi, patronat), les instances de répression (Police, Justice, Gendarmerie); des "vitrines"de la société de consommation (magasins de luxe). Avec en prime de très nombreux vols à main armée baptisés "expropriations prolétariennes"ou "opérations de financement".

L'arrestation en 1980 de J-M Rouillan et N. Ménigon par les policiers des renseignements généraux est certes la sanction de la naïveté (un rendez-vous imaginaire avec Carlos pour faire sauter le barrage d'Assouan en Égypte mais aussi d'un style de vie, de pensée, d'organisation. De là certainement une prise de conscience : le modèle communiste combattant fondé sur la doctrine marxiste-léniniste est le seul qui permette de vivre durablement clandestinement en Europe Occidentale (RAF., B.R., etc ...) : "si la pratique fonctionne sur le terrain c'est que la théorie dont elle est issue est juste". C'est certainement ainsi qu'un groupe libertaire anti-autoritaire passe au marxisme-léninisme dans sa version la plus paranoïaque et sectaire, afin de survivre. La prison sera le prix de cet échec, une occasion de méditer. Les années 1981 et 1982 seront la période de la retraite, de la réflexion, et en définitive de la conversion.

Cette période s'achève avec la publication en mars 1982 du premier texte théorique d'Action Directe intitulé : "Pour un projet communiste". Le tournant politique est pris. Résultat : la longévité. Armés idéologiquement les militants d'Action Directe vont rationaliser leur expérience passée de l'illégalité pour devenir de véritables professionnels de la clandestinité. Le modèle de l'organisation communiste combattante est adopté, c'est-à-dire un groupe structuré et discipliné, et les attentats vont changer de cibles pour s'internationaliser. Pourtant les origines anarcho-libertaires d'Action Directe transpirent encore en 1982. On sent des hésitations doctrinales comme si leur nouveau prêt à porter intellectuel était trop neuf, trop rigide. Les "théoriciens"d'Action Directe tentent maladroitement de renvoyer dos à dos l'anarchie et le marxisme-léninisme afin de les "dépasser"pour se prononcer en faveur d'une organisation non autoritaire du type "conseil"; mais pour ajouter immédiatement : "Alors, pourquoi Action Directe, puisque nous défendons la forme conseil ? La logique n'est-elle pas incompatible avec cette forme ? Il faut d'abord nous semble-t-il distinguer organisation de !a révolution et organisation révolutionnaire8 . Le conseil est la forme que se donnent spontanément les groupes en lutte, car c'est celle qui exprime le mieux leurs aspirations et qui s'adapte le plus facilement à la multiplicité des conditions concrètes à partir desquelles émergent les mouvements sociaux; toute l'histoire est là pour le vérifier. Ceci étant, nous savons bien les difficultés énormes de coordination de ces conseils qui peuvent leur être mortelles lors des premières phases de la révolution...". En clair : aujourd'hui une organisation de type communiste combattante pour survivre dans la lutte armée et la clandestinité en milieu hostile (organisation de la révolution), demain les conseils quand nous aurons vaincu (organisation révolutionnaire).

Un second texte le mois suivant, en avril 1982, scelle définitivement cette conversion au marxisme-léninisme : "sur l'impérialisme américain -Action Directe". Déjà le texte précédent évoquait longuement "l'impérialisme français : stade suprême du capitalisme décadent." L'ennemi se résume en douze lettres revenant par la suite comme un leitmotiv : Impérialisme.

Selon Lénine "(impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement où s'est affirmée la domination des monopoles et du capital financier, où l'exportation des capitaux a acquis une importance de premier plan, où le partage du monde a commencé entre les trusts internationaux et où s'est achevé le partage de tout le territoire du globe entre les plus grands pays capitalistes"((impérialisme, stade suprême du capitalisme, 1917). Action Directe se pose en s'opposant à tous les impérialismes. Le monde est divisé en deux camps irréductibles : la bourgeoisie impérialistes et le prolétariat international. Plus concrètement selon Action Directe : "l'impérialisme ? Quand on réfléchit à cette notion c'est principalement aux Etats-Unis et à leurs multinationales qu'on pense ; accessoirement aux impérialismes secondaires comme la France, dont le rôle régional de "gendarme de l'Afrique"est néanmoins crucial". Les multinationales américaines sont l'avant-garde de cette domination et l'Europe un laboratoire ou un sous-traitant de ce nouvel ordre impérialiste. (Voir Annexe p.17).

Mais les "théoriciens"d'Action Directe savent que (impérialisme peut s'avancer masqué pour tromper le prolétariat : il prend alors le visage des socialistes et des sociaux-démocrates ; ... car (impérialisme tel Janus bifrons peut prendre le visage connu de la droite (M. Thatcher, R. Reagan ou V. Giscard d'Estaing) ou celui plus sournois de la gauche (F. Mitterrand). En bons lecteurs, de Lénine les membres d'Action Directe n'espèrent rien, au contraire, de l'arrivée au Pouvoir du Parti Socialiste : "la politique socialiste est dans la droite ligne de la tradition séculaire : confusion, collaboration de classes, anesthésie, sociale"; ou encore "les sociaux-démocrates et leurs alliés d'un jour sont dans (incapacité d'instaurer un réel changement de société comme ils le proclament. Cette incapacité provient de leur volonté délibérée de ne pas toucher aux mécanismes fondamentaux du mode de production capitaliste,

qu'ils tentent tout au plus de rationaliser. Aujourd'hui la social-démocratie est la fausse alternative qu'on acceptée les capitalistes dans l'espoir d'une atténuation des contradictions bientôt explosives qu'entraîne la restauration des conditions d'exploitation optimale".

L'IDÉOLOGIE "EST UN GUIDE POUR L'ACTION"(Lénine)

Ces textes de mars et avril 1982 revêtent une double importance :

- il s'agit en premier lieu du seul apport théorique un tant soit peu élaboré d'Action Directe de 1979 à 1987. La faiblesse quantitative le dispute ici à l'indigence intellectuelle. Au mieux il s'agit d'une pâle adaptation des thèses léninistes, et au pire, dans d'autres occasions, Action Directe se contentera, comme le fera remarquer charitablement F. Oriach, de traduire dictionnaire en main les productions des Brigades Rouges et de la Fraction Armée Rouge. A Vitry-aux-Loges les enquêteurs ne retrouveront aucun autre texte en préparation. Dans la classe euroterroriste Action Directe fait plus penser à un cancre qu'à un fort en thème... Cet apport théorique plus que médiocre est d'ailleurs à l'image des membres de cette organisation : des français moyens au mieux, des ratés au pire (André Olivier, Maxime Frérot, etc ...).

- en second lieu ces textes annoncent les nouvelles campagnes d'attentats, les cibles futures. Car les terroristes d'Action Directe disent -en jargon certes-, à peu près ouvertement ce qu'ils vont faire. Ils définissent ainsi un plan et l'exécutent. Puisque l'ennemi désigné est l'impérialisme sous toutes ses formes, des "campagnes d'attentats"(les communistes combattants agissent par campagnes comme les publicitaires) vont être dirigés principalement de 1982 à 1986 contre tout ce qui incarne les impérialismes américains, israéliens, français ou sud-africains (sociétés commerciales, représentations diplomatiques, ministères, ...).

Les terroristes sont prévisibles car ils agissent au nom d'idées. Leur dogmatisme ressemble aux rails d'un chemin de fer : le train passera avec certitude à cet endroit, seules les gares d'arrêt sont inconnues. Autrement dit si les cibles humaines et symboliques sont nombreuses, les objectifs politiques eux sont toujours connus et anticipables.

SCISSIONS ET ALLIANCES

Pendant l'été 1982, Action Directe vit une mini-crise. Au cours d'une réunion qui s'est tenue le 1er août à Paris, une divergence éclate entre les partisans d'une internationalisation des luttes (J-M Rouillan) et ceux plus favorables à une lutte au sein des masses et des entreprises (Moreau et Azeroual). Ces derniers regroupés dans un "Collectif révolutionnaire du 1er août"dénoncent "les pratiques autoritaires et bureaucratiques d'un des collectifs d'Action Directe, visant à entraîner l'ensemble des unités sur une stratégie et une ligne politique volontariste et élitiste (cela malgré de nombreuses discussions internes) nous décidons l'éclatement d'Action Directe. Ce qui avant n'était qu'un mot d'ordre tendant à un regroupement révolutionnaire ne nous appartient pas ; nous abandonnons donc le sigle d'Action Directe à ceux qui voudraient l'utiliser. Contre le capital, le combat se mène à la base sur tous les fronts de la guerre sociale."Si comme le dira J-M Rouillan "il n'y a pas de quoi fouetter un chat"(Le Matin, 15 août 1982), l'incident montre que l'évolution politique du groupe ne fait pas l'unanimité ; et de préciser deux jours plus tard : "il y a trois tendances dans Action Directe et aucune tendance n'a éclaté à partir de la réunion du 1er août"(Libération, 17 août 1982). De cette époque date certainement l'illusion entretenue par la presse et la police (l'information se diffuse ici de manière circulaire : les uns informent les autres de ce dont les autres les ont informés, etc... : le serpent qui se mord la queue) de divisions ou de "branches"opposées au sein du mouvement : les internationalistes, les nationalistes, les "légalistes"modérés ou encore les branches nationales et internationales. C'est ainsi que le groupe lyonnais d'Action Directe aurait incarné après la disparition d'Eric Moreau ce courant "nationaliste": c'est peut-être prêter plus d'ambition intellectuelle et d'intentions politiques à Frérot et Olivier qu'ils n'en méritent. L'explication par le choc de personnalités très rigides est certainement plus vraisemblable.

Faute de véritable base sociale Action Directe tentera au cours de son existence des alliances avec d'autres groupes terroristes européens. AD travaille d'abord avec les "communistes organisés pour la libération prolétarienne"(C.O.L.P.), groupe issu de Prima linéa. Cette coopération franco-italienne sera fructueuse puisque des membres des C.O.L.P. ou de Prima linéa seront signalés à plusieurs reprises lors de vols à main armée commis en France (Cirro Rizzato tué lors d'un hold-up en octobre 1983 contre la Société Générale avenue de Villiers), mais éphémère en fait (19811983) en raison des succès remportés par la police italienne contre les camarades transalpins. Du côté belge, le marxisme-léninisme rigoureux des Cellules Communistes Combattantes (C.C.C.) ne permettra jamais de nouer des liens autres que techniques avec Action Directe. La ligne allemande d'Action Directe a alors le champ libre: R. Schleicher, G. Cipriani, J. Asselmeyer. Bien que la Fraction Armée Rouge partage l'analyse des Brigades Rouges sur ce groupe français jugé trop surveillé et un peu amateur, l'union est néanmoins scellées au mois de janvier 1985 et le 15 un communiqué bilingue franco-allemand intitulé dans sa version française "pour l'unité des révolutionnaires en Europe Occidentale"signé par Action Directe et la RAF. parvient à l'A.F.P.. Action Directe trouve là une reconnaissance politique, un brevet de combativité communiste, en un mot : une consécration. Voilà Action Directe dans la "cour des grands". L'assassinat du Général Audran le 25 janvier 1985 est revendiqué par le "commando Elisabeth Van Dick Action Directe"du nom d'une militante clandestine de la R.A.F. abattue en R.F.A. à Nuremberg, puis plus tard par un communiqué écrit bilingue français - allemand. De même le 8 août 1985 une voiture piégée explose sur la base américaine Rhein-Main de Francfort faisant deux morts et une vingtaine de blessés

l'attentat est revendiqué par un communiqué signé par la R.A.F. et Action Directe. L'alliance ainsi scellée a connu des concrétisations mais sa nature réelle demeure aujourd'hui encore incertaine : elle s'est sans doute limitée à des échanges de renseignements et de moyens

(voir les découvertes faites en 1987 à Vitry-aux-Loges) et n'a sans nul doute pas été jusqu'à la commission en commun sur le terrain d'attentats.

DE LA PROPAGANDE ARMÉE A LA GUÉRILLA URBAINE

Action Directe vit une autre évolution importante en 1984. Celle-ci est également précédée par des écrits ("Une tâche révolutionnaire, le combat international"Mensuel L'internationale n° 4 février 1984). Ce sera le passage de la "propagande armée"(les attentats symboliques: plasticages et mitraillages) à la "guérilla urbaine"(les attentats par balles : les cibles humaines). Action Directe annonce qu'elle va tuer et elle tue. Commencent alors les assassinats politiques : le général Audran, Directeur des affaires internationales au ministère de la Défense (25 janvier 1985) et Georges Besse, P.-D.G. de la régie Renault (17 novembre 1986) ; auxquels il faut ajouter les tentatives avortées contre Henri Blandin, contrôleur général des armées (26 juin 1985) et Guy Brana, vice-président du C.N.P.F. (15 avril 1986). Auparavant Action Directe avait déjà tué, mais il s'agissait de meurtres (homicides volontaires non prémédités) crapuleux commis lors de vols à main armée, de vengeance et non d'homicides prémédités commis dans un but politique.

CHRONIQUE D'UNE MORT ANNONCÉE

Pour pouvoir durer et renaître après chaque coup porté par la police tel le Phénix, Action Directe n'a jamais bénéficié d'une véritable base. Dès sa naissance Action Directe s'est isolée. Son histoire est un long chant du cygne, une série d'erreurs et d'échecs péniblement surmontés. L'arrestation des chefs historiques à Vitry-aux-Loges est révélatrice : des professionnels de la clandestinité contraints de s'enterrer à la campagne au milieu des poules et des champs, incapables donc de survivre en milieu urbain. En clair ce "repli dans les campagnes"ne signifiait pas la redécouverte d'origines maoïstes mais était le signe d'un cuisant échec technique. Afin de devenir une "star"du terrorisme, une organisation clandestine telle qu'Action Directe a du se fixer un triple objectif :

- structurer une organisation digne de ce nom,

- susciter une population sympathisante élargie et s'y implanter,

- établir des alliances internationales sérieuses. Or ce fut un ratage complet.

· L'organisation. Rouillan et Ménigon n'arriveront jamais à unifier autour d'un projet commun en une organisation disciplinée la galaxie communiste combattante. F. Oriach qui n'a jamais fait parti d'Action Directe méprisera superbement ce "phénomène de bande"selon une de ses expressions, préférant l'intransigeance et la pureté doctrinale de Pierre Carette chef des C.C.C. belges. Le groupe Olivier marquera très tôt ses distances avec Rouillan. La mésentente n'est pas de nature idéologique comme Rouillan voudra le faire croire ("la seule fois où j'ai revu Olivier, il a exposé son projet, ça ne correspondait pas avec nous", déclaration hors procès-verbal aux policiers) mais humaine : deux "petits chefs"chassant sur le même territoire qui se disputent la domination du groupe. Même les anciens gauchistes de la première période (1979-1981) traîneront les pieds, hésiteront à plonger à nouveau dans la clandestinité.

· Le vivier. Le vivier sera toujours misérable. Le journal l'Internationale, seule tentative sérieuse d'apport théorique de ces communistes combattants, comptera en tout 39 abonnés. Ajoutons quelques collectifs de défense des prisonniers, des animateurs de radios illégales (Radio Mouvance, par exemple), des "idiots utiles"comme les appelait Lénine prêtant pour une nuit un appartement ou une voiture, et voila cerné le petit monde des sympathisants d'Action Directe. En tout peut être et sur huit ans, 200 militants et sympathisants : peu de chose comparé aux 2 000 de la R.A.F. en Allemagne ou aux 200 000 des B.R. en Italie. Faute d'oxygène le groupe ne pouvait que péricliter.

· Les alliances internationales. Un groupe famélique et sans base sociale n'a plus alors qu'une voie pour s'affirmer : l'alliance avec d'autres groupes européens. Mais comme il a déjà été souligné Action Directe n'inspirera jamais que la méfiance aux camarades européens : d'un côté des brouillons médiocres et bavards, de (autre des intellectuels, des professionnels.

UN PARCOURS CLASSIQUE

La trajectoire d'Action Directe fut en définitive symbolique de celle d'une organisation communiste combattante. Tout passage à (acte terroriste implique chez celui qui l'entreprend :

- un motif à ses yeux décisif,

- le sentiment d'une grande urgence.

Le motif fut le projet anti-impérialiste, et la crise des années soixante-dix créa le sentiment. C'est ainsi qu'un groupuscule anarchisant a tenté sa transformation en une organisation communiste combattante pratiquant la lutte armée. Action Directe a franchi de la manière rituelle les différentes étapes que connaissent ce type d'organisation. On peut parler dans ce cas de "loi d'évolution"des organisations communistes combattantes, un peu comme on parle des "lois"dans les sciences de la nature:

- accumulation d'un bagage doctrinal et choix d'une orientation stratégique,

- accumulation de moyens financiers et matériels,

- une phase de propagande armée : les attentats symboliques,

- une phase de guérilla urbaine : les cibles humaines.

L'INDIFFÉRENCE

Aujourd'hui incarcérés les membres d'Action Directe n'intéressent plus personne. Leur retentissante grève de la faim a échoué. Cette technique qui, par le passé, avait si bien fonctionné n'a pas su créer cette fois-ci de mouvement de sympathie durable. Tout au plus a-t-elle pris dans ses filets quelques naïfs. Désormais les procès vont s'enchaîner; gageons que ce sera dans (indifférence générale.

NOTE

8 Souligné par nos soins

 

QUE NOUS APPRENNENT LES ARCHIVES DU "GROUPE OLIVIER"D'ACTION DIRECTE ?

Xavier Raufer

I - QU'EST-CE-QUE LE GROUPE OLIVIER ?

C'est un noyau communiste combattant qui se crée à partir des années 68-69, autour d'un individu - pivot qui "construit, élabore, programme".

[Les passages entre guillemets et en italiques proviennent de textes écrits par Olivier ou ses camarades]

Au cours de sa préhistoire (68-77) le groupe connaît une alternance classique d'épisodes militants ""à ciel ouvert"et d'activités violentes illégales9. Constitué en une unité clandestine vouée à la guérilla urbaine à partir de 1977-78, il se structure en un groupe central de 5 à 6 individus, groupe qui fait preuve d'une certaine stabilité, mais connaît, à deux exceptions près, une rotation assez lente ; et un environnement de sympathisants, en moyenne deux fois plus nombreux (+/- 10, 12).

Au total, sur une décennie (1975-85) ce sont une trentaine d'individus qui composent la mouvance étroite du groupe Olivier (militants actifs ou sympathisants proches, avertis de la nature des activités du groupe). On y trouve deux tiers d'hommes, un tiers de femmes, en général de nationalité française et métropolitains. On note la présence de quelques antillais.

Le groupe se livre à deux types d'activités complémentaires, l'une alimentant l'autre :

La fin: activités politiques

Elles sont signées dans un premier temps Affiche Rouge sur la région lyonnaise, puis Action directe sur la région parisienne. Le projet Affiche Rouge permet une ' politisation des actions de financement". Il est conçu "dans le but de nous désencercler, pour que l'on puisse continuer à fonctionner après le deuxième accroc ".10

Le moyen : "activités de financement"

I1 s'agit d'attaques à main armée d'établissements de type bancaire, réalisées dans la région lyonnaise. La première d'entre elles a lieu peu après la manifestation antinucléaire violente de Creys-Malville, en 1977.

Activités connues Réussies Ratées total Financières 12 9 21 Politiques 10 2 12

Notons qu'aucune de ces 33 opérations n'a donné lieu à la moindre interpellation, ni sur le moment, ni ultérieurement, avant mars 1986.

Le Groupe Olivier n'est pas isolé. Bel et bien "fermé à la police"11 pendant une décennie il a, même s'il n'est pas "ouvert aux masses", des contacts politiques réguliers avec des noyaux homologues sur tout le territoire.

* Contacts réguliers avec un "groupe parisien"dès +/- 1976 et jusqu'en 1985,

* Rencontre avec un groupe "dans le Nord"en +/- 1977-78,

* Contacts réguliers avec "un groupe Antillais"à partir de +/- 1982,

* Rencontre avec des militants "dans le Sud"en 1985.

II - LE GROUPE OLIVIER, GROUPE COMMUNISTE COMBATTANT

Une fois de plus, l'étude de documents concrets et de sources originales montre -au point d'en être lassant-. la répétition classique du modèle communiste combattant.

* Division des effectifs d'un noyau armé entre un doctrinaire / organisateur et des hommes d'action finalement dépolitisés12,

* Premiers contacts, dans le secondaire, entre éléments juvéniles admirant éperdument un militant plus âgé qu'eux et engagé dans "un mouvement prolétarien"(comparable à des dizaines de récits de déroulement de "carrières combattantes"en Italie, en RFA, en Espagne, etc. Voir en particulier le cas de Pio Moa, "dissocié"de la direction des GRAPO).

* Parcours contestataire classique militantisme ouvert, diffusion de propagande révolutionnaire, - épisodes de vie en communauté (voir le cas de "Kommune I"et de "Kommune II"dans la préhistoire de la RAF),

* Tentatives utopiques de types Maoïstes ("Servir le Peuple") : campagnes de gratuité des transports pour les chômeurs, troupes de théâtre, etc. (voir les cas du Collectif métropolitain de Curcio à Milan, et les crèches dans la phase pré-terroriste de la RAF).

* Embauches de type "établissement"dans de grandes entreprises, et renvois ultérieurs,

* Premières activités teintées d'illégalisme,

* Premiers accrocs avec les instances de répression,

* Opérations militantes illégales, violentes mais "au grand jour"menées de front avec une activité salariée de plus en plus épisodique,

* Ultimes tentatives d'activité lucrative légale, pas même concrétisées,

* Première "entreprise de financement",

* Découverte de la contradiction (notamment en cas de vie de couple) entre l'action illégale grave, de type attentat ou attaque à main armée, et la vie non clandestine (voir notamment les tracas d'un militant Italien du Parti Armé confronté à une expérience semblable dans "Giorgio, profession terroriste"Ed. Mazarine 1983).

* Constitution d'un groupe voué à la lutte armée : "Un groupe collectif parlant en vue de réaliser des actions ",

* A la 2° ou 3° "opération de financement", une bavure contraint le groupe central à passer à la clandestinité totale,

* Alternance, jusqu'au démantèlement final, d'"opérations de financement"et d'"opérations politiques".

III - PROFIL D'UN MILITANT ACTIF DU GROUPE OLIVIER

Le militant suit un chef, qui décide. Ses écrits montrent une inculture politique profonde. Il emploie (dans la "confession de 29 pages", par ailleurs truffée de fautes grossières) quelques mots mythiques :

COMMUNISME : "C'est un homme extrêmement généreux et sincère : un communiste en somme ".

SOVIETS : "Partir en URSS. Ca fait un voyage... Autant travailler pour eux ".

FASCISME : "Comme les fascistes qui posent une bombe dans les lieux publics populaires "(sic)

CAPITALISME : "Le monde capitaliste mène à l'impasse : individualisme total avec tranquilisants, plus de rapports humains (...) il veut la guerre, fait la guerre, extermine par la faim ".

Dans son univers manichéiste et simplet, les psychologues sont des flics : "Un travail de psychologue (auxiliaire de la police) ; "Il est vital de lutter contre les riches ". Le seul mythe positif un peu fort est celui du guérillero communiste : présence d'allusions au groupe Manouchian, d'où la dénomination du groupe (Affiche Rouge).

Au total, le tableau est celui d'un homme de main pour qui l'action est une drogue, dont les motivations politiques, construites autour des pôles Anti-impérialisme - Anti-capitalisme - Anti-racisme - Anti-fascisme, sont en dernière analyse de purs prétextes.

Assez déshumanisé (l'assassinat du témoin d'un hold-up est qualifié d'"incident"), il n'échappe pas malgré tout à la mauvaise conscience : "Je drague, alors que le l'autre côté des flots (Maghreb ? Palestine ?) des milliers d'individus meurent ".

IV - LE FONCTIONNEMENT DU GROUPE OLIVIER EN 16 POINTS.

(Méthodologie de la vie clandestine de A à Z)

1 - APPARTEMENTS: voir le chapitre 7, "Problème des appartements et bases logistiques".

2 - ARMES ET EXPLOSIFS: Achetés à des criminels de droit commun. Entretenus et testés. Rangés après avoir été répertoriés, dans des bases opérationnelles.

3 -ATTENTATS : Exécutés surtout sur la région parisienne (voir le point 16 "Zone d'activité politique"). Ils se font à partir d'une base opérationnelle et sont précédés de repérages. Ils sont exécutés en phase finale par un individu isolé, récupéré, après le dépôt des explosifs, par un complice à bord d'un véhicule "illégal". (Voir également le paragraphe "véhicules", dans le chapitre 5, "Opérations de financement"). La revendication se fait par un bombage à la peinture sur un mur proche, et envoi d'un communiqué (qui peut aussi être dicté à une agence de presse).

4 - BASE D'ACTION : La région lyonnaise, où l'on vit en général, et où l'on organise toutes les opérations de financement (les plus risquées dans le cas de ce groupe, qui limite ses actions politiques à de la "Propagande armée").

5 - BAVURES : En cas d'"accroc"ou d'"incident", il est prévu une séance de debriefing, ou d'autocritique.

6 - DÉPLACEMENTS : Avant d'aller d'un point A à un point B, on discute et on adopte un itinéraire sur un plan dont les deux éléments possèdent un exemplaire identique. II est interdit par la suite -sauf catastrophe- d'en changer, afin d'éviter des manoeuvres acrobatiques, visibles par des témoins. Même pour déplacer un véhicule d'un endroit à un autre, il faut une voiture suiveuse.

Les véhicules doivent toujours se déplacer en tandem, afin de se surveiller et de se "couvrir"mutuellement.

Avant qu'un militant actif ne se rende à un endroit donné, un élément sûr procède à une visite de sécurité préalable.

7 - DIRECTION : Le responsable du groupe, qui "sort rarement ", prépare avec minutie les actions, tient en général les "check list", planifie l'activité de l'organisation, et centralise la collecte du renseignement. A un niveau plus extérieur, c'est également lui qui est en contact avec les autres groupes ; il "connaît tant de militants précieux à fréquenter dans notre situation"et organise éventuellement des contacts avec des "étrangers". ("Un militant qui se battait pour son pays

8 - DISCIPLINE: Théoriquement, il faut demander une autorisation au responsable avant de voir des personnes extérieures au groupe, même des "anciens"ou des sympathisants.

9 - FINANCES : Les propositions d'action financière peuvent émaner du sommet ou de la base. On "procède par enquêtes"(expression Maoïste classique) et par critiques croisées. (Voir aussi le chapitre 5 "Activités de financement").

10 - MODE DE VIE : Les éléments "terrain"doivent de préférence vivre par couples. En été et à Noël, ils partent en vacances (en Espagne, ou à la montagne, dans un chalet). C'est là que les besoins d'argent sont les plus importants : "Pour l'organisation, deux échéances sont vitales : l'été et Noël ".

11 - OPÉRATIONS : Elles ont, de l'avis des intéressés eux-mêmes, un bon niveau technique : "Le travail fait au sein du groupe n'est pas le bagne. On prend des "risques"(limités, calculés par X au point que jusqu'à présent rien ne s'est passé pour personne - une telle sécurité n'existe nulle part ailleurs) ". Cette dernière phrase semble impliquer la connaissance, par l'auteur, de hold-up "politiques"faits par d'autres groupes et où les choses se passent moins bien.

Les opérations de type gestionnaires (location d'appartements, etc.) donnent lieu, à chaque fois, à la rédaction d'un compte-rendu.

12 - PAPIERS (faux) : A partir d'un stock limité de vrais permis de conduire et CNI récupérés auprès des sympathisants, l'expert du groupe a la capacité de procéder à des échanges de photographies et à l'apposition de nouveaux tampons secs. Le clandestin a alors sur lui une vraie/fausse CNI, appartenant à un autre individu, grosso modo comparable, complice ou non.

13 - SÉCURITÉ : En dehors de toutes les précautions décrites dans ce texte, le Groupe Olivier :

* Ne communique jamais directement par téléphone, mais fait usage d'intermédiaires comme "coupe-circuits",

* fait toutes ses communications un peu longues ou un peu précises par écrit, le pli étant porté par un élément sûr,

* fait une distinction très nette entre base opérationnelle et appartements d'habitation. Dans ces derniers, en cas de pépin, rien de compromettant n'est stocké,

* fixe ses rendez-vous avec des fourchettes de sécurité de 15 minutes. L'heure passée, on "décroche".

