C.T. Lawrence Butler et Keith McHenry

De la Bouffe, pas des Bombes

Comment nourrir les affamés et bâtir une communauté

Source: http://www.foodnotbombs.net/fr-index.htm

Traduction et adaptation: Pierre-E. Paradis assisté de plusieurs membres du collectif de Québec, 1997.

À l'origine, ce livre a été publié en 1992 sous le titre Food Not Bombs: How to Feed the Hungry and Build Community. Éditeur: New Society Publishers, 4527 Springfield Ave., Philadelphia, PA 19143

Sommaire

Un petit mot des traducteurs

Préface, par Howard Zinn

Pourquoi De la bouffe, pas des bombes

La logistique

Au delà de la collecte et de la distribution

Les recettes de Food no bombs

La politique

Histoires vécues

Cuisiner pour la paix (annexe)

En Allemagne,

Ils vinrent d'abord chercher les communistes, et j'ai gardé le silence…

car je n'étais pas communiste.

Ils vinrent ensuite chercher les Juifs, et j'ai gardé le silence…

car je n'étais pas Juif.

Puis ils vinrent chercher les syndicalistes, et j'ai gardé le silence…

car je n'étais pas syndicaliste.

Alors ils vinrent chercher les catholiques, et j'ai gardé le silence…

car je suis protestant.

Finalement ils vinrent me chercher mais à ce moment,

il ne restait plus personne pour dénoncer leur geste.

Pasteur Martin Niemöller (1892-1984)

Un petit mot des traducteurs

Nous sommes fiers de vous présenter la version française de Food Not Bombs... et de contribuer à l'expansion du mouvement FNB dans les pays francophones. D'la Bouffe, pas des Bombes a pris son essor à Québec à l'automne 1995 suite à une visite et une conférence de Keith McHenry. Par la suite, d'autres groupes de langue française ont essaimé à Montréal et Sherbrooke.

Avant d'entamer ce livre, il serait bon de noter que la version américaine, publiée en 1992, rend compte d'événements ayant eu lieu au cours des années 80. En apparence, le monde a bien changé depuis: le Mur de Berlin est tombé, la menace soviétique est chose du passé et nous sommes bien loin de l'Evil Empire tant décrié par Ronald Reagan. La peur de la guerre nucléaire a considérablement diminué mais pourtant l'insécurité n'a jamais semblé aussi grande.

C'est que la Guerre froide ne servait que de paravent pour cacher se qui se tramait réellement: la destruction planifiée de toutes les nations, de toutes les cultures voire de toutes les familles du monde pour les soumettre à la logique unique de la valeur marchande. Le néolibéralisme, que le sous-commandant Marcos n'hésite pas à qualifier de "Quatrième Guerre mondiale", était pourtant déjà bien en marche à cette époque. Les Golden Boys dépeints dans le film Wall Street, s'enrichissant en jetant des milliers de travailleurs à la rue, commençaient déjà à faire des ravages.

Le résultat, aux États-Unis du moins, consiste aujourd'hui en un nombre effarant de SDF ainsi qu'un taux d'incarcération record (une personne sur 167, le plus élevé de tous les pays industrialisés) dans des prisons privatisées à but lucratif! Au Canada, cité comme "Le meilleur pays au monde" par un gouvernement fédéral avide de propagande, la situation se déteriore aussi. Un référendum sur la souveraineté du Québec, perdu de justesse en 1995, a canalisé les rêves de changement social des Québécois dans une bataille politique stérile où peu d'idées constructives ont finalement été exprimées. Alors si la pauvreté est encore peu visible ici, contrairement aux États-Unis, elle se vit tout de même. Des coupures budgétaires draconiennes dans le secteur public (santé, éducation) et des mises à pied massives dans le secteur privé font en sorte qu'au bas de l'échelle sociale, des gens doivent marcher dehors par vingt degrés sous zéro parce que le transport en commun est devenu inabordable. Des enfants vont à l'école le ventre vide, faisant mentir les statistiques, pendant que les grandes banques font chacune un profit annuel dépassant le milliard de dollars.

D'ailleurs, la tension sociale monte quelque peu, et des émeutes surviennent maintenant chaque année dans une ville de Québec réputée calme. Sans aucune planification, ne véhiculant aucune revendication, pur exutoire des frustrations de la jeunesse, ces échaufourrées ont transformé peu à peu notre ville en forteresse policière. En 1996, des membres de De la Bouffe, pas des Bombes ont même été désignés comme boucs-émissaires par un système judiciaire expéditif. Ils ont goûté à la prison un mois durant pour avoir été des "philosophes de l'anarchie", malgré qu'ils n'aient en aucun cas fomenté ou participé à l'émeute de cette année-là.

Si ce panorama québécois ressemble à ce qui se vit chez vous, c'est qu'il est temps de bouger en tenant compte du dicton: "penser globalement, agir localement". Nous vous souhaitons donc une bonne lecture, bon courage et bonne chance!

Préface par Howard Zinn

Ceci est un livre extraordinaire, écrit par une communauté de gens extraordinaires. Leur présence m'a été révélée très graduellement, sur une longue période de temps. J'ai commencé à remarquer leurs tables, leurs affiches et leurs chaudrons remplis de soupe chaude et de légumes nutritifs lors de réunions, de manifestations, ou tout simplement dans les rues de la ville. Puis un soir, j'ai été invité à un rassemblement de poètes, musiciens et artistes de toutes sortes animés de la même conscience sociale; il y avait un comptoir le long de la salle avec encore une fois cette bannière: Food Not Bombs.

Cette fois j'y ai porté plus d'attention que d'habitude, car je reconnaissais l'homme derrière le comptoir, Eric Weinberger. J'avais rencontré Eric il y a vingt-cinq ans, sur la route entre Selma et Montgomery, Alabama, lors de la grande marche pour les droits civiques de 1965; puis de nouveau en 1977 lors d'une autre marche de manifestants anti-nucléaires cette fois, sur le site de la centrale de Seabrook. Une douzaine d'années avaient passé depuis, et voilà qu'il était avec Food Not Bombs. Je me suis dit que ces gens de FNB sont de ceux qui continuent la longue marche du Peuple américain, avançant lentement mais sûrement vers une société vivable.

Le message de Food Not Bombs est simple et puissant: personne ne devrait manquer de nourriture dans un monde si bien pourvu en terres, en soleil et en ingéniosité humaine. Aucune considération d'ordre financier, aucune volonté de profit ne devraient empêcher un enfant mal nourri ou un adulte appauvri de manger. Voilà des gens qui ne se laisseront pas berner par les "lois du marché" selon lesquelles seuls les gens qui peuvent acheter quelque chose peuvent l'avoir.

Même avant l'effondrement récent de l'U.R.S.S., c'était une politique absurde et immorale que de dépenser des centaines de milliards de dollars chaque année pour soutenir un arsenal nucléaire qui, s'il était utilisé, créerait le plus grand génocide de l'Histoire et sinon, constituerait de toutes façons un vol inqualifiable au dépens du Peuple américain. De nos jours, la "menace soviétique" étant chose du passé, le fait de dépenser un billion de dollars en armement pour les quelques prochaines années, dans le but d'entretenir un arsenal d'armes nucléaires ainsi qu'un réseau mondial de bases militaires est encore plus absurde. Le slogan "De la Bouffe, pas des Bombes" est encore plus reconnaissable aujourd'hui comme étant le bon sens même.

Ce slogan ne requiert aucune analyse complexe. Ces six mots disent tout. Ils résument directement ce double défi : nourrir immédiatement les gens qui sont sans nourriture adéquate, et remplacer un système dont les priorités sont le profit et le pouvoir par un autre système qui répond aux besoins de tous les êtres humains.

Il est rare de trouver un livre qui combine une vision à long terme avec des conseils pratiques. Mais voici un petit bijou de ce genre de conseils. Ce livre vous explique en détail comment former un groupe FNB, comment recueillir la nourriture, comment la préparer (oui, il y a des super recettes!) et comment la distribuer.

Chaque étape dans ce processus contient en filigrane le même avertissement : ne laissez pas des "chefs" ou des élites auto-proclamées prendre les décisions importantes. Les décisions doivent être prises démocratiquement, avec la plus grande participation possible, dans le but d'en arriver à un consensus. Cette idée est cruciale: si nous voulons une société meilleure, nous ne devons pas gueuler mais plutôt montrer comment la vie devrait être vécue. Oui, vraiment, ce livre est spirituellement nutritif!

Pourquoi De la Bouffe, pas des Bombes?

De la Bouffe...

Le Monde produit assez de nourriture pour subvenir aux besoins de tous, à condition de la distribuer équitablement. Il y a en fait de la nourriture en abondance. Dans ce pays, chaque jour et dans chaque ville, beaucoup plus de nourriture est jetée que ce qu'il en faudrait pour satisfaire l'appétit de ceux qui n'ont rien à manger.

Réfléchissez bien à ceci : avant que la nourriture n'atteigne votre table, elle est produite et manipulée par des fermiers, des coopératives, des manufacturiers, des distributeurs, des grossistes puis des détaillants. De la bouffe tout à fait comestible est jetée pour diverses raisons "économiques", à chacune de ces étapes. Dans une ville moyenne des États-Unis, environ 10% de tous les déchets solides est en fait de la nourriture. Ce qui donne l'incroyable total de 46 milliards de livres (20,9 millions de tonnes) à la grandeur du pays chaque année, soit un peu moins de 200 livres (90,8 kg) par personne par année. Des estimations indiquent que seulement 4 milliards de livres de nourriture par année seraient suffisantes pour éliminer complètement la faim aux États-Unis. Et il est clair que la nourriture saine pouvant être récupérée existe en abondance dans les poubelles nationales.

Pour récupérer cette nourriture comestible et s'en servir pour nourrir les gens, trois éléments-clés doivent être réunis. Premièrement, la nourriture doit être recueillie. Deuxièmement, elle doit être préparée d'une manière convenable à la consommation. Troisièmement, elle doit être facilement accessible à ceux qui ont faim.

La raison pour laquelle ce n'est pas cela qui se produit dans la société n'est pas le fruit du hasard. Nous ne pouvons nous exprimer démocratiquement sur la manière dont les aliments sont produits et distribués. Les gens voteraient sûrement pour qui leur permettrait de manger, mais dans l'économie hiérarchique qui est la nôtre, la menace constante de perte d'emploi permet aux employeurs de garder les salaires au plus bas. Une classe inférieure apparaît comme résultat de ces politiques encourageant la domination et la violence. Dans notre société, il est considéré acceptable de profiter de la souffrance et de la misère des autres.

Aujourd'hui, selon la Harvard School of Public Health, les gens vivant sous le seuil de la pauvreté (revenu annuel de moins de 9 069$ US pour une famille de trois) souffrent de la faim au minimum une fois par mois, et plus de 30 millions de personnes en souffrent régulièrement. Or croyez-le ou non, moins de 15% des pauvres sont sans domicile fixe. De plus, l'explosion de la faim a surpassé la capacité des programmes actuels de lutte à la malnutrition. Qu'ils soient publics ou privés, les organismes de charité ne fournissent plus. Peu de gens réalisent à quel point le profil démographique des affamés a changé. Dans la dernière décennie, ils sont devenus:

. Plus jeunes: 12,9 millions (40%) sont des enfants, les véritables victimes de cette tragédie

. Plus pauvres: 12,9 millions (40%) vivent sous le seuil de pauvreté. Or ce gouffre s'agrandit alors que le revenu réel des quatre cinquièmes de la population continue de décroître.

. Plus susceptibles d'être sur le marché du travail: 60% des familles pauvres comprennent des travailleurs, et le nombre d'affamés qui travaillent a augmenté de 50% de 1978 à 1986.

. Plus susceptibles d'être une femme: 50% des familles pauvres ont des femmes à leur tête.

. Moins susceptibles de vaincre un jour la pauvreté.

Évidemment, la majorité des gens qui souffrent de la faim ne correspondent pas aux stéréotypes que vous font gober les média. Les mal nourris sont des enfants et des chefs de famille monoparentale (en majorité des femmes), des travailleurs au bas de l'échelle sociale, des chômeurs, des personnes âgées, des malades chroniques et ceux dont le revenu est fixé par le gouvernement (comme les vétérans et les personnes aux prises avec des déficiences physiques ou mentales). Tous ces gens se voient pris dans les griffes de la pauvreté même s'ils essaient d'améliorer leur sort.

En plus de la collecte et la distribution de nourriture, Food Not Bombs encourage le végétarisme pour solutionner ce problème. Si plus de gens étaient végétariens et réclamaient des aliments cultivés biologiquement et produits localement, cela aiderait à promouvoir des pratiques agricoles écologiques et rendrait viables de plus petites fermes. Ce virage rendrait plus facile la décentralisation des moyens de production et la création d'un contrôle démocratique sur la qualité des produits agricoles et l'occupation des terres. Plus de gens peuvent être nourris par un hectare de terre avec un régime végétarien qu'avec un régime carnivore. Les habitudes alimentaires de notre société, basées sur la consommation de viande, encouragent l'"agrobusiness" et accroissent la dépendance des producteurs envers les fertilisants et pesticides chimiques, ce qui détruit l'environnement et diminue au bout du compte la valeur nutritive des aliments ainsi produits. Toutes les viandes produites industriellement dans ce pays sont pleines d'additifs chimiques, de médicaments, d'hormones de croissance, d'agents de conservation; et puis le lait contient presque toujours des traces d'isotopes radioactifs. C'est pourquoi le végétarisme, qui consomme moins de ressources, est meilleur pour l'environnement et notre santé.

Bien que nous encouragions le végétarisme pour des raisons politiques et économiques, cette philosophie apporte aussi plusieurs bénéfices immédiats. Les problèmes potentiels dûs aux aliments avariés sont grandement réduits lorsqu'on se contente de manipuler des légumes, et les membres du groupe tendent à adopter un régime plus équilibré à mesure qu'ils se familiarisent avec le végétarisme. De plus, enseigner aux gens l'impact bénéfique qu'aura le végétarisme sur leur santé crée une attitude positive et pleine de compassion envers nous-mêmes, les autres et la planète toute entière. Par conséquent, toute la nourriture que nous préparons provient strictement de sources végétales; il n'y a ni viande, ni produits laitiers, ni oeufs. Les gens connaissent ce principe et font confiance à notre bouffe, chaque fois qu'ils viennent à notre table.

...pas des Bombes

Ça prendra beaucoup d'imagination et de travail pour inventer un monde sans bombes. Food Not Bombs considère comme partie intégrante de sa mission le fait de fournir des vivres aux personnes impliquées dans des manifestations, afin qu'elles puissent continuer leur lutte à long terme contre le militarisme. Une autre partie de notre mission consiste à diffuser notre message auprès d'autres mouvements progressistes. Nous assistons aux événements organisés par d'autres organisations et appuyons la création de coalitions chaque fois que cela est possible. Nous luttons contre l'idée de rareté, qui amène beaucoup de gens à se méfier de la coopération entre groupes. Plusieurs croient qu'ils doivent rester séparés pour préserver leurs ressources, alors nous essayons de les encourager à penser en termes d'abondance et de leur faire reconnaître que l'union fait la force.

Être dans le feu de l'action avec notre nourriture fait partie de notre vision des choses. Parfois nous organisons des rassemblements; parfois nous servons les repas lors d'événements organisés par d'autres groupes. Fournir la nourriture pour plus d'une journée est plus qu'une bonne idée. C'est une nécessité. Le groupe ami a en fait deux options : il peut se rabattre sur les services alimentaires d'une entreprise privée plus ou moins progressiste, ou alors s'en remettre à nous. Notre position est que fournir la nourriture nous mêmes, tout en appuyant les revendications du groupe, est une manière beaucoup plus constructive de travailler. Nous avons fourni de la nourriture lors d'actions directes s'étendant sur de longues périodes, telles que le Camp annuel pour la paix organisé par The American Peace Test, sur le site d'essais nucléaires du Nevada; ainsi que dans les "bidonvilles" érigés dans les centre-villes de Boston, San Francisco, New York, Washington pour mettre en relief le problème du logement et de la faim. Sans oublier les distributions quotidiennes de nourriture aux sans-abri dans des lieux éminemment visibles un peu partout au pays.

Comment est apparu le nom De la Bouffe, pas des Bombes (Food Not Bombs)

Durant l'année 1980, un groupe d'amis qui étaient impliqués dans les manifs contre le projet de centrale nucléaire de Seabrook cherchaient un moyen de lier la question de l'énergie nucléaire avec celle du militarisme. Une de nos nombreuses activités consistait à "tagger" des slogans anti-nucléaires et anti-guerre sur les murs de certains édifices publics et sur les trottoirs en utilisant des pochoirs. Ce que nous préférions était de peindre les mots "MONEY FOR FOOD, NOT FOR BOMBS" (De l'argent pour la bouffe, pas pour les bombes) à la sortie des épiceries de notre quartier. Une nuit, après une tournée de graffiti, nous avons eu l'inspiration d'utiliser le slogan abrégé Food Not Bombspour désigner notre groupe. Ainsi, notre message serait clair et en répétant sans arrêt ce slogan, même les média finiraient par transmettre notre message au public. Nous n'aurions pas besoin de nous expliquer pendant des heures, car notre nom résumerait tout. En arrivant à quelque part avec notre nourriture, les gens diraient désormais: "Voilà D'la Bouffe, pas des Bombes".

La logistique

Comment mettre sur pied un groupe FNB

Prendre nos responsabilités personnelles et faire quelque chose pour solutionner les problèmes de notre société peut être à la fois gratifiant et insécurisant. Voter pour le meilleur candidat ou donner de l'argent à votre organisme de charité préféré sont des activités fort valables, mais beaucoup de gens ressentent le besoin d'en faire plus. Il est difficile de découvrir quoi faire et par où commencer, surtout avec des problèmes aussi importants que l'itinérance, la faim et le militarisme. Ce livre de poche vous aidera donc à trouver votre voie vers l'implication personnelle et l'action directe, dans le but de vous attaquer à ces problèmes.

L'expérience FNB est par dessus tout une occasion de vous réaliser, de prendre le contrôle de vos vies. En plus du message politique évident que nous essayons de transmettre, les deux composantes majeures du travail quotidien de Food Not Bombs sont la cueillette et la redistribution des surplus de nourriture, et l'aide aux affamés. L'organisation politique est beaucoup plus gratifiante si elle entraîne à la fois un éveil politique et un service direct, plus terre-à-terre.

À chaque étape, vous ferez face à de nombreux choix; certains seront décrits dans ce livre, mais d'autres seront propres à votre situation. Vous devrez prendre les décisions les meilleures pour votre organisation locale. Nous pouvons vous dire, expérience à l'appui, que ce sera du travail à la fois très dur et très amusant. C'est pourquoi nous essaierons de partager avec vous les choses que nous avons apprises, et qui pourront vous éviter les problèmes auxquels nous avons déjà dû faire face. Ce livre constituera le point de départ de votre propre aventure; il est basé sur plus de dix ans d'expérience mais cela n'apportera pas de réponse à tout. Chaque jour apporte de nouveaux défis et de nouvelles occasions d'apprendre. L'expérience FNB est une aventure vivante et dynamique qui s'étend avec chaque personne qui y participe. Alors que de plus en plus de groupes FNB se forment dans d'autres villes, nous découvrons que chacun d'entre eux apporte de nouvelles idées, de nouvelles visions et de nouvelles façons de développer son identité. Ce livre vous donnera donc les informations de base nécessaires aux premiers pas de votre groupe.

Les sept étapes pour mettre sur pied un collectif Food Not Bombs local

Au départ, mettre sur pied un collectif peut sembler une tâche dont l'ampleur vous dépasse. Travaillez donc sur les bases, et allez-y une étape à la fois. Il n'y a aucune raison de se sentir obligé de tout réaliser en même temps. Il se peut que ça prenne quelques semaines avant que tout marche bien, il se peut aussi que ça prenne des mois. Une personne ne peut constituer un groupe FNB à elle seule, mais elle peut être l'initiatrice, celle par qui tout commence.

Une fois que vous avez pris la décision de mettre sur pied un collectif FNB dans votre localité, choisissez un lieu, une date et une heure de rencontre et réunissez tous ceux qui seraient intéressés à discuter de votre projet. Vous pouvez commencer avec un groupe d'amis, les membres d'un groupe déjà existant, ou des gens attirés par des affiches annonçant vos intentions.

Ce qui suit est un procédé étape par étape pour mettre sur pied et gérer votre projet. Vous aurez peut-être à ajouter, ignorer ou ordonner différemment certaines étapes selon votre situation personnelle. Suivez la voie qui semble la meilleure pour votre groupe.

1. Commencez par vous trouver un numéro de téléphone et une adresse postale. En utilisant une boîte vocale ou un répondeur téléphonique, vous pourrez avoir un message continu qui donne de l'information au sujet de la prochaine réunion (date, heure, lieu) et recevoir des messages. Ainsi, vous ne manquerez aucun appel. De plus, utilisez un casier postal comercial comme adresse permanente.

2. Photocopiez des flyers (affichettes) annonçant l'existence de votre groupe. En les distribuant lors d'événements, en les affichant à travers la ville ou en les postant à vos amis, vous attirerez d'autres volontaires. Il est important d'avoir des réunions hebdomadaires régulières, et de toujours savoir quand aura lieu la prochaine.

3. Arrangez-vous pour avoir un véhicule. Il peut y avoir des véhicules de la taille appropriée au sein même des membres de votre groupe. Sinon, vous pourrez peut-être emprunter une camionnette ou fourgonette à une organisation religieuse amie ou à d'autres organisations similaires. Avec beaucoup de chance, vous pourrez peut-être trouver quelqu'un qui vous en fera don. Si rien de cela n'est possible, alors organisez une levée de fonds, des concerts-bénéfices, etc.

4. Avec vos flyers en main, commencez à chercher des sources d'approvisionnement en nourriture. Commencez vos démarches dans les coopératives et magasins d'aliments naturels. Ce genre de commerces donnent en général beaucoup d'appui et sont l'idéal pour pratiquer votre approche. Dites-leur que vous planifiez de redistribuer la nourriture à des maisons d'hébergement, et dans des soupes populaires. S'ils sont intéressés, fixez une heure régulière pour faire la collecte chaque jour ou aussi souvent que possible. Là où cela s'y prête, laissez de la documentation qui explique ce que Food Not Bombs fait.

5. Livrez la nourriture récoltée à des maisons d'hébergement et à des soupes populaires. Il est important de connaître les endroits qui donnent à manger dans votre région. Tâchez de savoir où ils sont situés, qui ils servent et combien de personnes ils servent. Ces informations vous permettront de planifier votre trajet de distribution et la quantité de nourriture à donner à chaque organisme. Il est habituellement préférable d'établir un horaire de livraison régulier avec chaque établissement.

6. Une fois que ce réseau est établi, commencez à garder une partie de la nourriture, sans nuire au programme régulier.Avec cette nourriture, préparez des repas qui seront servis dans la rue. Allez aux rassemblements politiques et aux manifestations en premier lieu; vous pourrez y recruter de nouveaux bénévoles, amasser des dons, et remonter le moral des participants. Donner un repas lors de rassemblements bâtit l'esprit de communauté et aide la cause des manifestants d'une manière très directe.

7. Lorsqu'assez de gens sont impliqués, pensez à servir des repas une fois par semaine aux sans-abri. Installez-vous dans la rue, et mettez-vous le plus en évidence possible. Une partie de notre mission consiste à rendre les affamés et les sans-abri plus visibles. Nous voulons aussi rejoindre un vaste public avec notre message "de la bouffe, pas des bombes". Cuisiner dans la rue sera un travail dur, mais qui aidera à renforcer l'esprit communautaire et qui pourra s'avérer très plaisant.

Le «bureau»

En général, De la Bouffe, pas des Bombes travaille avec peu de resources financières. En fait, nous essayons de tirer le meilleur parti de nos ressources. Un bon moyen d'y arriver est de n'utiliser qu'un répondeur téléphonique et une case postale en guise de "bureau". En n'ayant pas de local, il n'est pas nécessaire d'y affecter un bénévole en permanence, et c'est déjà du temps d'économisé. Cela permet aux bénévoles de passer plus de temps dans la rue, et nos tables de distribution et de documentation finissent par constituer le bureau où la politique du groupe s'établit, et où les personnes intéressées à nous rejoindre peuvent nous trouver.

