Extraits du GRAND DICTIONNAIRE UNIVERSEL DU XIXe SIÈCLE1

Pierre Larousse ; Paris, 1866

ANARCHIE S.f. (a-nar-chî - du gr. a priv. ; arché, commandement).État d'un peuple qui n'a plus de chef, plus d'autorité à laquelle il obéisse, où le pouvoir gouvernemental est entravé ou suspendu: Tomber dans L'ANARCHIE. Sortir de L’ANARCHIE. L'État était alors en proie à L'ANARCHIE. Nous étions alors en pleine ANARCHIE. L'égalité des possessions et des richesses entraîne une ANARCHIE universelle. (La Bruyère.) L'ANARCHIE, Sorte de chaos social, est destructive de tout ordre, de toute sécurité. (Portalis.) Il est plus facile d'ériger une république sans ANARCHIE qu'une monarchie sans despotisme. (Napoléon 1er) L'ANARCHIE ramène toujours au gouvernement absolu. (Napoléon ler.) En écrasant L'ANARCHIE, Bonaparte étouffa la liberté, et finit par perdre la sienne sur son dernier champ de bataille. (Châteaubriant.) Le but de la politique sera la liberté sans L'ANARCHIE, et l'ordre sans le despotisme. (Ch. de Rémus.) Le devoir sans le droit, c'est l'esclavage ; le droit sans le devoir. c'est L’ANARCHIE. (Lamennais.) Le despotisme est préférable de beaucoup à L'ANARCHIE. (Lamennais.) Les passions s'abandonnant à leurs caprices, c'est L'ANARCHIE. (Victor Cousin.) La seule ANARCHIE peut faire sentir l'absolu besoin de liberté absolue. (Colins.) Le pouvoir absolu n'est que L’ANARCHIE SOUS un autre nom. (Benjamin Constant.) L'ANARCHIE est le pire des états. (Dupin.) L’ANARCHIE n'éclate en bas que lorsqu'elle existe en haut ; L'ANARCHIE n'est dans la rue que lorsqu'elle est dans le pouvoir (E. de Gir.) Toute liberté qui mène à L'ANARCHIE ramène le despotisme. (E. de Gir.) L'ANARCHIE et la servitude sont deux fléaux vengeurs qui attendent, pour les punir, les fautes des rois ou les excès des peuples. (Lamartine.) La notion D'ANARCHIE, en politique, est tout aussi rationnelle et positive qu'aucune autre. (Proudhon.) Comme l'homme cherche la justice dans l'égalité, la société cherche l'ordre dans L'ANARCHIE. (Proudhon.) Tous les livres de politique renferment de violentes déclamations contre L'ANARCHIE. (J.-P. Pagès.) La tyrannie est pire que L'ANARCHIE, ou plutôt elle est une véritable ANARCHIE. (Gordon.) La dictature n'étouffe L'ANARCHIE qu'en accroissant l'arbitraire. (A. Billiard.) L’ANARCHIE la plus complète, tel a toujours été l'état politique de la race arabe. (Ernest Renan.) L’ANARCHIE en grondant a relevé sa tête. V. Hugo. La Hollande du joug en vain s'est affranchie Sa liberté lui pèse et touche à L'ANARCHIE. Lemierre.

- Par ext. Désordre, confusion : Colbert eut à réparer les maux qu'avait causés L'ANARCHIE des finances sous Mazarin. (Thom.) Il me faut, comme à l'univers, un Dieu qui me sauve du chaos et de L’ANARCHIE de mes idées. (Rivarol.) Il faut opposer un frein à L'ANARCHIE de la critique. (Fourier.)

- Iconol. On représente l'Anarchie sous la forme d'une femme dont toute l'attitude annonce la fureur ; ses yeux sont couverts d'un bandeau ; ses cheveux en désordre et ses vêtements déchirés ; elle foule aux pieds le livre de la loi et un faisceau de baguettes, symbole d'union ; d'une main elle brandit un poignard, et de l'autre une torche allumée ; à ses côtés gisent un sceptre brisé et un joug rompu ; le fond du tableau représente une lutte entre des citoyens armés de piques, et, plus loin, une ville incendiée.