14 - DIVISION DES TACHES : Elle existe, du moins en théorie. Tous les "postes"ne sont pas toujours pourvus, et chacun tend à avoir plusieurs spécialités. On trouve :

* un spécialiste de la logistique mobilière, qui gère voitures et matériel, armes et explosifs, faux papiers,

* un spécialiste de la logistique immobilière qui gère les appartements et garages (tâche ingrate, où les rotations sont fréquentes),

* un gestionnaire des archives,

* des collecteurs de renseignement,

* des éléments action.

15 - VÉHICULES : voir dans ce chapitre "déplacements", et le paragraphe "véhicules"dans le chapitre 5 "Opérations de financement".

16 - ZONE D'ACTIVITÉ POLITIQUE Paris. Des éléments peu nombreux du groupe (2 à 3 personnes) y font des séjours fréquents à partir de 1982 ; ils y disposent de bases, sous forme d'appartements et de garages.

V - LES OPÉRATIONS DE FINANCEMENT: MÉTHODOLOGIE ET DÉROULEMENT CHRONOLOGIQUE

Ce qui suit est la théorie du hold-up selon le groupe Olivier. Bien entendu, dans la pratique, on adapte, on oublie sa leçon, parfois on s'affole. Gardons cependant en mémoire le fait que réussies ou "ratées", les 21 attaques à main armée (connues) du groupe n'ont jamais donné lieu à la moindre arrestation. Il s'agit donc d'une méthode qui réussit 57 fois sur 100, chiffre qu'il serait intéressant dé comparer à ceux, vérifiables, d'équipes issues du grand banditisme.

DONNÉES GÉNÉRALES

Les opérations sont généralement , des "hold-up"classiques. Parfois, on constate l'usage d'explosifs, pour faire sauter la porte d'un établissement donné, en dehors des heures d'ouverture au public. Dans ce cas, le but est de "récupérer le sac (...) derrière le comptoir lequel, en général, n'est pas "emporté à la salle des coffres ".

Les actions sont commises sur un "territoire de chasse"bien balisé : la région Lyon - Saint-Etienne.

LA COLLECTE DU RENSEIGNEMENT

Pour mener une opération financière, divers éléments sont indispensables : "précision du renseignement, connaissance exacte de l'intérieur (de l'établissement-cible) non-improvisation ".

On commence par observer "plusieurs établissements de la même marque au même moment "pour éliminer les aléas et découvrir les rythmes utiles, puis on vérifie l'heure de passage des patrouilles de police, leur régularité, etc.

Des reconnaissances sur le terrain sont faites (avec prise de notes) sur les passages (nombreux à Lyon), et sur les trajets d'approche et de départ de l'objectif. Si, au cours de la préparation sur plan d'une opération, un détail cloche, on arrête, on envoie une personne sûre vérifier, et on recommence par la suite, en possession du renseignement correct. Enfin, on observe avec minutie les "livraisons "(sans doute des fonds par les convoyeurs), pour un établissement donné, deux observations au minimum sont prévues.

PRÉPARATION CONCRÈTE

On commence par choisir, au sein des opérationnels, qui participera à faction, et dans quel rôle. Dans le cas du Groupe Olivier les actions sur le terrain impliquent de 2 à 4 personnes dont, parfois, des femmes.

Puis on élabore un scénario au cours d'une discussion, plans en main. Ce "briefing"peut durer plusieurs heures.

Il existe un "check-list"de préparation technique :

* Liste des papiers divers à distribuer à chacun,

* Pièces de monnaie pour les parc-mètres,

* essai des armes, rangées dans des bases logistiques, "Dans des valises fermées à clé ",

* préparation des explosifs qui, en cas de besoin, doivent être testés avant l'action,

* les tenues doivent être préparées et essayées à l'avance,

* préparation du matériel servant à modifier l'aspect physique,

* préparation et essai du matériel d'écoute et de liaison (Scanners, talkie-walkies).

LES VÉHICULES

L'attaque à main armée nécessite un parc automobile sophistiqué et complexe :

* des mobylettes qui sont en temps ordinaire rangées dans un garage (et vérifiées avant emploi),

* une voiture "officielle", ou "légale", équipée d'un scanner et d'un talkie-walkie, (Après un hold-up, l'auteur de la "confession de 29 pages"écrit: "je m'aperçois qu'on donne beaucoup de détails à mon sujet ", en écoutant la fréquence de la police). Cette voiture "officielle"est achetée ou louée.

* Une voiture "d'intervention", qui a été "récupérée"et conservée dans un garage, et dont les plaques ont été changées. Quand, après l'opération, le véhicule "légal"et d"' intervention"font leur jonction, ils émettent un signal spécifique. En dehors de cela, aucun contact n'est permis entre les deux véhicules (sortir de l'un pour aller parler avec les occupants de l'autre, par exemple) : cela matérialiserait, pour un éventuel témoin, le lien entre les deux voitures.

Avant l'heure H, tôt le matin, on assiste à la "mise de tous les véhicules en place".

L'ACTION

Elle implique deux détachements :

* La base rapprochée,

* Les opérateurs.

La base rapprochée consiste en un véhicule, le "légal", garé en vue directe de l'objectif. A l'intérieur, une personne écoute le scanner et l'autre, munie du talkie-walkie peut prévenir les opérateurs et décider de la manoeuvre.

Les opérateurs arrivent à proximité des lieux en mobylette. Ils vont dans un endroit discret, repéré à l'avance, pour enfiler tenues et déguisements. Ceux-ci sont de type conventionnel (perruque, lunettes, casquette parfois), pour pouvoir passer le cap du sas. Les exécutants doivent être sur les lieux 15 minutes avant l'heure H.

A l'heure convenue, ils pénètrent dans l'établissement, enfilent une cagoule et annoncent la couleur. De leur propre chef (alarme, résistance farouche d'un employé) ou sur message du talkie-walkie, ils peuvent "décrocher"à chaque instant.

En sortant, ils sont récupérés par le véhicule illégal, (voitures "légale"et "illégale"se suivent, en respectant scrupuleusement l'itinéraire prévu) parviennent au rendez-vous convenu, puis rejoignent leur base à bord du véhicule "légal". Une variante est possible, qui autorise les opérateurs à abandonner tenues et équipements dans un lieu discret, à proximité de la banque, avant de rejoindre leur voiture.

VI - CIBLES INTÉRESSANT LE GROUPE OLIVIER

I1 s'agit d'un balayage très large de personnalités et d'institutions dont (attaque démontrerait symboliquement le sens de la lutte d'Action directe.

La première "cueillette"est visiblement effectuée par le biais de sources "ouvertes"

presse, annuaires spécialisés. Certaines personnalités bien précises et certains secteurs militaires particuliers ont fait l'objet d'un travail de surveillance et de renseignement plus approfondi. On dénombre, aux total, 334 cibles potentielles (après élimination des doublons).

Par ordre d'intérêt décroissant

1 - CIBLES MILITAIRES ET DE RENSEIGNEMENT

Une vaste majorité de ces cibles sont de nature à "illustrer"une campagne de type anti-OTAN : "profils"comparables à ceux de l'Ingénieur général Audran, institutions s'occupant de haute technologie militaire, etc..

* Institutions : 19

* Personnalités : 130

TOTAL: 149

2 - CIBLES ÉCONOMIQUES

30 % à peu près de ces cibles sont des établissements ou des personnalités liés à des projets de haute technologie militaire de type (d'après eux) Eurêka ou IDS, à viser dans le cadre d'une campagne anti-OTAN.

* Établissements industriels ou de service, financier ou touristiques : 43

* Personnalités exerçant des responsabilités dans ces domaines : 49

TOTAL: 92

3 - CIBLES POLITIQUES

Personnalités de gauche : 10

Personnalités de droite : 19

Personnalités d'extrême droite : 3

Locaux de partis et d'associations : 4

Bâtiments officiels : 3

TOTAL: 36

4 - CIBLES LIÉES AU CONFLIT DU MOYEN-ORIENT

* "Sionistes"(Juifs ou Israéliens)

. Institutions : 3

. Personnalités : 24

* Américains et divers : 3

. Personnalités

TOTAL: 30

5 - CIBLES MÉDIATIQUES (Journalisme et culture)

. Établissements : 7

. Personnalités : 19

TOTAL: 26

6 -CIBLES RELIGIEUSES

. Personnalité : 1

TOTAL GÉNÉRAL : 334

VII - PROBLÈME DES APPARTEMENTS ET DES BASES LOGISTIQUES

Pour le responsable logistique du groupe, le problème des appartements et des planques est une véritable obsession "Chercher des appartements "... "Trouver des appartements ".. . "Location d'un appartement "... "Chercher une cachette "... "Harceler untel pour qu'il cherche des appartements '° (à deux reprises) : le mot appartement rythme et scande la "confession de 29 pages".

La lecture de ce texte nous montre que ce problème passe bien avant celui des armes et des explosifs, et est plus sérieux même que celui du nerf de la guerre : une bonne partie des "opérations de financement"est faite en vue de payer les loyers : "Les échéances pour payer les appartements étaient arrivées ". A plusieurs reprises, ils cherchent le moyen de "Prolonger la location ".

Le problème des appartements est crucial, car ceux-ci constituent d'indispensables bases d'action : "Nous n'avons pas d'appartement, par conséquent nous ne pouvons pas agir politiquement".

Comment le Groupe Olivier se tire-t-il de ce problème? Dans la période 1977-1985, il semble avoir la jouissance de t 15 appartements sur la région lyonnaise, de deux appartements (connus) sur Paris, de plusieurs lieux de villégiature ("Louer une villa pour l'été "... "Un chalet pour l'hiver ') et d'un nombre substantiel de garages.

Les appartements proviennent :

* soit de locations effectuées par des militants ou des sympathisants, "Faire une location d'appartement"... "fais d'autres locations ".

Ces locations doivent se faire en sachant : "diversifier les locataires ". Il faut se présenter en jouant : "le scénario du couple, la belle voiture ".

* Soit de prêts par des sympathisants ou des relations :

"Je demande à untel (sympathisant) de me laisser son appartement ". En général, le Groupe Olivier semble avoir disposé de plusieurs appartements et garages sur une période donnée "Ceux (appartements) que nous avions "... "Ce garage là ".

Les appartements sont organisés en bases - vie, et approvisionnés de façon à permettre à un / des militants) de subsister quelques temps, en cas de danger, sans avoir à sortir : Il faut faire "Des achats de nourriture pour louer un appartement à Paris ".

VIII - PROBLÈMES NON RÉSOLUS ET POINTS TROUBLANTS

La lecture des "Documents Olivier"ne permet pas d'atteindre un niveau pleinement satisfaisant de compréhension du fonctionnement de cette Unité : si ces documents nous apprennent beaucoup, ils jettent également des lueurs troublantes sur des éléments de (histoire et des méthodes d'action du groupe.

LE GROUPE OLIVIER COMME ELEMENT D'ACTION DIRECTE

Sur plusieurs années, des phrases elliptiques laissent supposer des difficultés à arriver à l'unité d'action avec d'autres parties prenantes du projet de lutte armée :

(Avant 1980)

"Voyage de X à P. On repousse ses propositions "

(Fin 1982)

"A.P. les autres avaient repoussé ses propositions, et (...) ses amis du Sud ne voulaient plus revenir

(1984-85)

"Bilan des actions, comme à l'habitude refus. On regarde la presse ".

D'après le contexte, les problèmes semblent moins politiques (il y a accord sur la notion de lutte armée, sur "l'analyse de la période", sur la nature même des cibles) que techniques.

A propos des cibles, constatons le nombre important d'objectifs civils et militaires anti-OTAN (36 % environ) proportion curieuse pour un élément de la soi-disant "branche nationale".

On sent, à la lecture de certains textes, une équipe soucieuse de faire la preuve de son efficacité, de son respect des règles de sécurité, de ses références en matière de guérilla urbaine, et qui n'arrive pas à s'imposer, à se faire prendre totalement au sérieux par ses "interlocuteurs"à "P"(Paris).

On comprend d'ailleurs un peu ces mystérieux interlocuteurs parisiens quand on constate que l'élaboration quasi-maniaque de règles de sécurité, la production de check-list exhaustives, vont de pair à certains moments avec des gamineries de type siphonage d'essence dans des voitures en stationnement, larcins divers (nourriture dans des grandes surfaces) pour ne pas parler d'un cambriolage qui se termine par le vol de... boîtes de chocolat.

II semble que le Camarade Olivier ait connu un problème de type mussolinien, chef aux visions grandioses, mais que ses troupes ne suivaient pas toujours...

Le cas décrit ci-dessus n'est pas unique. Un groupe milanais de lutte armée a pu ainsi, en 1977-79, multiplier les actes meurtriers, dans l'espoir de retenir l'attention, puis de se faire intégrer dans la colonne locale des Brigades rouges (la redoutable "Walter Alasia") ; colonne qui leur opposera toujours un mépris hautain ...(Voir "Camarade P. 38", Grasset 1983)

QUESTIONS TECHNIQUES EN SUSPENS

On peut se demander si, à un moment donné, le Groupe Olivier n'a pas effectué (sur quels objectifs ?) des écoutes téléphoniques ou acoustiques sauvages : il est question, dans un texte, de "relever les bandes magnétiques de la vieille". ("la vieille"sert à désigner une base opérationnelle).

NOTES

9 Voir chapitre 2 "Le groupe Olivier, groupe Communiste Combattant".

10 Hold-up qui s'est mal passé, où il y a eu "bavure".

11 Allusion au mot d'ordre de la Gauche prolétarienne "Construire une organisation ouverte aux masses et fermée à la police".

12 Voir le chapitre III, "Profil d'un militant actif du Groupe Olivier".

LE CAS MAX F

J-M. Artola

Docteur en Médecine, Psychiatre

Cette étude psychologique porte sur les documents manuscrits suivants

1 - Un texte de 29 pages sans intitulé,

2 - Un texte de 5 pages intitulé "mes rapports avec les individus",

3 - Un texte de 3 pages que nous appellerons "autocritique".

Le but de cette étude sera

I - Tenter de cerner la personnalité de l'auteur, Max Frérot,

II - Tenter de voir si l'on peut, à l'aide de ces textes : suspecter, affirmer ou rejeter une pathologie psychiatrique propre au personnage de l'auteur, en rapport ou non avec ses engagements politiques,

III - Élargir l'analyse vers d'autres réflexions.

REMARQUES PRÉLIMINAIRES:

Il est tout d'abord difficile d'observer une totale objectivité vis à vis de ces textes. On comprend rapidement le type d'activité de leur auteur, et l'on risque fort d'être influencé dans notre jugement par tout ce que notre imaginaire et nos propres conceptions morales contiennent.

Ensuite, l'étude de quelques pages, sans avoir eu d'entretien direct avec l'auteur, est une entreprise aléatoire.

PERSONNALITÉ DE L'AUTEUR

Remarques sur la forme

L'impression générale qui se dégage de la lecture de ces textes est celle d'un profond ennui. Cette lecture est très vite fastidieuse et serait interrompue au bout de 3 à 4 pages si l'on n'était pas autrement motivé pour la mener jusqu'au bout.

Il semble important de nous interroger sur les raisons de cet ennui car c'est un élément important de la personnalité. Parmi ces raisons, je vois la présentation même du texte.

L'écriture est petite, micrographique, d'une grande régularité, très serrée ; les lignes sont presque rectilignes, pratiquement toujours horizontales, spontanément régulières, l'auteur n'a pas utilisé de lignes prétracées par transparence. La marge est également partout très proche de la verticalité, l'auteur ne fait passer aucune émotion dans sa graphie bien qu'il s'agisse d'une confession. Notons également la grande rareté des ratures.

Malgré la maîtrise de (écriture, nous pensons qu'il s'agit d'un premier jet plutôt que d'une recopie. A part quelques fautes d'orthographe systématiques, il y a des fautes d'inattention qui n'auraient pas passé à la relecture et à la copie.

Pour employer une image, nous dirions que l'auteur écrit comme une machine, ses émotions ne transparaissent pas dans sa graphie : nous pouvons à coup sûr en déduire que contrairement à ce dont il s'accuse, il est capable d'une grande maîtrise de ses émotions, ou qu'il en éprouve peu.

Autre cause d'ennui, toujours dans le registre de la forme, examinons le vocabulaire, la syntaxe, les tournures, le style, la ponctuation.

Là encore, c'est la régularité qui semble le fait saillant; Après avoir lu une page, il n'y a plus de surprises. Le style est simple, toujours circonstancié, les phrases sont peu élaborées, sans inversion. Ce sont les parenthèses, les guillemets, les points d'exclamation ou d'interrogation qui signifient les mouvements de la pensée, jamais les tournures. Là encore, il y a quelque chose de très machinal, les nuances sont absentes, le maigre registre affectif est rendu par des artifices d'écriture.

De ces remarques sur la forme, nous pouvons affirmer, sans grand risque d'erreur, que nous avons affaire à un sujet de caractère obsessionnel. Nous ouvrons là un registre et nous verrons que le contenu ne dément pas cette impression.

Qu'appelle-t-on caractère obsessionnel en psychologie ? Ce sont des sujets méticuleux, ordonnés, propres, précis, ponctuels, soumis, ayant le sens de la hiérarchie, économes, introvertis, ayant tendance à l'introspection, travailleurs, réguliers, honnêtes, sérieux, volontiers sombres, polis, besogneux. L'obsessionnel ritualise son existence par des gestes répétitifs, des habitudes et il a horreur que cela soit changé. Il a la manie de la vérification.

Lorsqu'il s'aggrave (ce qui n'est pas une règle), l'obsessionnel de caractère devient un névrosé obsessionnel qui vit une existence totalement ritualisée, répétitive et régulière, en proie au doute et à l'angoisse. Ceci confine ces sujets dans une vie totalement stérile, uniquement centrée sur l'accomplissement de leurs rites, fermée au monde extérieur, centrée sur leur propre personne, égocentrique au sens littéral du terme. Cela aboutit à l'aboulie, à(apragmatisme, c'est-à-dire à l'incapacité d'entreprendre ou de faire face à une situation nouvelle.

C'est pour cela que j'avais à dessein employé les termes de "écrire comme une machine"et de "style machinal". Pour être irréprochable comme il le désire, l'obsessionnel finit par être ainsi automatique et désincarné, expulsant de sa présentation tout ce qui pourrait être affectif.

Cependant tout obsessionnel (ou névrosé) faillit à cette image parfaite et maîtrisée qu'il voudrait donner de lui-même et il peut alors traverser des périodes qui sont à l'inverse de ce qu'il est habituellement. Il peut passagèrement être sale, intempérent, grossier, irrespectueux, inconséquent, faire du scandale, et ces écarts sont ensuite pour lui l'occasion d'analyses interminables, de culpabilité anxieuse, d'autopunition, pouvant évoluer vers une dépression authentiquement pathologique. Il s'accuse de vétilles, en fait des monstruosités va jusqu'à réclamer une punition, un châtiment, voire la damnation. Sa tendance à l'introspection se donne libre cours en des ruminations des plus pénibles, des plus morbides.

Mais ces périodes d'introspection et d'écarts ont un trait commun avec les périodes d'automatismes et de rituels que j'avais qualifiées d'égocentriques : elles montrent la nature profondément narcissique de ces sujets. Même lorsqu'il se met plus bas que terre, il n'est toujours question que de lui-même ; là encore, il n'y a pas d'ouverture vers la société -même une microsociété- ou vers le monde extérieur.

Ceci devrait nous servir de transition avec la suite de l'étude, en soulevant une curieuse contradiction.

Ce caractère obsessionnel est certainement la base de belles réussites d'études et professionnelles ; ce sont des sujets travailleurs qui devraient fournir le prototype idéal de l'exécutant et du militant de mouvements clandestins pour qui la maîtrise de soi et des conditions extérieures est une nécessité pour la survie. Cependant l'égocentrisme de ces sujets finit par être en contradiction avec l'idéal généreux communiste / communautaire; Et dans les conditions de vie ou de survie de tels sujets, cette contradiction peut devenir insurmontable ; il semblerait que cela soit le cas ici.

Remarques sur le contenu

Il est assez difficile de fixer une chronologie de ces trois textes. Il semble cependant que le texte N° 3 fait référence à des événements tous contenus dans le texte N° 1 et qu'il corresponde à une demande d'autocritique de "X".(André Olivier)

Texte N° 1

P. 10 : "X critiquait mon attitude, ma façon de penser pour me faire évoluer "

P. 14 : "X m'arrache l'autocritique ".

Ces trois textes sont tous des confessions, ils font en gros référence aux mêmes événements ; le sujet en est toujours le même, c'est l'auteur. Ce qui les distingue, c'est le point de vue adopté par l'auteur pour s'observer

N ° 1 : point de vue historique et biographique,

N° 2 : point de vue psychologique. L'auteur tente de s'analyser dans ses rapports aux autres et à l'organisation,

N° 3 : point de vue de X, X pris comme personnage à la fois vivant et fantasmatique, représentant toutes les vertus humaines, révolutionnaires, communistes : c'est l'autocritique.

Chaque page apporte des informations nouvelles, événements ou situations, mais bien répétitives et la lecture de deux d'entre elles suffit à se faire une idée du tout. Le maître - mot est auto-accusation. Il n'y a strictement aucune place pour la valorisation et lorsque l'auteur est obligé de convenir qu'une de ses actions a eu un déroulement et un dénouement positif, il met cela sur le compte de la chance (miracle, gentillesse des adversaires) ou sur celui de X qui a fait la véritable préparation. Il en vient même à se reprocher d'avoir été satisfait de lui par moments.

Rien que dans la première page, j'ai relevé quatorze auto-accusations

1° Il ne réagit pas à son transfert de lycée,

2° il se sauve lorsque la police intervient à la diffusion de -tracts,

3° il se sauve lors de 1"'attentat"chez X,

4° sa rencontre avec Annie est celle d'un individualiste,

S° il privilégie la vie de couple par rapport à la vie communautaire,

6° il privilégie sa vie sentimentale par rapport à la vie politique,

7° il se tait devant une contradiction (finalités des études psychologiques),

8° il se reproche de ne pas faire avancer Annie politiquement,

9° il se reproche de ne pas construire une dynamique militante alors qu'il est dans un groupe,

10° il se reproche de jouer avec une mission politique ("Je me prends pour James Bond "),

11° il s'accuse d'avoir entretenu une correspondance sentimentale,

12° ... de ne pas avoir critiqué son amie sur ses "lettres d'amour à l'eau de rose",

13° il s'accuse d'être devenu idiot en se "lavant le cerveau "pour évacuer son modèle politique,

14° ... d'avoir substitué un modèle bourgeois, fasciste et capitaliste à son modèle révolutionnaire.

... Etc.. cette litanie se poursuivant tout au long des 29 pages.

Si l'on veut se faire une idée un peu plus claire de fauteur à travers ce qu'il dit de lui-même, il faut essayer de sortir de (état de somnolence qu'il induit par ses répétitions, en se demandant ce que veulent dire toutes ces accusations et en essayant de dégager des thèmes, d es idées-forces latentes derrière ce contenu manifeste.

Le contenu du texte vient renforcer les idées proposées dans l'étude de la forme, sur le caractère obsessionnel de son auteur: tendance à l'introspection, recherche de la perfection, culpabilité morale. En gros, il passe son temps à se reprocher de ne pas être assez obsessionnel, ce qui est assez typique de l'obsessionnel.

De toutes ces accusations, nous pouvons dégager trois thèmes qui se recoupent dans la finalité :

Auteur :

- Thèmes moraux,

- Thèmes personnels de faiblesse de caractère,

- Thèmes d'incapacité technique.

(il est un mauvais ouvrier de la Révolution).

Ces thèmes se recoupent, se recouvrent, car leur dénominateur commun est fauteur, et, par une sorte de retournement, on pourrait dire que le narcissisme est le trait principal à retenir. L'auteur se regarde dans sa biographie, à travers les événements où il a participé, à travers les autres, à travers (idéologie. Il n'est préoccupé que de lui-même, plus que par les idées qu'il est censé défendre, et sa capacité à s'accuser a pour symétrique sa capacité à savoir ce qui est parfait, ce vers quoi il faut aller et en ce sens peut-être se sent-il plus fort que d'autres de son groupe.

Par exemple lorsqu'il s'accuse d'avoir saboté une opération de financement, les trois thèmes se regroupent et se recoupent le plus souvent.

- N'a pas fait attention à la sécurité de ses compagnons (individualisme) (lâcheté)

- A voulu sauver sa peau (peur) (faiblesse)

- N'avait pas bien prévu l'opération (mauvais exécutant)

Après avoir tenté de cerner la personnalité de fauteur, essayons maintenant de nous faire une idée sur ses intentions lorsqu'il a écrit ces textes.

En épigraphe du texte N° 1, il écrit :

"Dans un procès capitaliste on ne cherche pas à aider les gens, on les accuse et on les enferme. Dans un procès révolutionnaire, on aide les militants en leur montrant leurs erreurs".

Ceci pourrait faire penser que le texte qui va suivre est une autocritique commandée par sa hiérarchie. Cependant, (ensemble des trois textes permet certainement de ne pas retenir cette hypothèse.

L'auteur n'aurait probablement pas adopté un plan biographique mais plutôt le style du texte N° 3. Compte-rendu de sa personnalité, il aurait organisé cela en thèmes, il se serait certainement moins mis à plat, il aurait argumenté ses erreurs.

Au contraire, le texte N° 1 (comme le N°2) sont une tentative de mise à plat de son existence. Ils sont d'un pessimisme total. Le sujet se sent structurellement et irrémédiablement inapte à la vie de militant clandestin combattant.

N° 2

"J'ai trahi mes camarades, en clair je ne mérite que la mort "

"J'ai écrit ce texte pour (je l'espère) dire qui j'étais ce que je voulais -et en même temps (...) je me suis découvert "

L'auteur dit qu'il a 30 ans, il fait le bilan, il ne se donne qu'un petit espoir : "il faut que j'écoute et obéisse. Peut-être devrais-je faire de petites tâches pour me tester ? Ne pas mentir et dire ce que je penser serait une bonne base ".

Dans le texte N° 3, le ton est légèrement différent : il tient tête à X dans un dialogue imaginaire, il propose un service bien concret dans le post-scriptum. Quant à la critique de ses activités, elle est précise et circonstanciée il y a beaucoup moins de place pour la morale que pour les faits. Certes, fauteur fait référence à lui, mais dans le cadre objectif de ses rapports aux autres, dans les situations traversées. Il se regarde de (extérieur alors que dans les textes N° 1 et N° 2 il s'analyse de l'intérieur.

Cet ensemble d'observations me permet de penser que le texte N° 1 de 29 pages n'est pas une commande, qu'il s'adresse à fauteur lui-même, qui, dans un moment dépressif, tente de savoir qui il est. C'est pour cela que nous nous sentons autorisés à nous en servir pour aller au delà de ce qui y est dit, et tenter de percevoir la dynamique de (engagement du sujet et la problématique qu'elle lui pose.

Si le caractère obsessionnel de notre auteur est prédisposant à l'activité qu'il a choisie, il n'est en rien déterminant dans ces engagements. Disons que c'est ce type de caractère qui peut trouver dans les idéaux rigides et généreux un terrain sur lequel il peut s'épanouir et que c'est ce type de caractère qui peut, lorsqu'il rencontre une personnalité forte, autoritaire et dominatrice, comme doit l'être X, se placer dans un état de dépendance, d'admiration et de soumission. X devient un modèle inaccessible et le lieu d'une relation qui peut devenir perverse.

Dans cette confrontation avec X, fauteur ne peut être que perdant. X est irréprochable, sans faiblesse, sans faille, et c'est probablement là qu'il faut voir la véritable genèse de ces écrits. Au mépris des règles élémentaires de sécurité, notre auteur rédige ces confessions pour trouver une raison ... raisonnable et rationnelle à ses divers manquements.

