HISTOIRE DU PAYS BASQUE1

INTRODUCTION

Marignan: 1515; Prise de la Bastille: 14 juillet 1789; Waterloo: 1815...... autant de dates de batailles, de noms de rois et de dates de règnes que des générations d'élèves ont dû et doivent encore digérer, avec au mieux le souci d'obtenir une bonne note, au pire (et le plus souvent) la sensation de remuer de vieux faits rébarbatifs et poussiéreux. Quel intérêt pouvait trouver un jeune Kanak à étudier l'arbre généalogique des Valois, même si son professeur s'était évertué à lui faire comprendre que ses ancêtres n'étaient pas Calédoniens mais de bien rudes et bien blonds guerriers gaulois?Aujourd'hui encore, que peut bien penser un élève basque du Guipuzcoa lorsqu'on lui vante la grande nation espagnole, lui qui n'a pas connu son grand-père, mort alors qu'il combattait les troupes de Franco lors du siège d'lrun? Comment en vouloir à ces jeunes qui ne voient pas en quoi des évènements produits à des centaines de kilomètres de chez eux peuvent bien les concerner, et qui ne comprennent pas pourquoi aucun de leurs ancêtres n'a de place dans les livres scolaires. Les Kanaks, les Basques, les Creeks, n'ont-ils donc pas d'Histoire? N'en auront-ils que s'ils parviennent, comme les Irlandais, à se doter d'un Etat et par conséquent du droit à une "Histoire officielle"?

D'histoires oubliées à des histoires parallèles

Depuis quelques décennies, des historiens ou improvisés tels ont commencé à étudier ces "Histoires oubliées"; longtemps taxés de séparatisme, de récupération idéologique, ils n'en sont pas moins parvenus à diffuser l'idée que les peuples que l'on présente comme minoritaires possédaient leur propre histoire, et ont commencé à débroussailler ces champs volontairement laissés en friche par la Grande Histoire. D'Histoires oubliées, nous sommes passés à des Histoires parallèles, tolérées de fait grâce à la compétence de leurs promoteurs, mais très longtemps étouffées car considérées dangereuses pour les histoires étatiques. Cela explique que l'enseignement de ces histoires ne soit possible que par la volonté de certains professeurs avec toutes les limites liées aux exigences des programmes officiels.

Se pencher sur l'histoire d'un peuple dit minoritaire (en l'occurrence ici du peuple basque) est donc souvent un acte personnel, qui revêt selon chacun une importance particulière. Pour toute personne qui s'intéresse à l'actualité notamment politique, le recours à l'histoire est fondamental: comment comprendre les débats entourant le Statut d'autonomie de la Communauté Autonome Basque sans savoir que durant des siècles les Basques ont vécu selon des institutions populaires qui leur étaient propres, et qu'ils sont toujours parvenus à imposer, à leurs rois comme aux pouvoirs extérieurs? Comment comprendre le poids économique des coopératives au Pays basque en ne sachant rien des modes d'organisation sociale communautaires qui structurent la société basque depuis des millénaires? Pour un militant quelconque, qui est censé (s'il ne veut pas se sentir manipulé) savoir sur quels éléments s'appuie son engagement, il est indispensable qu'il possède parfaitement l'histoire de l'idée ou du projet politique qu'il défend. On n'imagine pas un partisan du département Pays basque ignorant tout du cheminement de cette revendication depuis 1790 et des divers arguments qui l'ont fondée...

De même il serait désolant qu'un jeune s'affirmant Basque ne puisse pas raconter, ne serait-ce que brièvement, à un candide ou à un touriste curieux, l'histoire de son pays. A l'inverse, on rencontre trop souvent de ces personnes qui fustigent tout sentiment identitaire en se fondant sur des arguments pseudo-historiques datant d'un demi siècle au moins: la Nation française, Une et Indivisible depuis Clovis voire Vercingétorix, ne connaît aucune culture minoritaire; l'euskara n'est d'ailleurs qu'un patois qu devrait disparaître pour mieux protéger une langue française menacée par la culture anglo-saxonne.

Mais enfin, loin de ce genre de discours, il existe au contraire un phénomène d'attraction de l'identité basque, matérialisé par ces croix basques fleurissant au cou de plus en plus de jeunes adolescents, et souvent véhiculé par la vogue du "rock basque". Phénomène de mode ou preuve d'un "retour identitaire"? En tous les cas, une meilleure connaissance du pays, dans toutes ses dimensions, permettrait à ces jeunes de mieux cerner la place qu'ils ont ou qu'ils aimeraient avoir au sein de la société.

Une histoire sereine...

Mais pour diffuser l'histoire, encore faut il définir quelle histoire... Peut-on se satisfaire d'une histoire du genre de L'histoire de l'Aquitaine de Ch. Higounet, qui entend relater jusqu'à nos jours l'histoire du grand sud-ouest, mais qui ne mentionne pas une seule fois l'existence d'un peuple basque? Encore faut-il ne pas tomber dans l'excès inverse et récupérer le passé pour des intérêts politiques actuels; on ne peut pas sérieusement accorder de crédit à une histoire qui fait des combattants de Roncevaux ou de Matalas les premiers résistants abertzale. S'il est évident que l'objectivité est une gageure, une histoire sereine et impartiale est indispensable si l'on veut lui éviter les reproches que nous faisons (et que les historiens français font également) à celle de l'Ecole républicaine d'il y a encore 30 ans. Mais l'histoire, au Pays basque comme ailleurs, doit aussi veiller à assumer son passé. Point de société idéale ou supérieure à une autre; le peuple basque a généré autant de grands hommes, autant de criminels, et autant d'exclus qu'ailleurs. Mais ces grands hommes ne sont peut-être pas ceux auxquels on pense d'ordinaire. S'il y a eu des rois basques, ne cherchons pas à taire de l'un d'entre eux notre Roi Soleil. "Un futur démocratique suppose un passé qui ne soit pas la seule mémoire des puissants" dit Lutz Niethammer.

L'histoire du Pays basque est davantage celle des bergers, marins, et artisans, que celle des monarques et des batailles. Au fil des siècles les rois sont passés mais la civilisation basque, ainsi que sa langue, y ont survécu.

... et formatrice

Tout ceci étant dit, il est cependant nécessaire de préciser qu'il y a mille et une façons d'appréhender l'histoire. Mais le plus important est de rechercher celle qui nous permet de mieux connaître notre passé et de mieux comprendre le présent. Un peuple sans histoire, ou qui ignore son histoire, est comme une voiture sans rétroviseur. Mais surtout, des hommes qui ignorent l'histoire s'exposent au risque de la voir se répéter. Histoire à propager mais aussi à méditer, de manière à ce que 50 ans après le Génocide, on ne soit plus obligés d'entendre de nouveau parler de purification ethnique en Bosnie. Histoire de l'être humain à mieux diffuser de manière à ce que plus personne ne puisse plus être dupe face à un homme politique soutenu par 15% d'électeurs Français, qui affirme croire en l'inégalité des races. Histoire de l'Homme qui soit plus ouverte de sorte que chaque peuple ne se sente plus au centre de l'Univers. Comment permettre à un jeune Européen de s'ouvrir au monde, alors qu'il n'a toujours vu que des planisphères centrés sur l'Europe? Sait-il comment un petit Chinois perçoit le monde?

L'histoire, ce mode d'emploi...

Quand arrêtera-t-on de parler de la découverte de l'Amérique, de l'exploration de l'Afrique, d"'élargissement du monde connu"? A-t-on jamais pensé à demander à un Yanomani ou à un Pygmée, dont les ancêtres ont toujours vécu sur ces continents, s'ils ont l'impression d'avoir été découverts? Quand on comprendra que l'on n'est ni les seuls, ni les premiers dans le monde, on évitera peut-être ce genre d'ethnocentrisme si dangereux pour les rapports humains. Mais l'histoire sert également à être relativisée: il est important de prendre conscience que les milieux naturels ont précédé l'Homme depuis des millions d'années, et lui permettent de vivre. L'Homme, plus belle créature de la nature, est également celle qui risque de la détruire. L'histoire seule permet de montrer la relativité de la place de l'Homme dans le monde.

Uhistoire est donc cette mémoire, ce mode d'emploi qui nous permet de savoir qui l'on est, d'expliquer le présent et de comprendre quelles avancées et quelles erreurs nous devons méditer. Elle est aussi la mémoire d'un peuple, dont il ne doit pas se servir mais à laquelle il doit se référer pour construire son avenir. Connaître son histoire est donc fondamental pour être maître de son passé et de son avenir, et enfin pour se rendre compte que l'histoire que les générations suivantes étudieront, c'est nous qui la faisons aujourd'hui.

UNE CERTAINE VISION DES INDIGÈNES

Au cours de l'Histoire, on a dit sur les Basques:

Dans le Guide du Pèlerin de St Jacques de Compostelle de 1139, Aymery Picaud décrit: "Puis près des ports de Cize on trouve le Pays des Basques qui possède une ville, Bayonne, sur le rivage, vers le septentrion. Cette terre, à la langue barbare, est boisée, montueuse, dénuée de pain et de vin et de tous aliments corporels, mais, en revanche, on y trouve des pommes, du cidre et du lait ... Ils sont féroces et la terre où ils habitent est aussi féroce, sylvestre et barbare; la férocité de leur visage et de même la barbarie de leur langue, épouvantent les coeurs de ceux qui les voient...(...) Ils s'habillent vraiment mal et mangent et boivent mal. En effet, toute la famille d'un Navarrais, tant serviteur que maître, tant servante que maîtresse, a l'habitude de manger toits les aliments mélangés en une seule marmite, non avec des cuillères, mais avec les mains, et de boire à un même vase. Si tu les voyais manger, tu croirais voir manger des chiens ou des porcs. Si tu les entendais parler; tu te souviendrais de chiens aboyants. En effet, ils ont une langue tout à fait barbare; (...) Ce peuple est une peuple barbare, différent de tous par ses coutumes et son essence, dénué de tonte malice, de teint noir; laid à voir, dépravé, pervers, perfide, dénué de bonite foi et corrompu, libidineux, ivrogne, savant en toutes violences, féroce et sauvage, mal honnête et réprouvé, impie et dur, cruel et querelleur, ignorant de tout ce qui est bon, savant en tous vices et iniquités, semblable en malice aux Gètes et aux Sarrasins, ennemi en tout de nos gens cde France. Pour une son seulement, le Basque ou le Navarrais tue, s'il le peut, un Français. Dans certaines régions, soit en Biscaye et en Alava, quand les Navarrais se réchauffent, l'homme montre à la femme, et la femme à l'homme, leurs parties honteuses. Les Navarrais usent même de la fornication incestueuse avec leurs bestiaux; on dit en effet que le Navarrais suspend au postérieur de sa mule et de sa jument un cadenas, afin que nul autre n'y parvienne. La vulve de la femme et de la mule offre des baisers libidineux".