Un de nos buts, lorsque nous faisons du travail de rue, est de rassembler des gens de plusieurs milieux socio-économiques différents de manière à ce qu'ils entrent en contact les uns avec les autres. Si votre bureau est à l'extérieur, vous devenez tout-à-coup très accessibles et toutes vos actions deviennent publiques. Avec le temps, les gens qui sont sur le pavé développeront un grand respect pour votre groupe, vous acquerrez une expérience directe de la vie dans la rue et développerez une connaissance approfondie des opinions qui y prévalent. Jusqu'ici, le coût de toutes ces opérations est très abordable.

La prise de décisions

Un autre but de Food Not Bombs est de stimuler la confiance et la croissance personnelle de chaque individu. La manière dont nous nous y prenons pour arriver à ces fins, à l'intérieur d'un groupe, consiste à créer une atmosphère où chacun sera invité à prendre des initiatives, à participer à la prise de décisions et à assumer à tour de rôle les différentes fonctions nécéssaires à la bonne marche du groupe.

Nous prenons les décisions par consensus plutôt que par le vote. Le vote est un modèle gagnant-perdant dans lequel les gens sont souvent plus préoccupés par le nombre de personnes requises pour en arriver à une majorité, que par le débat lui-même. Le consensus, pour sa part, est un processus de synthèse qui rassemble divers éléments et les fusionne en une solution acceptable par tous. Il s'agit, fondamentalement, d'une méthode de prise de décision qualitative plutôt que quantitative. Chaque idée est valorisée et devient partie de la décision.

Lorsque tous participent au débat, la confiance mutuelle se développe et les gens se sentent concernés par le résultat. Une proposition est plus forte lorsque plusieurs personnes y ont participé dans le but d'en arriver à la meilleure décision possible pour le groupe. Toutes les idées sont soupesées et évaluées; mais seules les idées qui, de l'opinion générale, favorisent le plus le groupe sont retenues.

Il existe plusieurs modèles de consensus pouvant être adoptés par votre groupe. Il est très important, toutefois, que le modèle retenu soit clair, logique, et qu'il puisse être facilement enseigné et appris de manière à ce que tous puissent participer pleinement.

Plusieurs groupes progressistes évitent les leaders qui pourraient avoir tendance à dominer. Or ce serait une erreur de penser qu'un groupe n'a pas besoin de leadership. Alors pour éviter que le pouvoir ne soit concentré dans les mains de quelques leaders haut-placés, encouragez les habiletés de direction chez chaque membre du groupe et faites une rotation des rôles. Cela peut être accompli par la tenue de séances de formation et par des encouragements soutenus, surtout envers les personnes les plus timides. Cela aidera le groupe à devenir plus démocratique, satisfera ses membres et par conséquent, préviendra les burn-out ou encore les désistements.

Établir le contact

Établir le contact est très important, moins onéreux et plus efficace que vous vous l'imaginez. L'appendice de ce livre montre un exemple de flyer ayant été très efficace pour attirer de nouveaux membres. Vous pouvez l'utiliser, en prenant soin d'ajouter vos coordonnées à l'endroit approprié, ou alors vous pouvez créer le vôtre. Ce flyer ainsi que plusieurs autres pourront alors être placés sur les babillards des écoles, cafés, librairies, buanderies automatiques et magasins d'aliments naturels de votre quartier. Placez ce genre de publicité à intervalles réguliers; il est important de s'assurer un apport constant en idées fraîches et en personnes enthousiastes!

En plus de coller des affiches et de distribuer des pamphlets, visitez toutes les organisations vouées à la paix, l'environnement et la justice sociale de votre ville ou quartier. Laissez-y votre publicité et ramassez la leur, de manière à pouvoir l'intégrer à votre table de documentation.

Visitez aussi toutes les soupes populaires, refuges et groupes de défense des plus démunis et distribuez votre publicité. Ne vous laissez pas décourager par un accueil tiède. Au début, ces groupes pourront considérer Food Not Bombs comme un compétiteur pouvant leur soutirer leurs maigres ressources (subventions, donations). Il se peut aussi qu'ils s'opposent fermement à l'idée de faire un lien entre la faim, le manque de logements et l'injustice économique et d'autres questions comme le militarisme. Beaucoup d'institutions acceptent de venir en aide aux opprimés sans remettre en cause les fondements de cette oppression. Ils préfèrent garder la tête basse et appuyer le statu quo, et ils craindront tous ceux qui remettent le système en question. Toutefois, puisque la philosophie de Food Not Bombs est la création de l'abondance en évitant le gaspillage, votre nourriture gratuite sera un moyen de les convaincre et de gagner leur appui petit à petit. Cette manière d'établir des contacts constituera la base d'un appui plus large, à l'échelle de toute une communauté, qui vous sera extrêmement bénéfique dans le futur.

À mesure que vos efforts se concrétisent, vous pouvez organiser ou appuyer des événements spéciaux qui amèneront encore plus de gens à joindre vos rangs, pour le travail et pour le fun. Des exemples: des spectacles de musique, des récitals de poésie, des festivals du film ou du vidéo, ou tout cela à la fois! Avant ces événements, contactez tous les médias répertoriés dans les pages jaunes de votre région, et invitez-les à venir. Même si leurs reportages s'avèrent peu sympathiques à votre cause, il est quand même bon de voir le nom "De la Bouffe, pas des Bombes" mentionné dans la presse. Selon notre expérience, la plupart des gens comprennent bien le concept véhiculé par ces six petits mots et ne se laissent pas tromper par des reportages négatifs.

Lors de ces événements, une chose qui ne manquera pas d'attirer l'attention est le déploiement d'une énorme bannière proclamant "De la Bouffe, pas des Bombes". Cette bannière est d'une grande utilité lorsque les médias prennent des photos puisque, à défaut d'une couverture plus approfondie, les mots "De la Bouffe, pas des Bombes" seront diffusés. Vous pouvez aussi utiliser le logo montrant un poing mauve brandissant une carotte aussi souvent que vous le voulez. Notre quartier général aux États-Unis peut vous faire parvenir des épinglettes, autocollants et bannières pour vous aider à recueillir des fonds et vous faire connaître. (Voir en annexe.)

La collecte de nourriture

La récupération de nourriture constitue l'épine dorsale de l'oeuvre de Food Not Bombs. Découvrir des sources d'approvisionnement peut sembler, à première vue, relever un défi de taille; mais en fait il ne vous faut qu'un peu de confiance et de patience. Chaque entreprise de l'industrie agroalimentaire est une source potentielle de nourriture à récupérer; du gros au détail, de la production à la distribution. Il vous faudra parfois une bonne dose d'imagination et d'insistance pour convaincre un gérant têtu de vous laisser prendre possession de la nourriture "en trop"; mais dans la plupart des cas, les entreprises se montrent très coopératives. Il vous faudra décider si vous voulez laisser savoir aux propriétaires ou gérants de ces entreprises qu'une partie de cette nourriture servira à des fins politiques sous la bannière "De la Bouffe, pas des Bombes". Dans certains commerces, cela ne causera aucun problème; mais en d'autres endroits il vaut mieux passer cela sous silence jusqu'à ce que l'on vous connaisse mieux.

Commencez par conclure des ententes auprès des grossistes et détaillants d'aliments naturels, ainsi que des boulangeries. Demandez aux employés s'il leur arrive de jeter régulièrement de la nourriture, et s'il leur serait possible de vous la donner. N'oubliez pas de leur mentionner, s'il y a lieu, que cela pourrait diminuer leurs frais d'enlèvement des ordures. Ils deviendront plus conscients du problème économique causé par des tonnes et des tonnes de nourriture jetées dans les décharges; puis ils feront ainsi le lien entre leur compte de taxe qui monte sans arrêt et le fait que de plus en plus de décharges sont remplies à ras bords. Un corollaire de notre programme est donc la réduction des déchets dans notre société.

Pendant que vous faites ces démarches auprès des intervenants de la chaîne agro-alimentaire, commencez à vous informer au sujet de la disponibilité des conducteurs et des véhicules. Il vous faudra au moins un volontaire pour conduire chaque jour. Établissez un horaire qui convienne à la fois aux conducteurs et aux entreprises qui vous appuient. Ces dernières hésiteront à vous mettre de côté leurs surplus, s'ils craignent que vous ne veniez pas les chercher régulièrement. Être à l'heure est une tradition chez Food Not Bombs; alors ne perdez pas trop de temps. Curieusement, vous verrez qu'il est plus fréquent d'avoir trop de bouffe que de ne pas en avoir assez. Faites de votre mieux, et même si vous n'arrivez pas à tout sauver dites-vous que c'est déjà ça d'accompli.

Gardez toujours une petite minute pour développer de bonnes relations avec les travailleurs des entreprises que vous visitez. Ces gens décident chaque jour quelle quantité de bouffe doit être jetée; s'ils vous trouvent sympathiques ils pourront faire de petits extras…

La variété de nourriture qui peut être récupérée est quasiment infinie. Soyez créatifs. La plupart des aliments périssables sont volontairement stockés en excès, alors il y aura des surplus réguliers. Allez à la recherche d'endroits où vous pourrez trouver des bagels, du pain et des pâtisseries, des fruits et légumes bio, du tofu et certains aliments emballés. Parfois il vous faudra acheter certaines denrées non-périssables, comme le riz, les haricots, les pâtes, les épices et condiments. Certains magasins d'aliments naturels accepteront de vous les refiler gratuitement ou à rabais.

Au fur et à mesure que votre réseau grandit, vous pourrez remonter la filière jusqu'aux grossistes et cultivateurs. Le volume d'aliments pouvant être récupéré est immense; un jour ou l'autre vous devrez être sélectifs. Choisissez la meilleure qualité, c'est-à-dire les aliments les moins défraîchis. En plusieurs endroits il est inutile de récupérer les fruits et légumes "industriels" puisque les surplus de produits bio suffisent! En fait, l'un de nos messages politiques est qu'il y a plus de nourriture jetée chaque jour que d'affamés pour la manger.

La distribution

En premier lieu, livrez la bouffe que vous ramassez en gros aux soupes populaires de votre localité. Grâce aux recherches que vous aurez effectuées auparavant, il ne sera pas difficile de trouver des organismes intéressés. Considérez aussi les banques alimentaires, les popotes pour grévistes, les refuges pour femmes battues et garderies aux prises avec des coupures budgétaires, etc. Contactez les organisations déjà à l'oeuvre dans la communauté, et demandez si des bénévoles accepteraient de vous épauler dans une distribution de nourriture hebdomadaire. Vu que ces organismes ont déjà une base locale bien établie, leurs membres connaissent bien les personnes en difficulté, sont au fait de leurs besoins les plus pressants et vous conseilleront sur la meilleure manière de procéder à la distribution. De plus, faites en sorte que celle-ci soit une porte d'accès pour les autres programmes de réinsertion sociale. Utilisez la nourriture comme un outil d'intégration et d'organisation. Parfois, De la Bouffe pas des Bombes procède aux distributions dans des HLM ou sur le coin des rues. Mais il est aussi possible de placer la bouffe en gros à côté des tables de distribution de mets préparés. Un de nos buts est d'éveiller les gens à l'abondance de nourriture, ainsi qu'au gaspillage engendré par l'économie de marché qui donne de la valeur à ce qui est "rare" et fait passer les profits avant les humains.

La cuisine

Une fois que votre réseau de cueillette et de distribution est bien structuré, commencez à utiliser une partie de la bouffe récupérée pour préparer des repas chauds. Il vous faudra un local pour cuisiner, et plusieurs pièces d'équipement nécéssaires pour nourrir un grand nombre de personnes. Cet équipement est plus suceptible de se trouver chez les fournisseurs de restaurants que dans les cuisines de particuliers. Une liste complète de ce qu'il vous faut se trouve dans la section Recettes.

L'espace adéquat pour cuisiner peut être obtenu de diverses manières. Vous pouvez utiliser les installation d'un centre communautaire, d'une communauté religieuse ou d'un édifice public quelconque. Une grande cuisine dans un loft ou un vieil appartement, ou plusieurs cuisines modernes de taille standard feront l'affaire; mais parfois la meilleure solution consistera à préparer les mets directement au coin d'une rue, dans la "cuisine de terrain". Chaque situation présente certains avantages et inconvénients, et les besoins que vous aurez en cuisine seront déterminés en grande partie par l'ampleur de votre plan de distribution. Parfois il vous faudra une combinaison de tous ces espaces, pour chacun des aspects de votre programme. Par exemple, vous préparerez votre repas hebdomadaire pour les sans-abri dans les cuisines d'une communauté religieuse; puis vous utiliserez la cuisine extérieure lors d'un rassemblement politique dans un parc; puis enfin la cuisine privée d'un bénévole pour préparer un dîner de moindre envergure. La clé consiste à choisir la cuisine de taille appropriée pour chaque type d'événement.

Puisque la majorité des groupes Food Not Bombs doivent à un moment ou l'autre cuisiner à l'extérieur, ce sera une bonne idée d'acheter un brûleur portatif au propane. Ce carburant est le plus pratique lorsqu'il s'agit de travailler au grand air. Les réservoirs peuvent être remplis plusieurs fois, et même de petits réservoirs possèdent une autonomie surprenante. Ça vaut vraiment la peine d'acheter un poêle robuste, car même s'il coûte plus cher, sa durée de vie sera supérieure et il sera plus sécuritaire, notamment avec de grands chaudrons de 40 litres. Cet équipement et tout ce qu'il vous faudra en général peuvent être obtenus en quincaillerie, chez les fournisseurs de restaurants, dans les marchés aux puces et les ventes aux enchères, ou tout simplement par le biais de connaissances.

Les pièces les plus importantes sont habituellement les chaudrons. Vous devrez en posséder de différentes tailles, mais les plus utiles seront les plus gros: 40 litres ou plus. De cent à deux cents personnes peuvent être nourries à partir d'un chaudron de cette taille, tout dépendant de ce qu'on y prépare; malheureusement il est difficile de s'en procurer. La plupart des gens qui possèdent des chaudrons de ce type n'accepteront pas de vous les prêter. Alors il faudra les acheter. Les moins dispendieux sont en aluminium, mais nous les déconseillons fortement à cause de leur toxicité. Si jamais vous utilisez des chaudrons d'aluminium, n'y préparez jamais de recettes à base de miso ou de tomates. L'acidité des ingrédients oxydera le métal et celui-ci va contaminer la nourriture. Essayez d'obtenir des chaudrons en acier inoxydable, et lorsque vous en aurez une batterie complète, prenez-en bien soin! Il n'est pas rare de perdre des ustensiles, des couvercles, des chaudrons entre le véhicule, la cuisine et la table de distribution. Essayez aussi d'éviter que les chaudrons se trouvent dans un périmètre ou il y a risque d'arrestation. Pour les actions les plus risquées, transférez la bouffe dans des chaudrons plus petits ou des chaudières de plastique.

Une autre pièce d'équipement très utile est le seau de plastique de 5 gallons (20 litres). Ceux-ci peuvent être obtenus gratuitement auprès des magasins d'aliments naturels et les coopératives. Demandez aux responsables de conserver pour vous les seaux de tofu, de beurre d'arachides ainsi que tous les grands récipients de plastique dans lesquels la bouffe est livrée et qui n'ont pas à être rendus. N'oubliez pas de conserver les couvercles! Ces seaux seront utiles pour l'entreposage, le transport et la distribution, etc. Puisqu'ils sont faciles à obtenir, vous pourrez les utiliser dans des situations où il n'est pas certain que vous puissiez les récupérer.

La préparation

La logistique est la principale chose à considérer lorsqu'on désire cuisiner pour un grand nombre de personnes. Obtenir à la fois une quantité suffisante de nourriture, l'équipement nécéssaire, une cuisine adéquate et une équipe de volontaires peut parfois ressembler à un miracle, mais dites-vous que c'est possible. Chaque collectif va petit à petit développer sa propre méthode de préparation; ce qui suit est donc une base générale.

L'équipe de volontaires se donne habituellement rendez-vous à la cuisine quelques heures avant l'heure prévue pour le service. Ils s'affairent à décharger la nourriture et l'équipement du véhicule, puis ils lavent leurs mains avec du savon et regardent quelle quantité de chaque ingrédient est diponible, en relation bien sûr avec le nombre de personnes qui doivent être nourries. Enfin, ils font un tri, choisissent les ingrédients nécéssaires et les lavent. (La tâche qui prend le plus de temps est sans contredit le lavage et le découpage des légumes.)

Chaque équipe de volontaires travaille avec le genre d'organisation qui lui convient le mieux. Une personne peut par exemple devenir le "chef"; mais en d'autres occasions, chaque personne peut choisir son propre plat et le préparer de A à Z. Le groupe peut aussi choisir de fonctionner de manière informelle, mais dans tous les cas c'est la coopération qui compte. Les recettes peuvent provenir soit de ce livre, soit de l'expérience de chacun. Une fois que la cuisson est terminée, les bénévoles nettoient la cuisine, mettent la bouffe dans les contenants prévus pour le transport et le service, et chargent le véhicule.

Parfois l'équipe de préparation des repas et l'équipe de distribution sont les mêmes personnes. Mais en général il s'agit de deux équipes différentes. La deuxième équipe emmène donc le matériel sur le site, puis organise le service ainsi que le montage de la table de documentation. Il est important, à ce stade, d'avoir à proximité un seau d'eau savonneuse et un autre rempli d'eau claire avec un soupçon de javel. Les responsables du service pourront ainsi se laver les mains avant de commencer leur travail.

Essayez de placer la bouffe loin de la documentation, pour éviter les dégâts irréparables; si la file d'attente est très longue, désignez quelqu'un pour aller distribuer du pain, des muffins ou encore du liquide s'il fait très chaud. Cela rendra l'attente beaucoup plus supportable et dissipera la crainte qu'ont certains de manquer de nourriture. Un autre moyen de réduire les tensions est de recruter des amuseurs publics ou des musiciens; votre soupe populaire prendra alors des allures de fête! Finalement, l'équipe responsable du service doit se charger du nettoyage du site et de l'équipement, ainsi que de ramener le tout vers le lieu d'entreposage.

La collecte de fonds ou de dons à même la table de distribution est une chose qui est sujette à délibérations. Dans certains cas il peut être complètement déplacé de demander des dons; mais en d'autres moments les gens insistent pour nous appuyer. Une chose doit être claire cependant: tous doivent manger à leur faim, peu importe leur capacité de payer. Manger est un droit, pas un privilège.

Les cuisines mobiles et les tables d'extérieur

Lors de chaque événement tenu en plein-air, la première décision que le groupe doit prendre est la localisation des tables. Plusieurs détails doivent être considérés: il faut tout d'abord s'y prendre à l'avance; et puis lors de rassemblements, se trouver près du point central de l'événement s'est généralement avéré une stratégie gagnante. Être dans le feu de l'action encourage les gens à participer plus activement et à demeurer plus longtemps. Parfois le meilleur endroit est aussi le plus passant. Ce peut être l'endroit le plus visible ou tout simplement le plus accessible. Il faut tenir compte du peu de possibilités de transport disponibles aux sans-abri, et il faut finalement éviter de s'installer trop près d'un restaurant ou d'un commerce servant le même type de nourriture que vous. Ses propriétaires pourraient craindre votre compétition, se plaindre et réclamer que vous déménagiez ailleurs.

Les illustrations suivantes montrent deux possibilités d'installations extérieures. L'une d'entre elles est plus simple et requiert un minimum d'équipement. L'autre est plus complexe et serait en mesure de satisfaire aux normes d'hygiène en vigueur dans la plupart des municipalités. Nous de Food Not Bombs croyons que notre travail ne devrait se soumettre à aucun permis. Toutefois, la municipalité ou la police utilisent souvent l'hygiène et le permis comme moyen de pression pour faire cesser nos activités. C'est pourquoi il est intelligent d'avoir une cuisine mobile propre et bien équipée. Il pourrait y avoir quand même des tentatives de vous nuire; mais alors vous pourrez répliquer que leurs arguments n'ont rien à voir avec l'hygiène et qu'ils sont plutôt politiques. En guise de conclusion, nous vous rappelons notre position selon laquelle nous avons le droit de donner de la nourriture en tout temps, en tout lieu sans avoir à demander la permission de l'État.

Table de distribution de base

A) Soupe chaude (c'est mouillé! Tenir loin de la documentation)

B) Salade ou autres denrées sèches

C) Pain et/ou bagels (essayez de mettre la soupe du même côté que le pain)

D) Sel, condiments, épices

E) Fourchettes ou cuillères

F) Flyers, livres et autocollants

G) Boîte pour recueillir les dons d'argent comptant

H) Épinglettes, pin's

Suggérez que les gens passent devant la documentation en premier lieu, puis à la soupe en deuxième; cela évitera que des aliments ne soient renversés sur votre précieuse paperasse!

De la Bouffe, pas des Bombes: cuisine mobile

A) Soupe

B) Salade

C) Cuillères et/ou fourchettes

D) Pain ou bagels

E) Cuisson de la soupe sur un poêle au propane

F) Boîte de fruits

G) Planche à couper

H) Lave-mains avec savon

I) Rince-mains

J) Bombonne de propane (5 gallons)

K) Table de documentation

Au-delà de la collecte et de la distribution...

 

Le théâtre de rue

Dès les tout débuts, nous avons considéré nos activités de rue comme étant du théâtre. Cela n'incluait pas seulement la distribution de nourriture, mais aussi la distribution de documentation et notre présence aux activités d'autres groupes autonomes pour ne nommer que ceux-ci. Nous nous sommes aperçus que les activités personnelles sont aussi politiques, et que les choix politiques ont nécessairement des répercussions personnelles. Nous avons voulu mettre l'emphase sur la militarisation de notre société en faisant ressortir ses coûts humains et la souffrance qu'elle engendre. Nous avons donc créé des occasions de dénoncer ces injustices tout en servant la soupe, en nous déguisant en militaires tenant un comptoir à pain et pâtisseries dans le but de financer l'achat d'un bombardier B-1, ou encore en présentant le "défi tofu" au lieu du "défi Pepsi". Nous avons même présenté une pièce de théâtre silencieuse dans laquelle une personne déguisée en missile de papier mâché menaçait de destruction une autre personne déguisée en planète.

Les seules limites au genre de théâtre que vous pouvez présenter sont votre imagination et votre carnet de notes. Certains scénarios incluaient de tout pour tous les goûts, en commençant par des tables de bouffe et documentation égayées par des musiciens, jusqu'à la superproduction avec amplification, jeux de lumière, diaporamas, marionnettes et haut-parleurs; tout cela autour des mêmes tables. Parfois, ces événements sont organisés par De la Bouffe, pas des Bombes; parfois ils sont organisés par d'autres groupes et nous nous contentons de servir la bouffe et de distribuer la documentation. D'une manière ou d'une autre, il ne faut pas oublier de faire participer activement l'auditoire chaque fois que l'occasion se présente.

Puisque nous avons toujours en cette approche théâtrale, il a toujours été facile de nous adapter aux situations les plus variées. Nous reconnaissons et valorisons les interrelations entre idées progressistes. Nous essayons de démontrer à quel point le militarisme et l'impérialisme affectent notre vie de tous les jours; et lorsque nous participons à un événement dédié à une certaine cause, nous essayons de démontrer comment cette cause interagit avec d'autres. Notre nourriture constitue souvent un excellent lien connectif.

Notre documentation réflète notre vision globale des choses: nous promouvons activement plusieurs événements dans notre communauté en distribuant leurs brochures, et nous nous efforçons d'être le plus visibles possible. Cela inclut la recherche de bons emplacements pour dresser nos tables. Parfois, le site idéal est un parc ou une place publique; mais il est important de s'installer devant une banque, un siège social, un édifice public ou militaire de temps à autre. La fréquence de nos interventions est aussi très importante. Plus nous agissons au vu et au su de tous, plus notre message se répand; nous invitons d'ailleurs les groupes autonomes à faire preuve de régularité, pour établir leur réputation. La table de Food Not Bombs constitue souvent, par ailleurs, un point de repère pour les militants et les voyageurs qui veulent nouer des liens avec le mouvement dans une nouvelle ville.

La collecte de fonds

De la Bouffe, pas des Bombes a depuis très longtemps l'habitude d'être très relax par rapport à la collecte de fonds. Nous préférons recevoir de petites sommes d'argent plutôt que des dons importants et difficiles à gérer, provenant de personnes qui pourraient être très distantes de nous, que ce soit géographiquement ou politiquement. Nous croyons qu'il est préférable de compter sur une large base d'appuis dans la communauté avec qui nous avons des contacts directs, plutôt que de dépendre de quelques fondations ou mécènes qui pourraient faire des pressions ou nous manipuler afin que nous servions leurs propres intérêts. Bien que ce genre de financement populaire soit plus long et difficile, il nous permet cependant de rester à l'affût de l'actualité politique, et requiert un contact constant avec nos supporters.