Sa tendance à l'introspection se donne libre cours pour limiter les moments d'angoisse et de dépression qu'il traverse. Il touche parfois du doigt les raisons de ces angoisses lorsqu'il dit que ses comportements échappent à sa volonté mais le problème est trop brûlant pour qu'il puisse réellement le concevoir.

La première contradiction est que si, primitivement, le caractère obsessionnel vient s'allier avec une personnalité forte (comme l'est probablement X), secondairement, cette alliance devient pesante ; le modèle est inatteignable et devient persécutif dans ses fantasmes.

La deuxième contradiction vient des idéaux dans lesquels s'engage l'obsessionnel. Lui-même déjà très rigide, très critique de lui-même, trouve primitivement de quoi s'épanouir. Mais secondairement, sa culpabilité, son introspection permanente le fait tourner autour de lui de façon très égocentrique, et l'éloigne de plus en plus de l'altruisme et de la fraternité qui devraient régner dans une société idéale.

Ces deux contradictions sont intimement mêlées et il me semble que la séduction opérée par X, dès les premiers temps de leur rencontre, alors que l'auteur était adolescent, recouvre largement l'aspect idéologique des déterminations de ce dernier. X est venu occuper la place d'un père déficient et peut être déjà détesté à cette époque ; cela se retrouve en maints endroits :

N° 1

Page 1

- Sympathie pour X, lectures, actions politiques,

- Il se reproche d'avoir accepté d'être transféré, c'est-à-dire séparé de X,

- Il se reproche d'avoir sauté du balcon de X, de l'avoir abandonné,

- Il se reproche de s'être éloigné de X au profit d'une (autre) relation amoureuse.

C'est là qu'Annie devient un personnage très important, comme un coin que l'auteur essaye inconsciemment mais désespérément et avec insistance d'enfoncer entre lui et X. Cela est évident à chaque page, comme s'il voulait toujours rompre ce lien de fascination qu'il ne maîtrise pas. C'est à travers tout ce qui se passe entre Annie et lui qu'on finit par comprendre ce qui se passe ente lui et X.

L'auteur en veut à Annie de ne pas être parfaite et se reproche de ne rien faire pour la rendre telle. C'est un cercle vicieux car sa perfection l'eut rendue capable de concurrencer X, mais son imperfection l'éloigne de son modèle, donc de X.

- Pas de discussion sur la finalité des études psy,

de rose,

- Il ne critique pas ses lettres d'amour à l'eau

- Ne lui donne pas d'informations sur s. propre action politique,

- (P.2) "Je la conforte dans sa connerie".

Il se reproche de se laisser entraîner dans une vie de couple bourgeois. Mais il dit, sans bien s'en rendre compte, qu'il était nécessaire qu'Annie reste ce qu'elle est, c'est à dire un point de discorde entre lui et X et il faut tout pour aggraver cette discorde en allant la recherche alors que leurs relations étaient terminées. Sentant cela, X a tenté quelques manoeuvres que fauteur a ressenties et très mal prises:

P. 3 : "Bi vient me trouver avec le journal en me disant que quelqu'un ressemblant à X était décédé - mon premier réflexe c'est ouf je vais être tranquille ";

P. 5 : "Quand X draguait Annie, j'étais jaloux";

P. 6 : "X m'envoie chercher sa fille pour l'été (...) c'est moi le héros gui ait récupéré sa fille (...) je fais traîner les retrouvailles ";

P. 7 : Il est assez furieux que X envoie Annie seule dans un appartement avec tout à sa disposition. "Je fais mon malin en essayant d'imiter X dans la façon de parler et d'expliquer"

P. 8 : Annie essaye de sortir avec X

"Par moment elle respectait X plus que moi... elle me prenait pour un con ";

"Grâce à X rien ne s'est passé pour personne";

P. 12 : "X (et mes camarades) ne pensaient qu'à construire un monde juste et égalitaire. "

P. 14 : "X m'arrache l'autocritique "

P. 19 : "Époque des cadeaux, elle offre à X tin chapeau et lin pull ";

(En d'autres circonstances, il se reproche de ne pas lui avoir donné sa chaîne Hi-Fi et sa télé)

Ceci est encore plus flagrant dans le texte N° 2, lorsqu'il est question de X, il énumère ses trahisons

- 1er signe de lâcheté,

- Le coup de l'attentat,

- 1ère trahison,

- 2ème trahison, (armée.

Mais X est indissociable des idées : "Pour parler de X je suis obligé de parler du groupe, car il ne vit que pour son développement ".

Cette série qui est totalement noyée dans la densité et l'ennui du texte, n'apparaît que lorsqu'on veut traquer les endroits où il place son affectivité. Jamais l'auteur ne l'envisage ainsi. En fait, s'il a adhéré à ce groupe (et ces idées), c'est pour X et s'il veut en sortir, c'est à cause de X. Tout le reste est de la littérature et du remplissage pour ne rien y voir, l'engagement politique n'est pas dissociable de la personne de X et l'auteur fait tout pour ne pas s'en rendre compte.

Plus qu'une lente évolution et dégradation des rapports entre X et l'auteur, il est vraisemblable que tout s'est joué dès les premiers mois de leur rencontre. Très vite l'auteur a tenté de se libérer de cette emprise, par des actes qu'il interprète comme des trahisons (un obsessionnel veut tout maîtriser et ne supporte pas l'idée qu'une force inconsciente le pousse à un destin contraire) mais qui sont en fait autant d'actes manqués. Notre auteur n'est certainement pas aussi lâche et peureux qu'il le dit (sinon, il aurait été incapable d'accomplir les autres actions). La fuite par le balcon est probablement le premier mouvement d'une fuite définitive, il dit qu'il ne fait rien pour revoir X lorsqu'on le change de lycée. La rencontre avec Annie vient à point nommé pour creuser l'écart. Mais c'est surtout au service militaire qu'il aurait pu effectuer une véritable rupture. Par deux fois, l'auteur parle d'un "auto lavage de cerveau", expression inquiétante sur le plan mental, mais qui montre qu'il avait saisi, à ce moment-là, la profondeur et l'ampleur de tout ce qu'il fallait jeter pour se débarrasser de X. Il dit qu'il avait mis à la place le modèle fasciste et bourgeois. Je ne pense pas que ce sont simplement des conceptions d'un manichéisme puéril ; c'était le prix à payer pour se désassujétir, mais ce prix était trop élevé pour lui, représentait plus que sa propre vie ; lorsqu'il s'agit de fuir, il n'envisage que la capture, la mort, ou la fuite dans un pays socialiste, jamais un renoncement à ses idées qu'il réaffirme fermement

N° 2 : "je sais que le monde capitaliste mène à l'impasse : l'individualisme total (mon cas) avec tranquillisants, plus de rapports humains...

... "Je. sais que le combat que mène le groupe est juste... etc. "

L'auteur est empêtré dans une situation complexe dont il ne peut sortir et pour laquelle le contexte politique est purement contingent ; la même histoire aurait pu s'écrire autrement en d'autres lieux ou en d'autres temps. Cette situation le plonge dans une profonde déreliction, ce qui donne la tonalité générale du texte.

Voilà ce que l'on pouvait dire à partir de ces 29 pages de la personnalité de l'auteur, compte-rendu des réserves faites au début.

PEUT-ON PARLER D'UNE PSYCHOLOGIE OU D'UNE PSYCHOPATHOLOGIE PROPRE AUX TERRORISTES ?

Si nous nous en tenons à l'étude précédente, portant sur le caractère et la personnalité de l'auteur, nous devrons nous contenter de quelque chose d'assez banal. Même les traits morbides et la problématique psychologique que nous avons cru déceler ne peuvent mériter le qualificatif d'originaux. Rien, en tous les cas dans l'étude psychologique de ces textes, ne peut nous permettre d'évoquer une typologie particulière aux terroristes.

Nous serions peut-être moins affirmatifs (ou négatifs ?) s'il s'agissait d'analyser la personnalité des chefs ; mais là encore, nous émettons des réserves. En effet, un certain nombre d'intellectuels bien en vue et bien installés dans notre société, ont rédigé à certaine époque des écrits révolutionnaires qui sont de véritables appels au meurtre et à l'insurrection. Qui se demandera s'ils ont une pathologie mentale les poussant à rédiger de tels textes ? Personne, car il y a une liberté de pensée et ceux là ne sont passés ni à l'acte, ni à la clandestinité.

Ce ne sont donc pas les idées, mais le passage à l'acte, qui nous posent question. Ce sont des actes que nous condamnons, pas des idées; pourtant les deux, actes et idées, sont intimement liés lorsqu'on est terroriste.

C'est peut-être tout ce qu'il y a de déroutant dans ces actes terroristes, qui fait que nous nous posons ces questions : le terroriste est-il un déséquilibré ? Y a-t-il une pathologie qui pourrait mener au terrorisme ? Nous nous posons ces questions parce que nous ne comprenons pas les terroristes ; pour nous, leurs actes sont illégitimes, disproportionnés à leur but. Nous jugeons leurs actes par rapport à nos idées. Comme nous trouvons leurs raisons mauvaises, nous pensons que ces actes sont irraisonnés, et c'est tout naturellement que nous nous reposons ces questions : y a-t-il une pathologie du terroriste ou du terrorisme ?

Ces actes sont d'abord illégaux. Le meurtre, les coups et blessures, le vol, les déprédations sont poursuivis par la police et sanctionnés par la loi. Le terroriste n'est pas arrêté pour ses idées, mais parce que c'est un criminel; mais ce n'est pas un criminel comme les autres et si nous persistons dans la question que nous nous posons, demandons-nous ce qui différencie le terroriste du criminel qui commet le même type d'actes.

· Chez le criminel ou le délinquant, on peut souvent parler de pathologie ou de sociopathie; c'est ce que l'on classe dans la vaste catégorie des psychopathes. Le délinquant se met en marge de la société parce qu'il est incapable de supporter la moindre contrainte, la moindre frustration. C'est même plutôt la société qui le met en marge. La microsociété qu'il constitue avec d'autres est une société de rejet, c'est plus une association forcée qu'une construction délibérée. Le délinquant est la plupart du temps un être seul et solitaire et s'il est solidaire d'un groupe, c'est provisoirement, c'est pour un intérêt de groupe qui n'est qu'une somme d'intérêts particuliers. Même si les sociétés marginales (milieu, gangs) ont leurs structures, ce sont des structures de contrainte et de survie imposées par la société normale. Tous les délinquants ne le supportent pas, il y règne la méfiance, la violence et la loi du plus fort. Ces sociétés sont grégaires, elles se heurtent les unes aux autres (guerre des gangs) pour des raisons d'intérêt et de domination de territoires.

Les terroristes, même s'ils pactisent avec eux, n'ont que du mépris pour les criminels "de droit commun": tout les oppose, il suffit de voir comment notre auteur parle du "fils".

· Le terroriste est parfaitement capable de vivre en société et il le fait ; s'il se marginalise et passe à la clandestinité, c'est pour des raisons de sécurité; Il refuse la société sur un plan théorique et idéologique : son but est précisément de la changer. C'est un être hypermoral pour qui notre société est un scandale, il veut une société égalitaire, sans exploitation. Pour lui, patrons et banquiers sont des délinquants, les riches des égoïstes. Dans son code personnel, ses actes violents sont des actes justes alors que le délinquant sait très bien qu'il est en faute. De son point de vue, le terroriste fait acte de résistance, et preuve de courage.

Nous voyons donc bien l'indissocialibilité des actes et des idées des terroristes. Ce qui veut dire en clair que si nous cherchons une pathologie dans leurs actes, c'est dans leurs idées que nous devons en trouver (origine. Ces idées sont-elles délirantes ? On serait tenté de refuser de répondre à une telle question. Mais là, pour le coup, la psychiatrie peut donner des éléments de réponse sans s'engager moralement (comme je l'avais dit dans les remarques préliminaires).

Les délirants constructeurs de systèmes et ayant perdu pied avec la réalité commune, ayant perdu le sens critique habituel, ayant suffisamment de froideur pour aller jusqu'au meurtre, ne peuvent se recruter que chez les schizophrènes ou les paranoïaques. On peut affirmer que notre auteur n'est ni l'un ni l'autre. On peut affirmer également que de tels individus (qu'on peut rencontrer chez les psychopathes) seraient incapables de constituer, et de se maintenir dans, une organisation terroriste telle qu'elle apparaît dans ces écrits. La dimension perverse me semble également à exclure pour les mêmes raisons. Tout au plus peut-il exister un paranoïaque ou un pervers dans ces groupes et ils ne pourraient exercer qu'une fonction de chef. Mais je doute que des groupes ainsi manoeuvrés puissent survivre longtemps.

En conclusion, la seule déviance à observer chez un terroriste ne peut se juger que sur le terrain de la morale et des idées ; cela est donc hors du champ de la psychiatrie et même de la psychologie. Quant aux actes terroristes, ils ne partagent pas l'aspect pathologique d'autres actes criminels de même nature.

PEUT-ON FAIRE D'AUTRES RÉFLEXIONS

Revenons plus directement au texte. Nous avons déjà exprimé notre sentiment, à savoir que sur le plan psychologique celui-ci ne pouvait en rien être révélateur d'une pathologie qui établirait un lien de causalité entre l'auteur et les engagements politiques qui l'ont conduit à cette marginalisation et ces actes délinquants.

En revanche, et en l'absence de plus amples informations, il est possible d'émettre certaines hypothèses concernant la personnalité de l'auteur, à savoir que ses écrits sont plus certainement le fruit d'une profonde remise en question psychologique que celui d'une commande d'autocritique par sa hiérarchie.

Enfin, poussant plus loin les spéculations, il nous a semblé que les raisons profondes de cet engagement politique et la solidité des liens qui unissent l'auteur à sa cause, se situent au niveau d'une relation d'emprise et de séduction exercée par la forte personnalité de X sur notre sujet ; relation qui trouva un terrain favorable en la personnalité obsessionnelle, dépendante et idéaliste de ce dernier.

Nous avons parlé par la suite insisté sur cette idée, qui nous est personnelle, qu'il fallait abandonner l'idée d'une pathologie ou d'une typologie du terroriste comme cela a pu être fait en criminologie et en d'autres temps, avec la notion de psychopathie.

Le bilan de ce travail serait donc assez maigre ; mais peut-être ce texte nous renseigne-t-il plus, à ses dépends, sur les comportements de groupe de ces fractions combattantes. Nous voyons que ces groupes sont assez hiérarchisés et surtout morcelés. Il y règne une division et une hiérarchisation du travail. Il n'y a, semble-t-il, jamais de grandes assemblées, surtout des réunions à deux ou à trois, et certains ne se rencontrent jamais. Ceci pourrait sembler hors sujet sur le plan psychologique si ça ne débouchait pas sur une autre observation qui est que, mis à part X, (qui doit être extrêmement motivé, solide, intelligent et doué d'un grand charisme) la plupart des sujets mentionnés semblent assez fragiles, assez peu solidement engagés dans leurs convictions idéologiques.

Certes, ces groupes ne sont ni anarchistes, ni anarchiques, mais au contraire bien organisés. Il semble malgré tout que X a bien du mal à contrôler et à motiver ses troupes. Si les militants sont animés d'un même idéal, les relations interpersonnelles semblent souvent difficiles, voire conflictuelles. Notre auteur parle d'un militant peu sûr, inconséquent même, et parle d'une raclée administrée à celui-ci par X et lui-même. L'engagement d'Annie semble des plus précaires, il fait référence à certains (Manu) comme à des êtres assez frustres (de la campagne) etc..

Bref, aucun de nos sujets, et surtout pas l'auteur, ne semblent être des surhommes, ni sur le plan de l'intelligence, ni sur celui du caractère.

D'autre part, dans ces textes du moins, l'idéologie et la finalité de leurs actions semble des plus puériles. Le style, la syntaxe, le vocabulaire sont d'une grande pauvreté ; les adjectifs et les adverbes sont curieusement absents; l'imagination semble avoir déserté. Les mots capitalistes, fascistes, bourgeois, communistes sont des expressions valises, des fourre-tout sans nuance avec leur connotation manichéenne infantile ; ils vivent dans un monde sans nuance, où il y a les bons et les méchants.

Cependant certains d'entre eux (dont X et notre auteur) ont fait des études supérieures et si l'on en croit la presse, ils réussissent avec une grande maîtrise un certain nombre d'opérations de financement.

Il y a entre ces différentes constatations une apparence de discordance sur laquelle il nous semble utile de méditer.

Pour ma part, et cela n'engage que moi, je pense qu'un engagement politique n'est pas une question d'intelligence mais de circonstances. Qui pourrait se vanter d'avoir opéré un choix totalement délibéré, raisonné et indépendant en cette matière ? Il y rentre beaucoup de facteurs : historiques, biographiques, émotionnels, familiaux, etc. Mais l'homme en général déteste penser qu'il n'est pas maître de tous ses choix. Et de même que dans sa vie amoureuse, un être apparemment intelligent, fin et cultivé peut se comporter d'une façon infantile et irrationnelle, je pense qu'il en est ainsi pour les choix politiques. II ne faut donc peut-être pas juger l'intelligence de nos protagonistes en fonction de la simplicité de leur idéologie. Il est parfaitement possible d'avoir une. intelligence pratique normale, voire au dessus de la moyenne, et à côté de ça avoir dans les domaines de réflexion abstraits, des raisonnements rigides et tout faits.

La réussite des opérations, la capacité à vivre très longtemps dans la clandestinité, laissent à penser que ces sujets ne sont pas aussi simples que leur idéologie, et pas aussi asociaux que leurs actes le montrent. N'étant pas capable d'avancer plus loin dans cette analyse sans sortir de mon rôle, il me semblait nécessaire de faire ces dernières remarques et d'attirer l'attention sur le collectif et sa dynamique plus que sur la psychologie individuelle de ses membres. Tout se passe comme si "l'intelligence"des actions ne se situait pas sur un plan individuel comme chez les délinquants, mais au sein d'une entité que nous, psychiatres, n'avons pas coutume d'appréhender, le groupe.

BIOGRAPHIES : TREIZE "COMMUNISTES COMBATTANTS"FRANÇAIS

Jean-François Gayraud

JEAN ASSELMEYER

Jean Asselmeyer est né le 11 janvier 1944 à Mulhouse. Depuis 1967-68 il évolue entre la France et la R.F.A. En 1967, il milite en R.F.A. aux côtés de Rudy Dutschke dit "Rudy le rouge"au S.D.S., puis au Secours rouge allemand et est proche de la maison d'édition "anti-impérialiste""TriKont"(Tricontinental). En 1973, il fonde un groupe révolutionnaire et dirige lui-même, dit-on, un stage d'entraînement à la guérilla. Il est l'agent de liaison entre les défenseur de Baader et les groupes révolutionnaires de Munich. En 1976 il rentre en France où il crée la revue "combattants anti-impérialiste".

A cette époque, au milieu des années soixante-dix, il est l'un des principaux animateurs du "Comité International pour la défense des prisonniers politiques en Europe Occidentale"(CIDPPEO) créé à Utrecht aux Pays-Bas en décembre 1974 à l'initiative d'un collectif international d'avocats dont Maître Klaus Croissant. Il organise donc en France toute la campagne de soutien et de défense des prisonniers de la R.A.F. et il écrit des articles dans la presse sous divers pseudonymes

- "Une nouvelle forme de torture pour les prisonniers politiques"par Fred Mohr (juin 1974, Le Monde diplomatique). Thème abordé: l'isolement total et la privation sensorielle subis par les prisonniers de la R.A.F.

- "Les mesures prises contre les avocats violent les droits essentiels dans une démocratie"par Fred Mohr (octobre 1975, Le Monde diplomatique).

- également un article en mars 1974 dans la revue Les Temps Modernes sous le pseudonyme de Victor Kleinkrieg (Victor guérilla !).

En 1975, Jean Asselmeyer réalise un film, "De qui dépend que l'oppression demeure", sur la lutte armée en R.F.A., qui passe cette année-là sur T.F.1. Le titre du film qui est emprunté à Berthold Brecht ne permet aucune équivoque

"De qui dépend grec l'oppression demeure.? De nous !

De qui dépend que l'oppression s'arrête ? De nous aussi !".

Le 24/10/77, le magazine allemand "Der Spiegel"accuse J. Asselmeyer d'être le correspondant de la Fraction Armée Rouge en France.

A partir du printemps 1978, il dirige un bulletin de soutien aux divers groupes de guérilla urbaine qui paraîtra irrégulièrement jusqu'en 1980 : "Actualité de la résistance anti-impérialiste". Ce bulletin ne sera en réalité que la première ébauche de la revue "l'Internationale"due J. Asselmeyer lancera également, en 1983. Au sein d'A.D. Jean Asselmeyer se fera évidemment l'apôtre de l'alliance avec la R.A.F.. I1 disparaît de France entre 1980 et 1983, et est interpellé le 10 décembre 1984 par la police : le 13 décembre il est inculpé "d'association de malfaiteurs"pour l'aide matérielle apportée à A.D.. Profession déclarée aux enquêteurs conseiller d'éducation populaire ou conseiller socioculturel ! Du 15 septembre au 23 octobre 1985, il observe une grève de la faim par solidarité avec des détenus de la R.A.F.

Le 12 janvier 1988 il est condamné par le Tribunal correctionnel de Paris à 7 ans de prison pour "association de malfaiteurs".

JOËLLE AUBRON

Joëlle Aubron est née le 26 juin 1959 à Neuilly / Seine. Fille aînée (deux cadettes) d'un cadre supérieur d'une grande entreprise de Travaux publics, son grand-père est officier d'artillerie et administrateur chez Péchiney, un oncle est notaire et une tante épouse d'un directeur de banque. La famille possède un château de 26 pièces et 20 ha de terres dans l'Eure. Ses. études au lycée Honoré de Balzac sont sans histoires même si le BEPC lui pose des problèmes. Suivent deux échecs au baccalauréat.

A 18 ans elle quitte sa famille et travaille dactylo, enquêtrice de marketing, vendeuse, planteuse de sapins en Aveyron. Elle s'inscrit à l'Université de Vincennes pour suivre des études de théâtre et de cinéma. A cette époque, elle pose nue pour un ami : photos qui seront publiées plus tard par le magazine "ParisMatch"en avril 1982. Elle participe à des squats dans le 20ème et dans le 18ème arrondissement; en particulier à celui d'Action Directe rue de la Charbonnière.

En mai 1978, elle est arrêté par la police au quartier Latin et inculpée de dégradation de véhicules. Peu après elle est expulsée d'un squatt du 13ème arrondissement où elle a rencontré deux futurs membres d'A.D. : Meier Azeroual et Pascal Magron. Dans ce squat de la rue Lahire la perquisition révèle qu'elle possède des papiers d'identité maquillés et un chéquier volé. En 1979, elle habite rue de la Gaité avec un certain Jean-Pierre militant de la mouvance autonome. 1980 est l'année où la présence de J. Aubron dans le giron d'A.D. se précise : en mai, elle conduit une voiture équipée de fausses plaques d'immatriculation au cours d'un rendez-vous entre Rouillan et un militant d'A.D. au square des Epinettes à Paris. En septembre de la même année, on la remarque à nouveau place de la Nation en compagnie de Rouillan et Ménigon. En 1981, elle manifeste devant le palais de Justice de Paris avec J-M Rouillan pour obtenir la libération des membres d'A.D.. Elle est interpellée le 25 mars 1982 à 2H30 du matin dans un bar du 6ème arrondissement, "la Paillotte"46 rue Monsieur-Le-Prince, en compagnie de R. Schleicher et P. Magron suite à une rixe. Elle est relâchée.

Mais un carnet d'adresse que J. Aubron a perdu au cours des événements fournit imprudemment une adresse : le 20 bis rue du Borrégo (Paris 20°) où elle loue un studio et un box de parking. Le 8 avril 1982 le box 0022 est ouvert par la police qui y découvre : 2 fusils à pompe, 5 pistolets-mitrailleurs Sten et Beretta, 2 revolvers de calibre 38 et .357, 7 pistolets automatiques de calibre 7, 65 et 9 mm, une grenade offensive, une motocyclette, un gilet pare-balles, un lot de cartes grises, des cartes d'identité, et des centaines d'exemplaires de la brochure d'A.D. "Pour un projet communiste mars 1982". Une des armes, un pistolet mitrailleur Sten, a été utilisé lors du mitraillage du bureau d'achat israélien à Paris revendiqué par les FARL; la police découvre également dans le box un tract des FARL revendiquant l'assassinat de Yacov Barsimantov, 2ème secrétaire de l'ambassade d'Israël à Paris. Une "planque"permet l'arrestation de Mohand Hamami et J. Aubron. Elle est inculpée de recel et d'infraction à la législation sur les armes.

J. Aubron sera également inculpée pour un hold-up commis le 15 avril 1981 Place des Ternes, au cours duquel des témoins ont cru la reconnaître. Faute de preuve, elle bénéficiera d'un non lieu au cours de l'instruction.

Lors du procès qui s'ouvre le 28 octobre 1982 ils déclarent ignorer tout du contenu du box et J. Aubron couvre Mohand Hamami en affirmant qu'il venait à cette adresse pour la première fois. II est relaxé. Conformément aux réquisitions du substitut Laurent Davenas 1. Aubron est condamnée le 18 novembre 1982 à 4 ans de prison dont 2 avec sursis sous les yeux des membres d'A.D. présents dans la salle dont R. Schleicher. En appel les 4 ans seront confirmés mais le sursis modifié : 18 mois.

En prison à Fleury-Mérogis, elle épouse en 1983 R. Schleicher ce qui lui permet d'obtenir une réduction de peine automatique. En juin de la même année, elle passe son "bac philo". Elle sort de prison le 24 janvier 1984 et remplace Helyette Bess, la gérante de la librairie "le Jargon libre"à Paris qui vient d'être arrêtée le 15 mars en compagnie de R. Schleicher dans le Vaucluse. J. Aubron est à nouveau interpellée : le 9 juin 1984 au Bazar de l'Hôtel-de-Ville pour un vol de chemisettes. Au mois de juillet, elle travaille en Corse dans un restaurant près de Bonifacio, "la Calanque".

A cette époque, elle participe activement à la rédaction de "L'Internationale", aux comités de soutien aux militants emprisonnés et rencontre les responsables du "collectif de libération Frédéric Oriach"

En 1985, elle plonge dans la clandestinité. Le 23 août ses empreintes sont retrouvées par les gendarmes belges dans une planque, 73 rue des Cottages à Uccle, banlieue de Bruxelles. L'appartement contenait un véritable arsenal : 2 fusils d'assaut, un pistolet-mitrailleur Sten, 3 pistolets automatiques, des faux papiers vierges, de l'argent et une importante documentation sur A.D.. Cette année-là J. Aubron et N. Ménigon sont soupçonnées d'avoir commis des hold-ups en Belgique.

Le 17 novembre 1985 le PDG. de Renault Georges Besse est assassiné : ses assassins présumés en sont N. Ménigon et J. Aubron.

Elle est arrêtée à Vitry-aux-Loges le 21 février 1987. Le 2 décembre 1987 elle débute une grève de la faim qui s'achève le 25 mars 1988.

Elle est condamnée le 12 février 1988 à 10 ans de prison pour "association de malfaiteurs"par le Tribunal correctionnel de Paris; condamnation confirmée par la Cour d'Appel de Paris le 4 juillet 1988. Elle est également impliquée dans l'assassinat du Général Audran, dans les tentatives contre Henry Blandin et Guy Brana et dans l'attentat contre Interpol en 1986.

ÉMILE BALLANDRAS

Né le 21 avril 1949 à Crest dans la Drôme. Militant de la Gauche Prolétarienne, cet élève brillant quitte l'école d'ingénieurs des Arts et Métiers de Cluny six mois avant l'obtention du diplôme de sortie : "j'ai fait fausse route sur l'utilité sociale de la qualité d'ingénieur. J'aurais dû jouer le jeu du capitalisme, j'ai préféré enter à (usine."Partager la condition prolétarienne pour ne pas se rendre complice du système. Membre du "Collectif d'études matérialistes"(1973-75) il y rencontre André Olivier et Max Frérot.

En 1971, il entre donc chez Alsthom comme O.S. qu'il quitte en 1981 pour plonger dans la clandestinité.