Pierre de Lancre, cardinal en 1609, scandalisé par la coutume qu'ont les Basques de porter le nom de leur maison écrit: "les villageois et villageoises les plus gueux se font appeler sieurs et dames de telle maison, qui sont les maisons que chacun d'eux a en son village quand ce ne serait qu'un parc à pourceaux... Si bien qu'ils laissent ordinairement leur cognons et le nom de leurs familles, et même les femmes les noms de leurs maris, pour prendre celui de leurs maisons, pour chétives qu'elles soient et, peut-on dire, si la mutation et changement de nom est en certain cas une espèce de crime, que pour le moins c'est ici une espèce d'inconstance et légèreté et qu'en cela ils s'accommodent aucunement à l'humeur du Diable... ils ensevelissent leur nom et la mémoire de leur famille dans la ruine d'une méchante maison de village". A propos des femmes basques, de Lancre ajoute: "elles ne mangent que des pommes, ne boivent que jus de pommes, qui est une occasion qu'elles mordent si volontiers à cette pomme de transgression qui fit outrepasser les commandements de Dieu à notre premier père. Ce sont des Eve qui séduisent les enfants d'Adam; et, nues par la tête, vivant parmi les montagnes, en toute liberté, comme faisait Eve dans le paradis terrestre, elles écoutent et hommes et démons, et prêtant l'oreille à tous les serpents qui les veulent séduire".

En 1802, le sous-préfet approuvait la création du collège de Mauléon pour "tirer de l'ignorance un peuple qui, n'ayant qu'un idiome particulier, ne (pouvait) guère établir de relations avec le reste de la Nation" et selon lui, ce collège était "un grand moyen de franciser les basques, trop en arrière pour les usages, les moeurs, la civilisation, et surtout la langue".

Un certain Marlère, instituteur à Hasparren, écrivit à ses supérieurs une lettre pittoresque en 1836: "les enfants de Hasparren étaient laissés comme de vrais hilotes entres les mains des propagateurs de l'idiome cantabrique et tous marqués au coin de l'inertie et de l'idiotisme", dans le même factum, il attribuait à l'euskara, faute d'écoles "françaises", l'augmentation de la criminalité, de la contrebande, de l'émigration, et de la désertion!

Au 19ème siècle, le Comité d'Instruction Primaire de Saint Palais interdisait l'emploi des livres en basque d'une part, et d'autre part, dans le deuxième paragraphe de l'article 13 du règlement qu'il avait établi, il ajoutait: "l'instituteur habituera ses élèves à avoir un extérieur décent et honnête, il est défendu aux élèves de proférer aucune parole grossière, comme aussi de parler basque. Ils doivent parler français même en récréation". Ceci rappelle l'inscription affichée dans les écoles bretonnes: "il est interdit de cracher à terre et de parler breton". Ces comités étaient composés de notables locaux, donc Basques...

Heureusement, ce siècle-ci la représentation des Basques s'est améliorée

Elle a pris soin en particulier d'éviter tout excès de folklorisation; ainsi, selon le Père Donostia, (Donostia 1886, Lekaraz-Baztan 1956) musicologue: "le Basque chante, et il chante toujours et partout: à la maison, à l''église, dans la rue, à la campagne. Joyeux ou triste, il chante quand même, aussi bien lorsque courbé il fauche les fougères qui tombent régulièrement peignées, que lorsque dans le pressoir il fait jaillir le cidre des pommes foulées".

Dans la même lignée, voici ce que nous avons pu entendre dans l'émission "Les grosses têtes" en mai 1998:

A la question "Quelle différence y a-t-il entre les Basques français et les Basques espagnols ?" , la réponse attendue était que "les Basques français portent des bérets rouges et les Basques espagnols des bérets noirs".

Dans un article intitulé "Basques: guerre à l'Europe" paru dans "le Nouvel Observateur", du 20 au 26 juillet 1984, François Caviglioli explique au sujet d'un "jeune homme" d'Hernani: "il a mis 1500 heures pour apprendre le basque, une arme plus redoutable que la kalachnikov ou le cocktail Molotov". Il ajoute plus loin que: "chaque fois qu'on arrête ou qu'on libère un militant de l'ETA militaire, les habitants d'Hernani égorgent un mouton et se barbouillent le visage le sang pour effrayer les gardes civils". (...) Par ailleurs, "il suffit d'un sentiment d'injustice pour rapprocher le joueur de pelote, aux gestes lents et à l'hospitalité généreuse, d'un terroriste maniaque aux yeux fixes. Sous son béret qui le protège des regards et de la réverbération des frontons, l'homme basque a 2 profils". (...) Enfin, selon lui, "la liberté pour un Basque, c'est le droit de troubler la tranquillité de l'Europe et de porter un béret".

A propos des Basques, Charb nous confie dans un Charlie Hebdo de juillet 1996: "Qu'est-ce qui les unit? Des idées? Non, d'abord le hasard. Le hasard d'être nés dans le même village, dans la même montagne. Et puis une langue aussi, une langue que personne ne parle parce qu'il n'y a rien à dire en basque à part "touche pas à mon tas de cailloux, c'est chez moi" !

A l'occasion des élections régionales en 1994, le même Charb déclare au sujet de la liste "Régions et peuples solidaires": "voter pour des gens qui croient que la terre est plate et s'arrêtent aux barbelés du champ du voisin, voter pour des gens qui pensent que leur langue composée de trois mots et d'un verbe est la plus belle du monde, non. Voter pour des polyphonistes qui prennent leur paella pour un programme politique, voter pour les Serbes, Croates et Bosniaques de demain, non et non."

"Parce que toi, monsieur Dupont, si ça se trouve, ta grand-mère s'appelait Wieslowski ou Ramirez, et, malgré tout, tu votes, ton marchand de journaux t'appelle monsieur, et les flics te voussoient. Tu ne crains rien. Toit droit est sacré. Autrefois, tu restais un métèque pour les siècles des siècles. Comme lorsque tu habites la Corse, où, quoi que tu fasses, Si tu t'appelles Wieslowski, tu ne seras jamais Corse. Or la défense des particularités locales, tant qu'elles concernent un jambon ou des rillettes ou le nougat (le jambon corse est meilleur que celui d'Issy-les-Moulineaux, etc...) n'est pas gênante. En revanche, toute défense des particularités locales touchant à l'habitant, à l'homme, au citoyen signe le retour des lois de la jungle, c'est-à-dire du droit du sang. Toute revendication de modification du droit sur des critères d'appartenance ethnique ou régionale est forcément régressive", voici un aperçu de ce que l'on peut trouver dans l'article "Du sang sur le droit du sol" de Philippe Val parti dans le Chadie Hebdo du 21 août, en l'an de grâce 1996. Bien qu'il s'agisse d'un paragraphe concernant la Corse, nous l'avons quand même choisi car il il arrive que ces paroles soient aussi entendues, ici au Pays Basque.

Dans le même hebdo, Riss signale qu'"On dit souvent que le Basque est voleur. C'est vrai. Dans la seule phrase en dessous, on trouve six mots piqués au vocabulaire français: "Gazteon eta orohar euskal gizartearen problematika osoa piramide batean kokatuz gero, piramidearen azken muturrean Euskal Herriak pairatzen duen zapalkuntza sozial, ekonomiko, kultural eta politikoa agertzen da". De là à ce que Riss révolutionne la linguistique en nous apprenant que les mots grecs "problema", "puramidos", "oikonomia", "politikos" et les mots latins "socialis" et "cultus" sont issus du français...

Alors que depuis des millénaires les Basques se définissent sur un critère strictement linguistique, certains veulent encore les enfermer dans tel ou tel cadre national, comme nous le montrent ces exemples.

Dans "Mon béret est basque et j'ai lu tous les livres", du Charlie Hebdo du 3 septembre 1997, Cavanna nous affirme:

"Personne ne conteste aux Basques, pas plus qu'aux Bretons, aux Alsaciens, aux Corses, le droît de cultiver leurs coutumes et de parler leur langue ancestrale. Mais, avant d'être basques, bretons ou "franciliens", ils sont français.

En écho à cet article, nous rapportons ici, une conversation entre deux administrés de la sous-préfecture de Bayonne:

- Les Basques sont Français, Monsieur!

- Sans blague ! Alors les habitants de Bilbao, Pampelune ou Saint-Sébastien sont nos compatriotes!

- Mais non, Monsieur ces Basques sont Espagnols.

- Comment ? Vous venez de m'affirmer que les Basques étaient Français et voilà que vous vous contredites en m'apprenant qu'ils sont Espagnols. Les Espagnols ne sont pourtant pas Français.

- Non, Monsieur les Espagnols sont Espagnols.

- Et les Français sont Français, Monsieur

- Mais si les Espagnols sont Espagnols et les Français, Français, pourquoi les Basques ne sont-ils pas Basques ?"

AVERTISSEMENT

Les textes principaux de cette plaquette, consacrés à l'histoire du Pays basque, sont accompagnés de deux chronologies. La première a pour but de situer les évènements dans l'histoire mondiale, celle que tout le monde connaît car c'est celle qui est enseignée à l'Ecole. La seconde est également une chronologie mondiale, mais qui s'attache à présenter les faits oubliés de la "Grande histoire", ceux que peu de gens connaissent car ils concernent des peuples sans Etat, ou des évènements trop éloignés des grands conflits ou des grands règnes pour être jugés intéressants.

LEXIQUE

Ce lexique est volontairement très succinct. Il a pour but de proposer au lecteur les quelques termes basques essentiels avant de se lancer dans la lecture de cet ouvrage. En effet, pour initier celui-ci au vocabulaire usuel au Pays basque, même lorsque l'on parle en français, et pour éviter les répétitions et lourdeurs de style, nous avons pris le parti d'utiliser régulièrement ces termes basques dans le texte en français.

EUSKAL HERRIA: Pays basque, mais aussi peuple basque.

EUSKADI: Pays basque, dans une acception politique; mot créé par S. Arana-Goiri

EUSKARA: langue basque.

