Manifeste en faveur de l'action directe violente

Et pour l'extension des émeutes : manifeste en faveur de l'action directe violente1

Résistons ensemble

       Il est habituel pour quelques importants secteurs du mouvement anti-globalisation d´exclure et même de criminaliser l´utilisation de l´action directe violente, notamment chez certaines organisations qui participent activement aux manifestations. Avec ces lignes, nous désirons apporter quelques simples éléments en vue à un débat qui aide à respecter les tendances politiques qui puissent combiner aussi bien des tactiques pacifistes que celles appartenant à l´autodéfense.

       Notre intention n´est pas de donner priorité à l´action directe violente face au travail syndical, ou quartier par quartier, faculté par faculté. Ces dernières formes sont essentielles ; elles constituent la base même de toute lutte pour et près du peuple. Il existe cependant certains points qu´il conviendrait analyser sans peur, sans tomber dans les moyens de répression du fallacieux discours de la classe dominante. Est-il positif de créer une confrontation directe contre la police et les symboles capitalistes ? Est-il valide et effectif d´utiliser l´action directe violente ?

       A Seattle, à Prague et à Göteborg, nous avons pu dénoter chez les différents leaders mondiaux présents un état de tension inédit depuis la disparition de l´URSS : sommets paralysés, délégations déplacées, hautes personnalités devant quitter les lieux par la porte arrière. Ceci eu lieu parce que des milliers et non pas des centaines de personnes participèrent aux confrontations. L´extension de l´émeute surpassa la capacité répressive de la police. Il est donc vrai que les actions pouvant impliquer une haute charge de violence sont d´une importance spéciale vis a vis d´un nouvel accroissement de la lutte sociale auquel nous avons assisté dans les dernières années. Mais, pourquoi la nécessité de l´action directe violente est-elle née ?

       Il arrive que dans certaines occasions les moyens d´exprimer un certain mécontentement politique, que les mouvements sociaux réussirent à imposer au moyen de grands efforts dans nos dénommées "démocraties parlementaires", telles que le droit de se manifester pacifiquement, la réunion, la syndicalisation etc. s´épuisent. Dans ces cas, il est facile de constater que de tels moyens n´ont d´autre but pour le système que de préserver la stabilité et l´équilibre social, pas d´en arriver à de véritables changements.

       La lutte d´un mouvement populaire, dû au fait qu´elle étend et approfondit les actions qui montrent son désaccord, est amenée à la confrontation avec le système répressif. Elle est tout autant amenée à comprendre qu´il n´est pas suffisant de réaliser des réformes partielles, toujours provisionnelles, elle en vient à comprendre le besoin de la destruction du capitalisme, le besoin de remplacer celui-ci par certaines relations sociales ayant pour base la solidarité et l´égalité.

       Il est ainsi que, si face à l´absence de solutions réelles, des milliers de personnes prennent les rues dans le but de freiner physiquement la sauvage politique du FMI, le système n´interprète pas leurs actions comme étant "démocratiques". Il se produit une confrontation directe avec le pouvoir. Celui-ci décide de réprimer : Gènes en fut un clair exemple. Des milliers de manifestants pacifistes se virent obligés à utiliser des barricades et à lancer toute sorte d´objets pour ne pas être balayés par la violence de la police. Tel fut le refus des forces de l´ordre quand à la pratique des libertés citoyennes de manifestation pendant la réunion du G-8.

       Certains secteurs de gauche maintiennent que l´action directe violente pourrait entraîner un accroissement généralisé de la répression envers les mouvements sociaux. Mais, ne nous trompons pas, c´est l´accroissement du conflit, résultat de la lutte organisée ; qui met en question les bases même du système, ce qui produit la répression. C´est à dire, celle qui met en question les gouvernements et la bourgeoisie ainsi que leur capacité pour décider comment doit fonctionner l´économie. Ainsi, la lutte sous toutes ses formes, même la pacifique ou celle qui puisse se réaliser au moyen d´éléments strictement légaux, sera écrasée sans contemplation. La cause n´en sera pas l´action directe violente. Le système cherche donc à rentabiliser politiquement une telle situation désavantageuse, et attaque les différentes formes de mouvements populaires sous le discours politique qui soutient le besoin de faire face à " l´extrémisme de certains groupes".

       La violence n´est provoquée par aucune des organisations qui conforment le mouvement d´anti-globalisation. La violence fait naturellement part du processus de perpétuation du système capitaliste, celle-ci n´étant permanente qu´en étant appliquée hors de la raison, hors de la justice envers la population, au moyen du surexploitage et du manque de sécurité sur le plan laboral ou de la privatisation de services sociaux. Il s´agit aussi d´un système de contention lorsqu´il est utilisé de façon physique et ouverte, comme il arrive lors des mobilisations. Cette dernière forme est évidemment la plus visible mais elle ne peut éclipser la violence quotidienne des moyens utilisés par la classe dominante.

       La violence de "contention" est présente chaque fois que le système tente d´imposer à un groupe social mécontent le retour à sa passivité antérieure. Quand les exigences vis-à-vis des solutions augmentent, la violence physique pour freiner celles-ci augmente de la même façon.