Le 10 octobre 1984, il commet un hold-up avec prise d'otages dans une agence de la Société lyonnaise. Le 28 janvier 1986 la Cour d'Assises de Lyon le condamne à 12 ans de prison. Si au cours de son procès, il nie son appartenance à A.D. il n'en répond pas moins à la question "profession ?": "révolutionnaire".

Les archives d'André Olivier révéleront que Ballandras appartenait au groupe terroriste; il est inculpé d'"association de malfaiteurs"en mai 1986.

HELYETTE BESS

Helyette Bess est née le 16 décembre 1930 à Paris dans le 19ème arrondissement. Elle a été la gérante de la libraire anarchiste "le Jargon libre"6 rue de la Reine Blanche (Paris 13°).

Le 11 août 1979 H. Bess est arrêtée alors qu'elle tente de payer un commerçant avec un chèque volé. Après le versement d'une importante caution, elle est mise en liberté provisoire le 14 novembre. Elle crée à (automne 1981 "Défense active"une association de défense des prisonniers politiques pour "les oubliés de la loi d'amnistie"qui regroupe officiellement "les militants, ex-militants et sympathisants d'Action Directe".

Le 13 août 1982, elle est arrêtée et inculpée de détention de faux documents administratifs (trois cartes d'identité italiennes falsifiées). Mise en liberté provisoire le 4 novembre, elle est condamnée le 24 juin 1983 à 500 francs d'amende par le Tribunal correctionnel de Paris. Le 21 septembre 1983 elle est interpellée à Lyon. La police découvre sur elle 10 300 dollars américains. Elle affirme que cet argent lui a été remis par Eric Waucquier, un militant d'Action Directe, dans l'appartement familial duquel les enquêteurs découvrent douze cartes d'identité volées à la mairie du 14ème arrondissement à Paris le 5 août 1980. Ils sont inculpés de détention irrégulière de titres, infraction à la réglementation sur les changes et recel qualifié. H. Bess est libérée le 7 octobre 1983. A cette époque, une perquisition au "Jargon libre"permet de découvrir une carte orange et une attestation d'assurance au nom de Schleicher. C'est H. Bess qui loue l'appartement du 16 rue Édouard-Vaillant à Levallois-Perret où Vincenzo Spano est arrêté le 2 février 1984 ; Rouillan, Ménigon et Schleicher parvenant à s'enfuir. Le 15 mars de la même année, H.

Bess est arrêtée en compagnie de Schleicher au Pontet dans le Vaucluse dans la villa d'une militante anarchiste, Primavera Marti Verdu, native d'Avignon.

H. Bess est inculpée "d'association de malfaiteurs, faux et usage de faux documents administratifs, recel de vol et de faux documents administratifs". Elle est écrouée à Fleury-Mérogis. A partir du 15 septembre 1984 elle entâme une grève de la faim. Placée sous perfusion elle cesse sa grève le 23 octobre. Nouvelle grève de la faim du 21 janvier au 2 février 1985. Le 21 octobre 1985 H. Bess est condamnée à un mois de prison avec sursis par la l lème chambre correctionnelle de Paris pour "détention irrégulière de devises étrangères". Le 12 février 1988, elle est condamnée à 8 ans de prison pour "association de malfaiteurs"; le Tribunal retient à sa décharge son désaveu des attentats exprimés en privé ce qui lui permet de ne pas être condamnée au maximum de la peine comme ses camarades.

MICHEL CAMILLIERI

Michel Camillieri est né le 26 juillet 1952 à Nègrepelisse dans le Tarn et Garonne. Serrurier de profession, Camillieri milite d'abord au sein des GARI où son nom de guerre est "Rata Piñada". Il est arrêté en janvier 1974 alors qu'il s'apprêtait à commettre des attentats contre la compagnie aérienne espagnole Ibéria ; le mois suivant il est remis en liberté provisoire.

Le 14 septembre 1974, il est interpellé à Caraman, Haute-Garonne, en raison des attentats des GARI. Il est remis en liberté provisoire le 27 mai 1977. Lors de son arrestations, il était en possession d'une carte nationale d'identité falsifiée au nom de Bernard Guilherme. Il reconnaît avoir participé le 6 septembre 1974 à un vol à main armée à la banque BREC de Toulouse; Au début du mois de mars 1978, il est interpellé à Toulouse en compagnie de Rouillais, Mario Inès-Torrès et Jean-Claude Torrès pour une série d'attentats commis dans la nuit du 4 au 5 signés "coordination autonome contre le travail". Il est relâché et s'enfuit, semble-t-il, en Espagne. Le 23 mars 1978, il est à nouveau interpellé à Paris au domicile de Jean-Marc Casset, rue Bellefond en compagnie de Rouillais, M. Inès-Torrès, J.C. Torres, C. Jaureguy, S. Maire et R. Cocozza. Malgré la découverte d'armes et du plan d'une recette de perception, il est remis en liberté après sa garde à vue. Tous sont cependant inculpés de détention d'armes et le 12 décembre 1980 le groupe comparaît devant la 10ème chambre correctionnelle de Paris : ils sont relaxés sauf Camillieri, en fuite, qui est condamné à 6 mois de prison par défaut. Le 17 mars 1981 il donne une interview au Quotidien de Paris. Il répond entre autre à la question "il y a des gens prêts à tuer en France ?": "il n'y a pas de spécialistes. Mais des gens sont prêts, si ça se durcit". Quand s'ouvre le procès des GARI devant la Cour d'Assises de Paris, le 19 mars 1981, pour répondre de cinq vols à main armée commis en 1974, Camillieri est toujours en fuite : ses camarades, Rouillais, P. Roger, J.M. Martinez, V. Manrique et N. Entremont, sont acquittés le 27 mars.

Le 1er août 1982, Camillieri annonce dans un communiqué à la presse qu'il quitte Action Directe avec Charles Grosmangin et Pascal Magron. Le 17 septembre 1982 il est interpellé avec Grosmangin 171 avenue du Maine. Dans un box les enquêteurs découvrent : 150 bâtons de dynamite, 11 détonateurs électriques, 17 détonateurs pyrotechniques, plusieurs mètres de mèche lente en rouleaux. Dans une autre cache : un impressionnant stock d'armes et de matériel divers, et au domicile de Grosmangin le texte original de la revendication par A.D. de l'attentat contre le F.M.I. du 5 juin 1982, la machine à écrire ayant servi à le taper, ainsi due d'autres textes d'A.D.. Tout deux sont inculpés de détention d'armes, détention et transport d'explosifs, recel de vol, faux et usage de faux documents administratifs. En octobre 1982 M. Camillieri et Grosmangin font publier un communiqué affirmant qu'ils n'appartiennent pas à A.D. ni à aucune organisation terroriste. Le 15 juin 1983 la 10ème chambre du Tribunal correctionnel de Paris les condamne à 5 ans de prison dont 18 mois avec sursis.

MAXIME FRÉROT

Maxime Frérot est né à Dôle le 13 juillet 1956. Il est le fils d'un industriel du Jura. Au lycée son professeur de lettres s'appelle André Olivier. Frérot est fasciné. Olivier le persuade de faire une préparation militaire parachutiste en 1976 puis son service militaire également dans les parachutistes, au RPIMA de Bayonne.

Le groupe Olivier forme là, aux frais de l'"Etat fasciste", un futur combattant révolutionnaire. Son livret militaire est élogieux : "sportif, discipliné, et s'intéressant aux techniques de saut, explosif, escalade et combat". Il participe aux stages commando de Collioure et Mont-Louis. A la sortie du service, Max Frérot retrouve son travail dans une entreprise d'électro-ménager. Par la suite il changera fréquemment d'emploi. A cette époque il vit avec Josette Augay, rue Jacquard, à Lyon. Il participe le 1er mai 1979 au mitraillage du CNPF à Paris. En janvier 1980 il entre comme stagiaire au journal "la Chronique sociale". I1 est du hold-up de Caluire, le 29 octobre 1980, au cours duquel un convoyeur de fonds est abattu. Butin : 90 000 francs.

Le 21 juin 1981, hold-up au Crédit lyonnais place Victor-Basch : 400 000 francs de butin.

Le 3 novembre 1981 au cours du hold-up à la Société lyonnaise de banque un brigadier de police est tué.

Le 27 mars 1984 hold-up à la B.N.P. de la place Victor-Hugo à Lyon : Max Frérot tue à bout portant le général de gendarmerie Guy Delfosse qui tentait de s'interposer.

Le 28 mars 1986 Olivier est arrêté. Le 29 c'est au tour de son amie Joëlle Crépet. Et comme Émile Ballandras s'est fait prendre en 1984, Max Frérot devient alors un homme seul. Dans une planque d'Olivier la police découvre une longue confession de Max Frérot : un texte manuscrit d'une quarantaine de pages révélant un médiocre; inculte, très immature, complexé et mal dans sa peau pour qui Olivier est le gourou, la référence constante. II se raconte longuement avec un narcissisme certain. Il y décrit la médiocrité de sa vie de terroriste, au sein d'une secte en constant besoin d'argent, ses hésitations permanentes à entrer définitivement dans le groupe et dépeint avec masochisme toutes ses propres faiblesses, toutes ses erreurs.

Seul puisque le groupe lyonnais est décimé et que J.M. Rouillan le méprise ouvertement et lu déclare indigne d'user de la signature "Action Directe", Max Frérot va vivre en homme taux abois.

J. Crépet révèle aux policiers que Max Frérot a entreposé 11 kilos de Tolite dans le faux plafond des toilettes du 52ème étage de la Tour Montparnasse en vue d'un attentat. Le 18 mars 1986 la police découvre les explosifs.

Le 9 juillet 1986 une bombe explose dans les locaux de la Brigade de répression du banditisme, guai de Gesvres, à Paris. L'inspecteur divisionnaire Marcel Basdevant est tué. Le 11 l'attentat est revendiqué par le "commando Loïc Lefèvre"du nom d'un jeune homme tué naguère par un C.R.S.. Un de ses anciens complices, Gilbert Vecchi, avoue aux enquêteurs que Max Frérot est l'auteur de l'attentat. En avril 1986 Frérot avait contacté Vecchi : il connaît les locaux de la B.R.B. pour y avoir travaillé trois ans auparavant. Ce dernier lui a fourni les plans des lieux.

Deux autres attentats sont encore attribués à Max Frérot mais aucune certitude n'existe; seul le choix des cibles et le modus operandi permettant de les lui attribuer : le 15 décembre 1986 contre la voiture d'A. Peyrefitte à Provins ( un concours de circonstances permet à l'ex-garde des Sceaux d'échapper à la mort : son chauffeur est tué) ; le 5 janvier 1987, tentative d'assassinat contre le juge Bruguière. L'engin explosif est découvert à temps par un gardien de la paix. Ces deux actions sont désavouées par Action Directe.

Le 24 novembre 1987 il tire sur des vigiles d'un parking parisien. Trois jours plus tard, le 27 novembre, il est arrêté par hasard dans le parking d'un hôtel lyonnais, l'hôtel Mercure, par cieux gardiens de la paix après avoir fait usage de ses armes contre les policiers.

FRÉDÉRIQUE GERMAIN

Frédérique Germain est née en août 1956 à Avallon dans les Vosges. Docteur en droit du travail, celle qui sera surnommée "blond blond"est recrutée en mars 1982 par Claude Halfen lors d'une manifestation pacifiste. La soirée se poursuit boulevard Voltaire (Paris 11) au domicile de F. Germain. Ils seront amants pendant environ un an. C'est ainsi qu'elle entre dans le giron d'A.D. plus par sentimentalisme et naïveté que par conviction politique. C'est dans son appartement que les membres d'A.D. trouvent refuge pendant 15 jours après la tuerie du 31 mai 1983 avenue Trudaine à Paris.

F. Germain est interpellée le 26 juin 1984. Elle reconnaît avoir participé au hold-up de la bijouterie Aldebert le 30 juillet 1983 boulevard de la Madeleine. Et elle parle beaucoup aux enquêteurs du groupe A.D. en livrant des noms et des faits : la participation de Rouillan, Schleicher, Spano et des frères Halfen au hold-up de la bijouterie Aldebert, le nom des meurtriers des deux policiers avenue Trudaine, etc...

F. Germain est alors qualifié à tort de "première repentie du terrorisme français"; un repenti doit avoir été auparavant un militant convaincu ce que F. Germain, malgré ses sympathies révolutionnaires, ne fut jamais totalement. Le hasard la fit entrer dans le groupe et la peur seule l'y maintint. Elle est inculpée "d'association de malfaiteurs"mais remise en liberté en juin 1986. Le 11 juin 1987 F. Germain témoigne à charge au procès des tueurs de l'avenue Trudaine contre Schleicher et les frères Halfen. Le 26 février 1988 F. Germain est condamnée par la Cour d'assises spéciale de Paris à 5 ans de prison avec sursis pour le hold-up de la bijouterie Aldebert en 1983. Elle bénéficie le 12 février 1988, au cours d'un procès devant le Tribunal correctionnel de Paris où elle comparaît pour "association de malfaiteurs", d'une dispense de peine pour "ses aveux complets"et "sa condamnation de l'aventure".

CHARLOTTE GRANIER

Charlotte Granier est née Dunnebier en 1940 à Chemnitz en Allemagne. Elle est la fille de l'ancien Procureur Général de Brême (RFA). C. Granier est docteur en droit et agrégée d'allemand.

Elle enseigne d'abord au lycée Mermoz, à Montpellier. Puis après sa prestation de serment et son inscription au barreau de Montpellier le 1er janvier 1985, elle exerce comme avocat stagiaire dans un important cabinet de la ville.

Elle est une amie d'enfance de Güdrun Ensslin, la compagne d'Andréas Baader; elle connaît également Hildegarde Haag l'épouse de Siegfried Haag avocat de la R.A.F. avant d'en devenir l'un des dirigeants. C. Gravier est en liaison avec la R.A.F. au moment de (assassinat du Procureur Buback en avril 1977. Elle fait partie du "Comité international de défense des prisonniers politiques en Europe Occidentale"(CIDPPEO). Parmi ses amis, Jean Asselmeyer qu'elle connut grâce à G. Ensslin.

C. Gravier est devenue française en épousant Philippe Gravier, musicologue, spécialiste des langues orientales et attaché au C.N.R.S.

En mai 1985 la police découvre par hasard une planque d'A.D. au 30 boulevard Raimbaldi à Nice. Le propriétaire reconnaît sur photos ses locataires : R. Schleicher et Gloria Argano et a conservé l'adresse et le nom de (intermédiaire : C. Gravier. Elle est interpellée à Montpellier en compagnie d'une étudiante de philosophie de 21 ans, sa cousine par alliance.

C. Gravier reconnaît qu'elle a été mise en contact avec R. Schleicher par de Jean Asselmeyer. La police trouve dans son mas des coupures de presse relatant la mort de R. Audran. Le 3 juin le juge Bruguière les inculpe "d'association de malfaiteurs"pour l'aide matérielle apportée à R. Schleicher et G. Argano.

Le 18 octobre 1985 C. Gravier est remise en liberté sous contrôle judiciaire.

NATHALIE MENIGON

Nathalie Ménigon est née le 28 février 1957 à Enghien-Les-Bains. Elle passe sa jeunesse à Paris du côté de la porte de St-Ouen dans un milieu très modeste, et va à (école chez les soeurs. Précoce, elle chante en pleine classe "l'Internationale"à 14 ans. Renvoyée de chez les Ursulines, elle ira ainsi de collège en collège pour aboutir finalement dans une école technique. En 1975 elle entre à la B.N.P. de St-Denis (ce détail expliquera peut être la prédilection d'Action directe pour les agences de la B.N.P. pour leurs hold-up). Appréciée professionnellement de sa hiérarchie et de la clientèle, elle n'en milite pas moins activement au sein du mouvement autonome et plus précisément du groupe "camarade". Elle est exclue de la C.F.D.T. pour gauchisme. Elle expliquera ainsi cet épisode en 1981 : "on a été mis à la porte de la C.F.D.T. parce qu'on voulait gérer notre but nous mêmes par des actions plus radicales et créer un collectif autonome dont le principal moyen d'action était de saboter les ordinateurs. Je me suis alors posé le problème de l'illégalisme dans une stratégie de lutte armée, je me suis intégrée à un mouvement autonome."Elle quitte la banque et le 13 juillet 1978 elle est arrêtée en compagnie de J.M. Rouillas, Ernesto Martinez Loscos, Gérard Derbesse et Hélène Camallonga à Toulouse lors d'une opération préventive de police contre les NAPAP et les GARI. Rouillas et elle-même sont laissés en liberté faute de preuves.

En 1979, elle participe à la création d'Action Directe qui a lieu selon ses déclarations, rue Titon à Paris (en présence de J.M. Rouillas, Carlos Jaureguy et Mireille Munoz).

Le 27 mars 1980 une perquisition dans l'appartement qu'occupe N. Ménigon avec J.M. Rouillas, qui est son compagnon, au 234 rue des Pyrénées (Paris 20°) permet la découverte des documents administratifs du véhicule utilisé lors du mitraillage du Ministère de la Coopération ( 1980); les papiers de la voiture utilisée lors du mitraillage du Ministère du Travail (1980), une cinquantaine de cartes d'identité italiennes vierges, des cartes d'identité françaises et des passeports volés et falsifiés ainsi que des munitions.

N. Ménigon fait l'objet d'un mandat d'arrêt lancé par le juge d'instruction de la Cour de Sûreté de l'Etat pour "destruction volontaire par explosifs d'édifices, tentatives de meurtres, participation à une association de malfaiteurs".

Elle est arrêtée le 13 septembre 1980 en compagnie de J.M. Rouillas rue Pergolèse (Paris 16°) par des policiers des renseignements généraux, sur lesquels elle tire à seize reprises. Sur elle, un colt.45, 2 chargeurs et 2 passeports falsifiés provenant du vol à main armé commis à la mairie du 14ème arrondissement le 5 août 1980. Elle reconnaît son appartenance à Action Directe et revendique 11 attentats commis à Paris entre le 1er mai 1979 et le 28 mars 1980. Inculpée de tentative d'homicide, d'attentats par explosifs et association de malfaiteurs, elle est emprisonnée à la prison de Fleury-Mérogis puis de Fresnes. Elle est libérée le 17 septembre 1981 pour raisons médicales suite à une grève de la faim de 20 jours (grâce médicale) ; la décision est prise par je juge d'instruction à la demande du Parquet. Le 19 janvier 1982 la police investit les 10, 12 et 14 rue de la Charbonnière (Paris 18°), des squatts occupés par des Turcs et des membres d'Action Directe qui avaient étalé sur une des façades une banderole au nom de (organisation : N. Ménigon est interpellée avec J.M. Rouillas. Ils sont remis en liberté après audition. Le 26 mai de la même année, N. Ménigon est gravement blessée lors d'un accident de voiture sur l'autoroute Paris-Bruxelles aux environs de Compiègne en compagnie de P. Carette, chef des C.C.C. belges : N. Ménigon en conservera un léger boitement. Dans leur voiture, tout un matériel de propagande. Le 11 décembre, elle pénètre dans les locaux de la police judiciaire, 36 Quai des Orfèvres, pour y récupérer J.M. Rouillas, interrogé par la brigade criminelle ; elle en est expulsée manu militari.

Lors de la tuerie de l'avenue Trudaine le 31 mai 1983, N. Ménigon se trouve à deux pas en compagnie de Rouillas dans un appartement du 4 rue Manuel.

Le 2 février 1984 elle-même, Rouillas et Schleicher échappent aux policiers venus les interpeller au 16 rue EdouardVaillant à Levallois-Perret. Le 13 mars suivant, la même équipe prend en otage un inspecteur de police belge alors qu'ils venaient rendre une Toyota dans une agence de location de Bruxelles et lui dérobent son arme de service.

le 23 août 1984 N. Ménigon prévient par téléphone les policiers du commissariat du 16° de la présence d'une voiture piégée avenue du Président Wilson devant le siège de (Union de l'Europe Occidentale (UEO) ; 23 kilos d'explosifs sont retrouvés à l'intérieur du véhicule.

N. Ménigon est soupçonnée d'avoir participé en compagnie de J. Aubron à de nombreux vols à main armés en Belgique au cours de l'année 1985.

Le 23 août 1985, rue des Cottages à Uccle, les gendarmes belges relèvent ses empreintes dans une "planque'; avec celles de Rouillan, Aubron, Carette et Chantal Paternostre.

A partir de 1985 N. Ménigon se retire avec Rouillan à Vitry-aux-Loges où elle se fait appeler "Nadine". Elle y mène, selon ses dires, une vie "presque douce".

Avec J. Aubron, elle assassine très certainement, G. Besse, boulevard Edgar Quinet à Paris.

Le 14 novembre 1985, trois jours avant le meurtre du P-D.G. de la régie Renault, N. Ménigon est condamnée par la Cour d'assises de Paris à la réclusion criminelle à perpétuité (contumace) pour sa tentative d'assassiner les policiers venus l'interpeller rue Pergolèse en 1980. En l'absence d'accusé, la Cour ne peut prononcer qu'un acquittement ou le maximum de la peine. A l'époque l'information passe totalement inaperçue. L'audience sans avocats ni jurés dure 20 minutes.

Arrêtée le 21 février 1987 à Vitry-aux-Loges, elle est condamnée le 12 février suivant à 10 ans de prison pour "association de malfaiteurs"par le Tribunal correctionnel de Paris; condamnation confirmée par la Cour d'Appel le 4 juillet 1988.

Le 17 février 1988 elle est condamnée à 12 ans de prison par la Cour d'assises spéciale de Paris pour sa tentative d'assassinat de la rue Pergolèse.

Puis le 19 février 1988 elle est acquittée par la Cour d'assises spéciale de Paris pour la tentative de meurtre commise, en 1982, contre Alain Carpentier dans un squatt parisien. Ce dernier refuse de reconnaître N. Ménigon.

Enfin le 25 mars 1988 N. Ménigon cesse une grève de la faim commencée quatre mois plus tôt le 2 décembre 1987. C'est durant cette grève de la faim qu'elle tente, en février, de se suicider en s'ouvrant les veines dans sa cellule de Fleury-Mérogis.

N. Ménigon est également impliquée dans quatre autres affaires : l'assassinat de l'Ingénieur-Général Audran (inculpée le 30 mars 1987); les tentatives d'assassinat contre Henry Blandin (inculpée le 27 mai 1987) et Guy Brana (inculpée le 10 juin 1987); de complicité de tentative d'homicide volontaire et de déterioration de biens pour l'attentat contre Interpol en 1986.

ANDRÉ OLIVIER

André Olivier est né le 16 mars 1943 à Sainte-Colombe, petite ville de la région stéphanoise. Son adolescence est sans histoires. Après le bac, il s'inscrit en faculté de lettres. En 1968 il rencontre Évelyne qu'il épouse l'année suivante. A l'époque il milite au sein de la Gauche prolétarienne -NRP. Admis au Capes de lettres en 1971 il entre au lycée technique des industries métallurgiques du boulevard des Tchécoslovaques. Il y reste deux ans comme professeur de lettres. Ses méthodes d'enseignement ne font pas l'unanimité : plus de livres ni de programmes, absence de hiérarchie avec les élèves. Pendant les vacances il organise des "vacances populaires de la Drôme"pour les familles ouvrières et immigrées. En novembre 1972 certains de ses élèves rédigent un communiqué dénonçant l'attitude "de (administration à la solde du patron"qui "s'attaque avec hystérie à un prof, démocrate". Un mois plus tord un inspecteur d'académie, qui fait irruption dans la classe d'A. Olivier, est soumis à un véritable procès : "Qui êtes-vous ? Etes-vous au service des patrons ? nous avons le droit de vous demander des comptes."Pourchassé par les élèves, l'inspecteur se réfugie dans le bureau du proviseur. En décembre A. Olivier est suspendu avec traitement pendant cinq ans : il peut militer en toute quiétude au frais du contribuable. Après un passage au "Groupe d'action et de résistance à la militarisation"on le voit surtout au "Collectif d'études matérialistes"(CEM) animé par un professeur de sociologie de Lyon II. A cette époque, l'homme est tellement invivable qu'il est rejeté par les milieux maos et autonomes; il y est décrit comme autoritaire et dur.

DOCOM
DOCUMENTATION COMMUNISTE
Parce qu'il est nécessaire, plus que jamais, de créer une structure de contre-information sur les-groupes .qui, depuis plus de dix années se sont organisés au coeur des métropoles impérialistes ou à la périphérie, pour lutter pour le communisme. Les armes à la main et non seulement poing nu dressé, comme seul symbole d'impuissance, face à ceux qui prétendent avoir le monopole des armes, les Etats au service des bourgeoisies, leurs armées de mercenaires au service des multinationales, organisations du capitalisme à son stade impérialiste, celui du pillage systématique des richesses et du travail des hommes à l'échelon planétaire. Parce qu'il est nécessaire, face au mur da silence, aux calomnies, aux provocations, de dire que ces groupes luttent pour le communisme et non par goût de la terreur, comme essaient de le faire croire à grand renfort de médias ceux qui se perpétuent par les occupations, les guerres, les assassinats légaux, le maintien de la majorité de l'Humanité dans un état de dépendance, de famine et avec une espérance de vie de moins de 40 ans en moyenne. Lutter pour le communisme, c'est lutter pour une société sans classe, sans Etat. Lutter pour le communisme, c'est lutter contre toutes les usurpations, pour une redécouverte de l'internationalisme prolétarien, contre le chauvinisme des métropoles, contre l'euro-centrisme.
DOCOM a choisi son camp en étant aux côtés de ces combattants révolutionnaires et en étant donc un instrument d'agitation révolutionnaire, de propagande communiste. de contre-information prolétaire, d'information anti-impérialiste; par la diffusion des écrits (systématiquement cachés et censurés par les médias bourgeois) des révolutionnaires menant la lutte armée pour le communisme: Brigades Rouges, RAF, Action Directe, Guerilleros Fedayin du Peuple Iranien, etc. Car connaitre la réalité de ces organisations communistes combattantes au travers de leurs textes, malgré les mensonges de la presse, sans exception, est la base de l'élaboration d'une stratégie révolutionnaire globale.
Les documents que proposent DOCOM , sont des documents de combat, non des analyses de salon, ils sont le reflet de l'engagement de militants dans la spécificité de leur réalité sociale, mais ayant en commun la volonté de reconstruire l'internationalisme prolétarien afin de lutter plus efficacement contre l'impérialisme au moment où celui-ci se prépare une nouvelle fois à la guerre. Seule la lutte armée des prolétaires pour le communisme peut écraser l'impérialisme et éviter la guerre par l'offensive révolutionnaire. La tendance générale est la Révolution, c'est ce que nous apprennent déjà ces textes. II s'agit d'informer pour combattre ensemble et vaincre.
Mais le rôle de cette contribution théorique et politique dé DOCOM ne peut se réaliser pleinement que dans le débat critique: DOCOM sera diffusé par un réseau de correspondants locaux et régionaux aux quel nous appelons les militants révolutionnaires à participer. A eux de trouver les moyens les plus efficaces pour faire parvenir au plus grand nombre les documents communistes en fonction des particularités locales. DOCOM ne sera un instrument efficace pour le savoir prolétaire, la science révolutionnaire, la constitution d'organisations communistes, la relance de l'internationalisme prolétarien, que si chaque lecteur devient diffuseur et s'engage activement à contribuer au débat pour une stratégie révolutionnaire par ses propositions, textes, etc...
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Brochures déjà disponibles
"Les 20 thèses finales"- Collectif des Prisonniers des Brigades Rouges
"Pour un projet communiste"- Action Directe "Sur l'impérialisme américain"- Action Directe

En 1975 il participe aux "comités d'action des prisonniers"(C.A.P.). Un beau matin, deux anciens du C.A.P. débarquent chez lui armés d'une mitraillette et tirent une rafale dans l'appartement. Pourquoi ? Mystère. Seules ses filles et sa femme sont présentes.