Le statut de société à but non-lucratif

Les gens demandent souvent si nous sommes une société sans but lucratif, exemptée d'impôts. En général, nous ne sommes pas très attirés par la bureaucratie nécessaire au l'existence d'une telle organisation. Parfois, nous avons recours à un "voile", qui nous assiste dans les tractations relatives à certains dons devant être destinés à telle ou telle organisation sans but lucratif, et cela fonctionne bien. Il n'est pas trop difficile de trouver des partenaires prêts à nous aider pour ce genre d'opérations. Mais toutefois nous vous recommandons de ne demander aucun permis et de ne laisser aucune instance gouvernementale superviser votre travail. Lorsqu'un collectif acquiert le statut légal de société sans but lucratif, les bureaucrates s'arrogent un droit de regard sur toutes ses activités et limitent son champ d'action. C'est pourquoi nous préférons les ignorer plutôt que d'avoir à s'en défiler constamment.

Épinglettes, pin's et autres autocollants

Une bonne manière de s'autofinancer est de monter des tables de documentations bien fournies en épinglettes, autocollants, T-shirts, dans des lieux achalandés ou lors de rassemblements politiques. Être régulièrement à l'extérieur à la vue des passants; utiliser son droit à la libre expression et recueillir des dons, tout cela a un effet incroyable. Pour certains groupes, les dons recueillis grâce à ce genre de matériel sont une source majeure de revenus, et lorsque les gens demandent comment ça coûte, dites: "Un dollar, un peu moins si vous êtes fauché et un peu plus si vous en avez les moyens". Créez une atmosphère détendue de manière à ce que les gens donnent ce qu'ils peuvent sans subir de pression ou de malaise. Vous réussirez à recueillir plus d'argent et à éveiller les consciences si les bénévoles se tiennent en arrière du comptoir de documentation, dirigent l'attention vers tel ou tel dépliant, et rappellent la tenue des prochains événements. Lors de grands rassemblements en plein-air, rappelez-vous de vider régulièrement le chapeau où sont recueillis les dons, afin que personne ne soit tenté de s'enfuir avec vos recettes de la journée.

L'approvisionnement

Parfois, d'autres groupes nous demandent de fournir de la nourriture pour leurs événements. Ce peut être de la soupe chaude pour des manifs à l'extérieur, ou encore des repas légers lors de conférences. Les groupes qui nous commanditent ainsi nous donnent environ un dollar ou plus par personne servie. S'ils offrent des forfaits spéciaux comme le transport ou le logement, ils demanderont généralement des contributions supplémentaires aux participants. Cela dépend des organisateurs. Toutefois, si l'événement a lieu à l'extérieur et est ouvert au grand public, la bouffe est toujours gratuite et n'est jamais refusée à ceux qui sont sans le sou. Lors de certains rassemblements, la bouffe est cuite sur place, alors qu'elle peut être cuite ailleurs puis transportée sur place lors d'autres événements. Essayez d'arriver à temps lors de tous les rassemblements. Ceci est très important, surtout si vous devez offrir le lunch du midi à une centaine de personnes lors d'une conférence. Et puis rappelez-vous qu'il est toujours possible de monter la table de documentation aux côtés du comptoir de distribution, ou encore dans le hall d'entrée ou les corridors.

Les spectacles et autres activités spéciales

De la Bouffe, pas des Bombes organise souvent des spectacles, à la fois pour l'agrément et pour recueillir des fonds. Alors si vous décidez de faire de même, planifiez longtemps à l'avance et ce sera un grand succès. Que ce soit pour des manifs, des spectacles ou des récitals de poésie, il est important de fixer une date et de trouver un site au moins six semaines, voire deux mois à l'avance.

Lorsque vous faites vos démarches, ayez à votre disposition les adresses complètes de toutes les parties impliquées, de manière à pouvoir les rejoindre. Envoyez aux artistes et aux tenanciers une lettre confirmant la date, le lieu de l'événement, l'heure ainsi que les autres détails comme la durée de chaque numéro. Ce serait bien triste que des artistes ne soient pas au rendez-vous tout simplement parce qu'ils n'ont pas reçu leur confirmation écrite. Si votre spectacle se déroule bien, dites-vous que ces derniers seront plus susceptibles de vous appuyer à l'avenir. Si vous organisez un spectacle, demandez aux formations s'ils ont déjà de l'équipement à leur disposition (amplis, consoles) et s'ils connaissent un bon technicien. Montez un horaire complet longtemps à l'avance avec un espace précis alloué pour chaque artiste, incluant le montage, le démontage et les tests de son.

Une autre bonne idée est la distribution de flyers et d'affiches annonçant l'événement aux autres organisations six semaines à l'avance. Une pub placée dans leur bulletin mensuel ou dans leur calendrier d'activités peut être très efficace. De plus, collez vos affiches partout en ville et laissez des flyers bien en vue sur votre table de documentation un mois à l'avance. Si cela est possible, enregistrez des messages de 30 secondes pouvant être diffusés par une station de radio communautaire, étudiante, pirate ou autre. Faites un suivi téléphonique pour vous assurer que le message est bel et bien diffusé, et suggérez que celui-ci soit classé dans le répertoire de "service communautaire" de la station.

Lors du spectacle, montez votre table de documentation en prenant bien soin d'y inclure les autocollants, pins et vêtements mentionnés plus haut. Lors d'événements de plus grande envergure, vous pouvez aussi imprimer un programme et y louer quelques espaces publicitaires à des petits commerces locaux. Ce programme pourra alors être vendu lors du festival et constituer une source additionnelle de revenus. Et bien sûr, une table où l'on sert des rafraîchissements pourra être elle aussi très profitable.

Quelques «tuyaux» concernant les lois et règlements

Les permis

Selon certaines personnes, la municipalité ou mairie sera plus "heureuse" si vous faites la demande d'un permis et leur laissez ainsi savoir que vous utilisez tel parc ou telle place publique. Vous donnez aux pouvoirs publics le nom de votre organisation, votre adresse postale, un numéro de téléphone, et ils vous donnent un permis. Si la procédure est aussi simple que ceci, vous pouvez la considérer; mais évitez de donner le nom de votre organisation avant d'être bien certains que ça ne craint pas.

Voici un cas probant : le 11 juillet 1988, après avoir distribué de la nourriture pendant plusieurs mois sans que la municipalité ait mis de bâtons dans les roues, le collectif De la Bouffe, pas des Bombes de San Francisco a fait une demande de permis très simple d'une page au Service des Parcs et Loisirs, à la suggestion de certains organisateurs impliqués dans les groupes communautaires. Cela a malheureusement attiré l'attention du gouvernement sur notre plan de distribution de repas, et leur a donné l'opportunité de nous refuser le permis. Ce refus a ensuite constitué un excellent prétexte pour nuire aux distributions et arrêter nos bénévoles.

Bien que les pouvoirs publics puissent créer des raisons de toutes pièces dans le but de vous refuser l'octroi d'un permis, ne vous laissez pas intimider. Montrez clairement que vous êtes ouverts à toute suggestion visant à améliorer le déroulement de vos opérations, mais aussi que vous refuserez toute demande visant à vous rendre la tâche impossible. Même après de longues heures de négociations avec les fonctionnaires et les élus, des permis durement gagnés peuvent être révoqués à tout moment. Selon le gouvernement, un permis est une chose qu'il peut retirer dès qu'il en a envie (rappelez-vous les traités signés avec les peuples autochtones). C'est pour ces raisons que nous vous recommandons fortement de ne PAS contacter les autorités locales. La révolution n'a besoin d'aucun permis.

La formation à la non-violence

Dans la plupart des endroits, les pouvoirs publics considèrent le droit de partager de la nourriture gratuitement comme une activité non réglementée et protégée par l'Article Premier de la Constitution américaine. Toutefois, cela n'est pas vrai pour tous les endroits ou tous les pays. Si votre groupe sent qu'il y a risque d'arrestation pour cause de distribution de nourriture, ce serait une bonne idée de contacter un militant politique réputé ou encore un avocat engagé, et de vous préparer psychologiquement en simulant des situations de crise variées; cela sans oublier de considérer les conséquences légales de vos actes.

En fait, si vous croyez sérieusement risquer l'arrestation, il sera très utile d'organiser une séance d'entraînement à la non-violence au préalable. Dans beaucoup d'endroits, des groupes pacifistes locaux pourront vous aider à trouver des formateurs. Aux USA, la War Resisters League de New-York possède une liste nationale des personnes-ressources ainsi qu'un livret de formation. Si vous ne pouvez trouver un formateur expérimenté, réunissez votre groupe pour une journée et faites votre propre entraînement. Discutez de ce qui pourrait arriver et des événements qui pourraient conduire à l'apparition de la violence. Pratiquez-vous à répondre de manière non-violente; et puis faites des simulations de chaque situation envisagée, avec certaines personnes jouant le rôle des policiers, et d'autres jouant le rôle des militants. Ceci est très instructif, et très efficace pour vous aider à surmonter votre peur de l'arrestation. Les conséquences juridiques, la solidarité entre détenus, et la préparation de la défense en cas de procès sont aussi des sujets qui pourraient être au menu lors de cette journée.

En cas d'arrestation : la non-coopération

Que vous croyiez vraiment être arrêtés ou non, la simple volonté d'assumer une arrestation peut être très gratifiante, et d'ailleurs le simple fait de ne pas craindre l'arrestation la rend déjà moins susceptible de se produire. Si vous êtes arrêtés pour avoir distribué de la bouffe gratuite aux sans-abri, la non-coopération avec la police peut avoir beaucoup d'impact politique et être très gratifiante au plan personnel. La forme la plus primaire de non-coopération est de refuser de donner votre nom et adresse. Cela rend la tentative de vous dominer plus difficile. Si vous refusez de vous identifier, les policiers essaieront de vous intimider en vous isolant dans des cellules spéciales, en refusant de vous laisser contacter votre avocat, en refusant de vous laisser comparaître ou en utilisant d'autres tactiques et menaces du même acabit. Dites-leur poliment mais fermement que vous n'avez pas l'intention de divulguer votre nom; dans la presque totalité des cas, les policiers vont abandonner après une ou deux tentatives de vous effrayer. Ils vous enregistreront sous le nom de Jane ou John Doe (Jean Dupont ou Jeanne Tremblay) après avoir pris vos empreintes digitales et votre photo. La plupart des États limitent le temps d'incarcération précédant la comparution à 48 ou 72 heures. Durant cet intervalle, les policiers ne pourront pas légalement vous empêcher de voir votre avocat si celui-ci en fait la demande.

Bien sûr, ne parlez jamais de l'arrestation avec les policiers. Les policiers ne feront plus la lecture de vos droits, alors c'est à vous de demeurer silencieux, question de ne pas vous mettre les pieds dans les plats : tout ce que vous dites pourrait éventuellement être utilisé contre vous en cour, ou utilisé contre les autres détenus.

Demeurer complètement flasque ou muet constitue une forme plus avancée de non-coopération. Dans ces cas, les policiers utiliseront souvent des prises destinées à vous faire souffrir (pression sur les tempes, sous le nez, etc.) ou encore vous projetteront violemment contre le sol. Mais savoir que l'on peut absorber une certaine dose de souffrance et garder le contrôle sur son propre corps peut être très fortifiant personnellement. Pour certains, accompagner la police en marchant, c'est comme avouer que l'arrestation est justifiée. Ne pas marcher, refuser de donner votre nom fera croître votre force intérieure; mais la pleine coopération peut elle aussi avoir ce même effet, puisque vous savez que vous ne faisiez rien d'illégal de toutes façons et que c'est absolument incroyable que vous soyez arrêtés pour avoir nourri les nécessiteux.

Les appuis

Si vous vous faites arrêter, il vous faut considérer plusieurs choses. Essayez d'avoir une personne-ressource pour chaque personne risquant l'arrestation. Les personnes-ressources évitent l'arrestation, et peuvent de ce fait accomplir plusieurs tâches dans l'intérêt de celles qui sont détenues. Ces tâches comprennent notamment téléphoner à la famille, aux amis et aux employeurs pour leur expliquer ce qui est arrivé; faire un suivi juridique pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'erreurs ou de mauvais traitements; contacter les médias; organiser la défense et recueillir les appuis; et d'une manière générale faire tout ce que les détenuEs ne peuvent pas faire. Il est préférable que les personnes-ressources soient au fait des tactiques que les personnes arrêtées comptent utiliser face au système judiciaire, c'est-à-dire la non-coopération, la solidarité entre détenus, la solidarité face à la caution, etc. De cette manière, elles pourront tenir tout le monde au courant des plus récents développements, et être présentes lorsque leur aide est requise. Il est une bonne idée de laisser à la personne qui vous est affectée votre nom et une somme d'argent, juste au cas où vous décidiez vouloir être libérés plus rapidement.

Le contact avec les médias

Vous devriez garder une liste de numéros de téléphone à proximité en cas d'arrestation. celle-ci devrait inclure les numéros d'avocats engagés, de divers intervenants, de la prison, et des médias. Avoir de la visibilité dans les médias locaux peut être d'une utilité considérable, pour aider à diffuser votre message et susciter de nouveaux appuis. Si cela est possible, rappelez-vous du nom de votre contact dans chaque journal ou poste de télé, et parlez à la même personne chaque fois que vous appelez. Ayez vos revendications et les plus récents développements à portée de la main, comme par exemple le nombre de personnes arrêtées, les accusations, qui vous êtes et pourquoi le collectif De la Bouffe, pas des Bombes a fait ce qu'il a fait pour en arriver là. Rappelez-vous toutefois qu'il n'est pas question d'essayer de convaincre le journaliste de la justesse de votre cause. Vous ne devez pas parler aux médias, mais bien à travers eux. Dites ce que vous avez à dire, et mettez fin à la conversation. Soyez polis mais fermes. Ne laissez pas les journalistes vous entraîner vers des sujets moins importants s'éloignant du contexte, car ils pourraient diffuser ces informations "divertissantes" plutôt que celles qui sont vraiment pertinentes.

La solidarité entre prisonniers

Après l'arrestation, il peut être très gratifiant pour le groupe d'agir de façon solidaire. Il vaut mieux en discuter et planifier le tout à l'avance. Lorsqu'elle est arrêtée, une personne a les choix suivants : ne pas donner son nom (non-coopération), donner son nom mais refuser de payer la caution (solidarité face à la caution), ou pleine coopération en donnant son nom et payant la caution. Si plusieurs membres ont l'intention de ne pas coopérer ou de ne pas payer la caution, alors c'est le temps de planifier l'action de solidarité. En tant que groupe, vous pouvez négocier votre coopération en échange de concessions, comme par exemple l'accès à un téléphone, à votre avocat, à la presse; ou encore une libération sans condition et sans avoir à payer de caution (personal recognizance), ou encore que le groupe ne soit pas séparé. Le système carcéral n'est pas conçu pour faire face à des groupes, il est conçu pour isoler et démoraliser les gens. Plus vous êtes solidaires en tant que groupe, le plus tôt il sera épuisé et accédera à vos demandes. Peut-être même qu'on vous rendra votre liberté tout simplement! Malheureusement, à cause de la philosophie sur laquelle est bâtie le système carcéral, les gardiens sont entraînés à être volontairement vagues et imprécis, dans un but de sécurité. Vous ne savez jamais si ce qu'ils disent est la vérité ou non. Cela désoriente les militants et les rend incapable d'avoir confiance en les informations qui leur sont transmises. Alors vaut mieux ne rien croire de ce que les gardiens racontent! Restez calmes et polis, et utilisez chaque conversation avec vos gardiens comme une occasion d'expliquer pourquoi vous vous êtes engagés dans De la Bouffe, pas des Bombes. Mettez l'accent sur tout le ridicule qu'implique l'arrestation de personnes qui distribuent de la bouffe gratuitement. Dans la doctrine non-violente, cela s'appelle "le pouvoir de la vérité" (speaking your truth to power). Ayez confiance en vous, et restez fidèles au plan que le groupe a élaboré avant l'arrestation.

Les recettes de Food Not Bombs

La logistique

Cuisiner pour un très grand nombre de personnes peut être très intimidant. Préparer un souper pour six personnes à la maison et en préparer un pour plusieurs centaines dans la rue sont des choses bien différentes, mais ne vous affolez pas! Avec l'équipement approprié et quelques habiletés, c'est faisable et ça peut être plus facile et agréable que vous l'imaginez.

L'équipement

La première étape consiste à rassembler les quelques volontaires qui ont l'intention d'aider à la préparation, au transport et à la distribution des repas. Ces travaux ne peuvent se faire seul. La deuxième étape est l'acquisition du matériel approprié. La plupart des gens ne possèdent pas de casseroles de 5 ou 10 gallons (20 à 40 litres) ou de très grands bols à mélanger dans leur cuisine. Toutefois, la plupart des communautés religieuses en possèdent, ainsi que bon nombre de centres communautaires, restaurants et soupes populaires. Parfois, une ou plusieurs de ces organisations accepteront de vous prêter l'équipement; mais en d'autres cas vous devrez l'acheter. Les commerces revendant du vieil équipement de restaurants, les encans et ventes de faillite, ainsi que les marchés au puces et ventes de garage sont d'excellents endroits où se le procurer.

D'une manière générale, vous aurez besoin des éléments suivants:

. 2 ou 3 très grands chaudrons

. 2 ou 3 grandes poêles en fonte (ou woks)

. Plusieurs grands bols à mélanger

. Des cuillères et louches de restaurant

. 2 ou 3 grands couteaux pour couper les légumes

. Plusieurs planches à découper

. Plusieurs contenants de plastique avec couvercles pour entreposer, transporter et servir la nourriture

. Une boîte à pain avec couvercle, dotée de pinces de métal pour le libre-service

. Une grande carafe ou cafetière avec un bec pour servir les boissons

. Une grosse glacière pour conserver les denrées périssables, surtout lors des chaudes journées d'été

. Un réchaud portatif au propane

. Une ou deux tables portatives

. La bannière De la Bouffe, pas des Bombes

. Une banque d'assiettes, bols tasses et ustensiles (cuillères, fourchettes, couteaux)

. Des serviettes de papier

Ce dernier élément a toutefois soulevé bien des questions quant à son impact environnemental. Il faut dire que les nouveaux groupes commencent habituellement par utiliser des assiettes de papier, des ustensiles de plastique et des verres en styromousse pour leurs distributions. Heureusement, il existe bon nombre de gens conscients de tout le gaspillage qu'engendre cette méthode. Utiliser des produits faits de carton recyclé, éviter le styromousse, récupérer les matières plastiques pour les envoyer au recyclage et encourager les gens à réutiliser leurs tasses et assiettes de plastique sont quelques moyens de répondre à leurs préoccupations. Lors de certains événements, il est possible de demander aux participants d'apporter leurs propres assiettes, ustensiles et serviettes de tissu. Certains chapitres de Food Not Bombs réussissent tout de même à accumuler de grands nombres d'articles de plastique et de métal durables à un prix ridicule, lors de marchés aux puces et de ventes de garage. Ainsi, même si quelques tasses et cuillères sont égarées à chaque activité, les pertes restent minimes. Sauf qu'il faudra nettoyer tout cela le plus hygiéniquement possible après chaque repas, ce qui constitue du travail additionnel. Il n'y a pas de solution parfaite, et nourrir de nombreuses personnes entraîne toujours son lot de déchets de papier et de plastique. Mais les efforts que vous ferez pour en réduire le volume seront une belle occasion d'initier le public à l'importance du recyclage, de la réutilisation et de l'économie.

Pour ce qui est des tables portatives, c'est une autre paire de manches. Certaines tables vendues dans les quincailleries ne sont pas assez robustes pour supporter de grosses quantités de nourriture. Vous pouvez alors fabriquer votre propre table, et de plus elle sera très facile à transporter, monter et démonter. Elle consistera en une porte d'intérieur creuse (sans la poignée) et d'une paire de tréteaux faits de 2x4 (poutres de bois) et de charnières de métal. La porte et les matériaux pour les tréteaux peuvent être achetés à la quincaillerie pour moins de 30 dollars. La porte creuse est très légère, et les tréteaux peuvent être pliés ou démontés rapidement ce qui permet un transport très facile.

Les recettes que vous allez utiliser peuvent provenir de ce livre, d'un autre livre de recettes, de la tradition familiale ou encore être élaborées "au pif". Faites de votre mieux pour que la nourriture que vous servez soit la meilleure possible, tant au goût qu'en termes de valeur nutritive. Il ne s'agit pas que de remplir des panses, mais aussi de respecter la dignité des gens.

Cuisiner pour de grands groupes : quelques conseils

Cuisiner pour cent personnes n'est en soi pas très différent de cuisiner pour dix, sauf que les quantités sont dix fois plus grandes! Mais certains détails ne s'appliquent pas : le sel et les épices en particulier n'ont pas besoin d'être multipliés dans les mêmes proportions. En fait, des quantités moindres suffisent alors laissez-vous guider par vos papilles gustatives. La même chose est vraie en ce qui a trait au temps de préparation de chaque plat; on peut faire des économies d'échelle : plus le volume est grand, plus efficacement chaque étape sera réalisée. Le temps de préparation total en sera réduit. Et puis lorsqu'un ingrédient en particulier est au menu dans plusieurs plats, lors de plusieurs journées d'affilée, il est possible de le préparer à l'avance et en une seule fois, le tout dépendant de l'espace qui vous est disponible pour le travail et l'entreposage.

Nous vous prions encore une fois d'être ponctuels; parfois ce peut être difficile, voire impossible. C'est pourquoi lorsque le temps presse, vous pouvez préparer les plats les plus simples à l'avance, et faire la préparation et la cuisson des recettes plus complexes sur le site même.

La soupe est un plat qui se prête très bien à la cuisson sur le site de l'événement. Lorsque vous vous installez, faites bouillir un chaudron d'eau, et pendant que l'eau chauffe, commencez à couper et à y verser des légumes. Lorsque les légumes ramollissent, prélevez la moitié du contenu du chaudron et commencez le service. À la moitié restante, rajoutez de l'eau et d'autres légumes et poursuivez la cuisson. Cela peut continuer indéfiniment et devenir une soupe éternelle!

Ce concept peut être utile dans une cuisine où le temps se fait rare, ou lorsque le réchaud au propane est trop petit pour soutenir plusieurs grands chaudrons. Suivez la recette normale de soupe aux légumes; une fois que les légumes sont ajoutés et que le bouillon vient à ébullition, enlevez une bonne partie de celui-ci et versez-le dans un autre récipient. Rajoutez d'autres légumes ainsi qu'une petite quantité d'eau au chaudron et poursuivez la cuisson. Ce chaudron devrait maintenant contenir assez de légumes et d'épices pour deux ou plusieurs chaudrons de soupe supplémentaires. Alors quand la cuisson est terminée, mélangez ces légumes baignant dans peu de liquide avec le bouillon que vous avez prélevé auparavant, versez le tout dans plusieurs récipients et le tour est joué : vous pouvez transporter la soupe sur le site où elle sera servie. Voilà comment faire deux ou trois chaudrons de soupe à partir d'un seul, et en quelques petites minutes de plus.

Faire les courses

Tentez d'obtenir toute la nourriture que vous utilisez par le biais de dons ou de récupération. Cependant, vous vous apercevrez vite que ce ne sont pas tous les ingrédients dont vous aurez besoin qui sont disponibles de cette façon. Les huiles, épices et certaines denrées sèches sont souvent difficiles à trouver, alors quelques courses seront nécéssaires. Même si cela coûte un peu plus cher, faites vos emplettes à la coopérative locale ou au magasin d'aliments naturels le plus près de chez vous. Si possible, achetez bio et évitez le suremballage; achetez en vrac en utilisant vos propres contenants.

À long terme, essayez de faire le moins d'achats possible. Faites un inventaire précis de vos besoins, et étudiez l'industrie agroalimentaire pour recenser les endroits où les pertes surviennent. Rendez-vous à ces endroits et arrangez-vous pour pouvoir récupérer les pertes gratuitement. Il n'y a pas de limite au nombre de projets que vous pouvez soutenir et aider avec votre bouffe gratuite si vous apprenez correctement cette méthode. La philosophie de Food Not Bombs en est une d'abondance, pas de précarité.