EUSKALDUNA: Basque, littéralement défini par "celui qui possède la langue basque"

KEGOALDE: littéralement "côté sud" du Pays basque, sous tutelle espagnole, constitué de 4 provinces (Guipuzkoa, Biscaye. Alava, et Navarre)

IKASTOLA: école en lanaue basque.

IKURRINA: drapeau basque.

IPARRALDE: littéralement "côté nord" du Pays basque, sous tutelle française, constitué de 3 provinces (Labourd, BasseNavarre, et Soule).

L'HISTOIRE DU PAYS BASQUE

PRÉHISTOIRE ET PROTOHISTOIRE

Les premières traces

La présence humaine est attestée dans l'actuel Pays basque dès l'époque moustérienne qui correspond à 100000 ans avant JC. Des outils datant de cette époque ont été retrouvés dans l'abri d'Olha près de Cambo-les-bains et dans le massif d'Urbasa en Alava.

Les grottes d'Otxozelaia entre Isturiti et St Martin d'Arberoue (Basse-Navarre) contiennent des outils et des peintures que les spécialistes situent entre les périodes de l'aurignacien et du magdalénien (-35000 à -9000).

Entre 1928 et 1936, le père J.M. BARANDIARAN examine six crânes qui ont été découverts dans l'abri d'Iziar à Deba. Ces crânes datant de 15000 ans avant JC permettent d'établir l'existence d'une population magdalénienne (population qui vécut dans une période allant de -14000 à -10000) correspondant au type de l'homme basque actuel.

Ces découvertes archéologiques, accompagnées par d'autres recherches permettent de penser que des populations habitent depuis très longtemps dans ce qui va devenir le Pays basque.

Le Néolithique

Cette période comprend ce que certains historiens appèlent la première Révolution; en effet, la préhistoire voit à partir du 80 millénaire avant JC l'amorce d'une phase de développement technique des sociétés humaines que l'on nomme "néolithique". Parti de différents foyers sur la planète, le mouvement néolithique atteint le continent européen vers le cinquième millénaire par deux voies importantes: la Méditerranée et la zone du Danube. Vers 4000 ans avant JC, les premiers pasteurs font leur apparition en Euskal Herri; vers -2500, ceux-ci font la conquête de pâturages en altitude. Les ovins et les caprins furent probablement les premiers animaux apprivoisés au Pays basque; ils ne semblent pas être issus d'animaux sauvages indigènes ce qui implique qu'il y aurait eu des échanges entre populations. L'usage du cuivre apparaît vers -2500 dans les Pyrénées basques, il est importé du Sud par voie commerciale; son usage est cependant restreint, car la pierre est encore largement utilisée. La découverte d'un moulin daté de 2000 avant JC à Lumentxa en Biscaye atteste de la culture des céréales au Pays basque dès cette époque.

Le dernier millénaire

A partir du début du dernier millénaire (-900,-800), les populations celtiques arrivent dans les Pyrénées. Les Celtes, peu nombreux mais dominateurs s'intègrent pourtant et perdent peu à peu toute personnalité culturelle. A cette époque, les populations bascophones ont depuis longtemps une forte homogénéité culturelle. Les Celtes amènent au Pays basque de nouvelles techniques très vite utilisées par les populations locales; en particulier l'usage du fer qui est une industrie d'origine centre-européenne. Dans le domaine agricole, de nouvelles techniques font leur apparition avec par exemple l'araire ainsi que de nouvelles semences comme la fève. C'est à l'âge du fer qu'apparaissent les tout premiers groupements urbains: Etxauri et Corteta en Navarre, La Hoya en Alava. L'apparition d'éléments destabilisateurs du centre de l'Europe ou même l'insécurité due à des rivalités entre populations de la "Vasconia" (aire regroupant les territoires de civilisation basque, ou plutôt "proto-basque"), provoquent le développement d'habitats défensifs: les gaztelu. C'est à cette époque qu'apparaissent les cromlechs, rites funéraires qui se perpétuent dans l'aire vascoïde jusqu'au XIe siècle après JC! Durant la période de rencontre avec les peuples celtes, l'élevage est l'activité essentielle des populations prolo-basques ou basques qui font transhumer leurs bêtes très haut dans le Nord (jusqu'à la Garonne) et au Sud de l'Ebre.

LES BASQUES FACE AUX EMPIRES

La venue des Romains

A partir du XIe siècle avant JC, les Romains font leur apparition dans la plaine de l'Ebre (vestiges nombreux: Labarka, Lodosa,...). Celle-ci est définitivement conquise en 76 avant JC; le général POMPEE fait agrandir le "village" qui deviendra Pompaelo (Pampelune). Jules CESAR descend au Sud de la Garonne en 56, au moment de l'insurrection gauloise qui a lieu au Nord de ce fleuve. En -27, MESSALA termine la conquête des plaines du Nord des Pyrénées.

A cette époque, le risque de déculturation des Basques est très grand, cela par la disparition de l'euskara. Les Pyrénées deviennent alors le lieu de refuge des populations basques, le "saltus" (zone boisée) pyrénéen est mentionné par l'auteur romain PLINE sous le nom de saltus vasconum ("saltus des vascons"). Très tôt, l'administration romaine perd de son influence, la province de Novempopulanie (province qui réunit les populations basques) est créée dès le 110 siècle. A partir du 1V0 siècle, l'Empire romain subit les premières attaques importantes de la part des peuples venus de l'Est de l'Europe (dits "barbares").

Les Basques sur la défensive

En 418, l'empereur romain HONORIUS accepte de fixer les Wisigoths au Nord et au Sud des territoires basques. En 507, le roi franc CLOVIS bat les Wisigoths à Vouillé et fonde le royaume mérovingien. A partir de la montagne, les Basques essaient de défendre les zones dS plaine qui leur servent d'espaces de transhumance, et à la faveur de l'instabilité politique du pouvoir mérovingien, repeuplent progressivement le bassin aquitain. Selon les chroniqueurs, le roi wisigoth LEOVIGILD fonde la ville de Victoriacum (Vitoria-Gasteiz) en 581; la même année, le roi franc CHILDÉRIC envoie une armée contre les Basques. Les Francs érigent en 602 la Vasconie en duché pour essayer de contenir les attaques des "Wascones".

VIIIe siècle: des Basques indépendants dans leurs bastions montagneux. En 627, l'évêque d'Elusa (Eauze, dans l'actuel Gers en Gascogne) est déporté pour complicité avec la rébellion des Basques. En 635, une armée franque est écrasée en Soule. Au Sud, les Basques doivent faire face aux invasions arabes, qui mettent fin au royaume wisigoth, et qui aboutissent à la création d'un émirat de Cordoue. Vers le milieu du VIIIe siècle, les difficultés de l'émirat de Cordoue s'aggravent et encouragent plus tard CHARLEMAGNE à étendre son influence au Sud des Pyrénées. En août 778, c'est l'arrière-garde de son armée qui est décimée à Roncevaux. En représailles, il intènre la Vasconie à son royaume et élève son fils Louis au titre de rex aquitantorum (roi d'Aquitaine).

Cette annexion n'a pas de grands effets; dès 801, SANTXO OTSOA reprend le titre de "prince des Vascons", il contrôle un territoire qui s'étend de Pampelune à la Garonne. En 824, une armée envoyée par Louis le Pieux (fils de CHARLEMAGNE) est battue par des troupes basques.

LES BASQUES S'ORGANISENT

Alors que la menace se fait de plus en plus pressante au Nord, un centre de résistance autonome s'organise autour de Pampelune à partir de 824, Eneko ARIlTA organise ce qui deviendra le Royaume de Navarre. Vers 850, SANTXO MITARRA affranchit le duché de Vasconie de la tutelle carolingienne (dynastie franque à laquelle appartient CHARLEMAGNE). En 866, l'empereur carolingien Charles le CHAUVE abandonne la rive Gauche de la Garonne. SANTXO MITARRA développe Les relations très serrées avec la dynastie navarraise qui elle-même est apparentée à la famille Banu Qasi, descendante d'autochtones convertis à l'Islam.

Dans la seconde moitié du IXe siècle, les Banu Qasi rompent leur alliance; en même temps, les Navarrais doivent faire face à une vaste offensive musulmane qui durera jusqu'au début du XIe siècle. Les Basques doivent également subir les incursions des Normands (les célèbres vikings) qui utilisent les côtes basques comne bases de repos ou de repli.

L'autorité monarchique navarraise est restaurée avec le règne de SANTXO Ie GARlES qui passe son règne à combattre les cavaliers musulmans; en 920. il bat l'émir ABD AL-RAHMAN à la bataille de Valdejunquera.

Au Nord, le principal vascon atteint son apogée avec la reine de SANCHE GUILLAUME désigné comme "maître de toute la Vasconie". Ses liens particuliers avec la dynastie règnante à Pampelune se concrétisent par son mariage avec la princesse URRACA qui est la fille du roi SANTXO GARlES. En 981, il chasse les Normands de Bayonne; ceux-ci laissent aux Basques des techniques de navigation et de constructions navales nouvelles.

SANTXO HANDIA renforce son royaume

A partir de 999, SANCHE GUILLAUME établit une politique d'alliance avec le roi SANTXO HANDIA. Celui-ci renforce son royaume dans toutes les directions: vers la Castille, l'Aragon, le Ribagorza, le Pallars... Ces deux souverains disparaissent durant la même décennie: la mort sans descendance de SANCHE GUILLAUME en 1032 entraîne une période d'instabilité; en ce qui concerne SANTXO HANDIA (qui meurt en 1035), son fils GARllA de NAJERA (1035-1054) hérite un territoire qui comprend le Pays basque Sud et la Rioja actuelles. Il entreprend la reconquête de la rive droite de l'Ebre qui entraîne une rebasquisation linguistique de cette région, mais aussi poursuit les réformes entreprises par son père. Son règne constitue pourtant un tournant dans la perte de l'identité de la Navarre; en effet, les monastères tombent dans les mains de moines de culture latine, qui abandonnent la liturgie mozarabe (rites chrétiens influencés par la civilisation musulmane) qui avait conservé les coutumes et les traditions locales.