En 1976 A. Olivier habite dans le 14°. Interpellé le 24 novembre 1976, il est inculpé avec d'autres membres du CEM., dont E. Ballandras, et placé sous mandat de dépôt par le magistrat instructeur de la Cour de sûreté de l'État pour "recueil, reproduction et divulgation sans intention de trahison et d'espionnage, de renseignements devant être tenus secrets dans l'intérêt de la Défense Nationale". En effet en 1976 un officier du Sème régiment de dragons de Morhange découvre dans le paquetage du soldat Cixous un plan de la caserne et du parc des chars. Il déclare travailler sur ordre de A. Olivier. Une perquisition faite chez A. Olivier à Paris révélera une volumineuse documentation sur l'armée, des faux papiers et des armes; car à cette époque il dirige une petite organisation anti-militariste se réunissant souvent a Issy-Les-Moulineaux. En avril 1977, si trois des inculpés qui s'étaient d'ailleurs réclamés du C.E.M. bénéficient d'un non lieu, A. Olivier, lui, est renvoyé devant un Tribunal correctionnel qui le condamnera à quelques mois de prison pour détention d'armes et de faux papiers. A la prison de la Santé il rencontre J.M.Rouillan.

La même année il signe en compagnie de Mario Inès-Torrès, Michel Camillieri et J.M. Rouillan, un "appel à tous les détenus contre la répression du pouvoir et des juridictions d'exception". Il semble qu'il ait contribué à la fin des années 70 au rapprochement des NAPAP et des GARI.

En 1979, il est l'un des fondateurs d'Action Directe. "Raymond La science", tel qu'il aime être appelé par référence à l'artificier de la Bande à Bonnot, participe à l'acte fondateur d'A.D., le mitraillage du C.N.P.F. le 1er mai 1979.

Il dirige par la suite un groupe communiste combattant lyonnais, reprenant le sigle A.D., après avoir utilisé le nom "Affiche Rouge", lequel commet nombre de hold-up et d'attentats.

Il est arrêté le 28 mars 1986 à Lyon en compagnie de Bernard Blanc alors qu'il venait d'aller chercher sa fille Anne, 16 ans, dans un sous-sol d'immeuble du Sème arrondissement, ce qu'il faisait depuis quatre ans. Lors de la poursuite en voiture, seule la présence d'Anne empêche son père de tirer sur les fonctionnaires de police. On retrouve sur Olivier un Colt .45, un Smith & Wesson, calibre .38, un pistolet-mitrailleur Uzi, des munitions à têtes creuses, des chargeurs, et sur Blanc deux Smith & Wesson; enfin de faux papiers, de fausses clefs et ciel déguisements. Leur R.9 avait été volée en 1983 à Lyon. Le lendemain, un "informateur anonyme"dévoile à la police une planque d'Olivier, résidence "Les Pinèdes", à St Étienne. Joëlle Crepet, entendant les policiers venir, tente de brûler des documents. Le petit appartement est un véritable entrepôt de matériel pour braquages (cagoules, perruques, armes à feu, etc ...) et attentats (systèmes de mise à feu artisanaux, etc... ). Mais surtout 150 kilos d'archives révélant un Olivier maniaque de la mise en fiche de la France politique, économique, médiatique, militaire et policière. Sans oublier un texte manuscrit d'Olivier racontant la naissance militaire d'A.D. : le mitraillage du C.N.P.F. le 1er mai 1979. Ces archives permettent d'imputer au groupe Olivier entre 1981 et 1986 21 vols à mains armés (12 réussites, 9 échecs) et 12 attentats politiques.

Olivier est alors inculpé de transport et détention d'armes, faux et usage de faux, association de malfaiteurs, détention d'explosifs, complicités de vols à mains armés, tentative d'homicide volontaire, violences et dégradations de biens. Son procès viendra dans les premiers mois de 1989.

FRÉDÉRIC ORIACH

Frédéric Oriach est né le 31 juillet 1953 à Valence en Espagne. A 14 ans il milite au sein de l'Union des Jeunesses Communistes Marxistes-léninistes (UJCML) et des Comités Vietnam. Cet adolescent précoce est interpellé alors qu'il trace des inscriptions Maoïstes sur les murs du lycée La Fontaine. En octobre 1970 il participe à des manifestations au moment du procès Geismar. Il milite au sein de la Gauche Prolétarienne jusqu'à sa dissolution, et aux Comités Palestine. A 19 ans il est travailleur hospitalier, puis employé aux usines Renault de Boulogne Billancourt où il se fait l'apôtre de la lutte armée devant des militants C.G.T. médusés. En 1973 il fait sans doute partie des Brigades Internationales, puis à partir de 19761977 des Noyaux armés prolétariens pour l'autonomie Populaire (NAPAP).

Rue Bobinot, à Paris, le 13 mai 1977, F. Oriach est interpellé à 1 heure du matin par une patrouille de police, en compagnie de Michel Lapeyre et Jean-Paul Gérard. Ils étaient en train de détruire des parcmètres. Le Colt.45 de Lapeyre a servi. lors d'une tentative d'assassinat contre Humayoun Keyhavour, attaché culturel iranien à Paris (le 2 novembre 1976, revendication des Brigades Internationales) et pour l'assassinat de J. A. Tramoni (le 24 mars 1977, attribué aux NAPAP). Le pistolet 7,65 de 1.P. Gérard est celui. qui a servi pour la tentative d'assassinat du capitaine Garcia Plata Valle attaché militaire espagnol à Paris (le 8 octobre 1975, revendiqué par les Brigades Internationales) et pour (assassinat de Joachim Zentano Amaya ambassadeur de Bolivie à Paris (le 11 mai 1976, revendiqué par les Brigades Internationales). Oriach portait un revolver.357 Magnum. Dans leur voiture on découvre : un pistolet mitrailleur Thomson et deux chargeurs, un fusil de chasse automatique, un fusil à canon scié. Et au domicile de F. Oriach : un revolver de type "Colt Fronder"calibre 36 et 62 balles, une lunette de visée, des boîtes de cartouches, quatre couteaux à cran d'arrêt, deux fléaux japonais, trois émetteurs récepteurs portables, un carnet avec des plans d'agression, trois masques à gaz et huit autres armes blanches ! Oriach reconnaît son appartenance aux NAPAP dans une lettre envoyée à Libération (08/ 01/1977).

En 1977, il fait une grève de la faim de 33 jours. Le 23 mars 1978 il est condamné pour détention et transport d'armes à 7 ans de prison dont 2 avec sursis ; en appel le 30 juin la condamnation est allégée : 5 ans dont 1 avec sursis. Il est incarcéré à file de Ré. "Un collectif de libération Frédéric Oriach"(CLFO) est créé. Oriach, qui est un hyperactif, inonde la presse de proclamations, multiplie les grèves de la faim et organise une révolte de détenus ce qui lui vaut son transfert dans un Q.H.S. à Evreux puis à Fresnes. Dans un article pour le journal Libération (10/01/1979) il évoque un attentat contre les usines Renault de Flins (nuit du 26-27 mars 197?) en ces termes : "faction directe donne la possibilité de changer certaines réalités en s'y attaquant de front". Il est libéré le 29 avril 1980.

Le 10 juillet 1980, F. Oriach, Lapeyre et Gérard à peine sortis de prison commettent un attentat par explosifs contre les locaux parisiens de la Société des Chemins de fer allemands, 24 rue Condorcet (Paris 9), pour protester contre l'extradition vers la R.F.A. de cinq militantes de la R.A.F. arrêtées à Paris. Ils sont interpellés deux jours plus tard, le 12 juillet. Dans leur voiture on découvre des revolvers et un fusil de chasse. Inculpé d'attentats par explosifs et de détention d'armes, le récidiviste Oriach bénéficie de la loi d'amnistie du 4 août 1981; il sort de la Santé le 14 septembre 1981 grâce aux "porcs auxquels les élections ont permis de récupérer la belle couleur rose qui leur est naturelle ... ".

II milite activement en faveur des prisonniers politiques, appelle à la lutte armée dans la revue Rebelles, qu'il distribue le 13 mars 1982 avec Lapeyre devant la prison de la Santé.

Le 12 octobre 1982 F. Oriach, en partance pour Bruxelles, est interpellé Gare du Nord au moment où il retire deux sacs d'une consigne automatique. Ceux-ci contiennent : un répertoire d'objectifs sous la forme de 40 fiches Bristol sur des établissements israéliens à Paris, attentats dont certains ont déjà été commis (Banque Leumi, Société Ganco ; Discount Bank, Société Nemor) ; également un texte manuscrit dressant un bilan autocritique d'actions terroristes commises récemment contre le "sionisme": contre le journal Minute (20 août, revendiqué par A.D.), contre le véhicule de l'attaché commercial des Etats-Unis avenue de la Bourdonnais dans le 7ème arrondissement qui tuera deux artificiers (21 août, revendiqué par les FARL), contre un véhicule de l'ambassade d'Israël rue Cardinet dans le 17ème arrondissement près du lycée Carnot qui fera 43 blessés (17 septembre, revendiqué par les F.A.R.L.). Dans ce texte, Oriach utilise constamment le "nous".

Le 23 juin 1983 Oriach est condamné à 6 ans de prison, et en appel le 16 novembre à 5 ans, le tout pour "association de malfaiteurs". Avant son arrestation il était hébergé chez Christian Gauzens, militant autonome chez qui la police découvre des cartes d'identité provenant de l'attaque de la mairie du 14ème arrondissement de Paris en août 1980. Si Oriach nie toujours sa participation aux attentats, il n'en réaffirmera pas moins de manière constante sa solidarité avec les auteurs de ces actions. En revanche le 6 septembre 1984 il bénéficiera de quatre ordonnances de non lieu de la part du juge d'instruction pour les autres chefs d'inculpation dont il faisait toujours l'objet : attentat à la paix intérieure, complicité d'homicide et attentat par explosifs. Le C.L.F.O. reprend du service et le 22 septembre 1983 un commando saccage le musée de la Légion d'honneur pour obtenir la libération de F. Oriach "injustement détenu". Du 25 septembre jusqu'à la fin octobre il mène une grève de la faim. Les pétitions se multiplient pour obtenir sa libération. En 1985, dans le bulletin Ligne Rouge, "proche"des Cellules communistes combattantes belges, Oriach écrit: "Non, tous les êtres humains ne sont pas frères. Un homme ne vaut pas un homme. Un mort n'a pas le même poids qu'un autre mort. Il est juste de répondre à la terreur blanche par la terreur rouge". Nouvelle grève de la faim en avril 1985. Oriach est libéré le 11 avril 1986. Peu après il donne une interview à Radio - Mouvance où il prône la lutte armée contre l'impérialisme et le sionisme. Interviewé le 12 juin sur Europe 1 il traite le Général Audran, assassiné par A.D., de "trafiquant d'armes"; le Ministre de la Défense porte plainte pour injures:

En juin 1986 il se rend en Syrie. Oriach est en effet un admirateur des F.A.R.L. et de G. Ibrahim Abdallah. A Damas, il rencontre des amies de son Collectif de Libération, Catherine Frénot et Mireille Bostyn ainsi que Bruno Bréguet et Magdalena Kopp. Le séjour dure trois semaines. Le 25 septembre 1986 il est interpellé au Jardin du Luxembourg alors qu'il s'apprêtait à donner une conférence de presse. Mis hors de cause pour les attentats sanglants du mois, il est libéré mais inculpé d'obtention indue de documents administratifs (un passeport obtenu avec une fausse déclaration de domicile) et d'apologie de crimes et meurtres (pour ses propos à Europe 1). Oriach donne une interview au magazine "Le Nouvel Observateur"(3-9 octobre 1986) où il réaffirme sa non-appartenance à A.D. (eux sont libertaires et lui Marxiste-Léniniste selon son analyse) et son anti-sionisme viscéral. Oriach est interpellé le 23 novembre 1987 en Ille et Vilaine près de Rennes au domicile de sa mère. La police découvre une centaine de fiches signalétiques concernant des policiers, des magistrats et des hauts fonctionnaires du Ministère de l'Intérieur ayant des responsabilités dans la lutte anti-terroriste, ainsi qu'un plan détaillé du Palais de Justice. II est inculpé le 27 novembre "d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler l'ordre public par l'intimidation ou la terreur". I1 est condamné le 16 décembre 1987 par la 17ème Chambre correctionnelle de Paris à 6 mois de prison pour "complicité d'apologie du crime de meurtre"suite à ses déclarations sur Europe 1.

JEAN-MARC ROUILLAN

Jean-Marc Rouillan, fils d'un un inspecteur de la jeunesse et des sports de sensibilité socialiste, est né le 30 août 1952 à Auch dans le Gers. A 16 ans il est renvoyé du lycée Ozenne en raison de son militantisme. A 18 ans, devenu toulousain, "Sebas"rejoint le Mouvement ibérique de libération (M.I.L.) pour prendre la direction de son secteur propagande situé en France.

Le 25 mars 1971 il est arrêté à Prades dans les Pyrénées Orientales à bord d'un véhicule contenant des armes et des brochures de propagande du MIL. Son complice est condamné à un an de prison ; lui-même s'en tire avec un non-lieu.

Le 9 septembre 1971 la Gendarmerie perquisitionne dans une ferme à Bessières, HauteGaronne, louée au nom de Rouillais. On y découvre une imprimerie clandestine et un stock d'armes volées dans les dépôts militaires espagnols. Il s'enfuit alors en Espagne et rejoint le MIL de Barcelone. Il est à cette époque photographié mitraillette sur l'épaule, une liasse de billets dans la ceinture.

Durant (hiver 1972 Puig Antich le fondateur du MIL recherché par la police espagnole est hébergé pendant deux mois au domicile de Rouillais, rue d'Arcachon à Toulouse.

Le 23 septembre 1973 Rouillais et Salvador Puig Antich participent au hold-up de la banque nationale de Barcelone : Puig Antich tue un policier avant d'être arrêté; Rouillais parvient à s'enfuir. Suite à l'exécution au garrot de Puig Antich le 8 janvier 1974, Rouillais fonde les "Groupes d'action révolutionnaire internationalistes"(GARD. C'est ainsi que Rouillais participe entre autre aux attentats de mai 1974 en Belgique.

Le 5 décembre 1974, Rouillais est interpellé Place du Colonel Fabien, à Paris, sous la fausse identité de Dominique Moran, en compagnie de Raymond Delgado et José Floréal Cuadrado futurs membres d'A.D. Dans fa voiture sont retrouvés des bâtons de dynamite, des tracts des GARI et des pistolets. Condamnés, il sont relâchés le 25 mai 1977 après une grève de la faim (libération conditionnelle).

Au début du mois de mars 1978 Rouillais est interpellé à Toulouse pour une série d'attentats ayant eu lieu dans la nuit du 4 au S signés "coordination autonome contre le travail". I1 est relâché.

Le 23 mars 1978 il est interpellé rue Bellefond (Paris 14°) en compagnie de Michel Camillieri, Mario Inès-Torrès, JeanClaude Torrès, Carlos Jaureguy, Stéphane Maire, Ricardo Cocozza, Jean-Marc Casset dans l'appartement de ce dernier où sont retrouvés des armes, le plan d'une recette de perception parisienne et des notes sur la confection d'engins incendiaires. Rouillais est remis en liberté après sa garde à vue sur instruction du Parquet, mais demeure inculpé pour détention d'armes.

Le 13 juillet 1978 la police découvre dans l'appartement toulousain de Rouillais trois armes et un gilet pare-balles. Celui-ci est alors arrêté en compagnie de N. Ménigon. Ils sont peu après remis en liberté.

Le 13 décembre 1978 Rouillais vole avec Eric Moreau au musée de St Germain en Laye le tableau de Jérôme Bosch "(escamoteur"; action revendiquée par les "Brigades autonomes". Eric Moreau est arrêté le 2 février 1979 rue Scribe à Paris en possession du tableau alors qu'il se trouvait dans une voiture, louée au nom de N. Ménigon, en compagnie de Rouillais qui parvient à s'enfuir.

Le 27 mars 1980, lors d'un coup de filet contre A.D., la police découvre, au 234 rue des Pyrénées (Paris 20°). des armes et des papiers falsifiés. C'est l'appartement de Rouillais et Ménigon. En avril le magistrat instructeur de la Cour de sûreté de l'Etat lance un mandat d'arrêt pour "destruction volontaire par explosifs d'édifices, tentatives de meurtres, participation à une association de malfaiteurs".

Le 13 septembre 1980 Rouillais est interpellé rue Pergolèse (Paris 16°) en compagnie de N. Ménigon, qui tire sur les policiers. Dans leur planque, les enquêteurs trouvent des faux papiers et des armes dont un Colt .45 utilisé lors d'un vol à main armée au Crédit Lyonnais de l'avenue Bosquet le 28 août 1980. Déféré devant la Cour de Sûreté de l'Etat le 19 septembre Rouillais est inculpé et écroué.

Le 12 décembre 1980 la 10ème chambre correctionnelle de Paris relaxe Rouillais pour l'affaire du 23 mars 1978 (détention d'armes). Le 12 février 1981 il est interviewé par "Libération". Le 19 mars il comparaît détenu devant la Cour d'assises de Paris avec quatre autres militants des GARI pour cinq vols à main armé commis en 1974 : il est acquitté le 27 mars. La loi d'amnistie du 4 août 1981 permet sa libération le 7 du même mois. Le 29 septembre, interviewé par France-Inter, Rouillais déclare : "Pendant deux ans, nous avons lancé un processus de lutte armée en France. Pendant la période des élections, nous n'avons pas voulu jouer le rôle de provocateurs. Mais notre action a continué, nos structures se sont maintenues. Aujourd'hui elles se maintiennent encore."; et plus loin encore : "Les médias utilisent l'aspect spectaculaire des hold-up. Mais en fait, pour nous, les hold-up, c'est un fonctionnement. Ce qui nous intéresse, à nous, c'est l'action politique. Pour nous c'est une action comme une autre.

- C'est du financement ?

- C'est du financement.

- D'ailleurs, vous appelez ça de la réappropriation ...

- Oui, c'est de la réappropriation...

- Est-ce que cela coûte cher la clandestinité?

- Oui. On le fait parce qu'on en a besoin. Pour fonctionner, pour acheter des appartements, des voitures, des armes, des papiers nécessaires à la clandestinité. Certains clandestins vivent de l'argent récupéré dans les banques parce qu'ils ne peuvent pas travailler. C'est une sorte de salaire."

Le 7 décembre de la même année Rouillan est interpellé dans un squatt, 3 Villa Poissonnière (Paris 18°) en compagnie d'Éric Waucquier, Jean Van Niewhuyze et Lahouari Benchellal. Au commissariat de la rue Doudeauville Rouillan demande à téléphoner à un assistant du député de l'arrondissement qui se déplace pour s'entretenir avec lui. Comme il est de tradition dans ce type d'affaires Rouillan et ses camarades sont libérés l'après-midi même. Le 19 janvier 1982 la police procède à des interpellations dans les squatts des 10, 12 et 14 rue de la Charbonnière (Paris 18) où A.D. avait déployé son sigle sur l'une des façades. Rouillan est interpellé en compagnie de Ménigon et Waucquier.

Le 13 mars Gabriel Chahine, l'informateur des renseignements généraux ayant permis en 1980 l'arrestation de Rouillan et Ménigon, est assassiné chez lui, à Paris. Auteur Présumé :Rouillan.

Le 10 août 1.982 Rouillan est arrêté avec huit autres membres d'A.D. suite aux attentats "anti-sionistes"des mois précédents. Relâché le 12 août, il signe le 17 du même mois un article dans "Libération"où lequel il revendique trois de ces attentats tout en niant sa participation à l'attentat - massacre de la rue des Rosiers. Devant de tels aveux le juge Bruguière lance un mandat d'arrêt contre lui. Rouillan est à nouveau interviewé le 15 octobre par "Le Matin".

Lorsque survient la tuerie de l'avenue Trudaine à Paris le 31 mai 1983, Rouillan et Ménigon attendent à 200 mètres de là dans un appartement 4 rue Manuel. Le 30 juillet Rouillan participe au vol à main armée de la bijouterie Aldebert boulevard de la Madeleine. Le 23 août la gendarmerie belge retrouve rue des Cottages à Uccle les empreintes de Rouillan, Ménigon, Aubron, Cipriani, Carrette et Paternostre dans un appartement loué par cette dernière. Le 2 février 1984 Rouillan échappe à la police à Levallois-Perret; mais Vincenzo Spano est arrêté au 16 rue Edouard Vaillant. Le 13 mars Rouillan, Ménigon et Schleicher s'échappent à nouveau en prenant en otage un inspecteur de la police belge alors qu'ils rendaient une voiture louée. En juillet, nouveau mandat d'arrêt contre Rouillan qui est capturé le 21 février suivant à Vitry-aux-Loges.

Le 26 juin 1987, cinq tampons de l'administration pénitentiaire sont trouvés dans sa cellule de Fresnes . Le 2 décembre il entâme une grève de la faim, avec plusieurs de ses camarades emprisonnés, qui s'achève le 25 mars 1988.

Pendant ce temps, le Tribunal correctionnel de Paris le condamne le 12 février 1988 à 10 ans de prison pour "association de malfaiteurs"(maximum de la peine); condamnation confirmée par la Cour d'Appel de Paris le 4 juillet 1988.

Enfin, le 26 février dernier, la Cour d'Assises (le Paris le condamne à 13 ans de prison pour le vol à main armée de la bijouterie Aldebert en 1983. Il est par ailleurs inculpé dans les affaires Audran, Brana, Blandin et Interpol.

RÉGIS SCHLEICHER

Régis Schleicher est né le 31 mai 1957 à Paris dans une famille bourgeoise de Chaville où il reçoit une éducation catholique. Son père est secrétaire national de la C.F.D.T. et sa mère dirige une institution pour enfants handicapés. Son adolescence est un peu mouvementée loubard et voleur de voitures. En 1974 il tente de se suicider aux barbituriques. En 1977, il milite au sein des N.A.P.A.P.

Dès 1979 il fait partie d'A.D. Le 23 mars 1979 il est interpellé après la manifestation des sidérurgistes lorrains àParis, suite à des déprédations commises par les "autonomes"dans le quartier de la gare St-Lazare. A son domicile la police trouve un permis de conduire au nom de Michel Huon avec sa photo, des documents au nom de Ménigon, de la dynamite, des documents administratifs falsifiés, une liste de noms et d'adresses de personnalités de l'armée, de la magistrature et de la fonction publique, un fusil à pompe facturé au nom d'Eric Moreau. Le 22 du même mois il a loué une voiture sous le nom de Michel Huon qui sert à commettre le jour même un hold-up contre la Trésorerie générale de Villeurbanne (commando de 4 hommes ; butin : 70 000 francs). I1 est inculpé de "détention d'explosifs, faux documents et infraction à la législation sur les armes"et pour le hold-up de Villeurbanne.

Le 25 octobre 1979 il est condamné à 30 mois de prison dont 12 avec sursis et à 5 ans de mise à l'épreuve par le Tribunal correctionnel de Paris.

Le 15 février 1980 R. Schleicher signe un article dans "Libération"où il écrit entre autre que "l'action directe a toujours été la forme de lutte des authentiques révolutionnaires". A cette époque, il rédige un petit manuel qu'il fait éditer par H. Bess et qui devient un best-seller de la guérilla: "Comment échapper aux filatures". Il a en effet la réputation d'être difficile à suivre. Cette année-là il semble que R. Schleicher s'emploie tout particulièrement à renforcer les liens d'A.D. avec les italiens de Prima Linea; contacts confirmés par de nombreux indices.

En 1981, il se fait le porte-parole d'A. D. à la télévision dans une émission consacrée au terrorisme. Il est filmé de dos.

Le 5 janvier 1982, Schleicher se querelle avec un certain Alain Carpentier qui refusait d'endoctriner des squatters turcs du 20ème arrondissement de Paris. Il lui tire de sang-froid une balle dans la tête. Le jeune homme ne meurt pas et, par peur, ne porte pas plainte . Mais à partir du 13 juillet 1983 R. Schleicher est recherché pour tentative d'assassinat.

Le 25 mars 1982 à 2 heures 30 du matin les policiers du 6ème arrondissement de Paris interpellent au bar "La Paillote"rue Monsieur Le - Prince J. Aubron et P. Magron pour une rixe : Schleicher tente de profiter de la confusion générale pour dérober la caisse. Il est gardé à vue et écroué pendant deux mois.

Le 10 août 1982 il est interpellé en compagnie de huit autres membres d'A.D. dont Rouillan et ce suite aux attentats anti-sionistes des mois précédents. Gardé à vue il est remis en liberté le 12 août avec Rouillan. Le 24 août R. Schleicher remet aux policiers de la brigade criminelle une lettre de Rouillan dans laquelle celui-ci se déclare prêt à rencontrer le Juge Bruguière qui vient de lancer un mandat d'arrêt contre lui.

En février 1983 R. Schleicher est présent dans la salle lors du procès de J. Aubron à Paris ; ils se marient en prison à Fleury Mérogis la même année.

Le 31 mai 1983, R. Schleicher est l'assassin d'un des deux policiers tués avenue Trudaine (Paris 9).

Le 30 juillet 1983, R. Schleicher participe en compagnie de Rouillan, F. Germain et d'italiens de Prima Linéa au holdup de la bijouterie Aldebert boulevard de la Madeleine.

Le 14 octobre 1983 il participe au hold-up de la Société Générale avenue de Villiers à Paris (17ème arrondissement) au cours duquel Cino Rizzato est tué ; R. Schleicher est reconnu sur le film de la caméra de surveillance.

Le 27 décembre de la même année R. Schleicher loue à Nice une Audi 100 sous le pseudonyme de Michel Aumon : le lendemain le véhicule est vu par des témoins lors d'un vol à main armée commis à Nice par trois hommes et une femme contre une agence de la Banque Sudaméris.

Le 2 février 1984 il échappe à un coup de filet de la police à Levallois-Perret 16 rue Edouard Vaillant et il permet à J.M. Rouillan et N. Ménigon qui se trouvaient au domicile de Vincenzo Spano de prendre, la fuite. Au domicile de Spano à Levallois-Perret la police découvre parmi des armes et des explosifs une carte d'identité et un permis de conduire établis au nom de Michel Aury avec la photographie de R. Schleicher.

Le 13 mars 1984 à Bruxelles alors que Rouillais, Ménigon et Schleicher venaient restituer une voiture de location, ce dernier permet à nouveau à ses chefs de prendre la fuite et d'échapper à la souricière de la police en prenant en otage un jeune inspecteur belge. R. Schleicher avait loué la voiture sous le nom de Jacques Queriaux avec une carte d'identité belge falsifiée.

Le 15 mars, soit deux jours après, il est arrêté dans le Vaucluse au Pontet en compagnie d'Helyette Bess. On trouve sur Schleicher un pistolet et une grenade. Le juge Bruguière l'inculpe de "vols à main armée, recels de vols, infraction à la législation sur les armes, association de malfaiteurs et tentatives d'homicide volontaire."

Le 3 août 1984 R. Schleicher revendique depuis sa cellule l'attentat à l'explosif commis la veille contre (Agence spatiale européenne. 11 achève sa lettre par l'habituel "guerre de classe contre guerre impérialiste"et signe "Unité combattante Cino Rizzato-Action Directe"..

A partir du 15 septembre R. Schleicher commence une double grève de l'instruction et de la faim avec Vincenzo Spano, Helyette Bess et les frères Halfen car le juge Bruguière leur refuse les droits de visite, de recevoir du courrier et le regroupement. Il est transféré à l'hôpital. R. Schleicher cesse sa grève le 23 octobre. Il fera une autre grève de la faim du 21 janvier au début du mois de février 1985. Commencent ensuite des révoltes et des saccages dans les prisons françaises : le mouvement part de Fleury-Mérogis où se trouve R. Schleicher qui fera (objet d'une information judiciaire pour "destruction et dégradation d'objets mobiliers et immobiliers, incendie volontaire et vol de médicaments."R. Schleicher est transféré à la prison de Lorient en mai 1985. En mai 1985 le hasard permet à la police de découvrir une planque d'A.D. à Nice au 30 boulevard Raimbaldi contenant des armes. Des clefs découvertes dans l'appartement de Levallois-Perret coïncident avec les serrures de la cave et de (appartement niçois. Le propriétaire reconnaît sur photos R. Schleicher et Gloria Argano comme ses locataires.