La manutention et l'entreposage

Plusieurs questions liées à la santé et à la sécurité surviennent lorsqu'on manipule et entrepose de la nourriture; il est important de les garder en mémoire. Premièrement, essayez d'écourter le plus possible le temps d'entreposage et de transport de votre nourriture. Si vous ne manipulez aucun produit d'origine animale et que le laps de temps entre les cueillettes et livraisons de nourriture est une question d'heures plutôt que de jours, alors il n'y a pas de danger. Gardez la nourriture dans un endroit sec et frais, à l'abri du soleil, et lavez vos mains avant de la manipuler. Lavez les légumes avant de les préparer. Si vous travaillez quelque part à l'extérieur, un seau d'eau de 5 gallons (20 litres) dans lequel vous pourrez les tremper et les frotter fera l'affaire. Et bien sûr, quiconque souffre d'un rhume ou d'une grippe devrait s'abstenir de cuisiner ou de faire le service.

Après les activités, il reste souvent de la bouffe en trop. Essayez de la donner à un centre communautaire ou à une maison d'accueil pour personnes en difficulté, plutôt que de vous casser la tête à la réfrigérer et l'entreposer. La bouffe conservée plusieurs jours a une valeur nutritive moindre et est plus susceptible d'être gaspillée; de plus la réfrigération ou la congélation consomment beaucoup d'énergie. Et pendant ce temps, l'industrie agroalimentaire continue d'accumuler les surplus quotidiennement. Si vous n'avez aucun groupe à qui donner vos restants, alors divisez-les entre bénévoles et apportez-les à la maison.

Comment utiliser ces recettes

Avec le temps, Food Not Bombs a élaboré des recettes adaptées à la nourriture disponible et au nombre de personnes qui en ont besoin mais ne peuvent se la payer. Certains groupes pourront trouver ces recettes utiles, d'autres voudront peut-être inventer les leurs, basées sur les ressources disponibles et les besoins spécifiques de la communauté. Ces recettes sont une sélection: quelques unes sont très simples, certaines autres plus complexes; certaines sont conçues pour des événements spéciaux, d'autres pour des manifs et actions de rue. Elles reviennent toutes à un coût modique, elles peuvent nourrir un grand nombre de personnes et ont très bon goût si on les prépare avec soin.

Les portions suggérées pour chaque recette sont basées sur des portions plutôt légères d'environ 6 ou 7 onces (170-200g). Si vous décidez d'accorder des portions plus généreuses, ajustez les proportions de la recette en conséquence.

Les ustensiles que nous suggérons ne sont que les principaux. Chaque recette nécessitera un couteau à légumes bien aiguisé, une planche à découper, des contenants et cuillères assorties, etc. Si vous n'avez pas accès à des chaudrons de grandes dimensions, les recettes pourront être divisées en deux ou en quatre, et plusieurs équipes pourront opérer simultanément pour produire le même volume initial. Il est possible de nourrir 4000 personnes avec quatre réchauds au propane dotés de deux brûleurs chacun, ainsi qu'un boyau d'arrosage pour l'apport en eau courante.

Les temps de préparation et de cuisson indiqués conviennent à des cuisiniers et cuisinières d'expérience. S'il s'agit de votre première expérience, vous pouvez vous attendre à prendre le double du temps suggéré. Le temps de préparation est calculé en fonction d'une personne, mais peut être écourté si d'autres volontaires s'ajoutent.

Les quantités sont une affaire de goût. Utilisez assez d'huile pour couvrir le fond du chaudron. Les épices sont légers alors si votre entourage aime la bouffe épicée, augmentez les quantités. Salez parcimonieusement, car le sel change la chimie d'une recette. Les gens pourront saler et poivrer leur propre portion de toutes façons. Utilisez les ingrédients principaux en plus grande quantité, s'ils sont à votre disposition ou si vous avez le budget pour vous les procurer.

Des recettes simples

Les recettes qui suivent sont inspirées du type de nourriture que vous serez le plus susceptibles de recueillir lors de vos tournées. Ces recettes sont faciles à réussir, même pour les débutants; elles sont végétaliennes, c'est-à-dire sans produits laitiers, oeufs ou viande. Noubliez pas d'utiliser des produits de l'agiculture biologique chaque fois que cela est possible.

Pains et pâtisseries

Les produits les plus simples à préparer pour un service sont les pains et pâtisseries. Après avoir recueilli les surplus de la journée et du lendemain dans les boulangeries locales, placez les tranches coupées dans un grand contenant de plastique avec un couvercle. Attachez-y une paire de pinces avec du fil de fer ou de la ficelle. (Les ustensiles se perdent facilement, les attacher est donc conseillé.) Les pinces sont utilisées pour que les gens ne manipulent pas le pain avec leurs mains.

Les légumes crus

Vous ramasserez sûrement une bonne quantité et une grande variété de légumes frais et crus. La majorité d'entre eux pourront être servis tels quels après un simple rinçage. Beaucoup de soupes populaires n'offrent pas de crudités à leurs repas, c'est pourquoi ils seront grandement appréciés par les gens de la rue.

Vous pouvez faire plusieurs sortes de salades crues, tout dépendant des arrivages de la journée. Lavez les légumes pouvant être mangés crus, et coupez-les en petits morceaux. Mélangez-les avec de la laitue ou du chou, pour faire une salade. Ajoutez la vinaigrette au moment de servir, mais pas toute la salade à la fois. Une salade qui baigne dans sa vinaigrette trop longtemps devient flasque, peu appétissante, et ne pourra pas être conservée pour le lendemain. Les légumes destinés à la cuisson pourront quant à eux être utilisés dans les soupes et sandwichs.

N'utilisez aucune partie moisie des légumes. Le mycélium (les racines) des moisissures se propagent à l'intérieur du légume; elles sont invisibles et insipides, donc difficiles à détecter. Beaucoup de personnes sont allergiques aux moisissures et pourraient être incommodées même par la partie du légume qui semble correcte, à cause du mycélium.

Les légumes à la vapeur

Beaucoup de légumes, dont les légumes-racines et ceux à feuille verte foncée, peuvent être lavés, cuits à la vapeur et servis comme cela. Tranchez-les en petits cubes et placez-les dans une passoire de métal. Placez ensuite la passoire dans un gros chaudron où un peu d'eau bout dans le fond (1 pouce ou 4cm devraient être suffisants). Laissez-les cuire jusqu'à ce qu'ils soient tendres, et servez-les immédiatement.

La sauce tomate

Dans une casserole, faites sauter l'ail et les oignons dans un peu d'huile. Ajoutez des épices comme l'origan, du basilic, du thym, des feuilles de laurier, du romarin, etc. Ajoutez ensuite des tomates fraîches coupées en dés et d'autres légumes comme des carottes, des betteraves, des poivrons verts, du brocoli, etc. Remuer souvent et cuire jusqu'à ce que tous les légumes soient tendres et que la sauce soit épaisse. Servir sur des pâtes, du riz, du pain ou utiliser comme base pour un chili ou un ragoût de légumes.

Riz et fèves (haricots)

Dans une grosse casserole, faites sauter l'ail et les oignons dans l'huile jusqu'à ce qu'ils deviennent translucides. Ajoutez l'eau et les haricots. Les proportions sont une part de haricots pour deux parts de riz pour cinq parties d'eau. Ajoutez une cuillerée à thé (c. à t.) de sel de mer pour chaque gallon (3,8 litres) d'eau, et laissez les haricots bouillir 45 minutes, ou moins s'ils ont été trempés la veille. Ajoutez le riz, une tasse et demie (375 ml) de coriandre ou cumin par gallon, du poivre, ainsi que les tout légume qui vous semble approprié, comme les oignons, les carottes ou les tomates séchées. Couvrez le chaudron et amenez à ébulition. Remuez de manière à faire remonter les fèves prises au fond, et baissez le feu. Laissez mijoter à feu doux pendant environ 45 minutes, ou jusqu'à ce que toute l'eau ait été absorbée. Ne mélangez pas plus d'une fois après que le riz ait été ajouté.

Salade de fruits

Lavez et coupez les fruits, puis mélangez-les. Il est préférable, pour une meilleure digestion, de servir les melons et pastèques à part (ou même avant le repas) mais ce n'est pas absolument nécessaire. Ajoutez des raisins, des noix, de la noix de coco râpée et/ou des graines de tournesol. Le jus de citron peut être utilisé pour empêcher l'oxydation des fruits, c'est-à-dire les empêcher de tourner au brun, et afin de préserver leur saveur.

Les (petits-)déjeûners

GRUAU

Donne 100 portions

Équipement: un chaudron de 20 litres

Temps de préparation: 1 minute

Temps de cuisson: 10-12 minutes

3 gallons (11,4 litres) d'eau

1t (250 ml) de vanille

1t (250 ml) de sirop d'érable

2 ct de sel

50t (12,5 litres) de flocons d'avoine

En option:

10t (2,5 l) de raisins secs

8t (2 l) de noix de coco râpée

4 ct de muscade

Faire bouillir l'eau salée, ajouter le reste des ingrédients, ramener à ébulition puis baisser le feu. Cuire de 2 à 5 minutes, et retirer du feu. Servir avec de la cassonnade, du sirop d'érable ou de la mélasse.

GRANOLA

Donne environ 20 livres (9 kg) de granola

Équipement: un grand bol à mélanger, une poêle de grosseur moyenne, plusieurs plaques à biscuits en métal

Faire chauffer le four à 300F

Temps de préparation: 30 minutes

Temps de cuisson: 1 heure

40t (10 l) de flocons d'avoine

40t de flocons d'orge

10t (2,5 l) d'amandes

10t de noix de coco râpée

5t (1,25 l) de graines de tournesol

2t (500 ml)de graines de sésame

6t (1,5 l) d'huile de carthame

5t de sirop d'érable

?t (125 ml)de vanille

10t de raisins secs

Alternatives:

Flocons de blé

Flocons de seigle

Mélanger les ingrédients secs ensemble dans un gros plat à mélanger. Dans une casserole, chauffer l'huile, le sirop d'érable et la vanille jusqu'à ce que ce mélange soit assez chaud pour être versé sur les ingrédients secs et les pénétrer. Bien remuer, et étendre le tout sur plusieurs plaques à biscuits. L'épaisseur du granola sur la plaque ne devrait pas dépasser un pouce (2,5 cm). Griller dans le four pendant une heure, en remuant toutes les 15 minutes. Le granola est prêt lorsqu'il est doré. C'est maintenant le temps d'y inclure les raisins. Lorsque le granola est refroidi, servir avec du lait végétal (soya, riz, noix) ou du jus de fruits, ainsi qu'avec des fruits frais tranchés.

FRICASSÉE DE TOFU

Donne 24 portions

Matériel: une très grosse poêle

Temps de préparation: 15 minutes

Temps de cuisson: 30 à 40 minutes

1t (250 ml) d'huile de carthame

2 gousses d'ail écrasées

5 oignons hachés

10 livres (4,5 kg) de tofu

3 cs de tumeric

1/4t (75 ml)de poudre d'ail

1/4t de tamari

2t (500 ml) de levure alimentaire

Chauffer l'huile dans une grosse poêle. Faire revenir l'ail 30 secondes, puis ajouter les oignons et faire revenir jusqu'à ce qu'ils deviennent translucides. Presser le tofu comme une éponge jusqu'à ce que tout l'excès d'eau soit enlevé, puis l'émietter dans la poêle jusqu'à ce qu'il commence à dorer. Ajouter le tumeric, la poudre d'ail, le tamari et la levure alimentaire. Bien remuer et retirer du feu. Servir chaud avec des graines de tournesol et de sésame grillées et/ou du ketchup. (Pour rôtir les graines de tournesol, faire chauffer une poêle sèche et propre, et ajouter assez de graines pour en couvrir le fond. Remuer sans arrêt une fois qu'elles ont commencé à brunir. Les graines vont faire un peu de fumée, mais remuer jusqu'à ce que la plupart aient les deux faces bien grillées. C'est alors le temps d'ajouter une demi-tasse de graines de sésame. Remuer encore. Les graines de sésame vont éclater, et certaines d'entre elles vont même être projetées hors de la poêle. Griller le tout encore une ou deux minutes de plus, jusqu'à ce que les éclats se fassent de plus en plus rares. Retirez immédiatement les graines de la poêle, et les laisser refroidir dans un bol en métal ou en céramique. Le tamari peut être ajouté aux graines à la toute fin de ce processus, si désiré.)

PATATES RÔTIES

Donne 100 portions

Équipement: un grand chaudron d'environ 40 litres, 1 grande poêle

Faire chauffer le four à 150F

Temps de préparation: 2 heures

Première étape: faire bouillir les pommes de terre

Temps de cuisson: 1 heure 15 minutes

100 pommes de terre lavées et tranchées en gros cubes

6 gallons (23l) d'eau

? de tasse de sel marin

Dans un grand chaudron, faites bouillir l'eau salée; cela prendra environ une heure. Ajoutez les pommes de terre avec précaution, de manière à ce qu'il n'y ait pas d'éclaboussures, et laissez bouillir le tout pour encore 10 ou 15 minutes, jusqu'à ce que les pommes de terre commencent à être tendres. (Attention de ne pas trop les bouillir.) Videz l'eau et laissez-les refroidir, ou alors faites-les revenir immédiatement, comme bon vous semble. Pour refroidir les pommes de terre, faites couler de l'eau froide dessus (dans une passoire) ou remplissez le chaudron d'eau froide après avoir vidé l'eau de cuisson.

Deuxième étape:

2t (500ml) d'huile de carthame

4 bulbes d'ail hachés

15 oignons tranchés

4 à 6 tasses (1-1,5 litre) de levure alimentaire

2 à 3 tasses (500-750ml) de tamari

1t (250ml) de cumin

Faites revenir l'ail environ 30 secondes à feu élevé, dans une couche d'huile assez épaisse pour couvrir complètement le fond de la casserole. Ajoutez deux tasses d'oignons tranchés et faites-les revenir jusqu'à ce qu'ils soient translucides, c'est-à-dire environ 3 à 5 minutes, en remuant souvent. Maintenant ajoutez assez de pommes de terre pour emplir la poêle, et faites-les frire jusqu'à ce qu'elles soient dorées. Continuez de remuer, et grattez le fond de la poêle de temps à autres. Saupoudrez une partie du cumin, de la levure et versez un peu de tamari tout en brassant. (Un conseil: mélangez des parts égales de tamari et d'eau pour une meilleure répartition.) Mélangez bien le tout et videz la poêle dans un grand bol de métal pour le service, ou gardez le bol au chaud dans le four si le service doit se faire plus tard. Vous pouvez alors recommencer ce processus jusqu'à ce que toutes les pommes de terre aient été cuites ou que tous aient mangé à leur faim. Servez ces "frites maison" bien chaudes, avec des graines de tournesol et sésame rôties ou du ketchup.

LES DÎNERS ET SOUPERS

TARTINADE AU TOFU

Donne une quantité suffisante pour faire 100 sandwiches

Temps de préparation: 2 heures

Équipement: un bol à mélanger de taille moyenne, et un autre de très grande capacité

3t (750ml) de miso

3t (750ml)d'eau

8t (2 litres) de tahini

25 livres (11,3 kg) de tofu émietté

Le jus de 25 citrons

En option:

? tasse (125 ml) de poudre d'ail

8t (2 l) d'oignons hachés

8t (2 l) de céleri haché

Dans le bol de taille moyenne, mélangez le miso et l'eau pour obtenir une pâte crémeuse puis ajoutez le tahini. (Ajoutez de l'eau si nécessaire pour maintenir une texture idéale.) Enlevez au tofu son excédent d'eau, puis émiettez-le à la main dans le gros bol. Versez le jus de citron sur le tofu, puis ajoutez le mélange miso-tahini. Pour obtenir une consistance complètement uniforme, passez le tout au mélangeur électrique, ou sinon, faites de votre mieux avec les ustensiles manuels. Rajoutez les ingrédients optionnels si vous le désirez, puis tartinez sur votre pain préféré avec des germes, de la laitue et des tomates en guise d'accompagnement.

RIZ ET HARICOTS

Donne 100 portions

Temps de préparation: 30 minutes

Temps de cuisson: 50 minutes

Équipement: un grand chaudron de 40 litres avec couvercle

8 gallons (30 litres) d'eau

? de tasse(65 ml) de sel marin

4t (1 litre) de cumin

? de tasse de poivre noir

10 livres (4,5 kg) de haricots de type "pinto"

15 livres (6,8 kg) de riz brun à longs grains

10 oignons hachés

Faites bouillir l'eau salée dans le grand chaudron. Ajoutez les haricots et laissez-les bouillir 45 minutes, puis versez le riz et les épices. Ramenez rapidement le tout au point d'ébullition, et brassez de manière à ce que les haricots pris au fond remontent vers le haut. Ne brassez qu'une seule fois. Maintenant placez le couvercle et laissez mijoter à feu très doux pour 45 minutes supplémentaires. Ne remuez pas le riz, et laissez le couvercle en place jusqu'à ce que tout soit prêt! Retirez le chaudron du feu et servez bien chaud, nature ou avec sauce tomate, avec ou sans légumes.

SAUCE AUX TOMATES ET AUX LÉGUMES

Donne 100 portions

Temps de préparation: une heure

Temps de cuisson: une heure ou plus

Équipement: un chaudron de 20-30 litres avec couvercle

1 tasse (250 ml) d'huile d'olive

Un bulbe d'ail haché

10 oignons tranchés

10 boîtes de tomates de 15 onces (425 ml)

10 livres (4,5 kg) de légumes au choix, tranchés en petits morceaux

3 cuillerées à table (ct) d'origan

2 ct de basilic

2 ct de thym

3 feuilles de laurier

2 ct de sel marin

2ct de poivre noir

Faites chauffer l'huile au fond du chaudron, ajoutez l'ail et faites-le revenir 30 secondes, puis ajoutez les oignons et herbes et faites-les revenir jusqu'à ce que les oignons prennent leur air transparent habituel. Maintenant ajoutez les tomates, les feuilles de laurier, le sel, le poivre. Découpez tous les légumes qui vous tombent sous la main, et plus particulièrement le brocoli, les poivrons verts, les betteraves, les carottes, les champignons, les aubergines, etc. et ajoutez-les à la sauce. Couvrez et laissez mijoter à feu doux-moyen durant une heure au moins, en brassant de temps à autres. Ajoutez du sel si nécessaire. Servez cette sauce avec du riz, des pâtes, ou utilisez-la comme base pour faire des pizzas ou du chili végétariens.

SANDWICH "DE L'ENFER"

Donne 100 sandwiches

Temps de préparation: 30 minutes

Temps de cuisson: au moins une heure

Équipement: un chaudron de 20 litres ou plus

2 bulbes d'ail hachés

8 à 12 oignons hachés

? tasse (125 ml) d'huile de carthame

1 cuillerée à table (ct) de thym

2 cuillerées à thé de cayenne

2 ct de sel marin

2 ct de poivre noir

3 ou 4 boîtes de tomates, ou 20 à 30 tomates fraîches coupées en dés

4 à 6 courges, peu importe la sorte (zucchinis, courgettes, citrouilles, etc.)

12 à 15 légumes-racines comme les carottes, pomme de terre, etc.

2 paquets de légumes à feuilles vertes (épinards, chou chinois, chou frisé, etc.)

2 choux ordinaires ou 6 aubergines

100 pains à sandwiches ou sous-marins

Dans le grand chaudron, faites revenir l'ail et les oignons à feu moyen-élevé, jusqu'à transparence des oignons. Ajoutez les épices puis tous les légumes préalablement tranchés, ainsi que les tomates fraîches ou en boîte. (Si vous n'avez pas de tomates, versez un peu d'eau au chaudron pour amorcer la cuisson des légumes) Remuez souvent pour empêcher que ça ne prenne au fond. Lorsque le liquide commence à bouillir, baissez le feu. Laissez cuire jusqu'à ce que les légumes soient tendres et que la sauce soit très épaisse comme dans un ragoût. Cela prendra environ une heure, mais si on laisse mijoter plus longtemps le goût en sera rehaussé. Assaisonnez à votre goût, avec le poivre de cayenne, le poivre noir et le sel. Servez dans les pains à sandwiches, ou sur du riz brun dans une assiette. On appelle cette recette "sandwich de l'enfer" parce qu'elle est diablement épicée!

HUMMUS

Donne une quantité suffisante pour faire 100 sandwiches

Temps de cuisson: 2 heures

Temps de préparation: 2 heures

Équipement: un grand chaudron de 40 litres ainsi qu'un très grand bol à mélanger

20 livres (9 kg) de pois chiches cuits

3 cuillerées à table de sel marin

20 t (5 litres) de tahini

Le jus de 50 citrons

2 bulbes d'ail hachés finement

6 gallons (23 litres) d'eau

En option:

10 t (2,5 litres) de persil frais haché finement

4t (1 litre) d'oignons tranchés

Une tasse ou deux d'huile de sésame grillé

Faites tremper les pois chiches toute la nuit. (Leur volume doublera, alors le récipient devra être rempli d'eau mais rempli de pois à moitié seulement). Jetez l'eau de trempage et placez les pois chiches dans le chaudron avec les quelque 23 litres d'eau salée, et faites bouillir le tout à feu élevé. Ensuite baissez le feu et laissez mijoter au moins une heure, ou jusqu'à ce que les pois puissent être écrasés facilement entre deux doigts. Dans le grand bol, mélangez tous les ingrédients et, à l'aide d'un pilon, broyez-les afin d'obtenir une consistance uniforme. (Vous pouvez aussi utiliser le robot, qui donnera une texture crémeuse parfaite.) Il se peut qu'il soit nécessaire d'ajouter de l'eau pour en arriver à ce résultat. Laissez refroidir, et servez dans un sandwich ou dans un pain pita avec des germes, de la laitue, des concombres, ou comme trempette pour les crudités et les bouts de pain. Si vous utilisez l'hummus comme trempette, saupoudrez du paprika et versez une flaque d'huile d'olive sur le dessus avant de le servir.

MACARONI "SANS FROMAGE" (Macaroni and Cheeseless)

Donne 90 portions

Temps de préparation: 1 heure 30

Temps de cuisson: 30 minutes

Équipement: un très grand chaudron de 40 litres, un très grand bol à mélanger, 3 moules à gâteau de 12 x 18 pouces (30 x 45cm)

8 gallons (30 litres) d'eau

5 cuillerées à table de sel marin

20 livres (9kg) de macaronis au soja

Faites bouillir l'eau salée dans le grand chaudron, versez-y les macaronis et attendez que ça recommence à bouillir. Laissez cuire environ 10 minutes. Les macaronis doivent être al dente, c'est-à-dire encore fermes au centre lorsqu'on les coupe avec les dents. Bref, ne les cuisez pas trop. Jetez l'eau de cuisson et rincez le tout avec de l'eau froide, puis mettez les macaronis de côté.

Pour faire le substitut de fromage:

36t (9l) de levure alimentaire

12t (3l) de farine blanche non blanchie

? t (125ml)de sel marin

? t de poudre d'ail

4? gallons (17 litres) d'eau bouillante

6 livres (2,7 kg) de margarine

1 tasse (500ml) de moutarde préparée

Faites chauffer le four à 350F quelques minutes à l'avance. Dans un grand bol, mélangez ensemble la levure alimentaire, la farine, le sel et la poudre d'ail. Versez ensuite l'eau bouillante, un litre à la fois, en utilisant un fouet pour brasser. Cette étape est délicate puisqu'il faut éviter le formation de mottons. Ajoutez ensuite la margarine et la moutarde, et remuez encore. Placez les macaronis dans les moules à gâteau et nappez-les de sauce "sans fromage", de manière à ce que tout le macaroni soit recouvert. Saupoudrez des graines de sésame rôties ou de la chapelure sur le dessus, et faites cuire le tout dans un four à 350F durant 30 minutes, ou jusqu'à ce que ça soit chaud et que ça mijote. Voilà, c'est prêt. (Notez que ce plat se congèle bien.)