Les prémices de la séparation

C'est également durant son règne que les terres basques au Nord des Pyrénées s'éloignent de la sphère navarraise; après la mort de SANCHE GUILLAUME, le principat de Vasconie est usurpé par le duc d'Aquitaine qui est vassal (c'est à dire qui a prêté hommage) du roi de France. On assiste alors à l'éclatement du principat avec l'apparition de vicomtés aux mains de seigneurs locaux. En 1063, le duc d'Aquitaine devient possesseur du Labourd qui comprend alors tout le territoire d'Iparralde. Au Sud, SANTXO PENALEN doit faire face à des prétentions diverses: à partir du début de son règne en 1054 il multiplie les positions défensives dans le Sud du royaume pour contrecarrer les ambitions expansionnistes des Castillans et des musulmans. Il affronte aussi le pape GREGOIRE VII qui, de Rome, veut imposer la liturgie romaine aux Navarrais. En 1076, il est assassiné lors d'une partie de chasse à la frontière navarro-aragonaise. Jusqu'au XIIe siècle, la Navarre est alors soumise à différents pouvoirs (rois de Castille, Rome) qui étendent petit à petit leur influence.

Une période florissante

C'est à partir du règne de SANTXO V (1076-1094) qu'une période de renouveau s'amorce. Le royaume de Navarre connaît un mouvement d'essor urbain et rural; en même temps, le roi est à l'origine d'un système politique qui octroie des chartes à des villes: les fors. Parallèlement, une politique de peuplement et d'attraction est mise en place par les différents rois qui doivent se prémunir des attaques des comtes de Barcelone et des rois de Castille. SANTXO VI JAKINTSUNA (le sage) restaure l'autorité monarchique sur les provinces occidentales en fortifiant des villes: St Sebastien, Durango, Laguardia. Durant son règne, le Pays basque Nord devient une possession du roi d'Angleterre après qu'ALIENOR d'Aquitaine ait épousé Henri PLANTAGENET en 1152. Les seigneurs locaux, qu'acceptent mal l'influence anglaise se soulèvent, le roi RICHARD COEUR de LION assiège Bayonne puis monte une expédition jusqu'à St Jean Pied de Port. Dès la fin du XIIe siècle, les rois navarrais essaient de contrôler les vallées de la Basse Navarre. Ces territoires deviennent extrêmement précieux à partir du XlIIe (pour avoir un accès au l'Atlantique par l'Adour); en effet, alors que SANTXO AZKARRA se trouve en Afrique, le roi de Castille, allié de Rome, assiège la ville de Vitoria qui capitule en 1200.

Le Pays basque dépecé

En 1193, le vicomte du Labourd, Guillaume de SAULT, cède ses droits sur le Labourd au roi d'Angleterre.

En 1215, le roi anglais JEAN SANS TERRE accorde une charte à Bayonne qui est détaché politiquement de la province du Labourd.

En 1307, le vicomte de Soule, AUGER, qui doit faire face à la menace française vend également ses droits.

En 1312, avec la fondation de Labastide-Clairence, la Basse-Navarre fait partie intégrante du Royaume de Navarre.

En 1234, à la mort de SANTXO AZKARRA. le royaume navarrais est gouverné par son neveu, Thibaut de CHAMPAGNE. qui fait rédiger et adopter le Fuero général (Privilèges).

En 1332. après un siècle d'intrigues et de démembrements territoriaux, la Biscaye, l'Alava et le Guipuzcoa deviennent des possessions castillanes dans un long processus de déclin démographique.

LE PAYS BASQUE ENTRE ROYAUMES DE FRANCE ET DE CASTILLE

Durant la guerre de Cent ans qui oppose les royaumes d'Angleterre et de France, le Labourd et la Soule se battent du côté du roi d'Angleterre. A la fin du conflit, les armées françaises commandées par Gaston de FOIX envahissent Soule et le Labourd; Bayonne capitule en août 1451 après une résistance de neuf jours.

La conquête de la Navarre

Gaston IV. comte de FOIX, épouse en 1481 Eléonore de NAVARRE: le Royaume de Navarre est désormais gouverné par la famille des FOIX-ALBRET. Le dernier couronnement de l'histoire de la Navarre se déroule en 1494 lorsque Jean d'ALBRET et Catherine de NAVARRE se font couronnés roi et reine de Navarre à Pampelune. L'existence du royaume de Navarre est une entrave aux ambitions de la Castille qui, à partir de 1492, veut devenir une puissance mondiale.

En 1512, les armées castillanes envahissent la Navarre, conquête facilitée par deux évènements importants:

- une partie de la noblesse navarraise est passée du côté de la Castille, en échange de promesses de titres et de carrières dans l'armée et l'administration castillanes.

- Rome dépouille les souverains navarrais de toute légitimité après que le pape ait rédigé une bulle qui excommunie les "Basqites cantabres";

La résistance des Navarrais est acharnée, elle se termine en juillet 1522 à Maya (Amaiur), où des Basques de toutes les provinces sont venus défendre les souverains navarrais. Les élites aristocratiques, religieuses et intellectuelles qui n'ont pas rallié les Castillans sont supprimées ainsi que les minorités musulmanes et juives qui se trouvaient en Navarre.

A partir de 1520, les souverains navarrais édifient un nouveau royaume dont le centre administratif se trouve à St Palais. C'est également à cette époque qu'Ignace de Loyola, issu de la moyenne noblesse navarraise, fonde l'ordre des jésuites dont l'influence va dès lors en augmentant, et ce jusqu'en dehors d'Europe (notamment au Japon).

Le Pays basque définitivement coupé en deux.

A partir du XVIe siècle différents évènements viennent accentuer la coupure politique entre le Pays basque Sud et le Pays basque Nord. En 1565, le roi d'Espagne PHILIPPE Il réussit à détacher la Navarre et le Guipuzkoa du diocèse de Bayonne. En 1620, un Edit d'union confirme l'intégration de la Basse-Navarre au Royaume de France. Enfin, en 1659, le traité des Pyrénées confirme le partage de la Navarre entre les royaumes de France et d'Espagne.

La situation sociale du XVIIe au XVIIIe siècle

Durant cette période, les sept provinces historiques basques vivent sous le régime des fors; c'est à dire qu'elles jouissent d'institutions spécifiques, d'un système politique original où la gestion des affaires est assurée par des assemblées de pays. Ces institutions font des provinces des autonomies particulières niais qui restent sous la tutelle des deux Etats monarchiques qui administrent le Pays basque Sud et le Pays basque Nord. Le Guipuzcoa et la Biscaye représentent un premier cas de figure; dès 1590, PHILIPPE Il reconnaît le titre de noblesse à tous les habitants de ces deux provinces. Les fors leur garantissent l'exemption fiscale, des tribunaux propres, etc...

La hiérarchie sociale dans ces deux provinces est faible, la société est composée de petits propriétaires terriens qui se succèdent de père en fils; les cadets travaillent en nombre dans les mines, en tant que mineurs ou en tant que petits exploitants. Beaucoup d'autres choisissent de tenter leur chance en émigrant: on les retrouve banquiers ou commerçants au Mexique par exemple (en 1580, Juan de GARAl fonde Buenos Aires en Argentine). Le Labourd, la Soule et la Basse-Navarre connaissent des sociétés plus hiérarchisées avec l'existence de seigneurs. Cependant, là aussi, les fors assurent aux petits propriétaires des droits qui n'existent pas dans d'autres pays. Un code juridique scrupuleux assure au peuple des droits qui sont ailleurs le monopole de la noblesse ou de l'Eglise. Cela n'empêche cependant pas qu'existent au Pays basque comme ailleurs, des laissés pour compte: vagabonds, lépreux appelés cagots. En Alava et en Navarre, la situation est différente. Tous les habitants n'ont pas le statut ou les droits des nobles. La société y est beaucoup plus hiérarchisée avec l'émergence de grands propriétaires qui contrôlent la vie de ces provinces.

Quelques faits socio-économiques

Un des évènements les plus tragiques qu'ait connus le Pays basque à cette époque est la venue de Pierre de LANCRE en 1609 au Labourd pour chasser la "sorcellerie"; cet épisode se solde par la mort de centaines de personnes qui passent sur le bûcher. Le littoral basque connaît jusqu'au XVIIe siècle une croissance économique avec l'activité sidérurgique (essentiellement en Biscaye) et la pêche (baleine et morue) qui fait vivre, rien qu'au Labourd, plusieurs milliers de personnes.

A partir du traité d'Utrecht de 1713 (où le Royaume de France perd ses colonies en Amérique du nord), l'activité économique au Pays basque Nord se détériore sauf dans la ville de Bayonne qui reçoit du roi de France des franchises qui lui permettent de se développer et de créer sa Chambre de commerce en 1726. Dans le milieu rural, une succession de spéculations sur la terre et les céréales amène les paysans à se révolter: plusieurs révoltes en Biscaye ("matxinadas") de 1632 à 1641, émeutes au Labourd en 1654-55...

LA FIN DES AUTONOMIES

La Révolution française - Le Pays basque dans la tourmente révolutionnaire

A la fin du XVIIIe siècle, les caisses du Royaume de France sont vides. Le roi doit réunir les Etats généraux pour demander une augmentation des impôts: pour beaucoup, c'est le signe que des réformes peuvent être mises en route. Mais face à la lenteur et à la maladresse du roi, les Parisiens se soulèvent.

En Basse-Navarre, le cahier de doléances des Etats (qui rassemblait les voeux et les revendications des communautés) réclame la reconnaissance de l'indépendance de la province: de ce fait, elle n'envoie pas de députés, mais seulement une délégation à Paris. Le 4 août 1789, l'Assemblée vote l'abolition des privilèges: les 3 provinces basques du Nord n'existent plus en tant que provinces autonomes. La lutte des députés basques se concentre désormais sur la création d'un département qui réunirait les Basques du Labourd, de la Basse-Navarre et de la Soule. Mais le 12janvier 1790, malgré les protestations des frères GARAT, l'Assemblée Nationale française crée le département des Basses-Pyrénées, futures Pyrénées Atlantiques.

A partir des années 1790, les révolutionnaires font la chasse aux prêtres réfractaires à la Constitution civile du clergé (qui sont majoritaires au Pays basque Nord) et aux insoumis qui n'acceptent pas l'enrôlement dans les armées révolutionnaires. Le 22 septembre 1792, la République "Une et indivisible" est proclamée par une Assemblée qui ne représente pas 5% du Royaume de France.

En février 1793, une levée en masse de 300000 hommes est décrétée: les Basques, comme les autres peuples de l'ancien royaume de France doivent contribuer à la défense de la jeune République face aux monarchies européennes; les déserteurs sont nombreux et vont se réfugier au Pays basque Sud; accusés de collaboration avec l'ennemi, 4000 habitants de plusieurs villages du Labourd sont déportés, 1600 d'entre eux meurent de faim, de froid ou de maladie.

