REGARD SUR LE HACKMEETING D'IRU-A, OCTOBRE 2003

Darkveggy

CONTEXTE

Les 24, 25 et 26 octobre 2003 s'est tenu à Iruña (ville située au Pays Basque, plus connue sous le nom de Pampelune) le quatrième d'une série de hackmeetings espagnols, initiée à Barcelone en octobre 2000 et poursuivie les années suivantes à Bilbao puis à Madrid.

Ceux-ci s'inscrivent ouvertement dans la continuité des hackmeetings italiens, qui ont désormais lieu chaque année dans des centre sociaux autogérés (le plus souvent squattés) et travaillent à la rencontre de deux univers: l'un politique, militant et libertaire, l'autre informatique, technique et logiciel libre. Et comme l'indique le site du rassemblement d'Iruña, "ce n'est pas seulement un rendez-vous de hackers. Ce n'est pas non plus seulement un rendez-vous de gens intéressés par les aspects sociaux des nouvelles technologies. C'est un rendez-vous de gens intéressés par les nouvelles technologies et par leurs aspects sociaux, et qui se réalise dans un espace libéré, le CSOA (Centre Social Okupé Autogéré) de Pampelune, plus connu sous le nom de "Iruña Gaztetxe".

Fidèle aux précédentes éditions, cette quatrième rencontre a changé de nom pour l'occasion: de "Madhack'02" à Madrid l'année passée, le hackmeeting est devenu "Hack3ña", ceci témoignant d'une volonté de prendre l'environnement d'accueil en considération, et, peut-être, de s'imprégner de ses particularités (l'affiche de cette année faisait explicitement référence à la pelote basque, sport traditionnel emblématique de l'identité culturelle du pays).

ESPACE D'ACCUEIL

En basque, "Gaztetxe" signifie "maison de la jeunesse", et il en existe dans toutes les principales villes basques. Dans la majorité des cas, cependant, celles-ci n'ont rien à voir avec les "MJC" que nous connaissons, et se sont constituées de manière autonome, sous l'impulsion des jeunes du coin et autres habitant-e-s, rejetant la volonté de gestion des mairies, et occupant, autogérant des structures par elles/eux-mêmes.

C'est dans cette tradition que s'inscrit le Gaztetxe d'Iruña, qui squatte depuis maintenant 9 ans les anciens locaux d'une école de pelotte basque, et a du faire face, à ses débuts, à une violente tentative d'expulsion par la police: les flics démolissant plusieurs murs du bâtiment pendant que les occupant-e-s résistaient depuis les toits. Malgré cela, le lieu a tenu, les squatteur-euse-s ont reconstruit et l'endroit propose aujourd'hui diverses activités fort appréciées du quartier: un bar/restaurant y est ouvert quotidiennement, et sert de la nourriture végétarienne provenant de producteurs bio locaux, et notamment de communautés rurales autogérées installées à proximité; une gigantesque cours intérieure abrite l'un des derniers terrains de pelote basque des environs, ainsi que des concerts et autres manifestations; une salle de cinéma propose régulièrement des programmations; un infokiosk distribue littérature militante, presse parallèle, fanzines et musiques indépendantes lors de ses permanences.

ORGANISATION

Le début de Hack3ña était fixé à vendredi en fin d'après-midi, avec quelques premiers ateliers. Dès jeudi, des personnes ont commencé à arriver de toute l'Espagne pour préparer: installation d'un espace machines; mise en place d'une connexion à Internet (via deux lignes ADSL), création d'un réseau local (.hm) relié au net, proposant divers services en interne comme des serveurs DNS, FTP, IRC, un proxy http ainsi qu'un proxy APT (une sorte de miroir Debian), accessible depuis divers endroits du squat via cables/switchs ou ondes radios/points d'accès wireless; distribution des salles pour les nombreux ateliers proposés; constitution d'un point d'accueil; etc.