CHOU-FLEUR AU CARI

Donne 100 portions

Temps de préparation: 1 heure 15

Temps de cuisson: 1 heure 20

Équipement: une grande poêle, un grand plat de métal pour le service

4 tasses (1 litre)d'huile de carthame

2 bulbes d'ail hachés

20 oignons tranchés

Une caisse de 24 choux-fleurs découpés en morceaux de la taille d'une bouchée

4 tasses (1 litre) de poudre de cari

1 tasse (250 ml) de cumin

1 tasse de tamari

4 cuillerées à table de poivre blanc

Faites revenir trois cuillerées à table d'ail durant 30 secondes à feu élevé, dans une couche d'huile assez épaisse pour recouvrir tout le fond de la casserole. Rajoutez environ deux tasses d'oignons et faites-les revenir jusqu'à transparence, soit 3 à 5 minutes. Remuez souvent. Ajoutez les morceaux de chou-fleur et faites-les frire jusqu'à ce qu'ils commencent à brunir. Continuez de brasser, et grattez le fond de la poêle de temps en temps. Maintenant vous pouvez versez le tamari, et saupoudrer de cari, de cumin et de poivre blanc. (Mélangez des parts égales de tamari et d'eau si vous voulez que celui-ci soit distribué uniformément dans toute la poêle.) Une fois que le tout est bien brassé, videz le contenu de la poêle dans un récipient de métal et commencez le service. Si le service doit commencer plus tard, placez ce récipient au four à 150F pour que ça reste chaud. Vous pouvez maintenant recommencer le processus jusqu'à ce que tout le chou-fleur ait été cuit, ou que tous aient mangé à leur faim. Ce plat peut être accompagné de riz brun.

RIZ BRUN

Donne 100 portions

Temps de préparation: 30 minutes

Temps de cuisson: 50 minutes

Équipement: un chaudron de 20 litres avec couvercle

3 gallons (11,4 litres) d'eau

3 cuillerées à table de sel marin

15 livres (6,8 kg) de riz brun à grains longs

Faites bouillir l'eau salée, ajoutez le riz et mettez le feu à la position maximum jusqu'à ce que ça recommence à bouillir. Brassez une fois, placez le couvercle et mettez le feu à puissance minimum. Laissez mijoter environ 45 minutes. N'ôtez pas le couvercle et ne remuez pas avant que la cuisson soit terminée! (Si vous avez des problèmes avec les proportions, dites-vous que c'est une part de riz pour deux parts d'eau.)

POMMES DE TERRE ET PETITS POIS AU CARI

Donne 100 portions

Temps de préparation: 2 heures

Temps de cuisson des pommes de terre: 1 heure 15 minutes

Temps de cuisson du plat complet: 1 heure 15 minutes

Équipement: un chaudron de 40 litres, une grande poêle (ou wok), un grand plat de métal pour le service.

Pour les pommes de terres bouillies:

6 gallons (23 litres) d'eau

? de tasse (75 ml) de sel marin

100 pommes de terres lavées, pelées et découpées en cubes

Faites bouillir l'eau salée dans le grand chaudron. Cela prendra environ une heure. Versez-y les pommes de terre en faisant attention de ne pas tout éclabousser, et ramenez à ébulition. Laisser bouillir jusqu'à ce que les pommes de terres commencent à ramollir. Videz le chaudron de son eau.

Pour compléter le plat:

2 tasses (500ml) d'huile de carthame

4 bulbes d'ail hachés

15 oignons tranchés en cubes

6 tasses (1,5 litre) de levure alimentaire

6 tasses de poudre de cari

4 cuillerées à table de sel marin

25 boîtes de 10 onces (±300 grammes) de pois verts congelés

6 livres (2,7 kg) de margarine

Dans une couche d'huile suffisante pour recouvrir complètement le fond de la poêle, faites revenir à feu élevé quelques cuillerées d'ail durant une trentaine de secondes. Ajoutez ensuite deux tasses (500ml) d'oignons et faites-les revenir jusqu'à transparence, soit de 3 à 5 minutes. Ajoutez une cuillerée de sel, ? tasse (125 ml) de levure et une quantité égale de poudre de cari. Brassez souvent. Versez maintenant une quantité suffisante de pommes de terre (déjà bouillies) pour remplir la poêle, et continuez de brasser. (Vous pouvez verser un peu d'eau si vous le voulez.) Lorsque les épices sont mélangés uniformément avec les pommes de terre, ajoutez 2 paquets de petits pois et une barre de margarine. Lorsque la margarine a fondu et s'est incorporée, videz la poêle dans un grand plat de métal, et gardez le tout bien au chaud dans un four à 150F en attendant de servir. Vous pouvez maintenant recommencer le processus jusqu'à épuisement de toutes les pommes de terre, ainsi que de tous les pois et épices.

LASAGNE AU TOFU ET ÉPINARDS

Donne 100 portions

Faites chauffer le four à 350F

Temps de préparation: 3 heures

Temps de cuisson: au moins une heure

Équipement: un chaudron de 20 litres, un chaudron de 24 litres, 2 grandes poêles (ou woks), 4 moules à gâteau rectangulaires de 12 x 18po (30 x 45cm).

Pour faire la sauce:

1t (250ml) d'huile d'olive

1 bulbe d'ail pressé

10 oignons coupés en dés

10 boîtes de tomates en conserve de 15 onces (±425g)

2 cuillerées à table (ct) de sel marin

3 ct d'origan

2 ct de basilic

2 ct de thym

3 feuilles de laurier

2 ct de poivre noir

Faites chauffer l'huile, puis faites-y revenir l'ail pendant 30 secondes. Ajoutez les oignons et épices, et faites-les revenir jusqu'à transparence des oignons. Ajoutez ensuite les tomates, les feuilles de laurier, le sel et le poivre. Couvrez et laissez mijoter 30 minutes à feu moyen-doux, en remuant de temps en temps. Ajoutez du sel ou de l'eau si nécessaire.

Pour faire la farce:

1 tasse (250ml) d'huile de carthame

1 bulbe d'ail pressé

10 oignons coupés en dés

20 livres (9kg) de tofu bien égoutté et émietté

20 paquets d'épinards congelés de 10 onces (±300g)

3 ct de thym

2 ct de basilic

2 ct d'origan

2 tasses (500ml) de tamari

Faites revenir l'ail à feu élevé pendant 30 secondes, dans une couche d'huile assez épaisse pour recouvrir complètement le fond de la casserole. Ajoutez environ 2 tasses d'oignons et faites-les revenir jusqu'à transparence, soit 3 à 5 minutes, en remuant souvent. Maintenant, versez assez de tofu (en l'émiettant) pour emplir la poêle, et faites-le frire jusqu'à ce qu'il soit doré. Mélangez sans cesse, en grattant le fond de la poêle de temps à autre. Pendant que vous brassez, versez le tamari et saupoudrez une partie du thym, de l'origan et du basilic; puis ajoutez les épinards (dégelés et égouttés). Mélangez bien, et laissez cuire le tout jusqu'à ce que l'excès d'eau se soit évaporé. Versez le contenu de la poêle dans un grand plat de métal, et répétez le processus jusqu'à épuisement du tofu et des épinards. Mettez le tout de côté.

Pour faire les pâtes:

4 gallons (15 litres) d'eau

2 cuillerées à table de sel marin

8 boîtes de 10 onces (±300 g) de lasagne

Dans le chaudron de 20 litres, faites bouillir l'eau salée et laissez-y cuire les pâtes environ 10 minutes, ou en suivant les directives sur la boîte. Les pâtes doivent être al dente, c'est-à-dire encore fermes au milieu lorsqu'on les mord; bref ne les cuisez pas trop. Videz l'eau de cuisson, rincez les pâtes à l'eau froide et mettez-les de côté.

Pour le gratin:

20 livres (9kg) de fromage de soja râpé(de type mozzarella).

Placez une fine couche de sauce aux tomates dans le fond de chaque moule à gâteau, et placez une épaisseur de pâtes par dessus, en prenant bien soin de couvrir toute la sauce. Placez ensuite une couche du mélange épinards-tofu sur les pâtes et saupoudrez uniformément environ 2 tasses de fromage au soja. Recommencez avec une autre couche de pâtes, nappez ensuite d'une généreuse couche de sauce et répétez, en commençant par le mélange aux épinards et en terminant par la sauce. Étendez finalement le restant de fromage sur le dessus et mettez au four pour une heure à 350F, ou jusqu'à ce que le fromage commence à gratiner. Sortez les moules du four et laissez la lasagne refroidir 15 minutes avant de la servir. (Certains préfèrent couvrir leur lasagne de sauce béchamel; toutefois, la recette de substitut de fromage que nous donnons en complément au macaronis peut constituer elle aussi une bonne alternative. Notez que plusieurs marques de fromage de soja contiennent de la caséine ou de la caséinate de calcium, c'est-à-dire des protéines du lait et par conséquent, des protéines d'origine animale.)

LES SALADES

SALADE VERTE

Donne 100 portions

Temps de préparation: 2-3 heures

Équipement: un très grand bol à mélanger, un bol de taille moyenne pour le service

8 laitues déchiquetées

10 livres (4,5 kg) de carottes râpées grossièrement ou tranchées

3 céleris entiers, tranchés

5 à 10 livres (2,5-4,5 kg) de tomates tranchées

2 pommes de chou rouge, tranché finement

5 livres (2,5 kg) de poivrons verts coupés en lanières ou en dés

5 livres de concombres tranchés en rondelles

Lavez tous les légumes et assurez-vous de les couper en morceaux de la grosseur d'une bouchée. (Pour mélanger et transporter la salade plus facilement, vous pouvez utiliser des grands sacs de plastique -dédoublés il va sans dire.) Utilisez d'autres légumes si vous parvenez à en recueillir, comme les brocolis et choux-fleurs, les oignons, les courgettes et zucchinis, les betteraves, les champignons, les germes de luzerne, etc. Vous pouvez aussi incorporer à votre salade des graines de tournesol et des légumineuses cuites comme les pois chiches, les fêves rouges, etc. Elle aura alors l'avantage de constituer un repas complet si on l'accompagne de pain. Utilisez un grand bol pour mélanger la salade, et un bol plus petit pour le service; ne versez la vinaigrette que dans ce petit bol. Cela permettra de conserver les restants de salade pour le lendemain, s'il y a lieu.

SALADE DE CAROTTES ET RAISINS

Donne 100 portions

Temps de préparation: 15 minutes

Équipement: un grand bol à mélanger, une ou plusieurs râpes

25 livres (11,5 kg) de carottes

5 livres (2,3 kg) de raisins

10 tasses (2,5 litres) de "Nayonnaise"

Le jus de 20 citrons

Râpez les carottes, puis mélangez tous les ingrédients dans un grand bol. Servez froid. La "Nayonnaise" est une marque de commerce de la compagnie Nasoya. Il s'agit d'une mayonnaise sans produits d'origine animale. Si vous ne pouvez vous la procurer, alors faites-la vous-même: à l'aide d'un robot culinaire, mélangez 10 livres (4,5 kg) de tofu avec ? tasse (125ml) d'huile, ? tasse de miel, ? tasse de jus de citron ou de vinaigre, et 2 cuillerées à table de poivre et de poudre d'ail.

SALADE DE CHOU

Donne 100 portions

Temps de préparation: une heure

Équipement: un très grand bol à mélanger

20 livres (9kg) de carottes râpées

1 gallon (3,8 litres) de "Nayonnaise" ou de votre propre mayonnaise maison (voir recette ci-haut)

8 choux verts tranchés finement

Le jus de 20 citrons

2 cuillerées à table de poivre noir

2 cuillerées à table de sel marin

Râpez les carottes et tranchez finement le chou, puis mélangez tous les ingrédients dans un très grand bol et servez immédiatement.

LES VINAIGRETTES

VINAIGRETTE TRADITIONNELLE

Donne 100 portions

Temps de préparation: 15 minutes

Équipement: deux contenants de 2 litres avec couvercle hermétique

8 tasses (2 litres) d'huile d'olive

2 t de vinaigre balsamique

Le jus de 10 citrons

2 gousses d'ail frais, pressées

2 cuillerées à thé de thym

2 ct de basilic

2 ct d'origan

2 ct de sel marin

2 ct de poivre noir

2 ct de poudre de gingembre

Mettez la moitié des ingrédients dans chaque contenant et remuez bien. Remuez de nouveau au moment de servir. Certains préféreront utiliser du jus de citron seulement, sans vinaigre; d'autres utiliseront du tamari plutôt que du sel; d'autres encore intégreront de la levure alimentaire, du jus de pomme ou d'orange…(Allez, soyez créatifs!)

SAUCE À SALADE AU TAHINI ET CITRON

Donne 100 portions

Temps de préparation: 15 minutes

Équipement: un robot culinaire

8 tasses (2 litres) de tahini

Le jus de 12 citrons

2 tasses (500 ml) de levure alimentaire

2 cuillerées à soupe d'huile de sésame grillé

12 gousses d'ail

4 tasses (1 litre) d'eau

Jus de pomme (optionnel)

Placez la moitié des ingrédients dans le robot et mélangez jusqu'à ce que vous obteniez une consistance dense mais crémeuse. Rajoutez de l'eau, du jus de citron ou de pomme si nécéssaire. Répétez l'opération jusqu'à épuisement des ingrédients.

TREMPETTE AU TOFU

Donne 100 portions

Temps de préparation: 1 heure 15 minutes

Équipement: un robot culinaire

10 livres (4,5 kg) de tofu égoutté

5 tasses (1,25 l) d'huile de carthame

2 t (500 ml) de vinaigre

Le jus de 20 citrons

20 gousses d'ail

10 oignons

1 t (250 ml) d'aneth

2 cuillerées à soupe de sel marin

2 cuillerées à thé de poivre blanc

Jus de pomme (optionnel)

Égouttez bien le tofu, puis émiettez-en 2? livres (un peu plus d'un kilo) dans le mélangeur. Ajoutez le quart des ingrédients restants. Malaxez le tout, en ajoutant de l'eau ou du jus de pomme si nécéssaire, jusqu'à ce que vous obteniez une consistance épaisse mais tout de même crémeuse. Répétez trois fois. Brassez bien le tout et servez en guise d'accompagnement avec des croustilles ou des tranches de légumes.

LES SOUPES

SOUPE AU MISO

Donne 100 portions

Temps de préparation: 40 minutes

Temps de cuisson: 1 heure

Équipement: un grand bol à mélanger, un chaudron de 20 ou 24 litres

? de tasse (60 ml) d'huile

2 bulbes d'ail pressés

2 cuillerées à soupe de thym

2 cuillerées à soupe de basilic

4 ou 5 gallons d'eau

2 livres (900g) de miso

En option:

1 cuillerée à thé de cayenne

2 tasses (500 ml) d'algues aramé

1 chou tranché finement

5 livres (2,3 kg) de tofu coupé en cubes

4 tasses (1 litre) d'échalottes tranchées

Faites chauffer votre huile préférée dans le fond d'un chaudron; faites-y revenir l'ail, les épices et les éventuelles échalottes durant 30 secondes. Ajoutez l'eau et n'importe quelle combinaison d'ingrédients optionnels. Faites bouillir le tout (jusqu'à ce que le chou soit tendre, s'il y a lieu), puis retirez du feu. Prélevez un ou deux litres de bouillon et mélangez avec le miso. (La densité du miso peut varier; utilisez 2 ou 3 contenants d'une livre, un kilo plus ou moins.) Lorsque le miso est parfaitement mélangé avec le bouillon, versez celui-ci dans le chaudron, brassez et voilà! Prenez bien garde toutefois de ne pas faire bouillir le miso; cela tuerait les microorganismes bénéfiques qui s'y trouvent.

SOUPE AUX POIS JAUNES

Donne 100 portions

Temps de préparation: une heure

Temps de cuisson: une heure (minimum)

Équipement: un chaudron de 20 litres

? tasse (125 ml) d'huile de carthame

12 tasses (3 litres) de pois jaunes

4 tasses (1 litre) d'orge mondé

2 gousses d'ail pressées

5 oignons de taille moyenne, coupés finement

2 cuillerées à thé de thym

2 ct de basilic

2 ct d'origan

3 cuillerées à soupe de sel marin

1 cs de poivre noir

10 pommes de terre pelées et coupées en cubes

2 livres (900g) de carottes râpées

2 céleris tranchés

Faites chauffer l'huile dans le fond du chaudron; faites-y revenir l'ail pendant 30 secondes puis ajoutez les épices et les oignons. Faites revenir les oignons jusqu'à ce qu'ils commencent à brunir sur les bords. Ajoutez les pois et mélangez jusqu'à ce qu'ils soient enrobés du mélange d'huile et d'épices. Ajoutez maintenant l'orge, l'eau, le sel et le poivre et amenez le tout au point d'ébullition. Ajoutez les légumes tranchés et faites bouillir de nouveau. Réduisez la chaleur et couvrez. Remuez de temps à autre et laissez mijoter 45 minutes ou jusqu'à ce que les pois aient atteint la tendreté désirée. Servez cette soupe bien chaude. (Vous pouvez la laisser mijoter aussi longtemps que vous le voulez, si vous prenez la peine d'ajouter de l'eau. Il est possible de remplacer les pois par d'autres légumineuses ou combinaisons de légumineuses. Pour ce qui est des céréales, l'orge est ce qu'il y a de mieux; mais le riz, les flocons d'avoine entiers ou toute autre céréale peuvent dépanner.)

SOUPE AUX LÉGUMES

Donne 100 portions

Temps de préparation: 1 heure 30

Temps de cuisson: une heure (minimum)

Équipement: un chaudron de 20-25 litres

? tasse (125 ml) d'huile de carthame

2 bulbes d'ail pressés

12 oignons moyens, tranchés

2 cuillerées à soupe de thym

2 cs de basilic

2 cs d'origan

2 cs d'estragon

3 gallons (11,4 litres) d'eau

? de tasse (65 ml) de sel marin

2 cuillerées à thé de poivre noir

5 feuilles de laurier

3 à 5 livres (1,4 à 2,3 kg) de pommes de terre

18 tomates

Un zucchini de 2 livres (environ un kilo)

Deux céleris

2 livres (900g) de carottes

En option:

4 tasses (1 litre) de macaronis cuits

4 t de pois-chiches cuits

4 t de pois verts ou tout autre légume

Faites chauffer l'huile dans le fond du chaudron. Faites revenir l'ail 30 secondes, puis ajoutez les oignons et les épices. Faites revenir le tout jusqu'à ce que les oignons commencent à brunir. Ajoutez l'eau, le sel, le poivre et les feuilles de laurier. Amenez au point d'ébullition, puis versez les légumes tranchés et tous les ingrédients restants; laissez bouillir de nouveau quelques instants puis baissez le feu. Laissez mijoter à feu doux pendant 45 minutes ou jusqu'à ce que les légumes soient assez tendres à votre goût. Cette soupe doit être servie bien chaude, et peut mijoter aussi longtemps que vous le voulez si vous ajoutez de l'eau de temps en temps.

SOUPE AUX POMMES DE TERRE

Donne 100 portions

Temps de préparation: une heure

Temps de cuisson: une heure ou plus

Équipement: un chaudron de 20-25 litres, un robot culinaire

? tasse (125 ml) d'huile de carthame

2 bulbes d'ail pressés

12 oignons moyens hachés

2 cuillerées à thé de thym

2 ct de basilic

2 ct d'origan

3 gallons (11,4 litres) d'eau

10 livres (4,5 kg) de pommes de terre pelées et coupées en cubes

3 ou 4 cuillerées à soupe de sel de mer

2 cs de poivre blanc

4 livres (1,8 kilo) de carottes râpées

Faites chauffer l'huile dans le fond du chaudron, puis faites revenir l'ail 30 secondes avant d'ajouter les oignons et les épices. Faites revenir le tout jusqu'à ce que les oignons commencent à brunir. Maintenant ajoutez l'eau, les pommes de terre, les carottes, le sel et le poivre. Amenez à ébullition, puis baissez le feu et couvrez. Laissez mijoter 35 minutes, ou le temps qu'il faudra pour que les pommes de terre soient cuites. Mettez un peu de soupe dans le mélangeur, et liquéfiez-la. (Prenez soin de tenir fermement le couvercle du mélangeur, car la soupe chaude pourrait vous éclabousser et vous brûler.) Liquéfiez environ la moitié de la soupe, de manière à laisser quelques cubes de pommes de terre flotter par-ci par-là. (Vous pouvez ajouter une tasse (250 ml) d'aneth pour faire une soupe aux pommes de terre et à l'aneth.) Servir cette soupe bien chaude.

LES DESSERTS

SALADE DE FRUITS

Donne 100 portions

Temps de préparation: 1 heure 30

Équipement: un très grand bol à mélanger, un bol plus petit pour le service et des contenants de plastique avec couvercle pour l'entreposage.

100 fruits assortis (pommes, poires, oranges, pêches, ananas, bananes, raisins secs, etc.)

Le jus de 20 citrons

Coupez les fruits en petits morceaux et mélangez-les avec le jus de citron, de manière à ce que celui-ci enrobe chaque morceau. Le jus de citron retarde le brunissement dû à l'oxydation, phénomène qui apparaît lorsque la chair des fruits entre en contact avec l'air. Rangez la salade de fruits dans des seaux de plastique dotés de couvercles hermétiques, et placez-la au réfrigérateur si possible. Servez de petites portions, en ajoutant si vous le voulez du granola, de la noix de coco râpée ou du Ice Bean. (Ice Bean est la marque de commerce d'une crème glacée à base de soya.) En général, essayez de ne pas utiliser de raisins frais bourrés de pesticides; si vous le faites, utilisez des raisins de culture bio.

CROUSTADE AUX POMMES ET POIRES

Donne 90 portions

Temps de préparation: 1 heure 30

Temps de cuisson: une heure

Faites chauffer le four à l'avance à 350F

Équipement: un grand bol à mélanger, trois moules à gâteau de12 x 18po (30 x 45 cm)

40 pommes

40 poires

Le jus de 10 citrons

5 tasses (1,25 litre) de sirop d'érable ou de maïs

? de tasse (60 ml)d'extrait de vanille

? tasse (125 ml) de cannelle

2 cuillerées à soupe de poudre de gingembre

1 cs de muscade

Enlevez le coeurs puis tranchez les pommes et poires. (Les peler n'est pas nécéssaire si elles sont bien lavées. Sachez que les pommes "industrielles" sont presque toujours recouvertes d'une couche de cire ultra-chimique.) Dans un bol à mélanger, faites en sorte que les ingrédients enrobent bien chaque morceau de fruit. Placez maintenant le tout au fond des moules à gâteau graissés au préalable, en étalant uniformément.

Pour la garniture:

20 tasses (5 litres) de flocons d'avoine

20 tasses de farine de blé entier

? tasse (125 ml) de cannelle

2 cuillerées à soupe de muscade

1 cuillerée à soupe de clous de girofle moulus

1 cs de sel marin

5 livres (2,3 kg) de margarine

5 tasses (1,25 l) de sirop d'érable ou de maïs

? tasse (125 ml) d'extrait de vanille

Dans un grand bol, mélangez les flocons d'avoine, la farine, les épices et le sel. Prenez des morceaux de margarine et intégrez-les petit à petit aux ingrédients secs à l'aide de vos mains. Mélangez ensuite le sirop et la vanille ensemble, puis versez le tout sur la garniture et brassez bien. Étalez la garniture uniformément sur le dessus des fruits et faites cuire au four à 350F pendant au moins une heure, ou jusqu'à ce que le dessus soit brun doré, que les fruits soient tendres et qu'il y ait un petit peu de jus au fond. Servez ce dessert bien chaud avec du Ice Bean (voir recette de salade de fruits plus haut).

La politique

 

 

Introduction

Le nom De la Bouffe, pas des Bombes résume notre principe de base: la société doit promouvoir la vie, pas la mort. Mais notre société moderne tolère et encourage la violence et la domination; l'autorité et le pouvoir découlent de la contrainte et de l'usage de la force. Cela affecte notre vie quotidienne, et nous devons composer avec la menace constante de crimes violents; nous devons composer avec la violence domestique, la brutalité policière sans oublier la menace nucléaire. Un tel déchaînement de forces chaotiques entraîne des millions de personnes dans la spirale de la dépression et du manque d'estime de soi.