Durant les guerres napoléoniennes, le Pays basque est occupé militairement. D.J. GARAT propose en vain en 1811 à Napoléon 1e de constituer une région autonome rassemblant les 7 provinces au sein de l'Empire. A la chute de l'empereur français en 1815, le Pays basque Nord est désormais intégré au département géré par Pau.

La réduction des fors

Dans le royaume d'Espagne, la mort du roi Ferdinand VII ouvre une longue période de troubles. Aux luttes entre libéraux et absolutistes vient se greffer la concurrence entre les partisans de Don Carlos, frère du roi (les "carlistes), et les partisans d'Isabelle, sa fille. Don Carlos utilise les particularismes basque (catholicisme et défense des fors) et catalan pour maintenir une assise populaire importante. Cela conduit à une guerre (1833-1839) qui se termine par la défaite des Cadistes. qui doivent accepter la convention de Vergara, qui prépare des lois visant à réduire les autonomies basques. Entre autres, la loi du 25 octobre 1839 qui maintient le régime féodal tuais sans porter préjudice à l'unité constitutionnelle de l'Espagne, est promulguée.

La disparition des fors

Trente ans plus tard, le carlisme est encore très puissant au Pays basque. La deuxième guerre carliste débute en 1872. Les Carlistes appèlent la population à boycotter les élections de1873: l'abstention s'élève à 90 % au Pays basque Sud. Cette seconde guerre est une véritable insurrection populaire, la méthode utilisée est la guérilla. Don Carlos ne peut compter que sur la rébellion basque pour faire valoir ses droits, il exalte alors le particularisme basque. Le Pays basque Sud vit dans une quasi-indépendance. Les armées carlistes tentent d'occuper Bilbao qui est aux mains des loyalistes, c'est l'échec. S'ensuit la bataille de Somorrostro qui ravage les armées en présence. Il est temps que le gouvernement espagnol réagisse: son armée forte de 170.000 hommes occupe le Pays basque d'une façon brutale (exécutions, églises profanées...).

Le 21 juillet 1876, une nouvelle loi supprime les fors, les Basques deviennent de simples sujets espagnols. Des deux côtés de la frontière étatique, les Basques n'ont plus d'existence politique propre. A cela s'ajoutent l'application du service militaire obligatoire (1872 pour les Basques du Nord,1876 pour ceux du Sud) ainsi que des mesures de plus en plus sévères visant à discriminer l'usage de l'euskara, à l'école notamment.

LES NATIONALISMES

L'intrusion progressive des Etats français et espagnol au Pays basque, et cela dans tous les domaines, provoque des crises successives dans la communauté basque. L'origine des nationalismes se situe dans les fractures politico-culturelles et socio-économiques, que le Pays basque connaît à partir du XIXe siècle, mais aussi dans l'exigence démocratique que la société basque formulait à travers ses revendications particularistes. Très tôt, on peut déceler les prémices d'une conscience communautaire. Dès le XVIe siècle Amaud d'OIHENART, syndic de Soule de 1623 à 1627, envisageait le Pays basque comme un entité historique unique.

Au XVIIIe siècle, Manuel de GARAGORRl-LARRAMENDl, jésuite né en 1690 à Andoain essayait d'apporter une réponse aux questions importantes qui concernaient l'organisation politique du Pays basque.

Au XIXe siècle émerge un secteur nationaliste dont le souletin Agustin XAHO présente le idées dans son livre: "Voyage en Navarre pendant l'insurrection des Basques, 1830-1835".

Le carlisme

Le mouvement carliste basco-catalan préfigure les particularismes et la revendication séparatiste qui se feront jour plus tard dans ces mêmes provinces. Plusieurs facteurs vont être à la base de la naissance du nationalisme basque:

- naissance du clivage centre (Madrid) / périphérie (Pays basque)

- abolition des fors (1876) qui accroît cet antagonisme

- formation d'un système politique distinct du système espagnol

- dimension violente de la guerre

Conséquence des guerres carlistes: les Basques commencent à se penser en entité collective. Ce sentiment d'appartenance se retrouve également au niveau culturel. En l876, les sociétés Euskalerria de Bilbao et Euskara de Pampelune forment "l'union basco-navarraise". En 1884, le Navarrais Arturo CAMPlON veut faire prendre conscience de l'importance de la langue basque:

"L'euskara est le vivant témoin qui fait foi de notre indépendance jamais asservie. C'est la racine qui dessine nos traits et nous distingue des autres, c'est ce qui fait obstacle à notre complète assimilation si longtemps recherchée à laquelle on veut nous contraindre par des moyens détournés."

Le premier nationalisme

A partir des années 1880, les provinces de Biscaye et dans une moindre mesure de Guipuzcoa connaissent une industrialisation croissante. A partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, une forte immigration provoque une crise de la société basque. Sestao (en Biscaye) passe de 384 habitants en 1857 à 10833 en 1900; Biarritz (au Labourd) voit sa population augmenter de 132% de 1856 à 1901, phénomène lié à la promotion du tourisme par l'impératrice Eugénie.

La crise de la société basque se manifeste par le transfert du pouvoir des Jauntxos (propriétaires terriens) à la grande bourgeoisie industrielle et financière, et par la prolétarisation du secteur artisanal. Au Pays basque Nord, la société agricole se paupérise dès le début du XIXe siècle tout au long de ce siècle, entre 100000 et 120000 personnes d'lparralde émigrent, en grande partie vers le continent américain. Depuis lors, les populations d'origine basque sont plus nombreuses en dehors du Pays basque qu'au Pays basque-même.

En juin 1893, Sabino ARANA-GOIRI lançe le journal Bizkaitarra (le biscayen).

En juillet 1895, le Parti Nationaliste Basque est créé.

Le 14 juillet 1897, l'ikurrina (drapeau basque), créé par S.ARANA lui-même, est présenté pour la première fois au public à Bilbao.

Le projet des premiers nationalistes est avant tout réactionnaire. Ils vivent négativement les bouleversements qu'entraîne le boom industriel biscaïen. La basquitude (lo vasco) qui détient une définition raciale (qui mène au racisme) s'oppose au maketo (l'immigré). Tel n'est pas le comportement d'une nouvelle bourgeoisie qui participe directement des changements socioéconomiques.

Le PNB se dirige vite vers un modèle démocrate-chrétien. La revendication autonomiste permet de rassembler les régionalistes et les tenants de l'autodétermination. Cependant, l'option indépendantiste est vite écartée (par Sabino ARANA lui-même); en 1908, l'assemblée d'Elgoibar décrète la rupture avec le sécessionnisme et l'isolement des indépendantistes dirigés par Luis ARANAGOIRI (frère de Sabino).

A partir de là, on retrouve deux constantes historiques qui persisteront jusqu'aux années 1930: l'antisocialisme du PNB et l'antinationalisme du Parti Socialiste et Ouvrier Espagnol (PSOE). On assiste également dès le début du XXe siècle à une théorisation d'un nationalisme basque de gauche (entre autres par Francisco de ULAZIA, ex-conseiller municipal PNB de Bilbao). Alors qu'une délégation du PNB participe en 1916 au Congrès des peuples minoritaires de Lausanne en Suisse, le Pays basque Nord est impliqué dans la première guerre mondiale. Le nombre d'insoumis dans les 3 provinces du Nord est énorme (de 8000 à 12000 selon les sources), ils sont accueillis par les Basques du Sud ou émigrent vers l'Amérique. Le gouvernement français demande à plusieurs reprises au gouvernement espagnol de transférer les insoumis au sud de l'Ebre pour les soustraire à tout environnement basque. La première guerre mondiale, qui a engendré la mort de 6000 Basques tués au combat, accentue le développement du nationalisme français au Pays basque, mais celui-ci semble avoir débuté avant, avec en particulier le rôle de l'Eglise, qui bien que défendant la langue basque, appuie fortement le patriotisme français anti-laïque (c'est le célèbre Euskaldun, fededun: Basque, croyant).

Aux élections législatives espagnoles de 1918, le PNB envoie 7 députés à Madrid, le PSOE élit lui son premier député en Pays basque: Indalecio PRIETO. Le 25 mai 1919, les républicains et les socialistes s'engagent dans l'Acte de Balmaseda à voter pour les monarchistes pour barrer la route aux abertzale au Pays Basque. L'Etat espagnol ne parvient pas à renforcer son nationalisme dans les quatre provinces; en 1919, Madrid arrive pourtant à faire avorter un statut d'autonomie pour le Pays basque Sud. De 1923 à 1930 la dictature de Primo de RIVERA empêche toute velléité autonomiste. Le retour de la République est marqué par la création le 30 novembre 1930 de l'ANB (Action Nationaliste Basque), scission de gauche du PNB dont les principaux dirigeants sont ANGIOZAR et GARATE. Ce parti, républicain, non confessionnel et indépendantiste, ne parvient pas à avoir une audience importante.

Le temps des statuts - le premier Aberri eguna

Le 14 avril 1931, Jose Antonio AGIRRE-LEKUBE convoque les maires basques à Guernica pour proclamer une République basque. La garde civile et l'armée espagnole empêchent la tenue de cette réunion.

Malgré ces pressions, la Société d'Etudes basques (créée en 1918) rédige un Statut d'autonomie approuvé par les carlistes. L'ensemble des 528 maires d'Hegoalde est convoqué à Estella le 14 juin 1931: 427 des 480 maires présents (70 % de la population) ratifient le statut après que deux amendements aient été rajoutés au texte de départ: l'un consiste à transférer la capitale de la future autonomie de Vitoria à Pampelune; l'autre qui aura une importance capitale, prévoit l'établissenient de relations directes entre le Pays basque et la papauté. Aux élections suivantes (28juin), la coalition entre nationalistes et carlistes envoie 15 députés sur les 24 qui sont à élire au Pays basque Sud.

Le 10 août 1931 l'assemblée provinciale de Navarre vote a une écrasante majorité pour le statut d'autonomie basco-navarrais: 314740 électeurs sur 350393, soit 89,8 % des mairies navarraises. Le 21 septembre, des représentants des quatre provinces basques vont rencontrer le président du gouvernement espagnol pour discuter de l'autonomie du Pays basque. Le 15 octobre suivant. ces députés boycottent les Cortès (Parlement espagnol) qui refusent ce nouveau Statut.