Comme c'est le cas en Italie, l'organisation du hackmeeting ne repose pas particulièrement sur un hacklab ou collectif local, mais est assumée par un ensemble d'individus et de groupes venant d'un peu partout, se coordonnant depuis plusieurs mois par le biais une liste de discussion sur Internet (hackmeeting@sindominio.net) ouverte à tou-te-s. Les participant-e-s/organisateurs-trices y voient la matérialisation de leur désir d'autogestion et de libre-participation, la liste constituant une assemblée permanente et un outil de transparence, permettant aux bonnes volontés de prendre le train en marche sans difficulté.

Autre outil collaboratif utilisé en appuis de la liste: le wiki, permettant à quiconque de modifier le contenu de la page oueb en question, et donc d'ajouter son atelier ou son idée, de corriger une erreur ou d'inscrire son nom dans une liste de choses à faire. Sur place, diverses tâches comme l'accueil des arrivant-e-s et la tenue du bar ont été gérées grâce à un simple tableau affiché dans le hall, dans lequel se sont inscrit-e-s les volontaires. Par contre, c'est le collectif cuisinier de Gaztetxe qui a assuré la bouffe durant les 3 jours, servant des repas végatariens succulents. Un planning, donc, mais aussi une assemblée d'organisation pour déterminer quelques points plus précis vendredi après-midi et permettre aux arrivé-e-s de s'intégrer, suivie, le dimanche, par une assemblée de clôture, sur laquelle je reviendrai.

AMBIANCE

C'est donc vendredi soir que la plupart des gens sont arrivés et que le hackmeeting a commencé, regroupant jusqu'à 250 personnes, toutes originaires des diverses régions d'Espagne, à quelques rares exceptions près. Les laptops se sont progressivement faits plus nombreux dans le café, se mêlant aux habitué-e-s, dont certain-e-s, intrigué-e-s de cette soudaine présence informatique dans le lieu, ont entendu avec intérêt les anargeeks leur expliquer le pourquoi du comment de leur événement, la nécessité de détruire Microsoft et de révolutionner le monde de l'informatique en même temps que la société!

Cette sociabilité, cette propension à s'engager dans des discussions, cette envie de partager, de bidouiller et d'avancer collectivement sont sans doute parmi les éléments les plus marquants de ce hackmeeting, tant ils diffèrent de l'individualisme voire de l'isolement qui marquent souvent les cultures digitales plus au nord. Car outre les ateliers, débats et conférences, ce hackmeeting fut un forum informel permanent, se faisant le support d'échange de savoirs et de curiosités, d'enthousiasmes collectifs et de laptops partagés.  L'ambiance était à la rencontre et à la découverte, et si l'on pouvait trouver des gens occupés à coder isolément sur leur machine, la plupart des ordinateurs étaient entourés de groupes de gens collectivement. Et avec ou sans machine, le hackmeeting était aussi l'occasion de faire la fête - odeurs de hashich et vapeurs de bière, musique dansante et performances visuelles se succédant.

Un hackmeeting qui a témoigné de diverses manières de sa créativité, et pas seulement sur les écrans: grandes banderoles déployées sur la façade du squat pour annoncer l'événement, prôner l'utilisation de GNU/Linux (avec une belle reproduction de Tux, le pingouin-mascotte de Linux), ou dénoncer les nouvelles lois espagnoles sur la copie privée (LSSI); pochoirs, décos artisanales et autres signes Debian taillés dans le plastique des boîtiers de PC, ordinateurs montés dans des valises, etc.

