S'organiser pour lutter :

Une autre conception du syndicalisme

CNT-FAU

VERS LA DISPARITION DU SERVICE PUBLIC D'EDUCATION?

Depuis plusieurs années, l'heure est au démantèlement du système public d'éducation : les dernières réformes mises en place par les gouvernements,qu'ils soient de droite ou de gauche (depuis le plan U2000 de Jospin en 1991 jusqu'aux réformes d'Allègre en 1999-2000), remettent largement en cause les fondements du système public universitaire. Cette évolution se fait essentiellement sur 4 grandes lignes :

     La privatisation de certains services (cafétérias, nettoyage, reprographie...), l'entrée des entreprises dans l'université tant au niveau immobilier (banques, magasins...) que pédagogiques (missions université-entreprise par exemple), et au final l'inauguration de facs entièrement privées, comme le pole universitaire Léonard de Vinci (fac Pasqua) en 1995.

     La précarisation des conditions de travail pour les salariés (annualisation, généralisation des emplois précaires comme les CDD ou les emplois jeunes) mais aussi pour les étudiants (multiplication des petits boulots étudiants, stages bidons en entreprise...)

     La rigueur budgétaire, notamment sous prétexte des critères de Maastricht pour la construction européenne, qui amène une suppression des filières non rentables (philosophie par exemple) ou encore la baisse dramatique des postes aux concours de recrutement des métiers de l'enseignement (CAPES, Agrégation, CAPE ...)

     Une augmentation de la sélection par l'argent (insuffisance des aides sociales et augmentation des frais d'inscriptions), par le mérite (quotas, élitisme de certaines filières, suppression du DEUG avec le 3-5-8) et par la nationalité (circulaire Sauvé-Marchand). Toutes ces évolutions ne sont pas isolées : elles relèvent d'un processus général de casse du service public, dans l'éducation comme dans d'autres secteurs (Poste ou Telecoms).

Mais pourquoi défendre ce service public?Qu'est-ce que le service public universitaire?Quelles sont ces caractéristiques, ses atouts et ses défauts. Pour la CNT-FAU, si tout système éducatif dépend des structures économiques, sociales et politiques d'un pays, donc aujourd'hui se situe dans un cadre capitaliste, il n'en est pas moins vrai que le système public universitaire contient un certain nombre de points positifs qu'il est nécessaire de défendre:

     Le refus de toute logique de rentabilité économique et, au contraire, l'importance de la transmission du savoir au plus grand nombre ;

     Une volonté, du moins théorique, de favoriser l'accès à l'université au classes défavorisées par le biais d'aides sociales, de frais d'inscriptions peu importants et de structures telle que restau U et cité U ;

     Enfin, le fait que la majeure partie des travailleurs de l'université est intégrée à la fonction publique et a donc un statut de fonctionnaire, ce qui n'est pas sans intérêt (horaires, pérennité de l'emploi, congés...) même s'il existe des inégalités et des hiérarchies importantes.

Dans un tel contexte, quel syndicalisme est-il nécessaire de mettre en place? Entre défense des qualités du service public et critique de ses défauts, quel type d'organisation, quelles pratiques, quelles luttes est-il nécessaire de développer.

QUEL SYNDICALISME LA CNT-FAU CHOISIT-ELLE DE DEVELOPPER?

Les limites du syndicalisme traditionnel, intégré aux modes de fonctionnement actuels (négociations sans rapport de force, acceptation au moins partielle du discours libéral, corporatisme et élitisme) amènent un certain nombre de questions. Les réponses que la CNT-FAU apportent sont issues d'un courant historique du syndicalisme : le syndicalisme révolutionnaire et l'anarcho-syndicalisme. L'identité de la CNT-FAU provient donc d'une synthèse entre un apport théorique (et pratique) venant de l'histoire du mouvement ouvrier, et les lecons qu'elle peut tirer de sa présence quotidienne dans les luttes actuelles. On peut définir cette identité en quatre points :

     La structuration des sections syndicales : la CNT-FAU est composée de sections locales qui rassemblent sur une même université l'ensemble des acteurs de la communauté universitaire selon le principe de l'unité des personnels sur leur lieu de travail, les étudiants étant considéré comme des travailleurs en formation. Ainsi, IATOS, étudiants et enseignants d'une meme faculté appartiennent à la même section. En outre, la CNT-FAU est intégrée à la Fédération des Travailleurs de l'Education de la Confédération Nationale du Travail, ou sont rassemblées l'ensemble des personnels de l'Education (privé et public, de la maternelle à l'université). La CNT-FAU fonctionne donc de manière intercorporatiste.