En janvier 1932, un nouveau vote vient confirmer l'adhésion des Navarrais au statut d'autonomie mais le nombre de oui représente 64,4 % des électeurs navarrais. Cette importante baisse est due au changement d'attitude de la droite navarraise qui était intéressée par le contenu religieux du statut; or, quelques semaines avant ce nouveau vote, le nouveau gouvernement républicain qui est arrivé au pouvoir à Madrid proclame une constitution laïque.

Le cycle des grandes manifestations commence en Euskal Herri avec le premier Aberri Eguna de l'histoire qui rassemble, le 27 mars 1932, 65.000 personnes à Bilbao. Le 12 juin, à Pampelune, est préparé le vote d'un nouveau Statut; il règne une grande confusion au Théatre Gayate où se retrouvent les représentants des communes du Pays basque sud. Un des leaders de la droite navarraise demande une suspension de session pour que les représentants navarrais se rassemblent entre eux. Cette réunion est mise à profit par les anti-statut pour faire pression sur les représentants de certains villages. Certains délégués dont les villages avaient voté oui votent pour le non ou s'abstiennent; le résultat arrive: 53 % des maires navarrais ont voté contre (123 maires contre, 109 pour, 35 abstentions); les chiffres réels auraient été les suivants: 122 oui, 116 non et 29 abstentions. A la fin de la réunion, la coalition "basco-navarraise" éclate.

Le 5 novembre 1933, 84,05 % des électeurs de Biscaye, Guipuzcoa et Alava (dans cette province les oui ne représentent que la moitié des voix) approuvent ce statut; celui-ci est encore une fois refusé par les Cortès, où une majorité de droite s'est installée.

Ces évènements ont une influence au Nord, où une timide réaction politico-culturelle voit le jour. En novembre 1933, le mouvement "eskualerriste" fait paraître le manifeste "Eskual Herriaren Aide" et à partir d'octobre 1934 le mensuel "Aintzina". Ce mouvement adopte la devise du PNB, "Jaungoikoa eta lege zarra" (Dieu et les lois anciennes). Il demande une décentralisation à tous les niveaux, une rebasquisation générale ainsi que l'établissement de relations avec le Pays basque Sud. Electoralement, ce mouvement est fortement ancré à droite.

La guerre de 36

En Afrique, le général FRANCO soulève une partie de l'armée espagnole: c'est le début de la guerre civile espagnole.

Au Pays basque Sud, le PNB c'est la première force politique des quatre provinces avec 28% des voix. L'été 1936 voit l'exécution de plusieurs milliers de personnes en Navarre, dont le maire PNB d'Estella. A la recherche du maximum d'alliés. le Parlement républicain espagnol approuve le Statut d'autonomie du Pays basque (en fait, les zones libres du Pays basque Sud: Biscaye et Cuipuzetia: la Navarre est passée très rapidement du côté franquiste - les 8000 miliciens de droite carliste (requetes) ont rallié au dernier moment la cause nationaliste - ainsi que l'Alava après la prise de Vitoria par les franquistes). Au Nord, Aintzina ne prend parti pour aucun camp même s'il est très proche du PNB.

En février 1937, la grande offensive contre le Pays basque est décidée par FRANCO:

-26 avril 1937: bombardement de Guernica

-19juin 1937: occupation de Bilbao

-26 août 1937: capitulation de l'armée basque à Santona face aux Italiens, pour ne pas tomber dans les mains franquistes.

La guerre a des conséquences catastrophiques: sur une population estimée à 800000 personnes. le bilan est de 45000 morts (10000 tués au combat, 15000 sous les bombardements et 20000 fusillés), 50000 blessés, 85000 prisonniers, 150000 exilés ainsi que des centaines de personnes exécutées (dont le poète LAUAXETA).

La grande majorité des exilés arrive dans l'Etat français (6500 d'entre eux sont internés au camp de Gurs au Béarn). Au Pays basque Nord, le groupe Aintzina les accueille: aide matérielle, mise en place d'écoles, organisation de spectacles.

En 1938, la Ligue Internationale des Amis des Basques est créée, elle a pour but l'aide du peuple basque au niveau international.

Ces réfugiés, membres du PNB. auront une influence très grande sur les futurs abertzale du Nord.

Malgré la défaite, le moral des gudari n'est pas encore entamé, un grand nombre d'entre eux rejoignent les réseaux de résistance en Europe.

En 1941, le ministre basque Manuel de IRUJO, qui se trouve en exil à Londres, fonde le Conseil National Basque qui prépare la Constitution du futur Etat basque. Fin août 1941, AGIRRE débarque au Brésil puis forme un gouvernement basque à New York. Au nord , un projet de Statut d'autonomie rédigé par Marc LEGASSE est présenté en 1945 l'Assemblée Nationale par le député ETCHEVERRY-AINCHART, mais est rejeté.

Au Pays basque sud, la population se ressaisit: l'Aberri eguna de 1947 est célébré clandestinement; la même année, une grève générale en Hegoalde mobilise 200000 ouvriers. Mais contrairement aux promesses qui ont été faites aux Basques, le camp occidental (qui lutte contre le communisme soviétique) reconnaît le régime franquiste: le Vatican et les États-unis en 1953, l'ONU et l'UNESCO en 1955.

LE NOUVEAU NATIONALISME

L'abertzalisme de gauche s'affirme.

Au Pays basque, des étudiants créent en 1952 le groupe Ekin ("agir"). Celui-ci doit faire face à la répression policière (tout ce qui est basque est interdit) et aussi à l'incompréhension et l'abattement des cadres du PNB qui sont épuisés. Cela amène à la création d'ETA (Euskadi Ta Askatasuna -Pays basque et liberté) le 31 juillet 1959.

Au Nord, est créé en 1960 le mouvement Enhata, qui le jour de l'Aberri Eguna de 1961 donne naissance au nouvel abertzalisme en Iparralde.

"L'identité basque exprimée par les premiers nationalistes était avant tout une identité-refuge. dans laquelle ils fuyaient un présent qui ne leur offrait qu'incertitudes, crises et conflits. (... ) Les nouveaux nationalistes n'ont désormais besoin de se référer ni à la race, ni à un temps mythique, pour fonder la légitimité de leur revendication; celle-ci émane directement de leur quotidien. (...) Le nouveau nationalisme est dans les années 1960-70 le terreau dans lequel germèrent ou se développèrent les principales utopies sociales (socialisme, coopérativisme égalitaire, puis autogestion et écologie (...)). D'exclusif et fermé qu'il était avant la guerre, le nationalisme basque est capable dès le début des années 60, de s'ouvrir pour devenir engloban"t. Francis JAUREGUIBERRY - "Question nationale et mouvements sociaux en pays basque sud", Paris, 1983.

Des deux côtés de la frontière, la répression conduit à la radicalisation des différents mouvements: en avril 1964, ETA adresse au peuple son manifeste "Insurrection en Euskadi", par lequel l'organisation lance véritablement la lutte armée. Quatre années plus tard, son premier militant tombe à Benta Handi. Txabi ETXEBARRIETA. Pour dénoncer la répression qui s'accroît en Pays basque sud, Joseba ELOSEGI, militant historique du PNV, se jette en flammes aux pieds de FRANCO pendant les championnats du monde de pelote basque à Saint Sébastien. Cela n'empêche pas, la même année, la condamnation à mort de neuf militants d'ETA lors du procès de Burgos. Il faut la mobilisation de milliers de manifestants dans toute l'Europe pour que Franco accepte de commuer ces peines en prison à vie. En Iparralde, un mouvement clandestin fait son apparition en décembre 1973 lors d'une action réalisée à Banca: il prend pour nom Iparretarrak. Depuis, l'organisation milite pour la mise en place d'un statut d'autonomie pour le Pays basque nord, et revendique le choix de la stratégie du "front uni" (c'est-à-dire d'un combat mené à la fois au nord et au sud, et non uniquement au sud).

Le 20 décembre 1973, ETA porte un rude coup au franquisme en assassinant CARRER BLANCO, successeur désigné de FRANCO. Ce dernier meurt en novembre 1975. Durant le franquisme, le Pays basque Sud a connu onze états d'exception; le dernier (du 25 avril au 27 mai 1975) s'est soldé par 3200 arrestations. 380 condamnations, 18 blessés par balles, 6 morts et une cinquantaine de personnes hospitalisées dans un état désespéré à la suite de tortures.

Après la mort de FRANCO, la Reforma (transition) est rapide. Au Pays basque, d'immense mobilisations populaires revendiquent quatre points: l'amnistie, la lègalisation des partis politiques, l'épuration ou le démantèlement des forces de l'ordre, l'autodétermination. Ces points sont repris en 1976 par un collectif de la gauche abertzale dans une "Alternative KAS". Mais la répression continue: 5 morts lors de la semaine pro-amnistie du 12 au 18 mai 1977. Le 13 mai, une grève générale paralyse les quatre provinces basques. Cela un mois avant les premières élections libres.

Au Nord. le mouvement abertzale est éclaté: EHAS de 1974 à 1981, Herri Taldeak (groupe locaux de militants, dans la mouvance d'Iparretarrak) en juin 1980. Au Sud. Herri Batasuna (coalition indépendantiste de gauche) fait son apparition en 1977. Le 26 mars 1978, jour de l'Abeni eguna. 200000 personnes manifestent pour l'autodétermination.

Les enjeux institutionnels au sud...

Lors de l'élaboration de la nouvelle Constitution espagnole, aucun représentant du mouvement abertzale n'est invité: 65% des Basques refusent cette Constitution. Cela conduit à la négociation puis à la signature du Statut d'autonomie à Guernica le 18 juillet 1979. Ce statut, approuvé par 53,1% du corps électoral basque (Herri Batasuna, partisan de l'option indépendantiste, avait appelé à s'abstenir), prévoit l'intégration de la Navarre à la nouvelle Communauté autonome d'Euskadi (qui regroupe l'Alava, la Biscaye et le Guipuzcoa), le retablissement des "conciertos economicos" (compétences économiques), le bilinguisme l'établissement d'une police basque...

La Navarre, qui bénéficie depuis la même année du statut de Communauté forale, refuse l'intégration à la Communauté Autonome Basque (CAB).

En avril 1980, le Parlement autonome basque est créé à Vitoria, et le lehendakari Carlos GARAIKOETXEA déclare sans ambages que le pouvoir espagnol seul possède "les clés et les cartes" de la question basque. Cela se vérifie dès les jours suivants, lorsque les premières divergences apparaissent au sujet du transfert des compétences de l'Etat à la CAB, pourtant prévu par le récent Statut d'autonomie. Dès lors, et ce jusqu'à l'heure actuelle, les relations entre le gouvernement basque et le pouvoir espagnol ne cessent plus d'être déterminées par le problème de ces transferts de compétences et en général par les difficultés de respecter un statut poutant signé par les deux parties.