ATELIERS

L'appel à Hack3ña était baptisé "call 4 nodes", au lieu du traditionnel "call for papers", dans l'idée de visibiliser la pluralité des interventions possibles, et de ne pas limiter les moments formels à de banales conférences ou exposés. Contrairement à nombre d'événements dont le contenu dépend (quasi)-exclusivement de prestigieux et coûteux-ses intervenant-e-s extérieur-e-s, l'accent a été mis sur l'initiative individuelle (et collective) des participant-e-s, qui ont proposé quantité d'ateliers - trop pour que tous puissent être réalisés pendant la durée de la rencontre - sur des thèmes et avec des formes diversifié-e-s: atelier de fabrication d'antennes pour des réseaux sans-fil autonomes, logiciels libres en langue basque, anatomie de virus et de vers, présentation d'un site de recherche scientifique collaboratif (Autonomia Situada) visant à libérer le savoir des griffes industrielles et des contraintes universitaires, atelier/discussion "hack the media", découverte des outils multimédia sous GNU/Linux (alternatives logicielles pour lire/enregistrer/éditer sons, images et vidéos), discussion à propos du réseau Indymedia par certain-e-s de ses acteurs et actrices réuni-e-s à l'occasion de ce hackmeeting, performance "are you a cyberpunk v2.0", présentation de la mini-distribution X-Evian (CD bootable basé sur Debian, permettant l'exécution d'un système GNU/Linux fonctionnel sans qu'aucune installation ne soit requise sur l'ordinateur, réalisé dans le but d'offrir un outil simple, flexible et multimédia aux militant-e-s), débat "propriété intellectuelle/propriété industrielle", démonstration de vidéo-mixing live et streamé via internet (grâce au logiciel libre "puredata" - `apt-get install pd` -, qui semble actuellement faire fureur dans certains hacklabs espagnols), tentative de visio-conférence avec un hackmeeting ayant lieu simultanément en Colombie (mais des problèmes de bande passante et de stabilité du lien internet ont rendu la chose difficile), présentation de techniques d'authentification sur les réseaux sans-fils, réflexion/discussion/préparation d'actions de résistance au WSIS (World Summit of Information Society - se tenant à Genève en décembre 2003, à l'occasion duquel/contre lequel sera organisé un hacklab à l'échelle européenne), entre autres projections vidéos et ateliers improvisés sur la cryptographie ou le noyau Linux 2.6.

Seul "invité" de ces 3 jours, Ricardo Dominguez de l'Electronic Disturbance Theatre (USA), venu présenter sa pratique de la désobéissance civile électronique et des manifestations en ligne, préconisant la recherche d'actions et de communications se plaçant sur le terrain du virtuel, la rue étant devenue trop prévisible et contrôlée par l'état policier.

Enfin, événement non négligeable de cette rencontre: la tenue le samedi soir, comme l'année passée, de l'édition espagnole des Big Brother Awards, événement international récompensant les plus hautes figures de la société sécuritaire, consacrant divers exploits en matière de fichage, de surveillance et autres manoeuvres de suppression des libertés.

HACKING THE STREETS

Vendredi en fin de journée, le bruit a couru dans l'assistance qu'une manifestation se préparait. Effectivement, en début de soirée, une foule d'une soixantaine de personnes s'est rassemblée devant le squat aux sons de sifflets, derrière deux grandes banderoles titrant "Hack your brain - okupa te mente | hack in dezagun" et "Reality Hacking - or el derrcha a experimentar libremente", mots clefs du Hack3ña, dont le logo représente un cerveau traversé par une flèche cassée, signe traditionnel des okupas (squats).

L'idée ainsi exprimée est de revendiquer le hack comme une posture politique, agissant contre la pensée dominante. En se réappropriant notre cerveau et en l'usant librement, indépendamment - ou contre – les contraintes imposées par la société, nous pouvons créer des espaces de réflexions, de pratiques, de vie autonomes, à la manière des expériences de squats autogérés menées depuis quelques dizaines d'années. La revendication de "reality hacking" va également dans ce sens, et tente de sortir le hack du strict domaine du virtuel, en le voyant comme une propension à la curiosité, à l'audace, à l'intelligence et à l'action, à mettre en oeuvre dans tous les aspects de la vie quotidienne.  Hacker, c'est ainsi utiliser et détourner les nouvelles technologies - mais pas seulement - pour réaliser une autre société!

Après quelques minutes de stationnement devant Gaztetze, le cortège s'est ébranlé, et a bruyamment parcouru quelques rues du centre-ville, au son de slogans pour les logiciels libres, contre les brevets logiciels (actuellement soumis à l'appréciation de la Commission Européenne), contre les lois sécuritaires bridant l'accès à l'information et un nouveau dispositif espagnol taxant la copie de CD (LSSI). Brève pause sur une place malgré le froid et discours au mégaphone, puis retour au hackmeeting après une petite demi-heure de manifestation.