En janvier 1986 le juge Bruguière notifie à R. Schleicher une inculpation de "participation à un hold-up à Rome en mars 1983 contre une bijouterie située 19 via Val Di Lanzo, avec le concours d'autres personnes"suite à une commission rogatoire internationale du juge romain Priore.

Le 3 décembre 1986 s'ouvre à Paris le procès de R. Schleicher et des frères Halfen pour la tuerie de l'avenue Trudaine. Dès le début de l'audience R. Schleicher menace les juges et les jurés en leur promettant les "rigueurs de la justice prolétarienne"et refuse par la suite de comparaître. La défection de cinq jurés entraîne le renvoi du procès. Cet incident conduit le gouvernement à faire voter par le Parlement le 30 décembre 1986 un texte permettant d'appliquer la loi du 9 septembre 1986 à des actes antérieurs à sa promulgation : ainsi 7 juges professionnels condamnent le 23 juin 1987 R. Schleicher à la réclusion criminelle à perpétuité, Nicolas Halfen à 10 ans et Claude Halfen est acquitté. Le 2 décembre 1987 R. Schleicher entame une grève de la faim qui s'achèvera le 25 mars 1988.

Le 12 février 1988 il est condamné à 10 ans de prison par le Tribunal correctionnel de Paris pour "association de malfaiteurs"; condamnation confirmée par la Cour d'Appel de Paris le 4 juillet 1988.

Le 19 février il est acquitté par la Cour d'Assises spéciale de Paris pour la tentative d'assassinat contre A. Carpentier en 1982 : celui-ci refuse de reconnaître R. Schleicher comme son agresseur.

Enfin le 26 février il est condamné par la Cour d'assises spéciale de Paris à la réclusion criminelle à perpétuité pour deux hold-up : la bijouterie Aldebert et la succursale de la Société Générale avenue de Villiers en 1983.

Grâce à ces brèves biographies, on aura pu voir que les membres d'Action Directe, et tout particulièrement J.M. Rouillais, ont flirté pendant une quinzaine d'année avec l'appareil judiciaire (Police-Justice) et politique (Gouvernement / Parlement) sans frais ou presque. Ils ont joué au chat et à la souris avec un système honni, appris à le connaître, à en étudier les failles, les réactions et les mécanismes. Un tel système, perdant de son mystère et de son opacité ne peut alors devenir que plus vulnérable pour qui décide de le combattre.

ATTENTATS ET PRINCIPAUX VOLS A MAIN ARMEE (VMA) D'ACTION DIRECTE ET GROUPES DE GUERILLA ANALOGUES.

 

DATE CIBLES LIEU MOYENS ET DÉGÂTS REVENDICATION 01/05/79 Siège du CNPF Paris 16° Mitraillage "Coordination d'Action Révolutionnaire"; en réalité Action Directe" 19/07/79 Trésorerie principale Cachan (Val de Marne) VMA Attribué à AD. 28/08/79 Perception Condé sur Escaut (Nord) VMA "Coproduction"Communistes combattants italiens / AD. 15/09/79 Ministère du travail (rue d'Estrée) Paris 7° Attentat par explosifs AD 15/09/79 Ministère du travail (av. Duquesne) Paris 7° Attentat par explosifs AD 16/09/79 SONACOTRA, bureaux de la rue Cambronne Paris 15° Attentat par explosifs AD 16/09/79 Ministère du travail (rue de Grenelle) Paris 7° Mitraillage AD 24/09/79 Délégation des entreprises pour l'emploi (rue de Prony). Paris 17° Attentat par explosifs AD

DATE CIBLES LIEU MOYENS ET DÉGÂTS REVENDICATION 07/02/80 Inspection du travail (rue de Mouzaïa) Paris 19° tentative d attentat par explosifs AD 08/02/80 Crédit du Nord Toulouse (Haute-Garronne VMA Attribué à AD 10/02/80 Société immobilière de Paris (rue Murillo) Paris 8° Attentat par explosif AD. 10/03/80 SEMIREP (Société d'économie mixte de rénovation du secteur Plaisance, rue Bardinet) Paris 14° Attentat par explosifs AD 15/03/80 Locaux de la DST (rue Rembrandt) Paris 17° Attentat par explosifs AD 18/03/80 Ministère de la coopération (rue Monsieur) Paris 7° Mitraillage AD 27/03/80 B.N.P. Angers (M et L) VMA AD 28/03/80 GIGN Maisons - Alfort (Val De Marne) Attentat par explosifs AD 30/03/80 Commissariat Saint Léon Toulouse Attentat par explosifs AD 15/04/80 Ministère des transports (av. du Président Kennedy) Paris 16- Attentat au lance-roquettes AD Idem Délégation à la sécurité routière Paris Idem AD 17/04/80 Palais de Justice Toulouse Attentat par explosifs AD 14/05/80 Commissariat du V° arrondissement Paris Attentat par explosifs AD 30/05/80 B.N.P. (rue La Fayette) Paris 10° VMA Action "Autonome"; Lionel Lemare est tué. 11/06/80 Aéroport d'Orly (Consigne piégée) Orly (Val de Marne) Attentat par explosifs 8 blessés, dont deux graves AD 05/08/80 Mairie du 14° arrondissement Paris VMA (Vol de cartes d'identité et de passeports vierges) AD 28/08/80 Crédit Lyonnais (av. Bosquet) Paris 7° VMA AD 19/09/80 Ecole militaire paris 7° Mitraillage AD 20/10/80 Bourse Paris 2° Tentative d'attentat par explosifs (bombe de 5Kg) AD

 

DATE CIBLES LIEU MOYENS ET DEGATS REVENDICATION 25/10/80 BNP St-Pourçain sur Sioule
(Allier) VMA
Un gendarme blessé AD 29/10/80 B.N.P. Caluire
(Rhône) VMA
un convoyeur de fonds tué AD (Groupe Olivier) 15/04/81 BNP (pl.desTernes) Paris 17° VMA
un gardien de la paix tué AD 21/06/81 Crédit du Nord (pl. Victor Basch) Lyon
(Rhône) VMA
un bléssé grave AD 29/08/81 Hotel Intercontinental Paris 1er Attentat par explosifs AD 03/11/81 Société lyonnaise de banque (quartier des Brotteaux) Lyon VMA
un brigadier de police tué "Affiche Rouge"(Groupe
Olivier) 10/11/81 B.N.P. (quartier des Brotteaux) Lyon V MA
3 blessés Idem 23/11/81 Ets. Rolls Royce Paris 16° Attentat par explosifs AD Idem Magasin de jouets de luxe "Le nain bleu"(av. Mozart) Idem Idem AD Idem Brasserie "Bofinger"(rue de la Bas-
tille) Paris 4° Idem AD Idem Magasin "Burberry's"(rue de Rennes) Paris 6° Idem AD 19/01/82 B.N.P. (pl. Belcourt) Lyon V MA "Affiche Rouge" 18/02/82 B.N.P. (pl. Belcourt) Idem Idem Idem ... /02/82 CCF (av. Mozart) Paris W V NIA AD 13/03/82 Gabriel Chahine (informateur des renseignements généraux ayant permis l'arrestation de 1.M. Rouillan et N. Ménigon en 1980) l'ans Meurtre AD 31/03/82 Bureau d'achat du Ministère israélien de la Défense Paris 17° Mitraillage AD 29/04/82 ANPE (rue de Belleville) Paris 20° Saccage (par un commando de 5 personnes) AD 28/05/82 Bank of America Paris Mitraillage AD 04/06/82 American school St-Cloud
(I Hauts de
Seine) Attentat par explosifs AD 05/06/82 Banque pour la reconstruction et le développement Paris Attentat par explosifs AD; Unité combattante "La-
houari Ben Chellal" 19/07/82 Banque Leumi-Le-Israël (bd. des Italiens Paris 9° Attentat par explosifs "Panthère rouge/Brigades Deir
Yassin" Idem Société d'import-export Ganco (liée à
Israël) Paris 19-- Idem Idem 01/08/82 Véhicule en stationnement d'un responsable de la sécurité de l'ambassade d'Israël Paris Mitraillage AD; Unité combattante Marcel Rayman" 07/08/82 Discount Bank (Groupe Rothschild,
rue de Normandie) Paris 2° Attentat par explosif Idem 08/08/82 Chase Manhattan Bank (rue Cambon) Paris l 1er V MA Attribué à AD

DATE CIBLES LIEU MOYENS ET DÉGÂTS REVENDICATION Idem Magasin appartenant à la société
Nemor (rue Saint Maur), en relation
avec Israël Paris 10° Attentat par explosifs AD, "Unité combattante
Lahouari Benchellal" 11/08/82 Dans le même immeuble: Banque de gestion privée -ex banque Meyer- et Citrus marketing ot Israël (rue de la Baume) Paris 8° Attentat par explosifs, un blessé 
grave AD 19/08/82 Journal "Minute"(av. Marceau) Paris 16° Attentat par explosifs AD 08/12/82 Banque Sudameris (rue Halévy) Paris 9° V MA Attribué à AD 31/05/83 Confrontation accidentelle, av. Trudaine, entre des membres d'AD et des policiers. Deux tués et un blessé chez les forces de l'ordre. Paris 9° Fusillade AD 30/07/83 Bijouterie Aldebert (bd. de la Madeleine) Paris 8° VMA AD 28/08/83 Siège du Parti socialiste (rue de Solférino) Paris 7° Attentat par explosifs "Communistes internationalis-
tes" Idem Ministère de la Défense (bd. St Germain) Paris 7° Attentat par explosifs Idem 26/09/83 Centre de documentation de la Marine nationale Paris 8- Attentat par explosifs Attribué à AD 29/09/83 Cercle national des Armées Paris 8° Attentat par explosifs Attribué à AD 13/10/83 Société générale (av. des Ternes) Paris 17° VMA Attribué à AD 14/10/83 Société générale(av. de Villiers) Paris 17° V MA, deux policiers blessés. Un 
communiste combattant italien,
Ciro Rizzzato est tué. AD 27/10/83 BICS Montrouge
(Val du
Marne) VMA   17/11/83 Maison diocésaine, bureau de l'archevéché de Paris Paris 8° Attentat par explosifs, deux blessés légers AD 28/12/83 Banque Sudameris Nice (Alpes- 
Maritimes) VMA  AD

 

DATE CIBLES LIEU MOYENS ET DÉGÂTS REVENDICATION 29/01/84 Ets. Panhard et Levassor (fabriquant
de véhicules militaires) Paris 13° Attentat par explosifs AD 27/03/84 BEP (rue Victor Hugo) Lyon
(Rhône) V NIA. Le général de Gendarmerie
Guy Delfosse, qui tente de s'inter-
Poser, est assassiné. AD, groupe Olivier. 12/07/84 Institut atlantique des affaires internationales Paris 16° Attentat par explosifs AD, "Unité combattante Ciro Rizzato" 13/07/84 Ministère de la Défense (annexe) Paris 15° Attentat par explosifs AD, "Unité combattante La- houari Benchellal" 14/07/84 Ministère de l'industrie (annexe, traitant les oléoducs interalliés) Paris 4° Attentat par explosifs AD, "Unité combattante La-
houari Benchellal" 02/08/84 Agence spatiale européenne Paris 4° Attentat par explosifs, 7 blessés
légers AD, "Unité combattante Ciro
Rizzato" 22/08/84 Union de l'Europe Occidentale Paris 16° Tentative d'attentat par explosifs AD, "Unité combattante Ciro
- 20/10/84 Ets. Meissier-Hispano-Bugatti (travaillant pour la défense nationale) Montrouge Attentat par explosifs, 3 blessés
légers AD, "Unité combattante La-
houari Benchellal" 21/10/84 Ets. Marcel Dassault (travaillant pour
la défense nationale) St. Cloud
(Hauts de Seine) Attentat par explosifs AD, "Unité combattante La-
houari Benchella"l. 09/12/84 Siège du RPR (rue de Lille) Paris 7° Attentat par explosifs AD, "Commando Hienghene",
Groupe Olivier. 10/12/84 Siège d'Elf-Aquitaine (rue Nélaton) Paris 15° Attentat par explosifs Idem

 

DATE CIBLES LIEU MOYENS ET DÉGÂTS REVENDICATION 25/01/85 Ingénieur-Général René Audran, Directeur des affaires internationales au ministère de la Défense La Celle St.Cloud (Yvelines) Homicide AD, "Commando Elisabeth
Van Dick"(militante de la
RAF, tuée en 1979 par la police allemande). 26/02/85 Perception Bruay en
Artois (62) VMA : butin 9,7MF Attribué à AD. 13/04/85 Office national d'immigration Paris 15° Attentat par explosifs AD, "Unité combattante Sana Mheidli". Groupe Olivier. Idem Banque Leumi Paris 9° Attentat par explosifs Idem 14/04/85 Journal"Minute" Paris 16° Attentat par explosifs Idem 27/04/85 Fonds Monétaire International Paris 16° Attentat par explosifs AD, "Unité combattante La- houari Benchellal". 30/04/85 Société Télécommunications Radio-électriques et Téléphoniques (TRT) travaillant pour la défense nationale et l'OTAN Paris 13° Attentat par explosifs AD, "Unité combattante Ciro Rizzato". 26/06/85 Contrôleur Général des Armées
Henri Blandin Neuilly (92) Tentative d'homicide AD, "Commando Antonio Lo Muscio", brigadiste italien tué en 1976. 26/07/85 Crédit Agricole Bourges
(Cher) V MA Attribué à AD 08/08/85 Base de l'armée américaine de Rhein- Main Allemagne
Fédérale Attentat par explosifs (voiture piégée, 2 morts, 20 blessés) Revendication commune AD/ RAF "Commando George Jackson", martyr du parti "Black panther". 04/09/85 Association technique d'importation charbonière (ATIC). Liaisons commerciales avec l'Afrique du Sud. Paris 16° Attentat par explosifs AD Idem Aluminium Péchiney. Relations avec l'Afrique du Sud. Paris 8° Idem Idem Idem Régie Renault Issy les Moulineaux
(92) Idem Idem Idem Société Spie-Batignolles ou Société Générale (tour Winterthur). Relations
avec l'Afrique du Sud Quartier Défense
(92) Idem Idem 14/10/85 Maison de la Radio (venue de J.M.Le
Pen à "L'heure de vérité") Paris 16° Attentat par explosifs AD, Groupe Olivier. Idem Antenne 2 (mémo motifs) l'ans 8' Idem Idem 17/10/85 Haute Autorité de l'audiovisuel l'arts 16' Attentat par explosifs AD, Groupe Obvier "Commando Ahmed Moulay", jeune algérien torturé et fusillé en 1957 à Alger (Cf le passé algérien de J.M. Le Pen). 19/10/85 Compagnie UTA Paris 8' Attentat par explosifs AD, Groupe Olivier "Commando B. Moloïse", militant anti apartheid exécuté en Afrique du Sud.

 

DATE CIBLES LIEU MOYENS ET DEGATS REVENDICATION 27/03/86 Société Générale Or1éans
(Loiret) VMA Attribué à AD 15/04/86 Guy Brana, vice-Président du CNPF Le Vésinet (Yvelines) Tentative d'homicide, le chauffeur est légèrement blessé. AD, "Commando Christos Kassimis"militant communiste combattant grec tué un 1977. 26/04/86 American Express Lyon
(Rhône) Attentat par explosifs AD, "Affiche rouge". Groupe
Olivier. 16/05/86 Interpol St Cloud
(92) Attentat par explosifs et mitraillage; un Gardien de la Paix blessé. AD 06/07/86 L'Air liquide (travaille pour la défense
nationale et l'Afrique du Sud) Paris 7° Attentat par explosifs AD Idem Thomson (mêmes motifs) Paris 15° Attentat par explosifs AD 09/07/86 Brigade de répression du banditisme
(BRB), Préfecture de Police, Quai de
Gesvres. Paris 4° Attentat par explosifs, l'Inspecteur
G. Basdevant st tué, 22 blessés
dont trois graves AD, "Commando Loïc Lefèvre", jeune homme tué le 5
juillet 1985 par un CRS rue de
Mogador à Paris. 21/07/86 OCDE Paris 16° Attentat par explosifs AD, "Unité combattante Ciro
Rizzato". 01/11/86 Compagnie aérienne "Minerve"
(transporteur des 101 maliens expul-
sés par charter) Paris 1er Attentat par explosifs AD Idem Office national d'immigration (affaire
des maliens) Paris 15° Attentat par explosifs AD 11/11/86 Peugeot (société travaillant avec
l'Afrique du Sud) Paris 17° Attentat par explosifs AD, "Commando Clarence
Payi-Sipho Xulu", deux militants anti-apartheid pendus en
Afrique du Sud. Idem Total (Mêmes motifs) La Défense
(92) Attentat par explosifs Idem Idem Péchiney-Ugine-Khulmann(Mêmes motifs) Idem Attentat par explosifs Idem 17/11/86 Georges Besse, P-DG de la Régie Renault Paris 14° Homicide AD, "Commando Pierre Overney militant maoïste tué
En 1972, par un vigile, devant la régie Renault. 15/12/86 Alain Peyreffite Provins (Seine-et-Marne) Voiture piégée, le chauffeur d'A.Peyreffite est tué. Attribué à Max Frérot. Acte désavoué par AD.

 

DATE CIBLES LIEU MOYENS ET DÉGÂTS REVENDICATION  05/01/87 Juge P. Bruguière paris Tentative d'attentat par explosifs  Idem 21/07/87 Véhicule d'un gardien de prison Lyon (69) Véhicule piégé, dégats matériels AD

"BAKOUNINE", Etc.

Jean François Gayraud

Le "groupe Bakounine-Gdansk-Paris-Guatemala-Salvador"a commis son premier attentat en décembre 1981. Le nom du groupe nous renseigne utilement sur son l'idéologie.

Bakounine est l'un des pères de l'anarchisme violent, d'un anarchisme de révolte reposant sur quelques idées simples : l'anarchie est la tendance naturelle de (univers et tout État suppose l'homme essentiellement mauvais (comprendre a contrario : l'homme naturellement bon est perverti par la société, dixit Rousseau). Et la référence d'une part àGdansk et d'autre part au Guatemala et au Salvador marque clairement la volonté de ces anarchistes de renvoyer dos à dos les systèmes capitaliste et communiste. Ainsi peut-on lire dans le communiqué n° 2 : "A l'Est les chars soviétiques font régner l'ordre bureaucratique, à l'Ouest. les multinationales entretiennent les dictatures sanglantes qui garantissent ou accroissent leur profits. Dans ce monde divisé, nous ne soutenons aucun camp, aucun État... Nous trouvons notre identité dans l'internationalisme révolutionnaire". D'où un seul objectif : "combattre radicalement les intérêts économiques et politiques des impérialistes de Moscou et de Washington". Ce qui d'une manière plus imagée donne ceci : "l'humanité ne sera heureuse que le jour où le dernier bureaucrate sera pendu avec les tripes du dernier capitaliste."Ici réside une première particularité d'un groupe qui tout en s'attaquant à l'impérialisme américain n'hésite pas également à viser les pays de l'Est : le premier attentat est commis le 20 décembre 1981 contre une société polonaise une semaine après l'instauration de l'Etat d'urgence en Pologne.

Action Directe par exemple se refusera toujours à toucher des cibles communistes. Lisons à nouveau le groupe Bakounine : "Le coup d'Etat de Krasuselski a démontré une fois de plus que toute velléité d'organisation autonome, même majoritaire dans un pays est systématiquement réprimée par le pouvoir", "nous n'avons aucun lien avec Action Directe.

Nous regrettons seulement que la séparation artificielle de ce monde se soit produite chez eux, et que leur alignement idéologique les ait amenés à rejoindre dans leurs luttes unilatérales (anti-USA, anti-sioniste), les organisations combattantes européennes marxistes-Léninistes"("Libération"15 février 1983).

Entre décembre 1981 et décembre 1984, soit en trois ans, le groupe est responsable de 18 attentats (15 à Paris ; 1 à Issy-les-Moulineaux, 2 à Toulouse) qui auront lieu la nuit ou à l'aube : la volonté de ne pas blesser ou tuer est évidente.

Propagande armée donc mais refus ou impossibilité de passer à la guérilla urbaine. Les campagnes d'attentats toucheront quasi exclusivement des sociétés commerciales. (voir chronologie des attentats). Dans son idéologie et ses cibles, le groupe Bakounine est fort proche du C.L.O.D.O. et des autres groupes anarchistes toulousains.

Toulouse est le berceau des G.A.R.I. et d'Action Directe. Depuis le début des années quatre-vingts, divers groupes anarchistes ont revendiqué plusieurs dizaines d'attentats par explosifs (commis à Toulouse et dans sa banlieue) qui, s'ils ont parfois des conséquences matérielles importantes, ne feront aucune victime. A peu près chaque fois, la revendication est faite au nom d'un "groupe"qui relève plus du gag que de l'organisation politique

- P.O.L.I.C.E. : parti ouvrier libertaire internationaliste estudiantin.

- P.A.R.A. : pour des actions résolument anti-militaristes.

- L.A.S.E.R. : les anonymes sans étiquette réelle ; laissez aller sabotage et rébellion ; les autorités sont encore ridiculisées.

- B.A.D.I.N.T.E.R. : bombeurs anonymes pour la défense des incarcérés très excités par Robert.

- G.R.E.V.I.N. : groupe révolutionnaire des enragés et vindicatifs, irresponsables et nuisibles.

- G.I.G.N. : groupe d'intervention de la gauche antinucléaire.

- E.D.F. : expression du futur.

- G.A.A. : groupe d'action anarchiste.

- Arrêt - curés.

- S.C.A.L.P. : section carrément anti-Le Pen etc...

Les cibles visées par ces groupes : l'Église, l'Armée, la Justice, la Police, le Nucléaire, le Patronat, l'extrême droite, la Presse, le fichage informatisé ou manuel.

Un groupe s'est particulièrement distingué, entre 1980 et 1983, le C.L.O.D.O. : comité liquidant ou détournant les ordinateurs. Spécialisé dans la destruction d'ordinateurs, le C.L.O.D.O. est mu par la peur du "flicage informatique": l'informatique qui fiche, surveille, crée du chômage, maximise les profits, paupérise les rejetés, renforce le centralisme et le pouvoir. Ce n'est d'ailleurs pas tant l'outil qui est redouté que sa destination actuelle perçue comme nocive. L'urgence et la gravité du fléau impose alors des actions concrètes de destruction.

ATTENTATS DU GROUPE BAKOUNINE

DATE CIBLES LIEU MOYENS ET DEGATS REVENDICATION 20/12/81 Société polonaise de transports
"Botrans". Paris 2° Attentat par explosifs En langue polonaise.
Communiqué n°1, par télé-
phone, à l'AFP+ lettre. 10/01/82 Société "Esmil", filiale d'un groupe Pues 9° Attentat par explosifs Communiqué n°2, en français
transmission idem. 10/1/82 Siège social de la société soviétique "Slava". Paris 3° Attentat par explosifs idem 10/1/82 Société polonaise"Metalex France" Paris 17° Attentat par explosifs idem 11/02/82 Bureau parisien de la compagnie 
Aérienne "Lan-Chile" Paris 1er Attentat par explosifs
dégâts importants Communiqué n°3. Avec l'ajout de "Guatémala-Salvador", le groupe prend son nom définitif: "Bakounine-Gdansk-Paris-
Guatémala-Salvador " 11/02/82 Société de matériel de radio-télévision "Visseaux"liée à ITT. Paris 10° Attentat par explosifs
dégâts importants idem 11/02/82 Société d'importation de viande
"Argentine "Sansinema". Paris 1er Attentat par explosifs Idem 14/02/82 Société sidérurgique colombienne "Acerias Paz del Rio" Paris 8° Attentat par explosifs Communiqué n°4
Tel. AFP+ lettre. 14/02/82 Société américaine d'électro-ménager 
"Bendix". Pues 8° Attentat par explosifs Idem 01/11/82 Société soviétique "Slava" Paris 3° Attentat par explosifs
dégâts importants Communiqué n°5
Tel. AFP+ lettre. 19/11/82 Société sud-aficaine d'import-export d'agrumes "Outspan" Paris 9° Attentat par explosifs
dégâts importants Communiqué n°6
Tel AFP + lettre 19/11/82 Société multinationale de pétrochimie "Prochime". Paris 8° Cocktail Molotov idem 21/11/82 Société de commerce des métaux 
"Coframet", filiale du groupe
Rothschild. Pues 8° Attentat par explosifs Idem 26/12/82 Société "Air Matériel Aerofico 
Suisse", appartenant su Baron Empain Paris 15° Attentat par explosifs
dégâts importants Communiqué n°7
lettre à "Libération" 21/01/83 "ADIM", Association pour le développement et la diffusion de l'information militaire. Paris 15° Attentat par explosifs
dégâts importants, un blessé léger Communiqué n°8
Tel. AFP + lettre 14/02/83 Société "SAMM"fabriquant du matériel militaire, filiale de Peugeot. Issy les
Moulineaux 
(Hauts de
Seine) Attentat par explosifs
dégâts importants Tel. AFP+ lettre. 10/12/84 Société lyonnaise de banque. T o u 1 o n
(Var) Attentat par explosifs
dégâts importants Revendiqué le 17/12/84 16/12/84 Local de la police municipale (ilotiers) T o u 1 o n
(Var) Attentat par explosifs
dégâts importants Revendiqué le 17/12/84

ATTENTATS COMMIS PAR LE MILIEU ANARCHISTE TOULOUSAIN

 

DATE CIBLES LIEU MOYENS ET DÉGÂTS REVENDICATION 13/11/79 Commissariat de police Toulouse
(haute-Garonne) Saccage des locaux P.O.L.I.C.E.: "Parti Ouvrier Libertaire Internationaliste Estudiantin". 02102/80 Grand magasin Idem Effraction, vol de fichiers. Aucune 18/04/80 Quartier Général de la 11° division parachutiste Idem Attentat par explosifs P.A.R.A.: "Pour des actions résolument antimilitaristes". 23/06/80 Bureaux de l'Université des Sciences Idem Saccage des locaux "La belle" ... /07/80 Usine de produits chimiques du groupe "Bayer-France" Banlieue de Toulouse Attentat par explosifs "Les artificiers du Bouquet final". 26/01/81 Thomson-C.S.F. Toulouse Attentat par explosifs Coup de tel. à "Libération"revendiqué par L.A.S.E.R.: "Les Anonymes Sans Etiquette Réelle", "Laissez Aller Sabotage Et Rébellion", "Les Autorités Sont Encore Ridicules", au choix 26/08/81 Institut d'administration des entreprise Idem Attentat par explosifs. Le centre informatique étau particulièrement visé. Dé Bats importants Aucune 23/09/81 Palais de Justice Idem Deux extincteurs vidés sur la façade et slogans "bombés"sur les Murs. B.A.D.I.N.T.E.R.: "Bombeurs Anonymes pour la Défense des Incarcérés Très Excités par Robert". 01/10/81 Statue de cire de F. Mitterrand Paris Vol de la statue au Musée Grévin G.R.E.V.I.N.: "Groupe Révolutionnaire des Enragés et Vindicatifs, Irresponsables et Nuisibles" ... /12/81 Domicile du député socialiste Roger Marchait Toulouse Attentat par explosifs "Les plastiqueurs du soir" .. /09/82 Domicile du Président du Conseil régional, Alex Raymond. Idem Attentat par explosifs G.I.G.N.: "Groupe d'Intervention de la Gauche anti-Nucléaire". 15/12/82 CGE-Alsthom Idem Attentat par explosifs E. D. F.: "Expression Du Futur". 22-23/12/82 Station FR3 Midi-Pyrénées Idem Attentat par explosifs, dégâts importants G.A.A.: "Groupe d'Action Anarchiste". 12/08/83 Statue de Ponce Pilate Idem Destruction Groupe "Arrêt-Curés". 14/08/83 Cathédrale Idem Tentative avortée d'incendie. Venue du Pape à Lourdes. Idem 04-05/04/83 Union patronale du Midi-Pyrénées Idem Attentat par explosifs. G.A.A.: "Groupe d'Action Anarchiste". Idem Société appartenant au Président de l'Union patronale Midi-Pyrénées Banlieue de Toulouse Idem  Idem 13/03/84 Fouga-Magister exposé dans la cour du lycée Edouard Branly Créteil Attentat par explosifs, dégats faibles.  Groupe "Kropotkine, Créteil, Calcutta, Cracovie"(sic). 29/03/84 Statue de la Vierge Puy Laurens (Tarn) Attentat par explosifs Groupe "Arrêt-Curés". 06/04/84 Statue de Bernadette Soubirous Lourdes Bombage Idem 06/04/84 Salle municipale prévue pour un meeting de J.M. Le Pen Toulouse Attentat par explosifs, dégâts importants S.C.A.LP.: "Section Carrément Anti Le Pen". 23/11/84  Restaurant où devait se dérouler une réunion du Front National. Blagnac (Haute-GaRonne Attentat par explosifs   15/01/85 Caserne de Gendarmerie Toulouse Attentat par explosifs, destruction d'un autobus Groupe Louise Michel 19/01/85 EDF Tavel (Gard) Court-circuit Groupe I.N.I.S. : "Investissement Nucléaire Investissement suicidaire". Idem Idem Coulenge (Ardèche) Idem Idem 27/02/85 Palais des congrès, où devait se dérouler un meeting du front national Toulouse Attentat par explosifs A.C.D. : "Assez Déconné"; revendication par tél. 13/04/85 Transformateur EDF visé pour empêcher une soirée dansante du Front National Colomiers (Haute-Garonne) Attentat par explosifs Aucune

ATTENTATS DU GROUPE CLODO

DATE CIBLES LIEU MOYENS ET DEGATS REVENDICATION 06/04/80 Philips Data System Toulouse (Haute-Garonne) Sabotage d'ordinateurs et vol de documents CLODO 08/04/80 CII Honeywell Bull Idem Attentat par explosif Idem 20/05/80 Société britannique d'informatique "International Computer Limited" Idem Incendie criminel dégâts très importants Idem 09/08/80 CII Honeywell Bull Louveciennes (Yvelines) Attentat avorté : détonateur défectueux Idem 20/08/80 Idem Idem Attentat avorté : bombe de 5 Kg désamorcée Idem 13/09/80 Société de service informatique "Cap-Sogeti" Toulouse Attentat par explosifs Idem 02/12/80 UAP Paris 9° Incendie criminel Idem 28/01/83 Préfecture, Toulouse Banlieue de Toulouse Attentat par explosifs contre le centre informatique, dégâts importants Idem 26/10/83 Société d'informatique "Sperry-Univac" Toulouse Incendie criminel Idem 26/12/83 Société américaine d'informatique "National Cash" Banlieue de Toulouse Incendie criminel, dégâts importants Idem

BLACK WAR

Xavier Raufer

QU'EST-CE-QUE "BLACK WAR"?