La pauvreté est en quelque sorte une forme de violence, et sa forme d'expression est la faim. Des millions d'Américains et d'Européens, dont presque la moitié sont des enfants, souffrent de la faim chaque jour. La malnutrition chez les jeunes fait monter en flèche les taux de mortalité infantile, plus élevés aux États-Unis que dans toutes les autres nations industrialisées. D'une manière générale, nous continuons à dépenser plus d'argent et de ressources pour développer, utiliser et menacer d'utiliser des armes de destruction massive que pour soutenir et célébrer la vie. En dépensant cet argent en bombes plutôt qu'en nourriture, nos gouvernements perpétuent et exacerbent la violence de la pauvreté en ne donnant pas à manger aux nécessiteux. De la bouffe, pas des Bombes a décidé de se tenir debout et de lutter contre la violence de la faim. Nous nous dévouons depuis plusieurs années pour changer la société de manière pacifique, en donnant gratuitement de la nourriture végétarienne, donc en promouvant et célébrant la vie.

De la Bouffe, pas des Bombes est une organisation vouée à développer des alternatives économiques, politiques et même personnelles. Les révolutionnaires sont souvent décrits comme des gens qui se préparent à renverser le gouvernement, et pour qui la fin justifie les moyens. Mais les groupes FNB existant actuellement n'ont ni le temps, ni les ressources pour attaquer, menacer ou renverser la culture de mort, la culture dominante. Toutefois, ne pas prendre de temps pour renverser la structure moderne du pouvoir ne signifie pas pour autant qu'on ne soit jamais en lutte contre elle. Le simple fait d'exercer nos droits fondamentaux de liberté d'expression et d'association est perçu comme une menace par les élites corrompues; les membres de ces élites font donc tout pour nous arrêter et nous empêcher d'atteindre nos objectifs. Nous voulons créer de nouvelles structures, des modes de vie alternatifs à partir de la base. Nous voulons remplacer la culture de mort par une culture de "plombiers, pas des bombes", de "garderies, pas des bombes", de "soins de santé, pas des bombes".

Food Not Bombs répond à la pauvreté et au manque d'estime de soi de deux manières. Premièrement, nous fournissons de la nourriture d'une manière ouverte et respectueuse à quiconque se présente à nos tables. Nous ne faisons pas effectuer aux gens les innombrables pirouettes bureaucratiques destinées à contrôler, humilier et même punir les pauvres. Deuxièmement, nous invitons les gens qui reçoivent la nourriture à participer à la collecte et la distribution de celle-ci. Voilà qui contribuera à leur redonner confiance en leur capacité de changer les choses.

L'idée de la récupération, voire du recyclage de nourriture n'est pas nouvelle. Des personnes ont "fait les poubelles" pour manger depuis des siècles; toutefois, certains propriétaires empoisonnent ou cadenassent leurs conteneurs à déchets dans le but d'empêcher ce phénomène. Dans un même ordre d'idées, les environnementalistes font depuis longtemps la promotion du compostage; mais leur idée n'est pas encore pratiquée à grande échelle. C'est pourquoi le fait de recycler de grandes quantités de nourriture d'une manière organisée et régulière, puis d'en servir la partie comestible aux affamés peut être considéré comme un geste politique radical.

Bien que Food Not Bombs n'ait pas de programme politique dûment établi, une certaine philosophie politique de base est apparue en son sein au cours des années. Le noyau de cette philosophie est que chaque collectif est autonome, et que chacun de ses membres a une voix au chapitre lorsqu'il s'agit de définir ses orientations. Les pages suivantes expliquent ceci plus en détail, à partir de l'expérience personnelle de l'auteur.

La Société nouvelle

Nous nous demandons souvent: "Où va le monde?", à l'instar de millions d'autres personnes. La domination, la violence et les massacres semblent être les choix prédominants de notre société. Nous appelons cela la "culture de la mort". L'acceptation passive de la guerre, de la course aux armements nucléaires, des génocides et de la destruction de l'environnement est beaucoup trop répandue, et constitue la pierre d'assise du Nouvel Ordre Mondial des tout-puissants. Plus que jamais à travers le monde, la culture de la mort fait croire à des adolescents qu'il est nécéssaire de s'enrôler dans les forces armées et de tuer pour avoir la paix. Nous croyons que la paix obtenue par l'armement est illusoire, car utiliser la peur pour éviter la guerre n'est rien d'autre qu'une forme de domination. Quelques voix s'élèvent toutefois et affirment qu'il existe des alternatives. Le problème est que la société actuelle ne valorise absolument pas ceux qui travaillent pour la paix. Elle n'offre à peu près pas d'opportunités d'apprendre les méthodes de résolution de conflit non-violentes, les méthodes de résistance fiscale ou tout simplement la joie de vivre.

Lorsque nous nous engageons personnellement dans la résistance fiscale, c'est que nous savons que le meilleur moyen de faire cesser les conflits armés est de nous retirer des structures économiques et politiques établies par la culture de mort. En tant qu'organisation, nous travaillons le plus possible en dehors du paradigme économique dominant. Nous ne travaillons pas pour le profit; en fait, les sommes d'argent que nous manipulons sont ridicules lorqu'on les compare à la valeur des repas que nous servons. Puisque nous ignorons les autorités, nous faisons en sorte que les contacts avec eux soient les plus rares possible; mais comme nous voulons affirmer haut et fort nos alternatives, nous n'essayons jamais de cacher nos activités. Nous pouvons nous installer directement en face d'une banque pour protester contre l'exploitation, mais s'il y a contrat c'est nous qui en rédigeons les termes!

La non-violence en théorie

La non-violence consiste à répliquer à des situations d'injustice par l'action. La clé de la non-violence est la capacité de percevoir le potentiel de violence d'une situation avant que celle-ci n'éclate, pour ensuite agir et briser cette spirale. Si nous ne pouvons pas empêcher la violence de survenir, nous pouvons au moins travailler pour en minimiser les effets.

Il est très important d'agir d'une manière conséquente à nos valeurs fondamentales. Il ne sera jamais dans notre intérêt d'utiliser la violence contre la police ou d'autres groupes. En pratique, ils peuvent déployer une force physique que nous ne saurions égaler. Mais vu sous un angle plus philosophique, nous ne voulons utiliser la force d'aucune manière que ce soit dans nos efforts de changement social. Nous voulons créer une société basée sur les droits et les besoins des humains; pas sur la menace et l'utilisation de la violence. Nous ne cherchons pas à dominer, mais bien à trouver la vérité et à nous supporter mutuellement à mesure que nous résolvons les conflits de manière non-violente.

Même la nourriture que nous servons est un témoignage de notre dévouement à la non-violence. Nous essayons d'éviter tous les produits d'origine animale car nous voyons les dommages qu'ils causent, non seulement à l'animal mais aussi à notre santé, à l'environnement et à l'économie. La production industrielle de nourriture est un processus fondamentalement violent, qui implique le massacre de millions d'animaux ainsi que la contamination de notre air, de notre eau, de nos sols et de nos corps par les pesticides et fertilisants chimiques. Les lobbies de la viande, du lait et des produits chimiques contrôlent à coups de millions $ les décisions de nos gouvernements, pour que celles-ci servent leurs intérêts plutôt que ceux du public.

La non-violence en pratique

En tant qu'organisation, nous tentons d'être les plus inclusifs possible. Nous laissons de l'espace à toutes les options politiques progressistes, et nous laissons chacun s'exprimer librement. Pour certains, le fait de travailler pour de la bouffe et non des bombes constitue un changement de style de vie complet. Pour d'autres, il s'agit d'une affirmation de leurs valeurs et de leur amour de la vie, mené en parallèle à une carrière lucrative dans la société dominante. Nous essayons d'apprécier la contribution de chaque personne, sans nécessairement attendre qu'elle se dissocie complètement du statu quo. Notre monde est multiculturel, et les structures socio-politiques devront s'adapter à cette réalité. Lutter contre le racisme, le sexisme, l'homophobie, les classes sociales (voire même les castes) ainsi que d'autres formes de répression sont des choses essentielles à l'établissement d'un monde basé sur la vie et l'autonomie. Tous doivent s'engager dans ce travail multiculturel, aussi bien les membres de Food Not Bombs que les gens avec qui nous sommes en contact, dans la rue ou parmi les organisations qui coopèrent avec nous.

Une des manières de parvenir à cela qui est unique à Food Not Bombs est la création de structures permettant un accès partagé aux ressources. Les membres de FNB localisent et recueillent des aliments pour des besoins communautaires plus vastes. Nous montrons donc par notre exemple comment un petit groupe d'individus aux ressources financières limitées peut faire une grande différence dans la qualité de vie de tout un quartier, en redonnant de la valeur aux déchets produits par l'économie capitaliste. D'ailleurs, un de nos grands espoirs est que la redistribution de ressources autres que la nourriture devienne une activité prise au sérieux par un nombre toujours plus grand de personnes. Après tout, nous aussi pourrions bénéficier de cela un jour.

Les groupes De la Bouffe, pas des Bombes sont ouverts et démocratiques. Les décisions y sont prises selon un modèle appelé consensus. Le consensus crée un environnement où les différentes opinions peuvent être exprimées sans crainte, et où les conflits sont résolus d'une manière respectueuse et non-violente. Il ne s'agit pas d'une compétition d'idées destinées à gagner la faveur d'une majorité. Il s'agit plutôt d'un travail coopératif destiné à synthétiser toutes les idées en une décision qui semble être la meilleure pour toutes les parties concernées. Ce processus essaie de faire en sorte que tous puissent exprimer leur point de vue et participer à la prise de décisions. Le consensus ne signifie pas que tous pensent de la même manière; les participants peuvent concéder qu'il y a désaccord sur certains points et en arriver tout de même à un consensus sur les thèmes plus généraux.

Les membres du groupe deviennent plus confiants lorsqu'ils sont encouragés à participer et à prendre plus de responsabilités vis-à-vis des actions collectives. Cela leur montre non seulement comment être forts et droits dans la non-violence, mais aussi comment frayer leur chemin vers le pouvoir. Il serait faux de prétendre bâtir une société où les responsabilités et le pouvoir sont égaux pour tous. Au contraire, il est beaucoup plus facile d'imaginer un monde où l'accès au pouvoir est égal pour tous. C'est pourquoi le consensus est un procédé par lequel tous peuvent participer activement à la prise de décision. Le modèle pratique que vous utiliserez sera cependant déterminé par la taille de votre groupe et ses besoins spécifiques.

Histoires vécues

Food Not Bombs a participé à des centaines d'événements au cours des dernières années, et chacun d'entre eux fut unique en son genre. Nous ne disposons pas d'un espace suffisant dans ce livre pour exposer chaque cas; nous avons identifié cependant trois événements constituant les points culminants des trois grandes époques de notre histoire: il s'agit du Food Not Bombs Free Concert for Disarmament ayant eu lieu le 2 mai 1982, lors de la période du Collectif de Cambridge (1981-1982); du First American Peace Test Nevada Test Site Action (APT) ayant eu lieu du 10 au 17 mars 1988, lors de la période des groupes d'affinités (1984 à 1988); puis des arrestations de membres de FNB-San Francisco ayant eu lieu dans le parc Golden Gate le 5 septembre 1988, jour de la Fête du Travail, lors de la période d'organisation nationale (1988 à 1991). Durant les quelques premières années, nous étions un collectif mettant en commun ses revenus, travaillant et vivant en coopérative à Cambridge, Massachusetts. Plus tard, nous avons évolué en groupes d'affinités de militants partageant des opinions semblables, vivant proches les uns des autres et s'occupant des tâches quotidiennes de Food Not Bombs. Encore plus tard, nous sommes devenus un réseau décentralisé d'organisations autonomes dont les ramifications s'étendirent partout aux États-Unis puis ailleurs dans le monde. Les pages suivantes racontent de manière détaillée les événements qui se sont produits pour chacune de ces époques.

La période du collectif de Cambridge, de 1981 à 1982

Le jour où nous avions prévu de tenir le Free Concert for Disarmament, nous nous sommes levés très tôt. Comme il était de mise chaque matin depuis un an, deux membres du collectif avaient quitté la maison avec nos quatre chiens et s'étaient entassés dans notre camionette Dodge 1967. La première halte, comme toujours, était la boulangerie du Square Harvard. Son gérant insistait pour que nous soyons sur place entre 7h30 et 7h35 exactement. Si nous arrivions quelques petites minutes en retard, les employés auraient déjà jeté les muffins et pains invendus dans le compacteur à déchets. Dans nos premières années, nous n'avions manqué que cinq jours, dont trois pour cause de tempête de neige. En conduisant, l'un de ces matins, nous nous sommes rappelés la fois que nous avions recueilli la bouffe pour notre première action. Celle-ci consistait en une soupe populaire lors de l'assemblée des actionnaires de la First National Bank of Boston, au pied de l'édifice de la Federal Reserve Bank en mars 1981.

En tant que militants antinucléaires, nous voulions faire du théâtre de rue qui rappellerait aux passants la soupe populaire des années 30, de manière à souligner le gaspillage de ressources dans des projets demandant un grant apport de capitaux, alors que de nombreux citoyens de ce pays se retrouvent dans la rue et sans le sou. Au début, nous pensions demander à des comédiens de jouer le rôle des sans-abri; mais nous avons alors pensé que de vrais sans-abri pourraient jouer leur propre rôle. Nous avons donc fait une invitation que nous avons distribué à la rue des Pins et à d'autres refuges. Le matin de la réunion des actionnaires, nous avons recueilli le pain de la veille dans une boulangerie, des fruits et légumes à la coopérative locale et nous avons cuit un grand chaudron de soupe. Nous avons dressé une table au pied de l'édifice de la Federal Reserve, et à notre grande surprise, plus d'une centaine de personnes se sont présentées en quête d'un repas. Cette action était commanditée par un détachement de l'Alliance Clamshell (Coquille de palourde) et avait pour but de mettre en évidence les liens existant entre les directeurs de banque, les installations nucléaires et les entrepreneurs en bâtiment; tous les mêmes, en fait! Nous n'étions pas sûrs de nous en tirer sans arrestations, mais sommes allés de l'avant quand même. L'action s'est avéré un franc succès. Même quelques actionnaires sympathiques se sont arrêtés au passage pour nous donner un dollar ou deux!

Notre deuxième action basée sur le théâtre de rue eut lieu le 20 août 1981, à l'extérieur d'une foire aux armes qui se tenait à l'Université de Boston. La nuit précédente, nous avions peinturé le contour de "cadavres" sur l'asphalte, avec de la peinture en aérosol, puis nous avions peint des champignons nucléaires à l'aide de pochoirs avec l'inscription "Today?" (Aujourd'hui?). Nous avions aussi collé des affiches disant "La guerre est un meutre au nom du profit" le long du chemin que les acheteurs et vendeurs d'armes emprunteraient de leur hôtel jusqu'au centre de conférences. Le jour de la foire, nous avons distribué de la bouffe gratuite et des pamphlets dénonçant l'avidité et l'opportunisme de ceux qui vendent de l'armement lourd. Ces pamphlets et les pancartes que nous brandissions arboraient eux aussi le champignon atomique. Samuel Day, journaliste chez The Progressive écrivit un bon article soulignant le contraste entre notre repas gratuit et le lunch du midi à 90 dollars qu'il avait eu en compagnie d'un général. Il mentionna aussi le fait que ce général avait pris soin de ne pas marcher sur les cadavres peints au sol.

Après s'être rappelé ces premières actions et avoir recueilli le pain au Square Harvard, nous nous sommes dirigés vers Fresh Pond, le seul parc à Cambridge où il était légal de laisser les chiens courir sans laisse. Nos quatre chiens, Jasmine, Arrow, Sage et Yoda étaient des membres très importants du collectif. Ils s'assuraient de nous tirer du lit chaque matin, assez tôt pour que nous puissions faire notre récolte de bouffe et que nous les promenions à Fresh Pond; ils jouèrent aussi un rôle non négligeable dans le fait que les membres du collectif aient vécu en commune. Jasmine avait eu une portée de chiots à l'été 1980. Trois d'entre eux avaient été adoptés par des connaissances qui demeuraient alors dans des logements et des quartiers différents. Or dans l'année qui suivit, ces gens sont devenus de proches amis, en partie à cause de l'intérêt mutuel que nous avions pour les chiens; puis ils nous ont finalement rejoints et aidés à fonder le collectif. Par conséquent, Jasmine vécut de nouveau avec ses rejetons. Tous les jours, quelqu'un allait promener les chiens au parc et parfois le collectif au complet sortait se promener ensemble, ce qui nous donnait l'occasion de réfléchir et de planifier l'avenir. C'est au cours d'une de ces marches qu'a pris forme une série d'actions parmi les plus élaborées que nous ayons produites.

Food Not Bombs avait planifié une série de trois marches de protestation partant de l'Hôtel de ville de Cambridge et se rendant jusqu'au Centre Draper de recherche sur l'armement du MIT (Massachusetts Institute of Technology), à l'été et l'automne de 1981. Nous voulions que ces manifestations mettent en relief l'influence que la course aux armements avait sur la politique locale. Plus spécifiquement, nous voulions faire comprendre comment le détournement de ressources humaines et financières vers l'armement réduisait les services publics à Cambridge. Notre maison, vous vous en doutez bien, se trouvait à mi-chemin entre le centre de recherche et l'Hôtel de ville. La première marche eut lieu le 6 août, jour anniversaire de la bombe d'Hiroshima. Nous avons distribué de la bouffe et organisé des discours sur le terre-plein, au beau milieu de la rue faisant face à l'entrée du Centre Draper. Pour frapper l'imagination et faire comprendre ce qui se passerait si une bombe d'une mégatonne tombait sur ce laboratoire, nous avons fait brûler l'annuaire téléphonique du Boston métropolitain et expliqué que tous les habitants qui y figurent seraient vaporisés en moins de temps qu'il n'en faut pour que le livre ne brûle.

La marche suivante eut lieu le 10 octobre et s'appelait Music and March to End the Arms Race (Marche et musique pour mettre fin à la course aux armements). Une fois de plus, nous avons marché de l'Hôtel de ville jusqu'au centre de recherche; et cette fois, le général Duffy, le président du centre, était là pour nous accueillir. Quelques groupes de manifestants avaient été arrêtés pour avoir quitté la voie publique et envahi le terrain appartenant au laboratoire, et pour notre part nous négocions le droit de nous rassembler et de servir la bouffe sur ce même terrain. Nous avons promis au général que nous serions non-violents et nous avons eu une bonne discussion avec lui au sujet de la paix et des armes nucléaires. Il nous a assuré que lui aussi désirait la paix, mais que les armes nucléaires étaient nécéssaires pour la maintenir dans notre monde moderne! Puisque nous étions au moins d'accord sur l'importance de la paix, le général Duffy accepta de nous laisser manifester sur les terrains du centre de recherche. C'est ce que nous fîmes illico, avec nos affiches, nos bannières, notre table de distribution et tous les employés du laboratoire qui nous regardaient à travers leurs fenêtres.

Quelques temps avant la troisième marche, baptisée Marche pour la paix, nous avons installé une table au Square Brattle pour conscientiser les gens faisant leurs achats de Noël aux dangers des armes nucléaires qui étaient développées ici même dans notre ville. À cette époque, en 1981, plusieurs personnes ignoraient encore ces faits, ou simplement que tout cela pouvait se passer dans leur cour arrière. Nous étions alors en bons termes avec les conseillers municipaux et nous avons réussi à faire commanditer la marche par le Conseil municipal de Cambridge. Le 20 décembre 1981, il faisait à peine 4 degrés (15 degrés sous zéro, en celsius) mais nous avons marché quand même, en empruntant le parcours habituel. À notre grand étonnement, 75 personnes ont défié le climat et ont marché avec nous. Nous avons fabriqué une gigantesque colombe à l'aide de draps et de bâtons de bois; plusieurs personnes devaient la tenir et c'est cette colombe de la paix qui a ouvert la marche.

Mais il est temps de revenir à ce matin du Free Concert for Disarmament. Après la boulangerie du Square Harvard et notre marche revigorante au Fresh Pond, où nous avons refait nos plans en vue du concert, nous avons roulé jusqu'au Bread and Circus, un magasin d'aliments bio où nous avons pu charger des boîtes de légumes et des bacs de tofu mis de côté pour nous. Nous avons toujours été étonnés par la quantité de nourriture que nous étions capables de récupérer. Nous visitions régulièrement tout un réseau d'épiceries de quartier, et alors que nous faisions notre tournée ce matin-là, nous nous sommes mis à parler de la croissance de ce réseau, qui nous permettait de nourrir de plus en plus de gens en dépensant très peu d'argent. Naturellement, cela nous fit penser au premier grand événement où nous avons distribué des repas en masse.

Cela avait eu lieu le 30 octobre 1981, la veille de l'Halloween, alors que le vice-président George Bush s'adressait aux actionnaires du MIT. Nous avons bricolé la première bannière Food Not Bombs pour cette occasion, et nous avons monté la table de distribution. Il y avait les discours de circonstance, et la foule de manifestants costumés s'élevait à plusieurs milliers de personnes. Après les discours, nous avons marché sur l'avenue Massachusetts et nous nous sommes rassemblés au pied de l'édifice où George Bush prenait la parole. Nous avons scandé des slogans, joué des tambours; nous étions si nombreux et bruyants que ce dernier dut raccoucir sa conférence. Nous avons amené une marionnette de Bush, nous l'avons brûlée symboliquement et puis un type fit brûler un drapeau des États-Unis. Par après, les barricades de bois installées par les policiers sont devenues un feu de joie au milieu de la rue et les chants, les percussions, la danse ont continué jusqu'au départ de M. Bush.

Après s'être remémoré tout cela, nous sommes retournés à la maison de Food Not Bombs et nous avons déchargé le pain, les légumes, le tofu. Nous avons commencé à laver ce qu'il nous fallait pour cuisiner. Environ six personnes s'affairaient déjà à couper les légumes et à brasser de grandes chaudrées de soupe. Pendant ce temps, une autre équipe était sur place, dans le parc, en train de monter la scène et le système de son. Le "Monde de l'enfant en soi" (Land of the Younger Self) venait tout juste d'être créé; il s'agissait d'un monde fantaisiste où tous ceux qui le voulaient pouvaient s'amuser comme le font les plus jeunes. Le parc était rempli de souffleurs de bulles de savon, de maquilleurs et de surfaces de jeux. Des vendeurs de cristaux, de foulards et autres vêtements psychédéliques avaient dressé leurs étals. La nourriture est finalement arrivée et fut placée à côté de la table de documentation, tout près de la scène.

Le spectacle commença avec une prestation de Dawna Hammers Graham, sur la scène, et une démonstration d'arts martiaux à l'autre bout du parc. Des gens de tous âges, de toutes tailles et de toutes les couleurs furent attirés par le son de la musique. Ils ont dansé et se sont bien amusés, surtout lors de la prestation du groupe de reggae One People. D'autres performances ont suivi, de la part d'Anni Loui et compagnie, Jane Albert et Lost Time Inity. À la fin de la journée, alors que la troupe Art of Black Dance and Music s'apprêtait à monter sur scène, le ciel s'était ennuagé et il se mit à pleuvoir. Il s'agissait tout de même d'un grand succès pour tous ceux qui s'étaient impliqué: un spectacle pacifique où des milliers de gens du quartier avaient pu s'amuser et danser, avec plein de bonnes choses à manger gracieuseté de Food Not Bombs.

Dans les jours qui ont suivi, notre collectif a commencé à se préparer pour un grand rassemblement pour le désarmement prévu pour le 12 juin 1982, au fameux Central Park de New-York. Le 12 mai, nous avons servi des repas à bord du Rainbow Warrior, lors d'une conférence de presse destinée à promouvoir cet événement. (En guise de rappel, il s'agit du même Rainbow Warrior utilisé par Greenpeace pour dénoncer les essais nucléaires français dans le Pacifique Sud, et que les services secrets français ont coulé en y plaçant une bombe, dans le port d'Auckland, Nouvelle-Zélande, en 1985.) Une bonne partie de la nourriture consommée au rassemblement New Englanders for Peace de Portsmouth, New Hampshire, fut transportée par le Rainbow Warrior. Cet événement eut lieu quatre jours après la conférence de presse, soit le 16 mai, et se déroula aux limites de la base aérienne de Pease. Nous avons préparé et cuit la nourriture au beau milieu d'un champ, l'apport en eau étant assuré par un boyau d'arrosage. Nous avons servi un nombre incroyable de repas et nous avions emmené tant de bouffe, qu'à la fin de la journée nous avons dû distribuer des sacs remplis des légumes en surplus. Lors de la chanson d'adieu, les gens ont dansé en brandissant des carottes vers le soleil. Puis, dans la semaine qui a précédé le rassemblement de New-York, Food Not Bombs a tenu des tables de distribution sur l'avenue des Amériques, de l'avant-midi jusqu'au petit matin et ce, tous les jours. Cela nous a donné l'occasion de rencontrer des militants du monde entier et, comme vous le savez peut-être, plus d'un million de personnes ont finalement convergé vers Central Park le 12 juin pour manifester contre les armes nucléaires. Interrogé par un journaliste qui lui demandait si cette grande manifestation allait changer quoi que ce soit à la politique du gouvernement, le Sécrétaire à la Défense de l'époque, Alexander Haig, avait rétorqué: "Laissons-les protester tant qu'ils le veulent, en autant qu'ils paient leurs taxes!"