       A Gènes tandis que nous étions en train de préparer des manifestations pour la paix et contre le génocide, le gouvernement préparait les chambres de tortures dans les commissariats. Pendant qu´on organisait et mobilisait des milliers de personnes, le gouvernement en faisait de même avec des milliers de policiers armés.

       La liberté de manifestation se voit cerclée par les règles de ce qu´on appelle communément "état démocratique". C´est de là qu´est né le besoin de massifier les émeutes et le sabotage. Parce que le système n´envisage pas de se démanteler, parce qu´il ne nous laisse plus d´autre option.

       L´action directe violente n´est pas seulement valide mais aussi nécessaire, puisqu´elle comporte une charge expressive de désobéissance, et de justice.

       Nous expliquerons ici pourquoi l'action directe violente n'est pas seulement valide mais aussi nécessaire en tant qu'elle complémente la lutte pacifique, à cause de son contenu expressif, de désobéissance et de justice.

1. Il s´agit d´une manière de s´exprimer.

       Ce qu´il ne nous est pas permis d´exprimer dans les journaux, à la télévision etc. Nous le revendiquons en attaquant le pouvoir symbolique de ces moyens. Nous exprimons notre non-conformisme et notre opposition radicale envers la politique néoliberaliste lorsque nous combattons les élément répressifs chargés de défendre cette politique. L´existence du conflit se fait sentir.

       D´un autre coté, les moyens de communications en lien avec la politique néolibéraliste obtiennent des nouvelles non seulement valides pour le spectacle de l´information mais aussi pour servir à la criminalisation des mouvements sociaux. Mais il faut tenir en compte que l´action directe violente et le sabotage sont tout aussi un moyen pour rompre le blocus des medias. La nouvelle, même disproportionnée, apparaît dans les médias tandis que nous luttons jour après jour pour créer nos propres canaux de diffusion et aussi pour nous auto-organiser, quartier par quartier, faculté par faculté, l´action directe prend force parce qu´elle n´est pas seulement en elle même une façon d´exprimer un mécontentement, il s´agit aussi d´une façon de percer le silence dans lequel les moyens de communication voudrait noyer nos actions.

       Éviter la distorsion et la commercialisation des faits aux mains des moyens de communication officiels n´est pas notre responsabilité, puisque telle est leur raison d´être. Nous sommes responsables dans ce cas, de répudier le rôle des banques et des forces répressives de la société -exprimée physiquement- de crée la dissidence, la conscience anticapitaliste, tout en montrant les vrais responsables de la politique néo-libérale.

       2. Il s´agit d´un moyen pour altérer l´ordre imposé.

       C´est une forme de désobéissance à la légalité. Une manière de faire ce qui est "interdit" et de le charger totalement d´un sens politique. Mais il faut tenir en compte que les émeutes ponctuelles peuvent parfaitement être assumés par le système, nommés par celui-ci "colateral damages", c´est à dire le résultat inévitable qu´entraîne le néolibéralisme. Il en est de même des phénomènes de délinquance, trafic de drogues, violations. Ce sont des comportements inévitablement liés à une société qui se nourrit d´inégalité, d´oppression, du patriarcat. Quand au mouvement anti-globalisation, le gouvernement espagnol a déclaré en plus d´une occasion : " Nous sommes prêts à maintenir un dialogue avec les groupes anti-globalisation, mais seulement avec ceux qui rejettent l´utilisation de la violence et les dégâts que les actions radicales provoquent."

       Même si le système est capable d´absorber le dégâts, puisqu´il s´agit d´une vengeance a petite échelle, il a été démontré que ces "colateral damages" sont toujours une atteinte à l´harmonie et la stabilité des structures politiques et sociales. C´est pour cela que le gouvernement essaie de condamner et d´isoler ce genre d´actions. C´est pour cela aussi que nous devons concevoir ces éraflures comme de potentielles formes de renversement, pour faire de cette idée un espace de pouvoir alternatif, c´est à dire, une arme et un droit atteint par les mouvements sociaux pour combattre l injustice.

       S´il est interdit de casser, nous cassons, mais nous ne cassons pas n´importe quoi, nous cassons les signes physiques du pouvoir capitaliste, telles que la police armée, les banques, les cabines de Telefonica, les McDonalds.

       3. Il s´agit d´un moyen de faire justice.

       Il est juste de réagir de façon directe face à une imposition violente de la démocratie bourgeoise, la criminalisation de la dissidence, l´oppression dans la propagande et les médias etc.

       Il est juste et légitime de faire face à un monopole incontestable de la violence, de la part d´un système.

       Il est juste et nécessaire de délimiter notre propre secteur d´action politique, pour pouvoir ainsi échapper aux secteurs législatifs ; secteurs qui ne sont que le mécanisme d´autodéfense du système qui délimite les différents niveaux de revendications pour pouvoir les contrôler, et qui servent à justifier institutionnellement la répression.

       Nous assistons déjà à de petites victoires au sein du vaste front de la lutte contre la globalisation néo-libérale à travers d´une méthode qui, sans être aussi essentielle que l´activité de base, fonctionne comme l´un de ces éléments indispensables : les bouteilles et les pierres.


1 Ce document a été rédigé par des activistes sociaux de Madrid, du Pays Basque et d´Argentine.