Il s'agit d'un groupe voué à la guérilla urbaine, apparu en décembre 1985 à Paris.

La nomenclature détaillée des attentats qu'il a commis va nous permettre de comprendre le sens et les motivations de son action, ainsi que de cerner sa "méthode de travail". (voir liste en p.82).

D'après les communiqués que ce groupe expédie après ses attentats, il "est né après l'agression des terroristes de I Etat français contre Greenpeace".

Comme c'est de règle, Black War prétend réagir contre des actes insupportables commis par diverses entités qu'il poursuit de sa vindicte -l'Etat, les fascistes, les racistes- et n'exercer en fait qu'un droit de légitime défense politique et sociale.

Cela ressort de la nature des cibles qu'il vise :

* ANTIFASCISTES:

Légitime défense, la Librairie française, un responsable du Front national, le Parti ouvrier européen, un groupe catholique intégriste.

* ANTIRACISTES

La B.N.P. (pour ses liens avec l'Afrique du Sud), Rothman's (idem).

* ANTICAPITALISTES, enfin

L'étude de l'huissier, chien de garde des bourgeois, chargé de dépouiller les ouvriers et les pauvres de leurs derniers biens.

Nous sommes donc là dans la problématique classique des groupes Euroterroristes, la 4° composante de leur idéologie, l'anti-impérialisme, étant symbolisée par l'attentat contre le CIRPO : "Organisation fascistoïde spécialisée dans la dénonciation du goulag, comme s'il n'y avait qu'un seul goulag à l'est et le paradis dans le

"monde libre". (25 0186)

De tels noyaux surgissent généralement de façon autonome, suite à un long processus qui mène quelques militants révolutionnaires de l'activité politique légale à la conviction que seule la lutte armée est payante.

Après une série initiale d'attentats (comme celle de décembre 85 - juillet 86) trois cas peuvent se présenter

* Soit le groupe est démantelé par la répression,

* Soit -cas rarissime- le peu d'échos que ses actes ont rencontrés pousse les militants, écoeurés, à abandonner la lutte armée,

* Soit le groupe se consolide et tend à constituer une structure terroriste en vraie grandeur, dans ce cas, compte tenu de son idéologie, une Organisation Communiste Combattante.

"MÉTHODES DE TRAVAIL"D'UN GROUPE DE TYPE "BLACK WAR"

L'activité terroriste des groupes Communistes Combattants est assez étroitement codifiée, et passe par plusieurs phases, désormais bien connues:

* un épisode pré-terroriste, plus ou moins long, au cours duquel le noyau initial, qui a déjà pris la décision de passer à la lutte armée, pratique ce que Karl Marx appelle -dans un tout autre contexte !- "l'accumulation primitive du capital", c'est-à-dire se livre à des attaques à main armée destinées à financer l'achat d'armes, de munitions, d'explosifs, la location d'appartements "conspiratifs"et de bases opérationnelles, en général des garages.

* Après quoi l'organisation se déclare au grand jour en commettant des actes qu'elle qualifie de "propagande armée", le plus souvent des attentats par explosif contre des cibles symboliques des choix politiques du groupe anti-capitalistes, anti-impérialistes, antifascistes, antiracistes, dans le cas des Organisations Communistes Combattantes.

Il est clair que Black War en est au stade décrit ci-dessus, celui de la propagande armée.

Cette phase répond à des besoins précis :

- Publicité "de lancement"pour un groupe inconnu,

- Valorisation auprès d'une mouvance sympathisante, certes réduite, mais dont le rôle d"'armée de réserve", de fournisseurs de planques et de "porteurs de valises"est décisif. Ces actions, à l'origine du groupe, mais aussi par la suite, servent à démontrer que les vrais antifascistes, ceux qui ne se contentent pas de menaces verbales, ce sont les militants de Black War.

Si le groupe obéit vraiment à la logique Communiste Combattante, une série de "conditions objectives"compliquées permet d'accéder au stade suivant : celui de la "guérilla urbaine". Dans cette phase, le groupe ne se contente plus de cibles immobilières symboliques, il entreprend de "frapper au coeur de l'État", c'est-à-dire de tenter d'assassiner des individus dont le poste est jugé par lui décisif pour l'accomplissement des "complots de l'impérialisme"ou du fascisme, ou des racistes soutenant l'apartheid, etc.

L'accession au stade de la guérilla urbaine ne signifie pas pour autant la fin des opérations de propagande armée : celles-ci conservent un rôle éminent en matière :

- de recrutement de nouveaux éléments actifs dans la mouvance sympathisante,

- d'aguerrissement de ces nouveaux éléments à l'illégalisme et à la clandestinité armée,

- de vivier pour les noyaux spécialisés dans les opérations "haut de gamme"de type attentats sophistiqués contre des personnalités politiques, militaires ou industrielles.

Dans chaque pays où existe une Organisation de type Communiste Combattante, celle-ci adapte le projet général aux conditions de la vie politique et sociale locale. Il est clair, dans ces conditions que la propagande de chacune des organisations du type Black War va tendre à répondre aux hantises et aux phobies de l'extrême - gauche locale la plus virulente. Il y a des manifestations anti-nucléaires de 300 000 personnes en RFA ? La Fraction armée rouge fera de la propagande armée anti-nucléaire. Un mouvement anti-raciste comme "Touche pas à mon pote"réunit 100 000 jeunes place de la Concorde ? Action Directe frappera des cibles "racistes"et "fascistes".

Et ainsi de suite en Italie, en Espagne, en Belgique, en Hollande, au Portugal, etc.

Au niveau supérieur, ces actions, et les hold-up, servent à alimenter la machine en hommes et en moyens, le tout étant par la suite concentré en des assauts contre l'ennemi suprême, par exemple, 1"'impérialisme américain"et son bras politico-militaire en Europe : l'OTAN.

LA MENACE "BLACK WAR"

Pendant les premiers mois de 1986, Black War accomplit à peu près, en moyenne, un attentat tous les mois. Compte tenu du temps nécessaire à "environner"la cible (va et vient, rondes de police, etc.), de la préparation matérielle et de l'exécution de l'acte, on peut estimer que cette activité représente (ouvrage à temps quasiment plein, d'un noyau réduit de cinq à six personnes, privé de la capacité de monter des vagues d'attentats, du style "nuit bleue".

Ces attentats sont exclusivement concentrés sur Paris intra-muros, et presque uniquement sur la rive droite. Il s'agit toujours d'actes de propagande armée, en tout cas jusqu'à présent. Les heures des explosions montrent que les "artificiers"ont souhaité ne blesser personne, pas même des "fascistes"avérés comme ceux qui fréquentent la Libraire française.

Pour l'heure, et après de longs mois de silence, entrecoupés d'actions sporadiques, Black War se caractérise donc plus comme un groupe rebelle, encore novice, susceptible d'accomplir des dégâts, mais pas encore résolu à tuer.

Dans sa phase infantile"un groupe révolutionnaire armé s'enflamme toujours pour les causes émotionnelles les plus immédiates : le fascisme, le racisme. Ultérieurement, il découvre des ennemis moins évidents, moins immédiatement perceptibles, plus théoriques : le capitalisme, l'impérialisme. "Autonome"à l'origine, Black War se convertira-t-il à l'idéologie anti-impérialiste qui fut celle d'Action Directe et demeure celle de la Fraction Armée Rouge? Rien pour l'instant ne permet de l'affirmer.

ATTENTATS DU GROUPE "BLACK WAR"

DATE CIBLES LIEU MOYENS ET DÉGÂTS REVENDICATION 12/12/85 Local désaffecté de l'association
"Légitime défense" Paris 11° Cocktail Molotov, dégâts légers Lettre à l'AFP (poste) 24/01/86 Local désaffecté de la "CIRPO"
(Conférence internationale des Résistances en Pays Occupés: organisme anti-soviétique) Paris 17° Idem Idem 25/02/86 Restaurant d'entreprise et bureaux de la B.N.P. Paris 2° Attentat par explosifs, dégâts
matériels sérieux Idem 27/02/86 Librairie Française (librairie d'extrême droite) Paris 6° Idem Idem. Communiqué commun
pour ces deux actes. 08/03/86 Domicile du responsable du Front National du VI` arrondissement Paris 7° Tentative avortée Idem 06/04/86 Parti Ouvrier Européen (groupe confus, à mi-chemin entre le parti et la secte) Paris 17° 2 engins explosifs au 2° et 4° étages de l'immeuble. Dégâts sérieux. Lettre à l'agence Reuter (poste) 21/06/86 Société Rothman's Paris 16° Attentat par explosifs, dégâts légers Idem (AFP) 11/07/86 Locaux d'un groupe catholique intégriste Paris 11° Attentat par explosifs, dégâts légers Lettre au "Monde"et à "Libération" 12/07/86 Etude d'un huissier Paris 2° Attentat par explosifs, dégâts
sérieux Idem 19/06/87. SGTI (Société générale des techniques industrielles) Paris 1er Attentat par explosifs, dégâts Lettre au journal "Libération".

ANNEXE I : LA LUTTE ANTITERRORISTE EN 1900

EXTRAIT DES "TEMPS NOUVEAUX"

périodique anarchiste, 15 décembre 1906

"L'Internationale policière

C'est le titre sous lequel nous avons eu le plaisir de lire dans l'Humanité du 8 décembre un fort généreux article du citoyen Guy Bowman, membre de la Social Democratic Federation anglaise, actuellement de passage à Paris.

Nous croyons utile d'en reproduire ici toute la partie essentielle

Alors qu'on annonce un Congrès international anti-anarchiste -lisez : anti-révolutionnaire destiné à se tenir à Madrid, en janvier prochain, il serait peut-être à propos de s'occuper un peu du mouchardage international.

Que la police soit internationale, le fait est hors de doute, il a été mis fréquemment en pleine lumière. Toutes les capitales ont, outre leurs mouchards nationaux, une équipe de mouchards étrangers, généralement de quelque marque, destinés à surveiller les révolutionnaires.

SECTION FRANÇAISE.

A Londres, la police politique française posséda, pendant la période de 1892-1900 qui vit sur le continent de nombreux attentats anarchistes et leur répression impitoyable, l'inspecteur Houllier, devenu légendaire. Ce digne homme ne se faisait pas faute d'emprunter le nom de M. Johnson, correspondant du Figaro, pour aller chez les commerçants de Charlotte street ou d'Islington s'enquérir des réfugiés français. C'était, déclarait-il avec une belle rondeur, "pour leur rendre service". Le brave homme ! Un jour, cependant, il lui arriva d'être, avec son collègue et compatriote Fédée, enveloppé à Fitz-Roy-Square par des anarchistes français qui leur donnèrent à tous deux une aubade homérique ; on en rit encore à Londres.

La police politique italienne était, vers la même époque, représentée à Londres par l'illustrissimo cavaliere Sernicoli, ayant sous ses ordres une forte escouade de ses nationaux. Les policiers italiens sont intelligents, subtils et individuellement redoutables ; en corps, ils le sont moins. Malgré leur zèle, Sernicoli et ses acolytes ne purent empêcher les révolutionnaires Malatesta, Malato et Merlino de quitter clandestinement Londres pour aller prendre part à un mouvement insurrectionnel en Italie.

SECTION RUSSE.

L'infâme police russe est toujours à l'oeuvre en Angleterre, en France et en Italie. Nombreux sont, à Londres, les réfugiés russes, socialistes, révolutionnaires et mêmes tolstoïens. A leur grand regret, les mouchards de Nicolas II, qui ont à compter avec le sentiment britannique, ne peuvent que surveiller les révolutionnaires, tenter de surprendre leur correspondance et signaler leur départ pour le continent.

En France, grâce à l'alliance franco-tsariste, les mercenaires de la troisième section, mêlés à la colonie russe du treizième arrondissement, ont pu faire expulser de nombreux révolutionnaires slaves. Il y a quelques années -au lendemain de l'attentat Bresci contre le roi Humbert- c'étaient surtout les Italiens qu'on expulsait.

Les manoeuvres de la police russe en Italie ont été plus odieuses encore. D'accord avec les questurini, leurs dignes frères, les mouchards au service de la maison Romanoff ont pu attirer dans d'abominables traquenards les révolutionnaires russes et les livrer aux autorités tsaristes. Comme le peuple italien s'insurgea contre les extraditions machinées, notamment contre celle de Goetz qu'il empêcha, on trouva le moyen d'attirer les révolutionnaires russes sur le territoire autrichien. Là, îles étaient aussitôt saisis et dirigés sur la frontière russe, d'où ils partaient pour la Sibérie, Sakhaline ou la mort.

Car les gouvernements autrichien et allemand ont pu être en rapports tendus avec le gouvernement russe, les polices des trois Etats n'en ont pas moins fonctionné toujours avec une touchante unanimité.

` Policiers de tous les pays, unissez-vous pour la défense du trône et du capital !

SECTION ESPAGNOLE.

Faut-il rappeler l'accord touchant des polices française et espagnole dans l'affaire Malato, greffée sur l'attentat de la rue de Rohan pour débarrasser la monarchie alphonsiste du gêneur qui avait, avec le professeur Tarrida del Marmol, dénoncé au monde civilisé les crimes de Montjuich ?

On se souvient de ces enveloppes de bombes ou prétendues telles, mystérieusement envoyées de Barcelone et voyageant sous les yeux de la police française !;

SECTION ANGLAISE.

Faut-il rappeler l'arrestation de mon confrère de la presse anglaise, Hamilton, à Madrid, le 31 mai dernier, quelques heures après que Morral, seul auteur de l'attentat de la calle Mayor, eut lancé sa bombe ? Hamilton, inoffensif journaliste, fut arrêté comme anarchiste dynamiteur. Il avait été évidemment dénoncé comme un homme dangereux aux autorités espagnoles.

Il en fut de même pour moi. Lorsque je partis de Londres pour ouvrir sur place une enquête absolument impartiale sur l'affaire Ferrer, et résolu à ne proclamer vrai que ce que j'aurais pu contrôler moi-même, j'annonçai publiquement mon voyage. C'était au grand jour que je voulais chercher la lumière. Les seules lettres d'introduction que j'emportais étaient pour les députés républicains Lerroux et Arsuaga (ce dernier défenseur de Ferrer) et l'écrivain libertaire bien connu Uralès, ex-directeur de la Revista Blanca, aujourd'hui collaborateur à des journaux républicains.

Les détectives de Scotland Yard -la préfecture de police londonienne- et leurs confrères de Paris, où je m'étais arrêté, n'eurent rien de plus pressé que de signaler mon départ à leurs collègues espagnols.

Si bien qu'arrivé à Madrid à huit heures du matin, j'étais arrêté à midi ; les agents de M. Davila n'avaient pas perdu de temps !

Il paraît que le champion de la répression révolutionnaire pour la section anglaise de l'Internationale policière est un nommé Macnamara qui se trouvait à Madrid le 31 mai dernier; c'est lui qui dit à Hamilton : "Monsieur vous avez agi comme un imbécile !"c'est très grave, la façon dont vous vous êtes comporté ! et Hamilton en tombait des nues.

Pour le récompenser de son zèle, la section espagnole de l'Internationale policière, octroya royalement une récompense de 25 francs par jour à Macnamara ; pendant ce temps, les mouchards venus de Valence se présentèrent la nuit au Gobierno Civil pour y demander un logement ou de l'argent pour se loger; pour toute réponse, ils reçurent un coup de pied quelque part et pendant que l'English détective se gorgeait dans les meilleurs restaurants, les policiers d'Alphonse XIII couchaient à la belle étoile !

SECTION ALLEMANDE.

L'Allemagne, pays où le sentiment révolutionnaire (lire "anarchiste", N&E) n'existe pour ainsi dire pas , n'en est pas néanmoins sans avoir son organisation mouchardière ; mais là, c'est plutôt de l'intérieur qu'elle surveille et se tient aux aguets pour capturer les révolutionnaires étrangers qui lui seraient signalés par les autres sections de leur hideuse Internationale ; témoin cet inoffensif antimilitariste Domela-Nieuwenhuis qui, l'an dernier, après avoir assisté au Congrès de la Libre Pensée de Paris, s'en retourna en son pays de Hollande en passant par l'empire du Kaiser; il y subit le même sort que celui qui m'attendait en Espagne il y a à peine six semaines !

Je me demande ce que l'on va faire de Gustave Hervé en août prochain, s'il se rend au congrès de Stuttgart. Il est vrai que d'ici là, l'affaire marocaine pourrait bien avoir résolu la question antimilitariste.

UNE GALERIE INTERNATIONALE.

Si j'eusse pu conserver le moindre doute sur l'existence de la police internationale, je l'aurais perdu à la vue de toutes les photographies de révolutionnaires qu'on me mit sous les yeux en me demandant si je les connaissais. Photographies de Malato qui est français, de Kropotkine qui est russe, de Malatesta qui est italien, de Domela Nieuwenhuis qui est hollandais, de Vallina qui est espagnol : une véritable galerie internationale ! Il n'y manquait guère que ma photographie, lacune qui est maintenant comblée.

Cette Internationale policière est quelquefois grotesque, elle est toujours abjecte. Elle prétend ne viser que la répression des attentats à la dynamite ; en réalité, elle menace tous les révolutionnaires socialistes aussi bien qu'anarchistes.

Elle menace, surtout dans les périodes de forte réaction, tous ceux qui ont au coeur la haine généreuse de l'injustice sociale et qui, par l'éducation, la propagande et l'action politique ou économique, veulent arriver à fonder une société meilleure.

Guy Bowman

ANNEXE II : QUELQUES PARAGRAPHES CLÉ DE "L'IMPÉRIALISME, STADE SUPRÊME DU CAPITALISME"

Ce texte fétiche des Organisations Communistes Combattantes porte comme sous-titre: "Essai de vulgarisation". Elle figure dans le tome 22 des "Oeuvres"de Lénine (décembre 191 S juillet 1916"; Édition en langues étrangères, Moscou, 1960). Le texte a été écrit "de janvier à juin 1916 et publié pour la première fois "vers le milieu de 1917, en brochure, à Petrograd."

"(...) Où est donc la base économique de ce phénomène historique universel?

Précisément dans le parasitisme et la putréfaction qui caractérisent le stade historique suprême du capitalisme, c'est à dire l'impérialisme. Comme il est montré dans ce livre, le capitalisme a assuré une situation privilégiée à une poignée (moins d'un dixième de la population du globe ou, en comptant de la façon la plus "large"et la plus exagérée, moins d'un cinquième) d'États particulièrement riches et puissants, qui pillent le monde entier par une simple "tonte des coupons". L'exportation des capitaux procure un revenu annuel de 8 à 10 milliards de francs d'après les prix et les statistiques bourgeoises d'avant guerre. Aujourd'hui, beaucoup plus, évidemment.

On conçoit que ce gigantesque surprofit (car il est obtenu en sus du profit que les capitalistes extorquent aux ouvriers de "leur"pays), permette de corrompre les chefs ouvriers et la couche supérieure de l'aristocratie ouvrière. Et les capitalistes des pays "avancés"la corrompent effectivement : ils la corrompent par mille moyens, directs et indirects, ouverts et camouflés.

L'impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement où s'est affirmée le domination des monopoles et du capital financier, où l'exportation des capitaux a acquis une importance de premier plan, où le partage du monde a commencé entre les trusts internationaux et où s'est achevé le partage de tout le territoire du globe entre les plus grands pays capitalistes.

L'impérialisme, qui signifie le partage du monde et une exploitation de s'étendant pas uniquement à la Chine, et qui procure des profits de monopoles élevés à une poignée de pays très riches, crée la possibilité économique de corrompre les couches supérieures du prolétariat; par là même, il alimente l'opportunisme, lui donne corps et le consolide.

Les profits élevés que tirent du monopole les capitalistes d'une branche d'industrie parmi beaucoup d'autres, d'un pays parmi beaucoup d'autres, etc., leur donnent la possibilité économique de corrompre certaines couches d'ouvriers, et même momentanément une minorité ouvrière assez importante en les gagnant à la cause de la bourgeoisie de la branche d'industrie ou de la nation considérées en les dressant contre toutes les autres.

Dans la guerre actuelle, les états-majors généraux s'attachent minutieusement à tirer profit de chaque mouvement national ou révolutionnaire qui éclate dans le camp adverse : les Allemands du soulèvement irlandais, les Français du mouvement des Tchèques, etc. Et, de leur point de vue, ils ont parfaitement raison. On en peut se comporter sérieusement à l'égard d'une guerre sérieuse si l'on ne profite pas de la moindre faiblesse de l'ennemi, si l'on ne se saisit pas de la moindre chance d'autant plus que l'on ne peut savoir à l'avance à quel moment précis et avec quelle force précise "sautera"ici ou là tel ou tel dépôt de poudre. Nous serions de piètres révolutionnaires si, dans la grande guerre libératrice du prolétariat pour le socialisme, nous ne savions pas tirer profit de tout mouvement populaire dirigé contre tel ou tel fléau de l'impérialisme, afin d'aggraver et d'approfondir la crise.

Au contraire, c'est précisément la diversité de temps, de forme et de lieu des insurrection qui est le plus sûr garant de l'ampleur et de la profondeur du mouvement général; ce n'est que par l'expérience acquise au course mouvements révolutionnaires inopportuns, isolés, fragmentaires et voués de ce fait à (échec, quelles masses acquerront de la pratique, s'instruiront, rassembleront leurs forces reconnaîtront leurs véritables chefs, les prolétaires socialistes et prépareront ainsi l'offensive générale. "

ANNEXE III: LE PAYSAGE MENTAL DES COMMUNISTES COMBATTANTS

Extrait de : "Euroterrorisme : comprendre pour combattre", de Xavier Raufer, Politique Internationale N° 30 - Hiver 85/86

"L'idéologie de ces OCC est d'une terrifiante simplicité. Voici comment les combattants d'Action directe, ou de la Fraction armée rouge voient le monde qui nous entoure:

A leurs yeux, deux faits majeures permettent "l'analyse de la période": la domination d'une moitié de la planète par un camp impérialiste que contrôlent de grands groupes multinationaux ; et l'existence d'une crise durable, profonde et insurmontable par des procédés économiques classiques. Or, à l'âge de l'impérialisme, un seul moyen peut permettre de remédier à la disproportion entre le développement des forces productives d'une part, et le partage des sphères d'influence par le capital financier, d'autre part. Ce moyen, c'est la guerre impérialiste. Le début de ce que les médias appellent "la crise"(1973), est en réalité celui d'une nouvelle avant-guerre, et l'on assiste à une mise en ordre de bataille du camp impérialiste, sous la direction de son chef de file, les Etats-Unis. Le coeur de ce dispositif impérialiste est l'Europe, qui sert de laboratoire à la mise au point d'un nouveau fascisme dont la généralisation est la condition ,sine qua non du déclenchement du conflit sans lui, pas de mise au pas des classes ouvrières des pays du camp impérialiste, pas de militarisation de l'économie, pas d'industrie de guerre productive. L'état major, le centre opérationnel de ce nouveau fascisme est l'OTAN, instrument par lequel le suzerain impérialiste (les Etats-Unis) pilote ses vassaux (les pays de l'Europe occidentale), réalise ses plans militaires, insuffle son idéologie.

La mise en place sournoise, à bas bruit, de ce nouveau fascisme à base de "flicage informatique", de contrôles sociaux décentralisés, d'une véritable entreprise d'hypnotisation des masses (la télévision), rend inopérantes les formes d'organisation traditionnelles de la classe ouvrière (parti légal de masse, syndicat). La preuve ? Margaret Thatcher a pu, sans coup férir, écraser la grève des mineurs britanniques, pourtant fer de lance du prolétariat anglais, aux glorieuses traditions de lutte.

Cette période de préparation de la guerre impérialiste se caractérise par une grande passivité des masses et une trahison des chefs du prolétariat (sociaux-démocrates en Europe du Nord, communistes dans les pays latins) qui se laissent corrompre et passent "dans le camp de la bourgeoisie". Tout cela est classique. Ce qui est nouveau, en revanche, c'est le fait atomique. La troisième guerre mondiale impérialiste met désormais la planète en danger de mort : l'holocauste nucléaire est imminent.

Comme ce fut le cas lors des deux grands conflits impérialistes précédents, seule une minuscule avant-garde a conscience de ce péril et voit le train filer vers l'abîme. Cette avant-garde est réduite à quelques noyaux, isolée, cernée par l'aveuglement général, confrontée à une puissance hostile écrasante. Sa responsabilité est donc immense : déjouer le complot impérialiste, faire éclater au grand jour la nature fasciste des pseudo-démocraties occidentales : empêcher, enfin, l'holocauste atomique.

Pour ce faire, cette avant-garde doit abandonner momentanément le lien qui l'unit aux masses prolétaires, plonger dans la lutte armée, lancer tout de suite - il y a urgence - la guérilla prolétaire dans les "métropoles-impérialistes capitalistes".

Jaurès, dans son Histoire socialiste de !a Révolution française, disait que les hommes de 1793, mettant la terreur à l'ordre du jour, "demandaient à la mort de faire autour d'eux l'unanimité immédiate dont ils avaient besoin". L'Euroterrorisme, persuadé, dans sa vision paranoïaque du monde, d'être confronté à un danger mille fois plus grand (il ne s'agit plus du sort de la Révolution, mais de celui du monde !), réagit semblablement: s'il faut tuer, alors on tuera."