...et au nord

En Iparralde, on en est toujours à rechercher une institution, et une grande étape est franchie dans la perspective des élections présidentielles françaises de 1981, lorsque se crée en une assemblée à Macaye le 21 juin 1980 "l'association des élus pour un département basque". Aussitôt créée, l'assembIèe est critiquée par les élus de droite, alors que le candidat socialiste MITTERRAND la soutient au nom du "droit à la différence". Avec cette perspective politique, c'est toute une dynamique qui s'enclenche en Iparralde dans les secteurs les plus divers: ainsi, le 16 janvier 1981, fusionnent les associations Hemen et Herrikoa créées en 1980 dans le but de revitaliser l'économie d' Iparralde en favorisant la création d'emplois; sur le plan culturel également, les associations basques décident de collaborer pour mettre au point une Charte culturelle réclamant un statut pour l'euskara.

Lorsque F.MITTERRAND est finalement élu le 10 mai 1981, c'est un vent d'espoir qui parcourt Iparralde: malgré l'échec du projet Charte, un bureau des Assises de la culture basque est créé, et entame des négociations avec un chargé de mission spécialement nommé par l'Elysée, M.RAVAIL. S'en suivent de nombreuses manifestations destinées à obtenir le respect des promesses de F.MITTERRAND quant à un statut de la langue basque, dont les points culminants sont une marche sur sa résidence secondaire de Latché, et une grève de la faim.

Mais, le plus grand espoir né de la victoire socialiste reste la promesse de création d'un département basque, formulée par la 54ème proposition du programme électoral du nouveau président. Mais, sous couvert des 7 ans dont dispose le président pour concrétiser ses promesses, F.MITTERRAND reporte le projet aux calendes grecques. et finit par y renoncer en profitant de la résignation née peu à peu en lparralde.

Le transfert des premières compétences

Au sud les socialistes sont également parvenus au pouvoir, et l'espoir est également de mise lorsque le 9 janvier 1981 un accord sur le rétablissement des Conciertos Economicos reconnaît la compétence du gouvernement basque à lever l'impôt et à en disposer majoritairement.

Dès lors, la mobilisation populaire prend le relais des tractations menées par le Gouvemement autonome: le 25 octobre 1981, 200000 personnes réclament à Bilbao le respect du Statut d'autonomie.

Cela a pour effet de favoriser une nouvelle concession en mars 1982, avec la mise en place progressive de la Ertzaintza, police autonome basque, dont les buts sont la protection des institutions autonomes, le contrôle de la circulation, et la lutte contre la drogue. Le gouverneur civil d'Alava précise: "la lutte anti-terroriste sera de la compétence exclusive de l'Etat central". Cependant ces succès politiques sont atténués par certains débats épineux, notamment les accords entre gouvernements espagnol et de Navarre sur un projet de loi d'amélioration des fueros de Navane (mars 1982), qui l'éloignent encore un peu plus des 3 autres provinces basques d'Hegoalde; débat également autour du projet de centrale nucléaire à Lemoniz, dont le paroxysme est la mort dans un attentat d'ETA du directeur technique du projet, le 5 mai 1982.

ETA au coeur du débat

Le climat politique se tend considérablement, en particulier l'été où ETA poli-mili (scission de ETA en parallèle à ETA militaire, survenue lors de la VIe assemblée; ETApm privilégie le front ouvrier et la lutte de masse) mène ses campagnes d'action contre le tourisme et où éclate la "guerre des drapeaux" après que les autorités espagnoles aient imposé la "Bandera espanola" chaque fois qu'apparat l'Ikurrina sur un bâtiment public. Pour pacifier le Pays Basque, le ministre de l'Intérieur BARRIGNUEVO, et le directeur général à la sûreté VERA débloquent en juin 1983 12 milliards de pesetas (642 millions de francs) destinés à financer le "Plan Z.E.N." (Zona Especial None), et instaurent une série de lois anti-terroristes d'exception. Dans le même temps, le 14 juin 1984, BARRIONUEVO rencontre son homologue français DEFFERRE pour optimiser la collaboration entre les deux polices, notamment au sujet des réfugiés.

L'aspect le plus noir de cette collaboration est le déclenchement en 1983. de la "guerre sale" contre l'ETA menée par le GAL (Groupe Anti-terroriste de Libération). Commandités par les services secrets espagnols et relayés par certains policiers français des attentats visant les réfugiés basques en territoire français sont perpétrés entre 1983 et 1988. La "guerre sale" touche aussi Hegoalde: le 20 novembre 1984, le député d'HB Santi BROUARD est abattu. Devant ce climat tendu, le gouvernement basque mené par le PNB se dirige vers la collaboration avec le PSOE: le 30 janvier 1985, un Pacte de Législature entre le PSOE et le gouvernement basque est conclu en 4 points (rejet de l'alternative KAS, renoncement à l'indépendance comme priorité, rejet des propositions de négociation d'ETA, lutte contre la violence).

Le PNB en crise

Cette collaboration est permise par la grave crise que traverse le PNB à la fin de l'année 1984: en effet, divisé autour du débat sur la répartition des ressources financières au sein de la CAB, le PNB se scinde en 2 le 18 décembre 1984. GARAIKOETXEA, critique vis à vis de la politique du PSOE, est poussé à démissionner de son poste de lehendakari, tandis que J.A. ARDANTZA, plus favorable à la collaboration avec Madrid, prend sa place à la tete du PNB. Cela explique le rapprochement Madrid-Vitoria, et l'accélération de la lune contre ETA. Cc dernier réagit par une vague d'attentats à la voiture piégée contre la police et l'armée. La tension s'aggrave, tant en Iparralde (20 morts du GAL depuis janvier 1983, activité régulière d'Iparretarrak dont quelques militants sont entrés en clandestinité) qu'en Hegoalde (mort de Mikel ZABALZA, membre présumé d'ETA, sous la torture).

Au début de l'année 1986, la vie politique de l'ait espagnol est marquée par la campagne sur le réferendum au sujet de l'intégration de l'Espagne dans l'OTAN. Le 12 mars 1986, les 4 provinces d'Hegoalde répondent à 60% non à l'OTAN alors que le reste des électeurs de l'Etat espagnol répond oui (hormis la Catalogne et les Canules, de justesse). Devant ce grand décalage entre positions politiques au Pays Basque et en Espagne, la collaboration PNB-PSOE est de plus en plus critiquée au sein même du PNB: le 4 septembre 1986, GARAIKOUXEA et ses proches quittent le parti et fondent Eusko Alkanasuna. HB profite de cette crise et gagne en audience, d'autant plus que deux évènements marquent les consciences: arrestation en Iparralde et expulsion du symbole de la lutte de libération nationale basque, Txomin ITURBE; mort en prison de Joseba ASENSIO ARTARAZ, dont l'arrivée du corps au Pays basque donne lieu à une agression par la guardia civiil du convoi funéraire.

L'aberzalisme majoritaire en hegoalde

Aux élections au Parlement autonome, le 30 novembre 1986, le poids des partis espagnols diminue encore en Hegoalde, tandis que le total des partis abertzale représente 70,66% de l'électorat.

En Iparralde la situation est bien différente. Le climat est tout aussi tendu à cause du GAL et des campagnes d'lparretarrak mais au début de l'année 1987, l'enquête sociologique menée par un institut de Versailles révèle que les partisans du département basque ne représentent plus que 29,4%.

Mais l'année est surtout marquée par quelques faits. Le premier est la mort de Txomin ITURBE dans un accident de voiture en Algérie, où il avait été extradé dans le but de négocier avec les émissaires espagnols. Antxon (Euaenio ETXEBESTE), lui-même extradé par la France à St Domingue en 1984, est transféré à Alger nour prendre la relève de Txomin.

Le second fait marquant est l'attentat d'ETA qui fait 18 victimes civiles au supermarché Hipercor de Barcelone le 19 juin; alors que l'assassinat par ETA l'année précédente d'une militante repentie, Ioies, avait été perçu de façon pour le moins mitigée, cette action, immédiatement déplorée par ses auteurs, frappe néanmoins les esprits.

Cela provoque en Iparralde une accélération de la répression: le 3 octobre a lieu une grande vague d'arrestations, des dizaines de personnes sont arrêtées, dont 52 sont expulsées et 12 extradées vers l'Algérie.

En Hegoalde, faisant suite à un pacte antiterroriste signé à Madrid en novembre par 14 partis, le 19 janvier 1988 le pacte d'Ajuria Enea contre ETA est signé. Quelques jours plus tard, ETA annonce qu'il est prêt à proposer une trêve.

Au nord, après avoir connu une année 1987 difficile liée à la mort de 3 militants et l'arrestation de Gabi MOUESCA, Iparretarrak connait un nouveau revers le 20 février 1988 avec l'arrestation de Philippe BIDART et de 4 autres militants. Aux législatives de juin, le score abertzale progresse néanmoins de 2% par rapport aux scrutins précédents, puis de nouveau de 2% aux cantonales de septembre (7,49%).

La question de I'autodétermination

Las de la spirale répression/action et aspirant à une solution négociée 100 000 personnes manifestent le 22 janvier 1989 à Bilbao à l'appel d'HB. Le 26 des pourparlers s'ouvrent entre le gouvernement espagnol et ETA, et celui-ci proclame une trêve qui s'achève en avril après l'échec des négociations, ETA se déclare cependant prêt à les reprendre. 1989 est pourtant l'année d'un retournement de tendance électorale. Après l'apogée de 1987, les partis abertzale stagnent au mieux (PNB) ou déclinent (HB, EA), alors que la droite espagnole commence son ascension.

Malgré cela. la revendication populaire reste forte, et à l'appel d'HB qui proclame de plus en plus que les négociations sur le Statut d'autonomie sont une impasse, les manifestations se succèdent pour réclamer l'autodétermination.