L'année dernière déjà, la rencontre de Madrid avait inauguré le concept de "hack-manif" avec succès, concrétisant l'envie de mélanger cultures digitale et militante, et montrant que si l'informatique alternative peut apporter aux luttes sociales, les modes de contestation de ces dernières peuvent aussi être mises à profit dans le combat des logiciels libres! Enfin, une image inhabituelle et dynamisante: celle d'un membre d'asturiawireles.net levant son antenne sans-fil en l'air en scandant un slogan, comme le poing levé d'autres manifestant-e-s!

APT-GET INSTALL IT

On n'a pu manquer d'être frappé, en se baladant dans le hackmeeting, par l'omniprésence de Debian. Il y a fort à parier que 99% des machines présentes à la rencontre utilisaient Debian GNU/Linux comme système d'exploitation, avec quelques exceptions pour Gentoo GNU/Linux et divers dérivés de BSD, mais, quoi qu'il en soit, aucun Microsoft Windows à l'horizon.

Un choix de Debian considéré comme évident, et semblant faire partie intégrante du "mouvement": pour l'excellence technique de cette distribution, pour son respect scrupuleux de la philosophie des logiciels libres, et pour son indépendance, Debian étant la seule distribution majeure exclusivement réalisée par des bénévoles sans rémunération - au total plus de 1000 programmeurs/euses collaborant et s'organisant librement via internet - tandis que d'autres, comme Mandrake ou Red Hat Linux, sont désormais des sociétés commerciales côtées en bourse, faisant la course aux numéros de versions et aux clients.

Un parti-pris pour Debian marqué par la présence d'un apt-proxy sur le serveur (pour mutualiser le téléchargement de mises à jour depuis l'internet), par la vente de t-shirts Debian (à 7E) et autres badges, et souvent relayé par la conversation ("tu es sous Debian, bien sûr?"). Voilà un autre point commun avec les hackmeetings italiens - du moins celui de juin à Turin -, lors duquel, outre la présence de t-shirts "apt-get install anarchy", on pouvait flairer une motivation très debianiste.

L'HEURE DU BILAN

Le hackmeeting devait se terminer dimanche après-midi, après quelques ateliers, un dernier moment de repas et une assemblée "bilans et perspectives", suivie d'un grand ménage collectif. Sur l'ensemble des personnes présentes, force est de constater que pas mal sont parties avant cela, mais c'est néanmoins une soixantaine de personnes qui s'est retrouvée pour l'assemblée.

L'occasion d'évoquer les points positifs et négatifs de ces quelques jours passés, avec, parmi les regrets exprimés, une série de problèmes logistiques, comme l'exiguïté de la principale salle machines (qui était vraiment petite, ne permettant guère qu'à 30 personnes maximum de s'y installer), la saturation totale du dortoir et la difficulté à combattre le froid intense, malgré quelques gros chauffages de chantier. Mais aussi des réflexions concernant l'accessibilité de l'événement, qui n'a que difficilement permis aux non-initié-e-s que s'intégrer, et le souhait d'avoir à l'avenir des espaces de démonstration clairement délimités, ainsi que d'offrir la possibilité aux personnes locales d'amener leur machine pour y installer Debian en étant accompagnées.

S'en est suivi un gros débat sur l'endroit ou se déroulera le prochain hackmeeting, mais surtout, plusieurs interventions de femmes évoquant la disproportion du nombre d'hommes par rapport à elles, et constatant une concentration des savoirs les plus techniques par les mecs. En conséquence de quoi, plusieurs femmes ont proposé d'entamer une réflexion sur la visibilisation des femmes au sein des hackmeetings, l'une d'elles évoquant la possibilité d'ateliers d'échange de savoirs entre femmes. Au cours du hackmeeting, plusieurs filles avaient proposé, via affichage sur le programme mural, de se réunir autour de leur pratique des médias indépendants, de l'accès aux technologies et aux médias, et, avec un point d'interrogation, du cyberféminisme – rencontre qui semble avoir impulsé une volonté, au moins de leur côté, de prendre en considération la question du genre dans les pratiques informatiques dissidentes.