     Dans son fonctionnement interne, la CNT-FAU pratique un syndicalisme autogestionnaire. En effet, toutes les taches y sont gérées collectivement ; à tous les niveaux (local, régional...), c'est l'assemblée générale souveraine de tous les adhérents qui est décisionnelle. De même, lorsqu'il y a nécessité qu'un individu se charge d'une tache spécifique (depuis le secrétaire d'une section jusqu'au comité de redaction d'un bulletin) cette personne est mandatée selon un mandat impératif, c'est à dire que le contenu de son travail est défini clairement par l'AG; en outre, ces mandatés sont révocables en permanence : s'ils agissent en contradiction avec le mandat qui leur a été attribué, ils sont remplacés. La CNT-FAU fonctionne donc selon les principes de la démocratie directe et de l'autogestion.

     Enfin la CNT-FAU, au titre de section du syndicat de l'Education, est adhérente à la Confédération Nationale du Travail, confédération regroupant dans un esprit internationaliste tous les travailleurs, chômeurs, précaires et retraités. Cette appartenance permet à la CNT-FAU d'éviter le repli sur le monde universitaire et de faire vivre une véritable solidarité, mais lui apporte aussi un certain nombre d'atouts, par exemple la possibilité de venir en aide à un étudiant salarié sur son lieu de travail. En outre, la CNT-FAU est en contact avec des organisations étrangères (CGT espagnole, SAC et SUF en Suède, USI en Italie, IWW américains ...) car sa lutte ne connait pas de frontières. La CNT-FAU appartient donc à une confédération syndicale interprofessionelle et internationaliste.

METHODES DE LUTTE

Ces méthodes à un certain type de syndicalisme ainsi que l'appartenance à la CNT ne sont pas anodines en termes de méthodes de lutte. En effet trois principes constituent les fondements de la CNT-FAU à ce sujet :

     L'autogestion des luttes : tout comme à l'intérieur du syndicat, les assemblées générales qui regroupent les personnes en lutte (étudiants, enseignants et IATOS) sont souveraines, c'est à dire qu'elles décident des orientations à prendre et des actions à mener. Les individus élus pour représenter les assemblées générales le sont sur des mandats impératifs et révocables à tout moment. Toutes les négociations sont faites sous contrôle de l'assemblée générale qui seule est apte à accepter ou non les propositions faites dans ce cadre.

     L'action directe : toute action se fait par les individus mobilisés eux-mêmes, sans passer par des intermédiaires, donc sans ce remettre à d'autres (élus au conseils, bureaucraties syndicales ...). L'arme principale dans l'action directe est la grève et ses corollaires (occupations, piquets de grève ...).Il s'agit par conséquent d'organiser un rapport de force, offensif ou défensif, directement contre l'adversaire social et politique (l'administration, le ministère, le patron...).

     La solidarité et l'entraide: de même que la CNT-FAU est organisée dans une confédération interprofessionnelle, elle a pour but de développer la solidarité intercorporatiste et la communauté d'intérêt autour du principe de lutte des classes, et ce par la grève et la mobilisation solidaire.

Ces méthodes d'organisation et de lutte pose la question de la représentativité syndicale et des élections du personnel et des étudiants. Sur les universités, cette notion est différente selon que l'on est salarié ou étudiant. Pour ces derniers, la représentativité des organisations est conditionnée par les résultats électoraux. Pour ce qui est des salariés, elle se définit non seulement selon des critères elecoraux, mais aussi selon un  dispositif légal qui présuppose comme représentatives au niveau national les cinq centrales syndicales institutionnelles (CFDT,CGT,FO,CFTC,CGC), et plus spécifiquement dans l'éducation la FEN et la FSU. La CNT-FAU s'oppose à ce monopole de représentativité octroyé par l'Etat et lui oppose la représentativité de fait, c'est à dire par l'action militante de ses adhérents dur le terrain. Dans cette même logique, et en accord avec les modes de structuration et les pratiques qui sont les siennes (indépendance, autogestion, intercorporatisme, action directe, refus des hiérarchies syndicales...), la CNT-FAU refuse de participer  aux élections de représentant du personnel et des étudiants (du moins pour ce qui est des personnels intégrés au service public) et appelle au boycoytt conscient de cette brocante aux postes de pouvoir.

AXES DE LUTTE

Une fois développés les principes que la CNT-FAU entend suivre dans son organisation interne et dans ses méthodes de lutte, reste à définir les revendications qu'elle peut porter. En préambule, il esst important de dire que ces revendications se situent dans des visions à court terme. En effet, en tant qu'organisation anarcho-syndicaliste et syndicaliste révolutionnaire, la CNT-FAU considère que la défense des intérêts immédiats des travailleurs et étudiants dans le sytème économique actuel ne peut etre séparée de la dénonciation de ce même système. En d'autres termes, la CNT-FAU considère que les luttes quotidiennes dans le mode de production capitaliste pour l'amélioration des conditions de vie et de travail des classes défavorisées sont nécessaires, mais n'en sont pas moins suffisante et partielles : le syndicalisme doit aussi être le porteur d'un autre projet de société. Néanmoins, il faut souligner que certaine revendications, fondées sur des critères d'intérêts de classe pour l'égalité sociale, économique, politique, vont déjà à l'encontre du mode de fonctionnement capitaliste (profit, rentabilité, concurrence...) et sont une amorce de remise en question radicale de ce système économique. Ces éclaircissements apportés, voici une liste non exhaustive des revendications qu'avance la CNT-FAU:

Pour un véritable service social d'éducation dans une université gratuite, laïque et intercorporatiste

Titularisation de tous les précaires dans le service public, sans discrimination de concours, de nationalité ou d'ancienneté.

Arrêt immédiat de toutes les formes de sous-traitance au sein des établissement (restauration, nettoyage...), pour une intégration dans le service public avec titularisation immédiate et embauches nécessaires.

Financement public exclusivement pour les universités publiques et ointégration des facs privées dans le service public

Refus des protocoles et accords université-justice-armée-police-patronat.

Suppression des missions université-entreprise, des plans Bayrou et U3M et refus des orientations du projet Attali.

Pour un service public de recherche : refus de la loi sur l'innovation et la soumission de la recherche aux lois du marché.

Pour une solidarité entre les étudiants et les personnels, contre toutes les hiérarchies universitaires : l'université est à toutes et tous!

Augmentation des moyens humains, techniques et architecturaux avec amélioration des modes et structures de travail.

Abolition de toutes les formes de hiérarchies et d'autoritarisme (agents-chefs, inspecteurs, mandarins, cours d'amphi...).

Respect des conditions de santé, d'hygiène et de sécurité (désamiantage de l'université de Jussieu).

Recrutement massif dans toutes les catégories de personnel titulaire (infirmier, psychologues, agents d'entretien, médecins, administratifs, enseignants...).

Droits syndicaux élargis pour les personnels et les étudiants (droit d'organisation permanente ou temporaire, de réunion, d'assemblée, d'affichage...)

Suppression de l'Agrégation et accès à la recherche et à l'enseignement universitaire pour les titulaires du CAPES.

Droit d'inscription à l'université pour les travailleurs ayant 5 ans d'exercice, sans conditions de concours, de nationalité, d'age ou de possession d'un diplôme comme le baccalauréat.

Refus de l'élitisme prétendument républicain : pour une éducation ou toutes et tous ont les moyens d'acquérir une maîtrise de soi, sans hiérarchisation des savoirs (techniques, sportifs, culturels...), sans limitation de leur diversité, sans ségrégation aucune.

Refus de la sélection à l'entrée en troisième cycle et accès pour tous à la recherche.

Pour l'égalité sociale et l'amélioration des conditions de travail.

Réduction du temps de travail et revalorisation des salaires de tous les personnels, avec augmentation progressive jusqu'a disparition des différences et des inégalités salariales, vers un statut équivalent pour tous les personnels, depuis la maternelle jusqu'à l'université.

Interdiction des heures supplémentaires, de l'annualisation du temps de travail, de la flexibilité et de la mobilité imposée.

Elargissement et augmentation des bourses sur critères sociaux et suppression des aides sociales sur le mérite.

Egalité totale des étudiants francais et étrangers : suppression de la circulaire Sauvé-Marchand et des lois xénophobes, pour la régularisation de tous les sans-papiers.

Locaux, cités-U et restos-U en nombre suffisant et à proximité du lieu d'enseignement et respect de la tarification paritaire (moitié Etat moitié étudiant).

Extension du RMI au moins de 25 ans et revalorisation des minimas sociaux.

 

La CNT-FAU lutte aussi contre le fascisme, le sexisme, la xénophobie, l'homophobie, etc. car elle considère que les combats contre toutes les formes d'exploitation et de domination doivent être menés sans hiérarchisation ni préjugés. La lutte de la CNT-FAU s'inscrit aussi dans un projet de construction d'une autre société pour une organisation sociale et économique sans dirigeants ni dirigés et dans laquelle l'Etat et le patronat sont remplacés par une structure horizontale fonctionnant suivant les principes fédéralistes, coopératifs et autogestionnaires ; une société communiste libertaire. Reste donc à définir la place de l'université dans une telle société. Ce que la CNT-FAU entend mettre en oeuvre est une révolution sociale, éducative et pédagogique pour bâtir une société fondée sur le principe de culture pour tous et par tous. Ceci passe par une redéfinition des taches des acteurs de la communauté universitaire vers l'autogestion des locaux, la suppression de la division entre travail manuel et travail intellectuel et le développement d'une pédagogie anti-autoritaire et égalitaire.

POUR UNE REVOLUTION SOCIALE, EDUCATIVE ET PEDAGOGIQUE!