ANNEXE IV : ILLÉGALISME ET GUERRE

Texte fondateur de la Nouvelle Résistance Populaire13, publié dans le n° 1 des Cahiers prolétaires, "Élargir la résistance", janvier 1971, supplément à la Cause du Peuple n° 32; directeur de publication : Jean-Paul Sartre. La théorie et la pratique de la guérilla urbaine par les maos français.
Dans ce texte, nous avons fait figurer en italique les passages où l'auteur (les auteurs?) multiplie les précautions destinées à confiner l'OPS dans son rôle de bras armé et à lui éviter un dérapage "substituiste"tel que les Brigades rouges et la Fraction armée rouge en ont connu.

(..)

"IV - L'ORGANISATION PARTISANE SÉCRÉTÉ

1 - L'élargissement de la résistance dans les bases d'appui pose des problèmes politico-militaires nouveaux et différenciés. En particulier, l'élargissement de la gauche au centre dans certaines usines, celles par exemple qui emploient beaucoup de travailleurs immigrés, et où la tradition fasciste est forte, peut être freiné, voir bloqué, par la menace que tait peser le patron sur les ouvriers

par exemple, le patron peut faire peser la menace de licenciements massifs pour enrayer tout développement d'une lutte de masse. Cette menace est une menace bien réelle, matérielle ; elle n'apparaît pas tant que le travail politique s'est borné à regrouper un noyau de gauche dans l'usine ; mais elle se manifeste dès que commence l'élargissement de la résistance.

Pour l'annuler, il peut être nécessaire de faire peser sur le patron une contre-menace, bien réelle elle aussi, et d'apporter les preuves qu'on est capable de la mettre à exécution. Par exemple, il faut dans certaines situations que le patron sache que toute mesure de licenciement massif entraînerait une destruction non moins massive des stocks.

La mise en oeuvre de tels moyens de dissuasion nécessite évidemment la construction d'une organisation clandestine, qui prépare, agisse et se replie dans l'ombre : telle est la première fonction de la guérilla de l'ombre qui doit être prise en charge par l'O.P.S. Dans ce cas, le rapport de la guérilla de l'ombre à la guérilla "ouverte"est donc le suivant : elle doit permettre un élargissement de la guérilla "ouverte"en aidant à faire sauter un verrou ; elle ne se substitue évidemment pas au mouvement de masse, elle se contente d'amoindrir les capacités de résistance de l'ennemi.

2 - Une deuxième fonction assez similaire est de lutter contre ce moyen d'intimidation du pouvoir sur les masses qu'est le développement du terrorisme policier; Les deux phénomènes importants sont les suivants : premièrement, la police s'en prend de plus en plus systématiquement aux camarades ouvriers, ce qui témoigne des progrès de la résistance dans les usines, mais aussi d'une volonté de l'ennemi d'intimider les masses ; deuxièmement, l'usage de la torture commence à se répandre chez les flics ; on l'avait déjà vu à Paris et à Grenoble après les manifestations de mai et juin 70, on fa vu récemment à Lyon et en Lorraine ; dans ces conditions, il sera nécessaire de faire savoir aux flics que ce que les camarades de l'ETA appellent "la morale du peuple basque", et qui consiste à faire payer leurs crimes aux tortionnaires, sera aussi la morale du peuple français ; l'O.P.S. devra donc se charger de faire payer ses exactions à chaque policier tortionnaire.

Dans ce cas, le rapport de la guérilla de l'ombre à la guérilla "ouverte"est donc d'aider à briser les tentatives d'intimidation de l'ennemi à l'encontre du mouvement de masse. Là encore, l'O.P.S. ne se substitue pas au mouvement de masse ; en particulier, son action doit s'unir au mouvement démocratique de lutte contre le terrorisme policier. Contre les nostalgiques du nazisme, il faudra unir un vaste mouvement démocratique et la vertu des quelques exemples bien choisis.

3 - Une troisième fonction de l'O.P.S. est de produire des effets de masse à retardement, en menant des opérations du type de l'arrestation de de Grailly. On ne reviendra pas sur ce type de rapport entre la guérilla de l'ombre et la guérilla "ouverte", quia déjà été analysé dans le chapitre précédent.

4 - Lors des campagnes politiques nationales, il peut être nécessaire de cristalliser la signification de cette campagne en attaquant, à un moment donné, la cible la plus nette. La combinaison d'un travail politique intense, basé sur l'application de la ligne de masse, et d'un temps fort marqué par une opération de partisans très dure contre une cible très évidente peut être nécessaire pour donner à une campagne politique toute son ampleur, en particulier pour la faire déboucher sur un combat de rue. Un bon exemple de combinaison du travail politique de masse, de la guérilla "ouverte"et de forme clandestine de guérilla reste la campagne transports, où l'expropriation des tickets de métro ne se substituait pas aux formes politico-militaires "ouvertes", mais leur servait en quelque sorte de relais. C'est ce type d'intervention que l'O.P.S. doit avoir dans une campagne politique nationale.

5 -Ainsi, on peut fixer avec précision le domaine politico-militaire qui doit être pris en charge par l'O.P.S. : c'est celui d'opérations avancées de petits groupes de partisans, qui ne se substituent en aucune manière aux opérations de masse, mais permettent au contraire la libération de formes de lutte de masse nouvelles.

Définir strictement ce domaine, c'est dégager deux thèses essentielles :

- L'O.P.S. n'est pas le "bras militaire"d'organisations pacifiques. Elle prend en charge les tâches de la guérilla dans un domaine que ne peuvent couvrir, en pays occupé, les organisations "ouvertes".

- II n'y a pas de développement militaire autonome. C'est-à-dire que l'O.P.S. n'est pas conçue pour obéir à la logique d'une escalade militaire automatique. Les problèmes politico-militaires qu'elle doit résoudre sont ceux que pose le développement du travail politique de masse. En d'autres termes, elle résout avec ses moyens, qui sont spécifiques, des problèmes qui sont posés en dehors d'elle, par les organisations "ouvertes"et leur double rapport aux masses et à l'ennemi. C'est donc la logique du travail politique "ouvert", soyons plus précis, la logique de l'élargissement de la résistance, et de ses conséquences du point de vue de l'ennemi, qui est le moteur du développement de l'O.P.S.

6 - Ceci implique que le problème essentiel à résoudre va être celui des rapports politique et organisationnel entre l'O.P.S., qui ne peut apparaître au grand jour, et les organisations "ouvertes". Les membres de l'O.P.S. ne pourront évidemment se montrer aux premières lignes du travail de masse, aux postes les plus exposés. Cependant, il faut à out prix éviter la coupure avec les organisations "ouvertes"et les masses, qui entraînerait des risques certains de mercenarisation, de développement autonome, incontrôlé, purement militaire.

7 - La première solution consistera à ce que les membres de l'O.P.S. travaillent dans le mouvement démocratique -et plus précisément dans les secteurs prolétariens du mouvement démocratique. Cependant, il faudra être intransigeant sur les limites de ce travail : les risques que prendra un membre de l'O.P.S., c'est dans le travail clandestin qu'il les prendra.

Des membres de l'O.P.S. travailleront dans les bases d'appui ; ils ne devront simplement pas s'exposer aux premiers rangs, ils auront principalement pour tâche d'établir un rapport, particulier à l'O.P.S., avec les masses fondamentales -et plus précisément avec les vétérans ouvriers. Ce rapport pourra, selon les cas, prendre trois formes, qui sont, en allant de la forme supérieure à la forme inférieure :

- Création de réseaux de vétérans, ouvriers essentiellement, qui apporteront à l'O.P.S., outre un renfort politique, une aide logistique, pouvant aller jusqu'à la participation active à des opérations. Ceci est vrai en particulier, évidemment, pour des anciens résistants.

- Rapports réguliers avec des vétérans ouvriers, qui seront en quelque sorte des instructeurs

- Enfin, le simple fait d'avoir des contacts fréquents avec des ouvriers de la masse sera un garde fou indispensable : chaque opération de l'O.P.S., étant donné son niveau militaire élevé, devra correspondre profondément aux désirs des masses les plus larges, pas seulement à ceux de l'extrême gauche ; sans quoi on se brûlerait en jouant avec le feu. Par conséquent, c'est une chose excellente que chaque plan décidé par discussion avec les responsables des organisations "ouvertes"soit vérifié empiriquement, prosaïquement, dans ses grandes lignes politiques, par l'O.P.S. elle-même au niveau de s ouvriers de la masse. Nous savons que le subjectivisme peut s'infiltrer profondément même dans les organisations "ouvertes"quand elles ne sont pas suffisamment développées ; il trouverait évidemment une caisse de résonance extraordinaire dans l'O.P.S. si on n'établissait pas des "garde-fous"de ce genre ; garde fous au sens strict : "attention à la folie".

Il faut, dit le camarade Charu Mazumdar (Marxiste léniniste-maoiste iranien NDLR), respecter au maximum cette règle : "aller voir le paysan pauvre, qui dans l'optique de l'actionde partisan, a le plus grand potentiel révolutionnaire, et lui chuchoter : tu ne crois pas que ce serait une bonne chose si on en finissait une fois pour toutes avec ce salaud ?"... "Nous devons enquêter auprès des masses pour connaître leur opinion ; en d'autres termes, nous ne devons pas fixer notre cible subjectivement, mais au contraire être guidés par la volonté de la majorité du peuple". Il faut pour l'O.P.S. des possibilités d'enquête directe, d'enquête garde-fous de ce genre.

8 - La composition de l'O.P.S. sera elle-même un garde-fou : y rentreront principalement des militants ayant une longue expérience du travail politique "ouvert", et capables en principe de synthétiser des éléments d'enquête divers en faisant preuve de réalisme. En dehors des militants issus des organisations "ouvertes", l'O.P.S. pourra et devra comprendre des camarades vétérans, issus des grandes luttes populaires, principalement de la Résistance. Ce point a été évoqué plus haut. Nous n'allons pas commencer à délirer, et à dire que nous allons voir affluer en masse les anciens résistants. Cela dit, il est certain qu'un nombre limité de ceux-ci, qui ne reconnaissent pas suffisamment leur expérience dans les formes de lutte des organisations "ouvertes", se rallieront plus facilement à l'O.P.S. Cet apport devra donner à la prolétarisation de l'O.P.S. un rythme particulier. Il faudra dès le début s'en soucier, parce que ce ne sont pas des perspectives vagues, mais souvent des possibilités en attente depuis au mons un an ou deux.

V - CONCLUSION

Face à la pression beaucoup plus forte de l'ennemi, au dispositif d'encerclement politique et militaire qu'il met en place autour de tous les foyers de contestation de son pouvoir, la pire des attitudes serait de céder au réflexe petit-bourgeois qui consiste à se lancer la tête contre le mur ; chercher à "briser l'encerclement"en rassemblant nos forces pour remporter une victoire militaire sur l'ennemi, on sait que ce rêve aberrant peut avoir de la force dans nos rangs, et il conduirait immanquablement et très rapidement à un écrasement total. Heureusement, nous ne sommes pas une petite troupe assiégée dans une citadelle par une armée innombrable, et nous avons d'autres issues que la sortie suicidaire. Du point de vue politico-militaire, il nous faut réajuster complètement le système de nos tâches, et sur cette base remplacer partout l'impulsion, la précipitation, par une connaissance et une application rigoureuse des lois du développement de la guérilla populaire. C'est le programme de ce a réajustement que trace ce rapport.

Mais il ne faut évidemment pas voir dans ce réajustement lui-même du système politico-militaire la réponse aux attaques de l'ennemi. Ce n'est pas essentiellement en se donnant une meilleure organisation politico-militaire, une meilleure répartition des tâches, qu'on brisera l'occupation, qu'on desserrera l'étau. Ces mesures de réajustement, pour importantes qu'elles soient, sont subordonnées à la réforme politique dans le sens "majorité, unité, démocratie", et au mouvement idéologique qui la permet.

La mesure stratégique, c'est d'élargir la Résistance, d'unir le centre à nous, d'avoir la majorité avec nous. C'est dans cette mesure qu'on a besoin d'une refonte de notre système politico-militaire : pour permettre à cette unité de s'établir, à cette majorité de s'exprimer ; et c'est alors que nous prendrons un pas d'avance sur l'ennemi.

Il faut donc bien se convaincre qu'il n'y a de "solution militaire"à aucun de nos problèmes politiques.

NOTE

13 Désignée dans les textes, pour des raisons évidentes, sous le nom d'"Organisation Partisane Secrète".

 

ANNEXE V : ANALYSE: QUE SIGNIFIE LE TEXTE D'ACTION DIRECTE - DU 29 MAI 1986.

NOTA BENE : Ce texte a été rédigé dans les premiers jours de juin 1986. Il est reproduit ici sans modification aucune. Son élaboration n'avait nécessité que la lecture attentive de "L'internationale"et des autres productions d AD : communiqués, etc... Tous les attentats perpétrés par la suite par AD ont visé les cibles désignées dans les pages qui suivent. La réalité de la pauvreté intellectuelle des responsables d AD a éclaté aux yeux de tous après la rafle de Vitry-aux-Loges. Voila qui devrait conduire les autorités à se pencher un peu plus sur le fantastique gisement d'informations précieuses contenues dans le champ du "renseignement ouvert". 
Xavier Raufer

L'agence France-presse a reçu, le 29 mai 1986, un texte d'Action directe, long de 11 feuillets, qui offre, de par son ampleur,14 le caractère d'une véritable résolution stratégique.

On sait que ces textes, pour les Organisations Communistes Combattantes, sont l'occasion de mises au point doctrinales, mais, surtout, délimitent et orientent l'activité de celles-ci pour la période à venir.15

L'analyse de ce texte, d'une richesse considérable, va nous permettre de répondre aux cinq questions suivantes :

1 ° A qui s'adresse ce texte ?

2 ° Que nous apprend-il sur la nature d'AD ?

3 ° Que nous apprend-il sur la psychologie des auteurs du texte ?

4 ° Que nous apprend-il sur l'histoire récente d'AD ?

5 ° Que nous apprend-il sur l'orientation et les perspectives d'AD ?

Avant tout :

Ce texte est-il traduit de l'allemand ? Dans son ensemble, non. De même ne paraît-il pas avoir été écrit en français par des germanophones. En revanche les slogans et les formules caractéristiques de la RAF (Fraction armée rouge) qui émaillent le texte ont, eux, été transcrits, parfois mot - à - mot, de l'allemand en français, ce qui peut laisser supposer, au lecteur hâtif, une traduction. Pourquoi cette fidélité au texte allemand ? On ne soulignera jamais assez l'admiration éperdue 16des principaux protagonistes d'AD pour la RAF, et leur désir de mimétisme, textuel dans le cas présent.

A QUI S'ADRESSE CE TEXTE ?

Diffusé par le biais d'une agence de presse, ce texte s'adresse beaucoup moins aux médias et à l'opinion publique en général qu'à une cible bien précise : les franges communistes combattantes hésitant, en France et en R.F.A., à rejoindre le projet défini par le communiqué de fusion RAF-AD "Pour l'unité des révolutionnaires en Europe occidentale"de janvier 1975. Ce texte pédagogique s'adresse, au-delà, aux OCC de la zone méditerranéenne (Grapo, FP 25, reste des BR) qui ne sont pas globalement partie prenante de ce projet, même si elles n'hésitent pas à frapper des cibles OTAN.17

Le désir d'unification du tandem RAF-AD, des communistes combattants européens, se constate par le rythme obsessionnel auquel revient, après chaque proposition, la phrase "et en Europe de l'Ouest ".

La revendication des deux attentats, exprimée dans ce texte, l'exposé du motif du choix des cibles visées, prennent l'allure d'une "leçon de choses"dont l'objectif est d'unifier et d'entraîner au combat toutes les OCC européennes et, au delà, l'ensemble de ceux qui se considèrent comme des révolutionnaires actifs.

LA NATURE D'AD

A ses propres yeux, AD constitue :

. "Une organisation communiste,

. Une partie intégrante de la guérilla ouest-européenne,

. Une fraction organisée du prolétariat international "

Notons d'abord que, depuis +/- 1982, toutes les restrictions, d'origines maoïste ou anarchiste, des OCC 1971-1980 sur le bloc de l'Est et l'Union Soviétique ont disparu : il n'y a plus "Trois mondes"(théorie chinoise), mais deux camps : celui de la "bourgeoisie impérialiste "et celui du "prolétariat international ".

Nous verrons plus loin (histoire récente) comment AD décrit son "changement de peau"et sa mutation d'un groupe anarchiste - cassoulet en une organisation communiste combattante alignée idéologiquement à 100 % sur la RAF, sans doute sous l'influence, à nos yeux décisive, d'Asselmeyer.

On sait l'importance décisive des mots d'ordre pour une organisation marxiste-léniniste. Que nous apprennent ceux qui concluent le texte ?

·"Construire 1 organisation communiste d partir des usines et des quartiers "

(qui figure déjà comme proposition centrale dans le texte "Pour un projet communiste"de 1982) Signifie : nous sommes toujours les mêmes, notre projet n'a pas changé, notre objectif est internationaliste, mais notre enracinement est national, et prolétaire.

· "Ne jamais reculer devant la dimension démesurée de ses propres buts "

Slogan RAF, traduit directement de l'allemand, montre la fierté d'AD d'affronter, en si prestigieuse compagnie, cet adversaire formidable qu'est l'impérialisme. Le rôle auto-valorisant de ce mot d'ordre est clair.

· "La guérilla ouest-européenne ébranle le centre impérialiste "

Montre l'objectif à atteindre ; souligne discrètement la victoire dans l'organisation AD, de ceux qui soutenaient le projet anti-impérialiste.

1 Cela conduit - une fois de plus - à s'interroger sur la validité de la construction journalistico-policière des "branches nationales"et des "branches internationales"d'AD.

LA PSYCHOLOGIE DES AUTEURS DU TEXTE

D'une certaine façon, ce texte est pathétique. Construit comme une leçon de marxisme-léninisme

et de "Diamant"18 discrètement cuistre, il laisse transpirer la nature très "dernier de la classe"des y

dirigeants d'AD, hantés par leur origine anarchiste impure.

Voyez, disent-ils, comme on a compris le marxisme-léninisme, comme on maîtrise la langue savants19. Et, songeant aux héros historiques de la RAF, voyez, disent-ils encore -et avec quelle anxiété- comme notre projet est logique... se déroule selon plan rigoureux... s'inscrit dans une perspective historique cohérente. On les voit d'ici, pour utiliser une image canine, en train de "faire le beau". Le résultat, au total, n'est quand même pas glorieux : ce n'est pas du Lénine grand cru.

L'HISTOIRE RÉCENTE D'AD

Ce texte contient, sur ce sujet, des éléments passionnants. Au premier chef l'affirmation d'une ligne juste tenue contre vents et marées, entre une "droite"et une gauche", entre des "dogmatiques"et des "liquidationnistes". Ce point n'est pas mineur, car :

a) il est classique chez les marxistes-léninistes, ou le groupe dirigeant se situe toujours par rapport à des "droitiers"et des "gauchistes",

b) il montre une persistance des problèmes qui agitent le camp maoïste, en France, depuis vingt ans (UJC-ML), où le noyau central Mao est en constante recherche d'équilibre entre "liquidos"et "Me-Le"(dogmatiques). Voir la naissance de la Gauche prolétarienne, sur la base d'un tel conflit, à la rentrée 1968.

Que nous dit Action directe , (analyse de la p.2 du texte) ?

· Nous avons eu raison d'adopter notre stratégie ("Front politico-militaire en Europe de l'Ouest, participation à l'affrontement mondial entre bourgeoisie impérialiste et prolétariat international ") contre ceux qui proposaient d'agir en priorité sur le terrain du social (les anciens autonomes. Ce que certains policiers désignent sans doute comme "branche nationale"d'AD) rompant ainsi avec quinze ans d'échecs et d'impuissance. Nous existons, notre appareil tient le choc, nous avons la capacité de porter des coups à l'ennemi.

· Nous avons eu raison d'être souples et pragmatiques dans nos analyses et le choix de nos cibles. Les dogmatiques, eux, (les partisans "des débats idéologiques et des programmes abstraits ", cela vise la direction des CCC, ainsi qu'Oriach et son entourage) qui ne partent pas du terrain, du concret, mais de présupposés doctrinaux, ne tiennent pas le coup devant la répression : de beaux esprits, mais qui ne savent pas y faire. Il leur reste une seule solution : se rallier à la ligne RAF-AD ou disparaître ("rassembler ... contre l'anéantissement vécu chaque jour'.

· Nous avons réussi à convaincre, dans nos propres rangs, beaucoup de ceux qui, à l'origine, renâclaient devant notre projet, et devant l'unification RAF-AD. Cela a "permis de résoudre clairement les conditions objectives antérieures, même si cela n'est pas encore perçu nettement par l'ensemble du mouvement révolutionnaire ".

· Ce que nous avons fait de 1982 à 1985 est considérable.

(Notons que, pendant cette période, la presse parlait de "la fin des années de plomb", d'"ultimes gangsters sociaux", et que certains services affirmaient "savoir tout ce qui se tramait à AD"et "contrôler la situation"...)

nous avons :

. élaboré et adopté une stratégie, . épuré et durci notre organisation,

. acquis un bagage méthodologique correct en matière de lutte armée ("construit l'indispensable mémoire et expérience de lutte armée dans ce pays ")

. noué des liens internationaux solides.

A propos de ces liens, notons l'importance symbolique du nom des commandos et unités combattantes (pratique de la RAF, copiée par AD, comme d'habitude). Le nom choisi est, là aussi, un message envoyé à des destinataires précis et peut signifier soit une tentative de séduction - dans le cas d'une action antiraciste, on prend le nom d'un noir sud-africain - ou d'un appel du pied, et on se sert du nom d'un combattant italien (BR-PCC) irlandais (INLA) ou grec (Orga 17 nov.). Reste à comprendre si cette utilisation concrétise, en pareil cas, une prise de contact, ou un passage de l'OCC concernée sur la ligne du bloc RAF-AD.

ORIENTATION ET PERSPECTIVES D'AD

De loin, la partie du texte la plus riche. Les rédacteurs y désignent ouvertement leurs cibles futures, délivrent des condamnations à mort en bonne et due forme, explicitent leurs sentences, et développent, pour illustrer l'ensemble, deux cas concrets : l'affaire Brana, et celle de l'Interpol.

a) Analyse de la période

. S'il n'y a pas, pour l'instant, de guerre impérialiste, c'est parce que le prolétariat international, en particulier celui du tiers-monde, a encore la force d'empêcher sa propre transformation en chair à canon d'une HI' guerre mondiale.

. Le projet de restructuration industriel en cours dans le "monde libre"et une partie du tiers monde vise à affaiblir irrémédiablement le prolétariat international, et à rendre possible la guerre impérialiste.

. La tâche de la période, pour les communistes combattants et les révolutionnaires authentiques, est donc d'anéantir ceux qui mettent en oeuvre ces restructurations, renforçant ainsi la capacité de résistance du prolétariat international ; et de rendre impossible la III° guerre impérialiste. Après quoi, bien sûr, le camp impérialiste s'entre-déchire, et c'est la révolution mondiale...

b) Concrètement, qui "anéantir"?

Après cette fresque économico-stratégique, AD annonce ce qu'elle va faire dans sa "prochaine étape ", qui sera "offensive ".

Remarquons en passant que, dans l'entreprise diabolique en cours, AD n'en veut pas particulièrement à la droite, qui ne fait que son boulot, mais accable en revanche les socialistes, à l'origine, pour la France, du processus criminel ci-dessus décrit.

AD frappera, dans un premier temps (et, croyons-nous, dans l'ordre qui suit) "les articulations centrales qui lient aujourd'hui leur stratégie politique, économique et militaire et au sein desquelles se trouvent compris et perçus (par le "prolétariat métropolitain"NDLR) les antagonismes les plus forts de la contradiction prolétariat international / bourgeoisie impérialiste ".

Traduisons en français.

· "ARTICULATION CENTRALE"N° 1

Elle est symbolisée par "celui qui redéploie et restructure l'industrie française ", "l'insère dans la division internationale du travail ", U réaménage les spécialisations sectorielles " (---> secteur des technologies de pointe et de l'exportation), et "organise la régression de tout le reste "(---> canards boîteux). Ça n'est pas par hasard, dit AD, si cette tâche est dévolue à un ancien militant extrémiste maquillé en libéral. Ce redéploiement et cette restructuration concernent des instruments précis : certaines entreprises, et passent par une structure définie : le grand patronat organisé.

LES ENTREPRISES : Dans son jargon, AD les baptise SPI (secteur public industriel). Dans son collimateur (stricto sensu) les "entreprises nationalisées du secteur concurrentiel "

. Intervenant sur les marchés extérieurs, surtout du tiers monde,

. Entrant dans les projets Eurêka et IDS ("segments de la globalité de la stratégie impérialiste"),

. Et en voie de dénationalisation ("ou se trouvent compris et perçus..."en clair, ou les secteurs - cibles de la pédagogie terroriste d'AD, le "prolétariat métropolitain"voit le mieux les magouilles, coups de fric, etc....).

LES HOMMES : Ce sont ceux "qui veillent à la hausse du taux de profit moyen"et "privilégient certains lieux de valorisation par des actions sélectives ", c'est-à-dire "certains monopoles de base et/ou de pointe "(voir ci-dessus, les entreprises). Ce rôle est attribué explicitement au CNPF - Parti de l'Entreprise.

Ceux qui se trouvent à la charnière de ce dispositif, en clair :

. le ministre de l'Industrie,

. le président du CNPF,

. le (les) patron(s) d'entreprises offrant les trois caractéristiques mentionnées ci-dessus,

. et les proches collaborateurs de touts ceux-ci,

Ne recherchent "pas uniquement de fructueux marchés d'avenir, mais le rapport social que l'impérialisme conçoit pour l'avenir, la généralisation de la guerre impérialiste ".

OR L'ACCUSATION DE "PRÉPARER LA GUERRE IMPÉRIALISTE'' SIGNIFIE POUR LA RAF ET AD CONDAMNATION A MORT SANS APPEL.

La preuve ? Audran, Zimmermann, Blandin, Brana se trouvent tous précisément dans l'articulation centrale décrite ci-dessus.

AD donne d'ailleurs dans ce texte une analyse détaillée de son choix le plus récent, Brana.

"ARTICULATION CENTRALE"N° 2

Elle regroupe "ceux qui mettent en oeuvre la contre-révolution offensive". En clair les forces de répression qui, au sommet de Tokyo, ont décidé de l'offensive antiterroriste "contre la lutte de guérilla prolétarienne et le mouvement de masse antagoniste, criminels, selon la bourgeoisie impérialiste, dans leur opposition à la stratégie belliciste d'hégémonie ".

D'où l'attentat contre Interpol "section policière de l'OTAN". Ceux qui mènent en France cette "contre-offensive", en s'appuyant sur cette "section policière ":

. Les ministres de l'intérieur et de la sécurité, ainsi que leurs proches collaborateurs,

contribuent sciemment "à la généralisation de la guerre impérialiste "

ET SONT DONC, EUX AUSSI, EXPLICITEMENT CONDAMNES.

Voici ce que nous apprend un texte aussi riche due dense. Nous, dans le camp de la "Bourgeoisie impérialiste", ne pouvons plus dire, désormais, que nous n'aurons pas été prévenus."

NOTES

14 C'est le premier texte élaboré publié par AD depuis "Une tache révolutionnaire, le combat international"-l'Internationale, février 1984.

15 Période au sens marxiste-léniniste du terme, définie par des "critères objectifs"et une analyse fondée sur les "lois"du matérialisme dialectique.

16 Qui a frappé l'auteur de ces lignes, au cours de conversations privées.

17 Cette pratique du texte publié en langage codé et visant des destinataires bien précis est classique pour les organisations de lutte armée : communiqués du FLNC s'adressant à la mouvance autonomiste corse, résolutions des BR destinées aux paléo-staliniens troublés par la politique eurocommuniste du PCI, etc...

18 Matérialisme dialectique de base.

19 N'oublions pas que l'ancêtre emblématique Nouvelle Résistance Populaire (un "détachement de partisans"au sein de la Gauche Prolétarienne) a éclaté sur l'abandon du Marxisme-léninisme par le "noyau central Mao"en 1973. Cela doit en hanter encore plus d'un.