Enfin, il fut brièvement question d'une connexion possible entre le hackmeeting et deux autres projets existants, bien que mis en sommeil ces derniers temps: l'idée d'un "transnational hackmeeting" et le réseau "plug'n'politix". Le premier projet vient d'Italie, et, prenant acte de la culture particulière émergeant du mouvement des hackmeetings italiens et espagnols de ces dernières années, souhaite l'exporter pour en faire profiter d'autres pays dans lesquels de telles dynamiques n'existent pas. Simultanément, il s'agit de s'enrichir par l'échange avec d'autres contextes et expériences, mais aussi de réfléchir à la répression électronique et politique qui frappe l'Europe toute entière avec l'émergence tous azimuts de lois particulièrement liberticides (dans la lignée des LSQ et LSI françaises), et, peut-être, d'y faire face collectivement! Le second projet, "plug'n'politix", vise à la continuation d'un réseau d'échange entre divers cybercafés squattés, hacklabs et autres espaces publics expérimentant une hybridation entre le technique et le politique. La première rencontre a eu lieu à Zurich en octobre 2001, et une prochaine pourrait suivre dans les mois prochains.

Puis fin d'assemblée enthousiaste avec la promesse de continuer à discuter sur la liste et de se retrouver, au revoirs divers, et quelques groupes de gens s'affairant à nettoyer et démonter. Très vite, le lieu s'est vidé, et en fin de journée, le hackmeeting était terminé.

SO WHAT?

La "culture" des hackmeetings telle qu'elle se constitue depuis quelques années en Espagne et depuis 5 ans en Italie me semble particulièrement intéressante, en ce qu'elle matérialise l'articulation des dimensions techniques et politiques du hack et des logiciels libres, idées qui, quand elles ne sont pas carrément ignorées ou condamnées (par la mouvance "open-source", notamment), sont souvent plus théorisées que pratiquées. Au cours de ces dernières années s'est ainsi profilé un véritable "mouvement" qui semble s'inscrire dans la durée. Mais le hackmeeting est aussi le reflet d'une multiplicité d'initiatives locales, auxquelles il donne une visibilité et qu'il contribue à dynamiser par la mise en réseau avec d'autres initiatives similaires (à la suite des premiers hackmeetings, une dizaine de hacklabs se sont constitués dans toute l'Espagne!).  Et si l'intérêt du hackmeeting est d'exprimer une identité particulière et novatrice, il est aussi d'être un support à des pratiques collectives de sociabilité (informatisée ou non), d'échange et de collaboration, d'auto-organisation.

Néanmoins, certains éléments nettement moins enthousiasmants posent question. Les interventions de femmes lors de la réunion de clôture ont mis le doigt sur des réalités: l'inégale répartition des savoirs techniques et la sous-représentation des femmes dans le milieu. Ces constats ne sont certes pas spécifiques à l'Espagne, le milieu de l'informatique (alternative ou pas) demeurant incontestablement dominé par les hommes. Il est cependant frappant de constater combien les problématiques (cyber)féministes ont été absentes des questionnements mis en avant pendant cette rencontre là. Absence d'autant plus gênante que si l'accès à l'informatique est rendu difficile aux femmes par les rôles sociaux imposés en société (qui réservent majoritairement les filières scientifiques et l'usage des techniques aux hommes), il va de soi que l'exclusion des femmes dépend directement du comportements des hommes du milieu.  En tant que mecs anargeeks, hackeurs, militants, bidouilleurs ou simples utilisateurs, il urge de prendre conscience de la façon dont nous aussi contribuons à interdire aux femmes l'accès à ces passions. A commencer par comprendre, accepter et laisser de l'espace aux initiatives d'auto-organisation des femmes en ce domaine, comme celle des "genderchangers" à Amsterdam, qui organisent diverses formations techniques et ateliers par et pour des femmes - idée qu'on aussi émises des participantes à Hack3ña, à mettre en place la prochaine fois.