Plusieurs motions sont rédigées à ce sujet par divers partis abertzale, mais le 15 février 1990, c'est une motion commune aux seuls PNB, EA et EE qui est présentée au parlement de Vitoria, excluant la Navarre du texte pour le rendre inacceptable par HB (pour qui la Navarre est indissociable de la CAB). En effet pour ARDANZA, il s'agit de "retirer à HB et ETA le drapeau de l'autodétermination". C'est ainsi que cette proposition est présentée par le PNB, SA et EE à Vitoria et malgré l'abstention des voix d'HB, le oui l'emporte largement. Officiellement, la CAB est donc favorable à l'autodétermination. Ce vote important n'ayant pas de suite concrète, l'association Euskaria, créée indépendamment des partis politiques, propose le 15 janvier 1991 au Parlement de Vitoria de soumettre à Madrid une loi de modification de la Constitution espagnole incluant le droit des Basques à l'autodétermination, mais Vitoria refuse. Des élus décident alors d'agir symboliquement et entre septembre et octobre 1991, 49 municipalités d'Hegoalde réclament par motion l'indépendance du Pays Basque; le 25 octobre à l'appel d'Euskaria, ce sont 300 élus basques des sept provinces qui signent un acte public en faveur de l'autodétermination. Cela ne fait qu'accentuer la violence, et en 1992, les vagues d'arrestations succèdent aux vagues d'attentats d'ETA.

Au nord, des démarches nouvelles

En Iparralde, une importante nouveauté apparaît aux élections régionales de mars, où Abertzaleen Batasuna unit pour la première fois les deux partis basques (Euskal batasuna et EMA), et qui fait de nouveau progresser le vote abertzale. En outre, une amorce de réflexion lancée par Iparretarrak au sujet de la revendication d'une autonomie pour le Pays basque nord, aboutit à une véritable démarche politique qui prend le nom d'Eraikitzen; elle aboutit à la constitution, en 1993, d'un projet d'autonomie.

Sur le plan culturel, en plus de l'organisation de plus en plus efficace des associations basques qui se dotent en 1990 d'un Institut Culturel, et de la Convention enfin signée entre l'Etat et Seaska, la nouvelle de l'adoption par le Conseil de l'Europe de la Charte européenne des langues minoritaires fait naître des espoirs, vite déçus car la France et la Grèce refusent de la signer.

1993 voit en Hegoalde se poursuivre la dialectique attentats d'ETAlarrestations. En septembre l'apogée est atteint avec les morts successives sous la torture de Gurutze YANCI et Xabier KALPAR SORO. C'est en constatant l'impasse dans laquelle se trouve la question basque qu'un mouvement prônant la négociation par une voie non-violente se crée le 20 décembre 1992, Elkarri.

Alors que le débat reprend au sujet des transferts de compétences, au nord la revendication départementale reprend: en novembre 1994. le projet 3B administrative regroupant le Pays basque Nord, le Béarn et la Bigorre) de M.INCHAUSPE rallit 75,6% des habitants sondés en Iparralde mais le président du Conseil Général F.BAYROU fait avorterle projet présenté à l'Assemblée nationale.

Dans tous les domaines. la concrétisation de fait d'une entité basque unitaire se vérifie: Conseil de développement économique créé autour d'une démarche prospective "Pays Basque 2010" création égaIement d'Ofizialeak pour revendiquer unr chambre des métiers. en Iparralde, Seaska qui passe contrat avec l'Etat en 1994, perçée du syndicat agricole ELB, etc.

Le durcissement de la situation

Entre 1994 et 1995, l'Espagne entre en crise à cause du dévoilement des "dessous" du GAL disparu en 1988 avec 27 morts à son actif. Le juge GARZON mène une enquête qui permet d'identifier les restes de Joxi ZABALA et Joxean LASA enlevés en 1983 à Bayonne, torturés, assassinés et enterrés dans plusieurs kilos de chaux vive.

Le 6 septembre 1995, le document fondateur du GAL est dévoilé, une note du CESID (services secrets espagnols). F.GONZALEZ est lui-même accusé; en janvier 1996, BARRIONUEVO est reconnu "criminellement responsable" selon le Tribunal Suprême de l'enlèvement de Seaundo MAREY par le GAL en 1983. Cela n'empêche pas l'Etat d'essayer de ralentir ces démarches judiciaires qui plongent l'Espagne dans la crise: en mai, Madrid dit non à une commission d'enquête parlementaire sur le GAL, et en août, le général de la guardia civil GALINDO, condamné dans l'affaire du GAL, est remis en liberté. Le gouvernement basque proteste, mais modérément, car le Partido Popular, passé au pouvoir & Madrid a passé alliance avec le PNB en échange d'un transfert de compétences. ETA, de son côté, a présenté en avril 95 l'alternative démocratique, conditions préalables à un paix négociée. L'une des revendications principales de plus en plus relayée par de nombreuses manifestations populaires est le rapprochement des prisonniers politiques dans les prisons du Pays basque. Malgré le fait que le Parlement européen ait condamné cette politique, l'Espagne persiste à pratiquer la dispersion systématique des prisonniers basques.

Aussi, hormis une trêve d'une semaine en juillet, ETA continue-t-il ses attentats contre la police et l'armée enlève les industriels ALDAIA et DELCLAUX, et assassine en juillet 97 un conseiller municipal PP d'Ermua, M.A.BLANCO, ce qui soulève une vague de réprobation populaire dans tout l'Etat espagnol.

La classe politique espagnole isole de plus en plus HB, dont la Mahai Nazionala (bureau directeur) est en outre collectivement traduite en justice pour avoir diffusé l'alternative démocratique d'ETA. Les propositions d'Elkarri et la collaboration des syndicats ELA (proche du PNB) et LAF (proche d'HB) pour trouver une solution négociée et unitaire pour les abertzale, reflètent la diversité des tentatives de solution. Mais à la fin de l'année, ETA abat Jose Luis CASO, conseiller municipal PP à Renteria, cela deux jours avant une manifestation appelée par ELA, LAB, EIkarri et EHNE pour protester contre la condamnation à 7 ans de prison ferme de la Mahai Nazionala d'HB le 1e décembre; la manifestation est annulée. 50000 personnes descendent dans la rue à St Sébastien pour manifester contre HB et ETA le 13 décembre, et 60000 leur répondent à l'appel d'HB le 27 à Bilbao.

La question basque semble dans l'impasse.

En Iparralde aussi, l'évolution politique est rapide. Le 30 octobre 1996, une consultation des maires du Pays Basque nord aboutit à 63,7% de favorables au département, relayée par un sondage réalisé par l'hebdomadaire "La Semaine du Pays basque en mai 1997, où 64% de la population d'Iparralde se révèle favorable. En décembre pourtant, les fonds débloqués dans le cadre de l'aménagement du territoire déçoivent les défenseurs de la langue basque, car pas un sou ne lui est consacré. A l'appel du collectif Deiadar, ce sont 3000 personnes qui se mobilisent le 4 avril 1998 à Bayonne pour exiger que l'Etat tienne ses promesses, et demandent l'officialisation de l'euskara. Le débats entourant la question d'une institution spécifique pour Iparralde en sont d'autant plus relancés, et pourraient devenir le centre des enjeux électoraux à venir.

Des perspectives nouvelles

Au sud, le début de l'année ne semble pas montrer un apaisement de la situation: en janvier, deux nouveaux élus du Partido Popular sont exécutés par ETA, et en mars un plan de paix proposé par J.A. ARDANZA est rejeté par les Espagnols car il considère inévitable une négociation directe avec l'organisation armée. Au printemps. la tension ne baisse guère: au nord, Iparretarrak lance une campagne contre les banques et les perceptions d'impôts; au sud, ETA abat un élu du PP, un conseiller UPN, et un sous-lieutenant de la Guardia Civil. Le 5 juin, à Guernica, c'est Inaxi Zeberio, militante d'ETA, qui est tuée lors d'une opération menée par l'Ertzaintza contre un commando.

Malgré la crise, les partis abertzale décident de s'entendre, cela débouchant sur un certain nombre de positions communes, concernant notamment des campagnes en faveur du rapprochement des prisonniers basques, la demande du rattachement de l'enclave de Trebino à la province d'Alava (réclamée à 68ù par ses habitants), et la constitution de sélections basques pour les compétition sportives internationales. Le 29 juin, les partis abertzale refusent que les élus du Parlement de Vittoria prêtent serment à la constitution espagnole, ce qui provoque l'éclatement du gouvernement de coalition PNB/PSE-EE. Face à cette évolution, Madrid poursuit dans la voie répressive: le 15 juillet, le quotidien Egin et la radio Egin Inatia, principaux organes d'information de la gauche abertzale, sont fermés sur décision judiciaire car accusés d'avoir des relations avec l'organisation ETA.

Malgré cela, les contacts PNB/HB se poursuivent autour de J.EGIBAR et A.OIEGL. La réflexion porte sur les conditions à réunir pour parvenir à une résolution négociée du conflit: le principe de l'autodétermination couplé à un arrêt définitif de toute violence sert de base à un accord signé à Estella puis à St Jean Pied-de-Port (accords de "Lizarra-Garazi") par une trentaine de partis, syndicats. et mouvements de toutes obédiences, et concernant autant Iparralde qu'Hegoalde (des partis étatiques tels qu'lzquierda Unida le signent, d'autres comme les Verts ou le syndicat CFDT y sont présents en temps qu'observateurs). Les principaux partis français et espagnols refusent cependant d'y participer. car ils ne reconnaissent pas le principe de l'autodétermination pour le Pays basque. Devant l'espoir que suscite cet accord, pour la première fois de son histoire ETA déclare un cessez-le-feu inconditionnel, unilatéral, et illimité dans le temps. Iparretarrak de son côté, se met dans une position d'attente et d'observation. En quelques mois, le conflit basque a pris un tournant décisif, dont tout monde attend les effets sur le plan électoral.

A l'approche des élections autonomiques du 25 octobre 1998 se profile une véritable bipolarisation du paysage politique de la CAB, entre les opposants et les partisans des accords de Lizan Garazi. Ces derniers sortent finalement vainqueurs du scrutin, regroupant 62% des votes. Si le PP et EH (plate-forme impulsée par HB pour les élections) font les plus fortes progressions, le découpage parlementaire ne modifie pas le rapport partis abertzale/partis "espagnolstes", et le PNB reste la première force politique de la CAB. Charge à sa tête de liste J.J.IBARRETXE d'engager avec le futur gouvernement une politique qui reflète le plus fidèlement possible la pluralité de la société basque que les dernières élections ont encore confirmée. Respect des droits démocratiques et aspiration à paix sont assurément les fondements essentiels des enjeux politiques et sociaux à venir en Pays Basque.


1 Extrait de la brouchure "Histoire du Pays Basque", 2ème édition, actualisée, Décembre 1998. Editée par l'association Pitzu, 7 rue de Coursic 64100 Bayonne. pitzu@worldonline.fr