La période des groupes d'affinités, de 1984 à 1988

Au printemps 1988, le collectif FNB de Boston et le collectif de San Francisco, qui venait tout juste de naître, se sont donné rendez-vous dans l'obscurité de la nuit, sous le ciel du désert du Nevada. Nous arrivions dans un campement appelé Camp de la paix, où s'étaient rassemblés des activistes du monde entier pour mener une campagne d'action directe non-violente contre les essais d'armes nucléaires ayant lieu dans le désert. Cette action organisée par l'American Peace Test fut la première occasion qu'ont eu des membres de Food Not Bombs des deux extrémités du pays de travailler ensemble.

Le lendemain matin, nous avons chargé l'équipement dans notre camionette, et avons roulé du Camp de la paix à la porte d'entrée de la base militaire. Nous avons monté nos tables, alors que les Wackenhuts (une armée privée engagée dans le but de "protéger" le site) se massaient devant la porte. Ils avaient l'air de vouloir procéder à notre arrestation sans crier gare. Toutefois, il était encore tôt et l'action n'avait pas encore commencé. Nous préparâmes un petit déjeûner de soupe au miso, puis un riz aux haricots pour les manifestants qui allaient se pointer sous peu. L'adrénaline qui coulait dans nos artères nous rappela un autre événement dans lequel Food Not Bombs avait nourri des manifestants se préparant à faire de la désobéissance civile, dans un édifice fédéral à Boston.

Au printemps 1985, le gouvernement salvadorien, appuyé par les États-Unis, massacrait des civils et les Contras terrorisaient le Nicaragua. Le Congrès se préparait à voter et autoriser l'envoi de millions de dollars additionnels, pris à même nos poches, pour aider ces bourreaux. C'est pourquoi le Pledge of Resistance, une organisation nationale ayant pour but de stopper l'intervention militaire des États-Unis en Amérique centrale, s'affairait à préparer des actions dans l'espoir d'empêcher de nouveaux bains de sang. Beaucoup de bénévoles de Food Not Bombs étaient également actifs dans Pledge of Resistance. Si le Congrès approuvait l'envoi d'aide militaire additionnelle, le plan consisterait à paralyser par une occupation l'édifice fédéral John F. Kennedy dans les 24 heures suivantes.

Puisque nous aurions un délai très court pour agir, nous avons pris le risque de faire de la publicité à l'avance: nous avons imprimé des milliers d'affiches annonçant une action le 7 mai, en espérant que le vote prévu pour le 6 mai aurait bel et bien lieu ce jour là. L'avenir nous a donné raison: le vote a eu lieu le 6 mai, le Pledge of Resistance a donné le feu vert à l'action et nos affiches ont pu envahir les rues à temps. Nous sommes arrivés le lendemain avec nos tables de distribution et de documentation, et la foule se mit à grossir rapidement. En peu de temps, 500 personnes pénétrèrent dans le lobby de l'édifice fédéral, et des milliers d'autres criaient des slogans et montraient leur colère à l'extérieur. Dans le lobby, il n'y avait plus un centimètre carré de libre, des gens étaient assis dans tous les racoins. Les employés devaient se frayer un chemin et enjamber les manifestants pour aller vers leurs bureaux, alors que ces derniers chantaient ou criaient leur désaccord face à l'aide militaire aux Contras. Les policiers essayèrent de nous convaincre de partir, puis menacèrent de procéder à notre arrestation. Mais nous étions déterminés et nous avons refusé de quitter les lieux. Un débat très énergique eut lieu parmi les occupants, et lorsque l'édifice ferma ses portes à six heures de l'après-midi, les policiers commencèrent à procéder aux arrestations. À l'extérieur, les manifestants criaient et montraient leur appui aux occupants; Food Not Bombs continuait pour sa part à nourrir tout ce beau monde. Finalement, plus de 500 personnes furent arrêtées ce jour là dans ce qui fut l'une des actions de désobéissance civile les plus réussies de l'histoire de Boston. En outre, notre appui alimentaire et logistique a permis aux activistes d'occuper l'édifice toute la journée et durant une bonne partie de la nuit.

Après un matin à l'atmosphère tendue, passé à préparer la soupe au miso sous l'oeil attentif des Wackenhuts, les premiers manifestants se sont rassemblés à la porte principale. Il y avait beaucoup d'incertitude dans l'air quant à l'attitude qui serait adoptée par les Wackenhuts, en ce lieu perdu et éloigné de toute station de télé. Nous ne pouvions pas compter sur l'opinion publique pour sauver notre peau. Un groupe d'affinité inquiet s'est massé autour de notre table pour boire de la soupe chaude et se préparer psychologiquement. Des autobus remplis d'employés commençaient à passer devant nous, à franchir la grille et à entrer sur le site. Nous pouvions en apercevoir plusieurs autres, au loin sur la route, roulant en notre direction. C'est alors qu'un premier groupe d'affinité se positionna sur la route, et le défilement des autobus cessa. Les vigiles s'approchèrent et se mirent à agripper puis traîner les manifestants sur le bas-côté de la route; mais aussitôt, un autre groupe se positionnait de manière à bloquer le chemin. En peu de temps, une file de 30 à 40 véhicules attendait de pouvoir pénétrer sur la base. Quelques personnes furent arrêtées et placées dans un fourgon cellulaire qui les amènerait à la prison du comté de Beatty, où l'on procéderait à leur enregistrement avant de les libérer. D'autres furent tout simplement battus et poussés hors du chemin. Mais notre action retardait sérieusement les travailleurs qui se rendaient à leur poste de "préposé aux essais d'armes atomiques"; et grâce à nous, le coût du nucléaire augmentait petit à petit, comme à l'action de la centrale de Seabrook. Le blocus a continué pendant plus d'une heure, alors que les groupes se relayaient sur le pavé. Dans les heures qui ont suivi, nous étions complètement galvanisés par le succès de cette première journée d'une action qui devait durer une semaine. En démontant nos tables et en retournant au Camp de la paix de l'autre côté de la grande route, nous avons eu encore une fois l'occasion de nous remémorer nos actions des dernières années.

Le Boston Pee Party du 29 octobre 1986 en est un exemple amusant. Dans les mois ayant précédé cette action, nous avions été confrontés à des situations complètement dingues. Le président Reagan avait poussé la répression vers de nouveaux sommets en demandant des tests de dépistage de drogue obligatoires et à grande échelle, au nom de la "Guerre contre la drogue". Un membre de Food Not Bombs travaillait alors comme technicien dans un laboratoire spécialisé dans ce genre de tests, et en savait long sur leur manque de fiabilité. Des personnes innocentes perdaient leur emploi à cause de résultats erronés, pendant que les média diffusaient une quantité incroyable de reportages sur la menace que représentait la drogue, et sur la nécessité de contourner certains droits civils pour gagner cette guerre à tout prix. Il nous apparut clair que les activistes politiques pouvaient être la cible parfaite de cette hystérie collective; nous avons donc prévu de riposter à cette répression en "inondant" la Maison Blanche d'échantillons d'urine. Nous avons toutefois abandonné cette idée de peur de passer pas mal de temps derrière les barreaux. Mais l'idée était trop géniale pour être abandonnée, et quelques semaines plus tard nous étions en train de planifier le Boston Pee Party dans un édifice fédéral. Nous avons conçu un flyer annonçant un piss-in le 29 octobre; mais vu le climat de répression de la Guerre contre la drogue, nous n'avons mis aucun numéro de téléphone de manière à ce que personne ne se fasse harceler par la police. Ensuite, nous avons obtenu une caisse de contenants semblables à ceux utilisés dans les hôpitaux pour récolter l'urine, puis nous avons ajouté à nos flyers l'adresse de la Maison Blanche de manière à ce que les gens puissent poster leurs échantillons au président Reagan à partir de leur logement, dans l'anonymat le plus complet. Pour ceux qui sont venus à la manifestation, nous avions des contenants et des autocollants sur lesquels était imprimée la même adresse; il était donc possible de poster les échantillons directement de la manifestation. Beaucoup d'échantillons le furent effectivement ce jour-là, quoique nous n'ayons aucune idée du succès de l'opération à l'échelle nationale. Abbie Hoffman a toutefois entendu parler de nous et a parlé de notre initiative dans son livre Steal This Urine Test. En fin de compte, seule la Maison Blanche connaît véritablement l'ampleur qu'a eu cette campagne "anti-antidrogue".

Ici, dans le désert du Nevada, nous avions au moins la possibilité de voir les résultats de nos efforts. Le lendemain matin, un groupe d'affinité ad hoc s'est formé pendant le petit déjeûner. Composé de membres de Food Not Bombs ainsi que plusieurs autres personnes, ce groupe avait choisi de s'appeler Jackrabbit. Son but était d'utiliser des tactiques plus radicales, notamment en traversant le désert sans se faire détecter, pour ensuite aboutir au village de Mercury, habité exclusivement par des scientifiques et des techniciens dévoués aux essais d'armes nucléaires. Ce village se trouvait à environ huit milles (13 km) de la porte principale, à l'intérieur de la base. La veille au soir, lors du conseil quotidien tenu au Camp de la paix, les leaders avaient manifesté leur désapprobation face à ce genre d'actions aventureuses car ils croyaient que c'était trop risqué. Les autorités leur avaient fait savoir que quiconque entrerait à Mercury ferait face à des accusations criminelles et serait passible de six mois de prison. Mais nous sentions que si nous n'étions pas les bienvenus là-bas, c'est justement là-bas que nous devions aller! Et puis, qu'avaient-ils à cacher de si important? Alors le groupe Jackrabbit s'est entassé dans une camionette et a roulé sur la grande route en direction nord, avant de bifurquer dans un col situé entre deux massifs montagneux complètement dénudés.

Il faisait maintenant jour, et nous craignions d'être aperçus -même là-haut dans les montagnes- par un des hélicoptères de surveillance. Le conducteur, après s'être assuré qu'il n'y avait pas d'auto patrouille dans les environs, est sorti de la route et sept d'entre nous avons sauté dehors; nous avons couru au bas d'un talus, pour ensuite escalader les barbelés qui délimitent le site d'essais nucléaires. Nous avions des provisions d'eau, de fruits et de…carottes, comme il se doit. Nous nous sommes dirigés vers le nord, au-delà de la crête des montagnes, de manière à ce que les Wackenhuts, postés au bas de la vallée près de la porte principale, ne puissent pas nous apercevoir. La vie sauvage et les fleurs qui se développaient à travers les rochers étaient superbes et arboraient des couleurs brillantes; cela nous inspira des conversations portant sur le contraste entre toute cette beauté et l'holocauste nucléaire se préparant tout près, juste au-delà de la chaîne de montagnes. Le long du chemin, nous fîmes de petites pauses pour placer des pierres de façon à dessiner des symboles de paix. Tout cela était si beau que nous aurions bien voulu oublier les motifs de notre présence dans le désert et profiter tout simplement de notre marche; mais nous sommes revenus à la réalité assez brusquement lorsqu'un hélicoptère de surveillance nous a survolés. Nous sautâmes rapidement vers le bas sur une saillie protégée par deux hauts rochers. Les vigiles dans l'hélicoptère ne semblaient pas nous avoir aperçus, mais nous n'en étions pas sûrs. Nous décidâmes de descendre vers le fond de la vallée et de nous approcher le plus possible de Mercury avant d'être rattrappés. En arrivant en bas, nous avons aperçu le repère marquant un ancien point d'impact; un genre de cible pris dans la glaise. Nous l'avons déterré et mis au centre d'un grand symbole de paix improvisé à l'aide de pierres. Au fur et à mesure que nous avancions vers Mercury, il devenait clair que nous n'avions pas encore été repérés.

Durant l'après-midi, nous passâmes à côté d'un curieux édifice, censé symboliser une maison aux limites d'une aire réservée aux explosions. Plusieurs heures plus tard, nous arrivâmes au pied d'un grand réservoir d'eau tout blanc, marquant la limite du village. Pas très loin de nous, nous pouvions apercevoir deux types dans un pickup qui avaient l'air de se cacher pour boire de la bière. Nous étions en train de décider ce que nous devrions faire à notre entrée dans le village lorsque, tout à coup, plusieurs camionettes et pickups de couleur blanche ont accéléré vers nous. Des hommes armés de fusils automatiques en sont sortis, nous encerclèrent et nous ordonnèrent de nous coucher à plat ventre. Ils nous fouillèrent, nous mirent les menottes et nous firent monter dans l'une des camionettes.

Alors que nous étions transportés hors de Mercury, nous avons aperçu un impressionnant éventail d'armes high-tech, du type Star Wars. Nous nous échangions quelques remarques à leur propos, mais nos gardes nous ordonnèrent de ne pas observer ni parler de cette artillerie et de regarder droit devant. Nous continuâmes notre observation de toutes façons, et parlâmes de l'apparence sinistre de ces armes, reflet de la mentalité de ceux qui croient qu'en fabriquer est une bonne idée. Puis à la manière de prisonniers de guerre, nous fûmes intimés de descendre du camion, et nous marchâmes à la pointe du fusil jusqu'à la "cage", une portion de désert clôturée et divisée en sections "hommes" et "femmes" près de la porte principale. Il faisait froid, la nuit commençait à tomber, et puis toute notre bouffe avait été confisquée. Captifs et sans vivres, notre conversation s'est naturellement orientée vers le type de manifestations incluant le jeûne.

Nous nous sommes rappelés les "Vétérans jeûnent pour la vie". Ceci fut l'une des actions de Food Not Bombs les plus gratifiantes auxquelles nous ayons eu le privilège de participer. Des vétérans de tout le pays avaient planifié des jeûnes et organisé des manifs contre les guerres secrètes des USA en Amérique Centrale. À Boston, ils avaient monté un campement sur le Boston Common, avec tentes, bannières et tout le kit: ils ne passaient vraiment pas inaperçus, leur message était clair. Alors nous sommes allés les rejoindre au Common en brandissant notre plus grande bannière, dans le but de supporter leur manif. Toutefois, nous n'avions pas emmené de nourriture cette fois, puisque nous voulions respecter les vétérans qui jeûnaient. Or certains sans-abri des environs, qui nous connaissaient bien, vinrent vers nous en nous demandant où était la bouffe. Ils furent quelque peu estomaqués de voir, pour la première fois, des tables de Food Not Bombs sans nourriture.

De retour à la réalité, toujours assis dans la cage en plein désert du Nevada, nous voyions nos supporters s'activer de plus belle. Une foule s'était amassée près de la porte principale plus tôt dans la journée; plusieurs tentatives de bloquer la route s'étaient soldées par de nouvelles arrestations et, par conséquent, la cage se remplissait. Food Not Bombs s'était occupé de nourrir tous ces manifestants, et maintenant que le jour s'achevait, les quelques militants qui restaient jouaient des percussions et dansaient pour célébrer une autre journée bien remplie. Il se mit tout à coup à pleuvoir des pommes et des oranges à l'intérieur de la cage: c'étaient nos amis de l'autre côté de la clôture qui nous les tiraient à bout de bras, de cette distance incroyable! Et puis, spontanément, un type sauta par dessus la clôture et courut vers nous. Avec les gardes à ses trousses, il parvint à nous rejoindre, à escalader la deuxième grille et à nous rejoindre en dedans sans se faire attraper. Son sac à dos était rempli de nourriture. Alors que nous mangions et attendions que le bureau du Sheriff nous transfère à Beatty pour l'enregistrement, nous avons eu l'occasion de nous remémorer un autre épisode où la police avait essayé de nous empêcher de nourrir les gens. Cette fois c'était au Carré Kenmore, juste à l'extérieur du stade Fenway, en plein championnat mondial de baseball.

Pour les pauvres et les SDF du quartier, les succès des Red Sox avaient un goût de défaite. Pour la chambre de commerce locale par contre, chaque victoire se traduisait par des $$$ de profit. Et au nom des affaires, il fallait nettoyer le Carré Kenmore des bums, punks et autres indésirables. Suivant les bons conseils de la police de Boston, la chambre de commerce envoya un communiqué à tous les commerçants, les incitant à cadenasser leurs bacs à vidanges et encourager leurs voisins à faire de même, ainsi qu'à placer des affiches demandant aux clients de ne pas donner de monnaie aux mendiants. Le communiqué leur conseillait, de plus, de signaler à la police la présence d'indésirables, de bums, de punks, et de fournir autant que possible des photos et des indications quant à leurs allées et venues. En l'espace de quelques jours, les policiers donnèrent l'ordre aux SDF de déguerpir sous peine d'arrestation. Nous avons donc écrit une lettre de protestation à la chambre de commerce, à la police et aux journaux, soulignant le fait que les sans-abri ont les mêmes droits que tout le monde, et que ce genre de discrimination à leur égard entraînait la société sur une pente très glissante. Qui serait la prochaine victime de ce genre de logique fascisante? Food Not Bombs a commencé à organiser des rassemblements intitulés "Bienvenue au Carré Kenmore", avec de la bouffe gratuite. L'idée était de rapprocher les gens d'affaires du quartier et toutes ces personnes vivant sous les viaducs, dans les ruelles et dans les corridors des alentours. Les sans-abri sont venus, la presse est venue, mais les membres de la chambre de commerce ne se sont jamais présentés. Après plusieurs événements de ce type, et quelques articles de journaux embarrassants mettant en évidence leurs intentions illégales, la chambre de commerce dut se rétracter et abandonna ses projets sans plus de bruit. Et d'après l'opinion générale, les seules augmentations du vol au Carré Kenmore provenaient des commerces ayant gonflé leurs prix, pour profiter de l'affluence qu'apportait le Championnat!

Les policiers du Nevada n'ont pas abandonné leurs poursuites, loin de là! Nous avons tous été transférés, finalement, à la ville de Tonopah dans les bus du Sheriff, et nous y avons passé les formalités habituelles. À partir de la porte principale, nous avons dû nous taper un voyage de trois heures, aller simple! Les centaines de personnes en état d'arrestation et les centaines de supporters que nous étions ont complètement envahi ce petit bled perdu en plein désert. Nous étions si nombreux que nous avons complètement vidé les réserves d'un restaurant. Les employés y travaillant ne se souvenaient pas d'avoir vu une file d'attente à la porte, pas même la veille du Jour de l'An, qui est normalement leur plus grosse soirée de l'année. Nous avons battu leur record de la soirée la plus occuppée! On aurait dit un gros party à travers toute la ville, sans aucun incident fâcheux. Finalement, après que tous eurent été relâchés du gymnase d'école où l'enregistrement avait lieu, et que presque tous aient eu de quoi boire ou manger, nous avons réusi à trouver du transport pour tous et sommes retournés au Camp de la Paix. 

La Période d'organisation nationale, de 1988 à 1991

Des groupes Food Not Bombs étaient déjà actifs à Boston, San Francisco et Washington D.C. à l'été 1988, mais l'événement qui a propulsé Food Not Bombs sur le devant de la scène nationale et même internationale, fut la série d'arrestations de la Fête du Travail dans le parc Golden Gate. Les récits qui suivent relatent les quatre semaines précédant ce jour, durant lesquelles des bénévoles furent arrêtés à répétition pour avoir nourri les nécessiteux. Cette période a culminé le jour même de la Fête du Travail, alors que plus de 700 supporters, -sans compter les centaines de SDF, policiers, journalistes et curieux-, se sont présentés dans le parc. Ces événements ont fait la manchette partout à travers le monde.

Les semaines précédentes avaient été complètement folles. Des reporters télé nous interviewèrent. Des fonctionnaires de la ville nous offrirent un local pour cuisiner et distribuer la bouffe (alors qu'en fait l'édifice n'appartenait pas à la ville et n'était tout simplement pas disponible à ce moment). Tout cela sans compter la presse, qui nous prêtait implicitement de mauvaises intentions et déformait tout de manière à nous faire paraître non coopératifs. Et bien sûr, il fallait en plus composer avec les nombreuses arrestations. La Fête du Travail tombait un lundi, alors nous devions préparer une quantité de nourriture plus importante qu'à l'accoutumée. Il faut dire que les lundis précédents, nous avions attiré un nombre toujours plus grand de sans-abri, de supporters, -sans oublier les policiers-, en réponse à la couverture médiatique et à la controverse suscitée par les arrestations. Il est étonnant de voir, rétrospectivement, avec quelle naïveté et quelle spontanéité nous nous sommes enfoncés dans cette situation bizarre.

Bien que nous ayions distribué des repas dans le parc Golden Gate depuis le mois de mai, les policiers sont venus faire une petite visite à notre table le premier lundi d'août pour nous dire que cela y était interdit. Nous leur avons répondu que nous croyions ne pas avoir à détenir de permis pour distribuer de la nourriture gratuitement, que cela était un droit garanti par la Constitution, et que nous avions écrit au Département des Parcs pour les informer de nos activités de toutes façons. Nous avions effectivement été porter une lettre demandant l'émission d'un permis le 11 juillet, et aucune réponse ne nous était encore parvenue. Les policiers sont partis, mais à la fin de la journée, alors que nous étions en train de faire nos boîtes, deux d'entre eux sont revenus et nous ont demandé: "Que faites-vous ici? Avez-vous un permis pour être ici?". Nous leur avons répondu que nous étions en train de quitter les lieux. À partir de ce moment, les deux flics ont commencé à nous coller des amendes pour des choses que nous ne faisions même pas, comme conduire sans notre ceinture de sécurité, avec un feu arrière défectueux, ainsi que pour d'autres motifs difficiles à comprendre. Nous étions stationnés dans les règles de l'art, notre moteur était arrêté et on nous accusait de violations au Code de la route! Nous sentions que nous étions dans l'eau bouillante. Alors qu'il signait la paperasse qu'on lui présentait, notre conducteur reçut un coup de poing dans la figure, gracieuseté d'un des policiers qui l'accusait d'avoir fait des commentaires "déplacés". Ce même policier ouvrit alors la portière, traîna notre ami en dehors du véhicule pour le précipiter contre le capot et le menotter. Un panier à salade est arrivé, notre ami fut emprisonné. Une heure plus tard, il était relâché sans autre forme de procès.

Nous avions l'intuition que nous reverrions ces deux flics, et que le lunch du lundi suivant pourrait donner lieu encore une fois à ce genre de harcèlement. C'est pourquoi nous étions quelque peu nerveux alors que nous cuisinions nos immenses chaudrées de soupe. Nous avons chargé notre camionnette comme d'habitude, mais cette fois nous avons mis le cap sur le coin des rues Haight et Stanyan. Nous avons déchargé les vivres avec l'aide de ceux qui s'étaient pointés pour manger, et nous nous sommes installés sur le long du trottoir. Les gens se sont placés en file et nous avons commencé à les servir. Mais en quelques minutes à peine, des paniers à salade et des policiers à cheval ont surgi de toutes les directions. Deux rangées d'anti-émeute, casqués, blindés et brandissant leurs matraques, ont entouré les tables et les bénévoles. Le commandant donna l'ordre de procéder aux arrestations. Neuf d'entre nous avons donc été menottés et entassés dans le fourgon. Pourtant, notre moral était bon: Food Not Bombs pouvait être arrêté pour distribuer de la bouffe gratos dans un parc public. Cela constituait une assez bonne raison pour entreprendre la version américaine des Marches du Sel de Gandhi!

Après avoir terminé les préparatifs pour la distribution de la Fête du Travail, nous avons encore une fois chargé notre camionnette. Mais nous ne voulions pas nous diriger directement vers le parc Golden Gate, car nous avions peur que notre bouffe ne soit confisquée avant même de pouvoir commencer à la servir. C'est pourquoi nous l'avons déchargée à différents endroits autour du parc Buena Vista, un parc plus petit situé le long de la rue Haight, à environ huit pâtés de maisons plus bas d'où nous avions l'habitude de nous installer. Nous avons ensuite stationné notre camionnette dans un autre quartier pour ne pas que les policiers ne puissent la remorquer. Des musiciens et des orateurs se relayaient pour entretenir la foule de plusieurs centaines de personnes qui avaient répondu à notre appel au droit de partager la bouffe avec ceux qui ont faim. Tous furent invités à donner un coup de main, et à transporter de la rue Haight jusqu'au parc Golden Gate les boîtes de nourriture, les livres, les pamphlets et les nappes à pique-nique (nos tables ayant été confisquées les semaines précédentes). Ceux qui ne transportaient ni nourriture ni matériel étaient invités à frapper sur des casseroles ou tout ce qui peut faire du bruit pendant que nous marchions et scandions "food not bombs, food not bombs" à la demande générale.