Un autre bémol concerne les réunions, qui se sont avérées plutôt chaotiques, et donc forcément inégalitaires, les uns coupant facilement la parole aux seconds, les autres entamant d'autres conversations, le tout créant parfois un capharnaüm obligeant certain-e-s à hausser le ton. Et si les assemblées se sont déroulées en parfaite amicalité, dans une atmosphère des plus décontractées, la spontanéité et la rapidité des échanges ont néanmoins bénéficié, comme toujours, à quelques experts de la parole, qui se sont souvent longuement exprimés, alors que d'autres ne se sont pas du tout manifesté-e-s. Or, la volonté égalitaire inhérente à ce type de manifestation devrait pousser à une réflexion sur les modes de discussion et les processus de décision! Une assemblée de 70 personnes ne peut permettre à la diversité des opinions de s'exprimer et à tou-te-s les individu-e-s de participer qu'en mettant en place des techniques de discussion: distribution de la parole, synthèse régulière par un-e modérateur/modératrice, division éventuelle en petits groupes pour permettre un confort d'expression avant synthèse des différents groupes de discussion, codes visuels pour signifier l'approbation, circulation des rôles de modération, etc. Ces diverses formes de débat ont été réfléchies, expérimentées et mises à profit par des collectifs libertaires depuis des années, et notamment lors d'événements internationaux (camp No Border de Strasbourg en juillet 2002) pour de grandes assemblées.

M'est avis que ces éléments manquants pourraient faire l'objet d'échanges intéressants dans le cadre d'un hackmeeting transnational, qui permettrait la rencontre de la tradition sociale commune à l'Italie et à l'Espagne qui dénote tant des contextes rencontrés habituellement, des acquis organisationnels d'autres collectifs européens qui me semblent correspondre à l'impératif d'horizontalité, et des expériences féministes menées par des collectifs informatiques de femmes (d'Allemagne, d'Angleterre et de Hollande, notamment) qui, je l'espère, pourraient faire avancer la prise de conscience et l'action sur ce sujet essentiel qui laisse tant à désirer.

En attendant, pas besoin d'événement pour mettre à profit les inspirations récoltées au contact de ce hackmeeting dans nos initiatives propres, et à créer des dynamiques d'échange autour des divers problèmes rencontrés!

Le 28/10/2003,

darkveggy@squat.net

LIENS

Hack3ña hackmeeting: http://sindominio.net/hackmeeting/

Photos et CR (en castillan): http://euskalherria.indymedia.org/fr/2003/10/10413.shtml

Infos sur "Gatzetxe": http://sindominio.net/poto/punkplona/hmg.html

Hackmeetings italiens: http://hackmeeting.org/

Hackmeetings espagnols (liste): http://sindominio.net/mailman/listinfo/hackmeeting

Wiki de Hack3ña: http://sindominio.net/hackmeeting/wiki/

Autonomia Situada: http://sindominio.net/autonomia_situada/

X-Evian: http://www.e-oss.net/x-evian/

Hackmeeting colombien: http://www.geocities.com/bogojaq03/bogojaq.htm

Ricardo Dominguez: http://www.thing.net/~rdom/

Big Brother Awards Espagne: http://www.bigbrotherawards-es.org/

Debian GNU/Linux: http://www.debian.org/

Transnational Hackmeeting: http://autistici.org/mailman/listinfo/thk

Plug'n'Politix: http://squat.net/pnp/

Genderchangers: http://genderchangers.org/

Zelig Conf: http://www.zelig.org/00_zeligconf

ZeligRC2: http://www.zelig.org/

No-Zelig: http://no-zelig.org/

PRINT: http://print.squat.net/

Blouk Blouk: http://bloukblouk.squat.net/

RDC (DGEDOR): http://rdc.squat.net/

GNU-Banquise: http://gnu-banquise.org/

Avataria: http://www.avataria.org/

Indymedia France: http://france.indymedia.org/

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d a r k v e g g y - gnupg key @ https://squat.net/darkveggy/gpg.asc