La foule avait apparemment encore grossi, et occupait maintenant un coin complet du parc Golden Gate. Des membres de Food Not Bombs étendirent de grandes toiles bleues sur le gazon et mirent en place les boîtes et chaudrons. Des douzaines de volontaires s'apprêtaient à commencer la distribution lorsque des policiers anti-émeute, matraque bien dressée et visière baissée, ont déferlé sur le parc. Un moment donné, un policier a commencé a tabasser un bénévole. Un caméraman du Canal 5 s'affairait à filmer le tout lorsque le lieutenant qui supervisait les opérations le projeta à terre d'un vigoureux coup dans le dos. Le pauvre s'en tira avec quelques coupures au visage. Les policiers essayèrent ensuite d'encercler le site, mais les bénévoles et supporters n'arrêtaient pas de bouger. Il devint vite impossible de contrôler quoi que ce soit, puisque c'étaient maintenant les manifestants qui se mettaient à entourer les policiers, en dansant, en criant et en se moquant de leurs tentatives de prise de contrôle. Un groupe d'activistes se regroupa en cercle et se mit à chanter Give Peace a Chance en se tenant les mains. Cinquante-quatre bénévoles furent finalement arrêtés, mais nous ne nous doutions pas que ces attaques et ce harcèlement de la police à notre égard n'étaient encore qu'un début...

À notre grande surprise, le maire de San Francisco manifesta le désir de nous rencontrer pour mettre un terme à cette situation de conflit. Mais les 54 arrestations commençaient à causer un malaise politique que la bonne volonté feinte ou réelle du maire ne suffirait pas à dissiper. Les autorités de San Francisco firent une gaffe monumentale en ordonnant l'arrestation des membres de Food Not Bombs. Les appuis à notre cause venaient de partout au pays, et ne cessaient de grossir. Les gens étaient en colère. Il était pratiquement impensable que des citoyens américains soient arrêtés pour avoir nourri des pauvres dans un parc. Le maire, le chef de police, le procureur municipal, une brochette de politiciens ainsi que des membres de l'ACLU se sont mis à négocier avec nous ainsi qu'avec les membres de différents groupes communautaires. Les discussions nous ont permis d'apprendre que les policiers utilisaient le Département des Parcs pour créer un problème là où il n'y en avait pas. Aucun permis n'était en fait nécéssaire pour exercer le genre d'activités propres à Food Not Bombs, et la municipalité de San Francisco parut vraiment stupide! En concluant cette réunion, nous avons convenu de nous retrouver le lendemain, et nous avons convenu qu'aucune des parties ne parlerait aux journalistes tant que nous ne serions pas parvenus à une entente. On nous a aussi promis qu'aucune arrestation de nos membres ne serait effectuée d'ici là.

Peu avant la deuxième rencontre, un négociateur de notre équipe fut toutefois arrêté parce qu'il tentait de réconforter un vétéran du Viêt-Nam, écoeuré de vivre dans les parcs et menaçant de se jeter du haut du Pont Golden Gate. Relâché au bout de 45 minutes, notre négociateur fut en mesure de se rendre au rendez-vous pour la simple et bonne raison que celui-ci avait commencé en retard. Notre équipe a alors décidé de suspendre les pourparlers, car la municipalité s'était montrée indigne de notre confiance: en plus de procéder à l'arrestation de notre négociateur, elle avait émis la veille au soir un communiqué de presse peu flatteur à l'égard de Food Not Bombs. Nous avons donc dit au maire que nous continuerions coûte que coûte à distribuer des repas dans le parc, et qu'il serait de son ressort de décider si oui ou non des arrestations devraient être effectuées. Notre détermination l'a ébranlé. Monsieur le maire était peu habitué d'avoir à porter le fardeau de la responsabilité, et de voir son autorité défiée ouvertement. Bien que cela le fît arriver en retard à l'opéra ce soir-là, le maire organisa une conférence de presse dans laquelle il annonça une "entente" et qualifia l'équipe de Food Not Bombs de "pionniers dans l'effort pour mettre un terme à l'itinérance et la faim."

À l'été 1989, les SDF de plusieurs grandes villes à travers les États-Unis créèrent des communautés temporaires autonomes qu'ils appelaient tent cities. Ces campements de fortune devinrent des lieux privilégiés d'action pour Food Not Bombs, notamment à New York et San Francisco, et attirèrent l'attention du public sur les qualités personnelles des pauvres. Les maires de ces deux villes se trouvaient en position délicate, puisque les conditions de vie des sans-abri ne cessaient de se détériorer et que certains contribuables frustrés ne se gênaient pas pour les rendre encore plus difficiles. Or les élus municipaux n'avaient aucune solution concrète à opposer au problème de la pauvreté, puisqu'ils refusaient dès le départ de reconnaître les failles d'un système politique basé sur la centralisation des pouvoirs. Ce qu'ils pouvaient faire de mieux était de mettre en évidence leur propre impuissance, en proposant des solutions pour le moins douteuses. Aux tables de distribution, à San Francisco, des itinérants nous ont raconté comment, la nuit précédente, des policiers avaient investi le parc, battu les gens et détruit les campements. Certaines personnes auraient même été emprisonnées. La nuit précédente, c'étaient les pompiers qui étaient venus les arroser copieusement. L'autre nuit d'avant, les policiers s'étaient présentés avec de puissants réflecteurs et avaient intimidé les campeurs au porte-voix. Après trois nuits consécutives de ce genre de harcèlement, notre aide était demandée avec insistance. Nous avons donc déménagé notre service de distribution de la Place des Nations-Unies jusque devant le très stratégique Hôtel de ville. Nous avons commencé une distribution le 28 juin à cinq heures de l'après-midi et continué sans arrêt, 24 heures sur 24.

Les sans-abri avaient monté un campement sur Civic Center Plaza, de l'autre côté de la rue, face à l'Hôtel de ville. Cette tent city leur redonnait espoir et stimulait leur sens de l'organisation. Le maire menaça d'envoyer la police, mais la communauté se serrait les coudes et tenait bon. Lorsque le maire annonça que les tentes étaient interdites et que les "résidents" du parc ne pouvaient y dormir en aucun cas, il y eut un mouvement de foule spontané vers son bureau, et le balcon de l'Hôtel de ville fut décoré d'une immense bannière de Food Not Bombs! Le 12 juillet, la Ligue des activités policières a investi le Civic Center Plaza et a commencé à y installer une fête foraine complète, avec les autos tamponneuses, la grande roue et tout le bazar. Le nom de cette foire était "Empereur Norton", en hommage au clochard le plus célèbre du San Francisco du XIXe siècle! Quand nous avons vu cela arriver, nous avons craint que l'on ne nous arrête, pour ne pas que nous gênions l'installation des manèges. Nous avons donc caché les contenants de soupe dans un endroit sécuritaire. Le mardi 13 juillet, les flics sont intervenus: ils arrêtèrent plusieurs personnes et confisquèrent notre soupe. Aussitôt qu'ils eurent quitté, nous étions de retour avec encore plus de soupe et de pain! Les flics revinrent, nous prirent en flagrant délit et arrêtèrent plusieurs personnes encore une fois. Notre bonne organisation, qui nous permettait de répliquer ainsi plusieurs fois de suite, les mettait dans un embarras qu'ils allaient connaître encore et toujours plus à l'avenir.

Le lendemain, vers midi, un grand rassemblement contre ces arrestations fut tenu devant l'Hôtel de ville. Food Not Bombs avait apporté de la bouffe et un groupe de manifestants, inspiré par les événements du mois de mai à la Place Tienanmen, s'est présenté avec une "déesse de la bouffe gratuite" de 15 pieds de haut, poussant un chariot d'épicerie d'une main et brandissant une carotte de l'autre. Les anti-émeute étaient encore une fois dans les parages... Lorsque la grande bannière Food Not Bombs fut déployée sur les marches de l'hôtel de ville, les personnes la tenant en place furent arrêtées. Puis après avoir passé l'après-midi dans un fourgon cellulaire, elles furent transférées à la centrale de police de la zone nord, où on leur a lu une injonction de la Cour interdisant la distribution gratuite de nourriture. Un des membres de l'équipe fut ensuite emmené en Cour Supérieure, où il dut se défendre lui-même. Après avoir déclaré l'ordre de la Cour "moralement incompréhensible", il fit la déclaration suivante: "Les contribuables de San Francisco seront mis à rude épreuve, puisque des centaines et des centaines de personnes continueront de se faire arrêter de la sorte. En aucun cas nous ne respecterons votre injonction qui est du véritable terrorisme juridique." Cette déclaration allait devenir réalité: Food Not Bombs a continué d'exercer son droit de servir des repas gratuits à tous les jours; Food Not Bombs a continué de subir des arrestations pour revenir à la charge avec encore plus de bouffe aussitôt les policiers partis!

Après les arrestations de la Fête du Travail 1989, dans le parc Golden Gate, nous avons tous dansé et festoyé autour des restes de bouffe qui n'avaient pas été confisqués. Puis les derniers d'entre nous dûmes trouver un moyen de quitter les lieux sans nous faire attraper. Nous avons donc décidé de remonter en groupe la rue Haight sur une distance d'un pâté de maisons. C'est alors que des flics à moto ont rejoint les retardataires qui suivaient à environ 30 pieds derrière nous. Ils les projetèrent au sol avec leurs matraques, les traînèrent dans le milieu de la rue et les arrêtèrent. Nous pensions être les prochains à subir le même sort, nous avons donc bifurqué aussitôt sur une rue transversale et avons couru jusqu'au sommet de la colline Buena Vista. Une fois parvenus de l'autre côté, nous l'avons redescendue en empruntant les ruelles, jusqu'à ce que nous atteignions la station de télé Canal 4. Nous sommes passés en ondes peu de temps après notre arrivée, et on nous a demandé pourquoi nous nous obstinions à servir de la bouffe même si nous risquions l'arrestation à chaque fois. Nous avons expliqué que donner à manger à ceux qui ont faim est un devoir, que cette activité n'est sujette à aucune réglementation et est de toutes façons protégée par la Constitution. Nous avons encouragé les gens à se tenir debout et défendre leurs droits. C'est ainsi que se termina l'entrevue.

Bien que la municipalité nous ait enfin octroyé un permis après cette vague d'arrestations, c'en n'était pas fini du harcèlement et des tentatives de nous empêcher d'exercer nos activités. L'oppression a continué durant l'été 1990, et se poursuit encore de nos jours. Or, durant toute cette époque et en partie grâce à elle, Food Not Bombs a continué de grandir et de répandre sa philosophie. Les actions relatées ci-haut et les arrestations qui s'ensuivirent nous ont donné une attention et une crédibilité inestimables.

Au moment d'écrire ce livre, seule la municipalité de San Francisco avait commis ces bévues. Les groupes Food Not Bombs de East Bay, Sacramento, Santa Rosa et Long Beach n'ont pas (encore) été arrêtés. Les groupes de Washington, New York, Boston et Portland, Oregon, n'ont pas subi de contraintes non plus. Depuis ce temps, nous continuons de croître et de servir des repas gratuits quotidiennement. De nouvelles organisations surgissent un peu partout à l'année longue, et peut-être qu'aujourd'hui est le jour où Food Not Bombs apparaîtra dans votre patelin!

Cuisiner pour la paix (annexe)

Dépliant-type

L'argent dépensé dans le monde en armement à chaque semaine serait suffisant pour nourrir toute la population de la Terre pendant un an. Quand des milliers de personnes meurent de faim à chaque jour, comment peut-on dépenser encore un dollar pour la guerre? Si vous êtes de ceux qui croient que les gens ont davantage besoin de nourriture que de bombes, appelez-nous aujourd'hui. Les prochaines années pourraient changer le monde profondément, et ce pour des générations. De la Bouffe, pas des Bombes (Food Not Bombs) travaille pour que ces changements soient positifs pour tout le monde.

• De la Bouffe, pas des Bombes a plusieurs projets qui s'amorcent ou qui sont déjà en branle dans votre entourage :

• Distribution de nourriture gratuite pour les gens dans le besoin.

• Tables de discussion pour donner de l'information à propos de la nourriture saine, de la paix et de la justice.

• Préparation de repas chauds pour des manifestations ou des événements artistiques.

• Organisation d'actions créatives s'opposant à la guerre et la pauvreté.

Nous vous invitons à travailler avec nous pour fournir les services et l'information dont a désespérément besoin la communauté. Vous pouvez faire une différence.

Appelez-nous au: (votre numéro de téléphone ici)

De la Bouffe, pas des Bombes

Votre adresse

et numéro de téléphone

La date

Lettre-type destinée à la direction des restaurants

Cher gérant,

De la Bouffe, pas des Bombes aimerait recueillir les surplus de nourriture que vous pourriez avoir. Nous distribuons cette nourriture aux maisons d'accueil et aux cuisines populaires, tout en en la servant nous mêmes aux gens qui ont faim.

De la Bouffe, pas des Bombes est fier d'être efficace et ponctuel dans ses cueillettes et ses livraisons.

Votre établissement va bénéficier de ce geste, et sera fier de savoir que ses surplus de nourriture vont à ceux qui en ont vraiment besoin. Plusieurs propriétaires, dans d'autres villes ou quartiers, ont d'ailleurs fait des économies de frais et de taxes relatives à l'enlèvement des ordures.

Appelez-nous pour nous faire savoir quel moment vous irait le mieux pour la cueillette des surplus. Merci.

Sincèrement,

Votre nom,

Bénévole

Si la police essaie de saisir votre nourriture

Si la police commence à saisir votre nourriture ou à arrêter des bénévoles, nous avons découvert que diviser les repas en trois, en les servant seulement un tiers à la fois, est une bonne solution. Nous mettons la soupe et les salades dans des chaudières de plastique de cinq gallons avec des couvercles.

Dites aux gens qui attendent pour la nourriture qu'ils sont invités à rester même après que la première partie du repas ait été confisquée, puisque davantage de nourriture s'en vient! Faites-leur savoir que la police ne prend qu'une partie du repas. Ceci les calmera. Ceux qui attendent pour manger peuvent avoir l'impression que la police leur vole tout leur repas, se mettre en colère et donner aux policiers la "chance" de se battre avec les affamés.

Après que les policiers aient quitté le secteur, sortez la nourriture à nouveau tout en en gardant encore une partie cachée au cas où ils reviendraient.

La police revient rarement une troisième fois, car elle se sent ridicule d'être déjà intervenue deux fois.

Si la police "colle" et surveille le secteur, vous pouvez peut-être les faire partir. Après quelques tentatives d'arrêter le service, elle réalise qu'il est préférable de quitter que de rester et de montrer que leur autorité peut être défiée avec succès.

Si vous continuez vos distributions de bouffe de façon régulière, le gouvernement va abandonner et vous allez vous mériter le respect de la population. N'arrêtez pas à cause de la police!

Ordre du jour typique d'une réunion de De la Bouffe, pas des Bombes

1. Ouverture de la réunion (10 minutes)

2. Adoption de l'ordre du jour (5 minutes)

3. Organisation du calendrier (45 minutes)

4. Solidarité (actions où de la bouffe peut être distribuée, 20 minutes)

5. Rapports des comités (30 minutes)

6. Finances (10 minutes)

7. Prochaine réunion (5 minutes)

8. Retour sur la réunion (Remarques et commentaires, 15 minutes)

Citations

«Cette politique de non-poursuite est vraiment frustrante et inquiétante… Il y aura des problèmes si le département suspend les arrestations… De la Bouffe, pas des Bombes en ferait sûrement une affaire publique, avec d'agaçantes distributions de nourriture tape-à-l'oeil et mal placées. Il pourrait en résulter une situation chaotique et il s'agirait d'un précédent dangereux pour les autres groupes qui refusent d'obéir à la loi…»Capitaine Dennis P. Martel, Officier, Poste de police du secteur nord, 9 février 1990, dans un mémo officiel de la Police de San Francisco.

«Plusieurs d'entre ceux qui ont été interviewés ont dit que la frustration et la colère sont susceptibles de monter de tous les côtés si des fonds ne sont pas trouvés pour les services sociaux. Sans argent, disent-ils, la petite chicane de cet automne entre les policiers et FNB pourrait bien annoncer des conflits plus sérieux. "Si les sans-abri étaient organisés et dirigés sérieusement, il pourrait y avoir d'importants remous sociaux; il pourrait y avoir un soulèvement" dit Harry de Ruyter, directeur des services sociaux pour l'armée du salut à San Francisco.»San Francisco Chronicle, 31 octobre 1988.

«Ils [De la Bouffe pas des Bombes] croient qu'ils peuvent manipuler les sans-abri pour jeter les bases d'un ordre social radical nouveau genre.»Art Agnos, Maire de San Francisco, 26 août 1988.

«Ils [De la Bouffe, pas des Bombes] ne vendent jamais de nourriture, mais la donnent gratuitement. En plus de huit ans, nous n'avons jamais eu de plaintes ou de difficultés reliées à la santé avec ce groupe. Ils aiment avoir un appui communautaire avec une large base. En fait, ce groupe travaille en coopération avec la ville dans notre volonté mutuelle d'éduquer le public à propos des dangers de la guerre nucléaire et d'encourager la paix au moyen du désarmement nucléaire.»Alfred E. Velluci, Maire de Cambridge, 20 janvier 1989, (dans une lettre à Ben Gale du Département de la Santé de San Francisco, trouvée dans les dossiers de la Police de San Francisco).

À propos des auteurs

C. T. Lawrence Butler est déménagé à Boston en 1976 avec une troupe de théatre qu'il avait aidé à former dans sa ville natale de Newark, Delaware. En 1979, il rejoint des groupes d'affinités sous la demande d'un ami acteur et participe à deux tentatives majeures d'occupation à la centrale nucléaire de Seabrook. Ces actions ont initié C.T. à deux concepts - l'action directe non-violente et les prises de position par consensus - qui ont changé sa vie. Dans la dernière décennie, C.T. a poursuivi son exploration de ces deux disciplines en devenant un militant contre les taxes de guerre et en participant à plusieurs groupes d'action politique et de revendications sociales. En 1980, C.T. et un groupe d'amis ont formé le collectif De la Bouffe, pas des Bombes à Cambridge. Plus tard, C.T. a été reconnu pour son travail à Cambridge en étant nommé à la Commission de l'éducation pour la paix et le désarmement nucléaire de la ville. Au moment d'écrire ce livre, C.T. vivait à Portland au Maine avec plusieurs amis travaillant pour créer une communauté visant la sensibilisation à l'écologie. Il habite maintenant au Vermont. Il est père, auteur, militant politique pro-féministe, formateur sur la non-violence et le consensus et chef cuisinier végétarien. Voici quelques organismes dans lesquels il est (ou fut) impliqué: l'Organisation nationale des hommes contre le sexisme, Les Verts (USA), la Ligue de résistance à la guerre, le Réseau des formateurs sur la non-violence de la Nouvelle-Angleterre, ACT UP! (Maine), les Verts de Casco Bay et le Centre de ressources pour la résistance contre les taxes de guerre, sans oublier The Dove, un journal sur la résistance contre les taxes de guerre où il fut co-éditeur. C.T. a aussi travaillé sur un troisième livre (le livre de recettes de Food Not Bombs).

Keith McHenry est né à Francfort, Allemagne, en 1957 alors que son père y faisait carrière comme militaire. Son arrière-arrière-grand-père du côté paternel était l'un des signataires de la Constitution américaine, ainsi que le Sécrétaire de Guerre de George Washington. Son grand-père du côté maternel était quant à lui un des planificateurs des bombardements d'Hiroshima et Nagasaki!

En 1974, Keith entreprit des études en peinture à l'Université de Boston. Après l'université, il travailla trois ans pour le Département des parcs nationaux, voyagea à travers les États-Unis en faisant toutes sortes de petits boulots, et fit des voyages à Seabrook, New Hampshire, pour y manifester contre l'énergie nucléaire. En 1979, il fonda une firme de publicité à Boston. L'année suivante, il se joignit à sept amis pour fonder Food Not Bombs. Après huit ans à servir de la nourriture et à travailler comme graphiste, Keith et son épouse Andrea ont déménagé à San Francisco où ils ont mis sur pied un autre groupe FNB. Depuis lors, Keith a été battu 13 fois, a été détenu sous caution de 100 000$, a passé plus de 450 jours en prison, et a même risqué d'y passer le reste de ses jours en tant que premier homme blanc soumis à la loi Three Strikes de Californie (si vous êtes condamné trois fois pour le même délit -même mineur- vous risquez un minimum de 25 ans derrière les barreaux). Il a été hospitalisé plusieurs fois et a dû subir une intervention chirurgicale après que la police l'ait matraqué entre les deux yeux!

 

Keith McHenry, le premier des quelque 1000 bénévoles de FNB ayant été arrêtés jusqu'à ce jour pour avoir servi de la nourriture sans permis. (Photo prise le 16 août 1988, Parc Golden Gate, San Francisco, Californie, U$A.)

Matériel disponible

Vous pouvez commander les éléments suivants, arborant le logo de Food Not Bombs:

• épinglettes

• autocollants

• bannières

• T-shirts

• Matériel de papeterie

Il est aussi possible de commander les ouvrages suivants (en anglais):

• The Story of Miso

• A Short History of Food Not Bombs

• The Food Not Bombs/San Francisco Handbook

• The Seven Steps to Organizing a Food Not Bombs

• Formal Consensus (dépliant)

• On Conflict and Consensus

• The Food Not Bombs Menu (organe officiel d'information, mis à jour régulièrement)

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Teléphone sans frais en Amérique du Nord: 1-800-884-1136 / 1-816-531-8708

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Alimentation/Politique/Justice sociale/Livre de recettes (texte paru à l'endos de la version papier)

Que ce soit aux États-Unis ou en Europe, des centaines de millions de tonnes de nourriture parfaitement comestible et souvent emballée dans de beaux contenants se retrouvent chaque année dans les dépotoirs. Or les statistiques indiquent que la mortalité infantile, la pauvreté et la malnutrition augmentent dans la majeure partie des pays industrialisés. Selon les auteurs, un dixième seulement de toute la nourriture ainsi jetée pourrait suffire à vaincre la faim dans ces pays.

Le réseau de groupes autonomes De la bouffe, pas des Bombes (Food Not Bombs), fondé à Boston au début des années 80, a pour but de récupérer une partie de cette nourriture avant qu'elle ne soit gaspillée, pour ensuite la servir aux affamés. Mais ce n'est pas tout: comme l'indique son nom, De la Bouffe, pas des Bombes entend utiliser la distribution de nourriture comme un moyen de conscientiser et d'éduquer les classes moyenne et défavorisée. En effet, la pauvreté qui apparaît au beau milieu de l'abondance est le résultat de choix politiques et économiques douteux, donnant plus d'importance aux armes et aux profits qu'à la Vie. Encore faut-il attirer l'attention sur la manière dont ces choix sont effectués dans le cadre de la soi-disant économie de marché.

De la Bouffe, pas des Bombes donne une grande quantité de conseils, recueillis auprès d'une douzaine de chapitres aux États-Unis, sur le meilleur moyen de recueillir la nourriture et combler les besoins de centaines de personnes. Ce livre explique comment concocter des mets simples, savoureux et nutritifs pour ensuite transformer les soupes populaires en rassemblements politiques. De plus, un historique du mouvement vous en apprendra beaucoup sur l'art de négocier avec la police, les politiciens et les médias pour mieux servir la communauté.

Finalement, ce livre vous invite à former un groupe Food Not Bombs dans votre municipalité et rejoindre un réseau dont les ramifications s'étendent principalement aux États-Unis, au Mexique, au Canada, au Québec et maintenant en Europe. (Pas moins de 169 de ces groupes étaient à l'oeuvre selon le décompte d'avril 1997.) Souhaitons que les pays francophones se joignent au mouvement et que retentissent plus que jamais les slogans: "De la bouffe, pas des bombes! Des maisons, pas des prisons!"