- Encycl. L'anarchie est caractérisée par la division d'une société en fractions hostiles les unes aux autres, et par l'instabilité des pouvoirs publics conséquence de cette division. L'anarchie reconnaît deux causes principales: l'antagonisme des idées et l'antagonisme des intérêts ; il faut y joindre l'ambition des citoyens qui veulent s'emparer du pouvoir, l'imperfection des lois politiques, le défaut de cohésion d'un empire trop étendu, etc. L'anarchie est quelquefois, pour une nation, le prélude de la décadence et de la mort ; elle peut n'être qu'une crise transitoire produite par la transformation violente des institutions sociales. Dans l'ordre économique, l'anarchie, en diminuant, en détruisant la sécurité, tue le crédit, tarit les sources du travail, arrête la formation des capitaux ; dans l'ordre moral, elle obscurcit les notions du bien et du mal, du juste et de l'injuste, et trouble plus ou moins profondément la conscience publique. Du reste, c'est un état violent, qui ne peut durer et qui conduit naturellement au despotisme, d'une part en habituant les citoyens à l'absence de garanties et de barrières légales, de l'autre en faisant prévaloir sur le besoin de dignité le besoin de calme et de repos. L'anarchie tient une grande place dans l'histoire. C'est l'anarchie qui a amené la chute de l'empire fondé par Alexandre le Grand, et celle de la république romaine. L'histoire de notre pays nous offre le spectacle d'une anarchie pour ainsi dire chronique sous les rois de la première race, après Clovis ; sous ceux de la seconde, après Charlemagne ; sous ceux de la troisième, avant les croisades. Elle se montre à l'état aigu au temps de la jacquerie, de la démence de Charles VI, de la Ligue, de la Fronde. Elle creuse le tombeau où la Pologne est jetée vivante par l'ambition de ses voisins, et dont la pierre parait si difficile à soulever.

M. Proudhon a donné le nom, paradoxal en apparence, d'an-archie à une théorie sociale qui repose sur l'idée de contrat, substituée à celle d'autorité. Il faut bien comprendre que l'anarchie proudhonienne n'a rien de commun avec celle dont nous avons parlé plus haut, Sous ce nom, le célèbre penseur nous présente une organisation de la société où la politique se trouve absorbée dans l'économie sociale, et le gouvernement dans l'administration, où la justice commutative s'étendant à tous les faits sociaux et produisant toutes ses conséquences réalise l'ordre par la liberté même, et remplace complètement le régime féodal, gouvernemental, militaire, expression de la justice distributive. Les diverses catégories de services publics: culte, force publique, agriculture, commerce, industrie, travaux publics, enseignement, finances, constituant autant de fonctions indépendantes, centralisées de bas en haut et se gouvernant chacune par elle-même ; au sommet un grand jury, législature ou assemblée nationale, nommée directement par la totalité du pays, et chargée de vérifier les comptes, de faire les lois, de fixer le budget, de juger les différends entre ces administrations séparées; telle est la conception de M. Proudhon. "Ainsi, dit-il, le gouvernement n'existe plus, puisque par le progrès de leur séparation, les facultés qu'il rassemblait autrefois échappent à son initiative: de l'an-archie est sorti l'ordre."

Ainsi, aux yeux de M. Proudhon, l'an-archie est et doit être le modèle des gouvernements; l'initiative municipale remplaçant la centralisation. On a beaucoup ri de la théorie, et surtout du mot, qu'on ne comprenait pas, et nous penchons fort à croire qu'il en est de même de ces phrases fameuses, que M. Pelletan a qualifiées de coups de pistolets tirés dans la rue : "La propriété, c'est le vol. - Dieu, c'est le mal." Ajoutons que M. Proudhon, qui se distingue surtout par une grande originalité d'esprit, n'est peut-être pas fâché de tous ces quiproquos. C'est un de ces hommes qui éprouvent une certaine jouissance à avoir raison dans une forme hors de la portée du vulgaire. On se rappelle sans doute ce mot célèbre, jeté comme un défi à la Constituante, devant laquelle il développait, dans une orageuse séance, ses théories socialistes : "Ce que je dis là vous fait rire ; eh bien, ce qui vous fait rire vous tuera!" Ce rude Franc-Comtois est de la famille de Diogène : "Vous vous moquez de moi, disait le cynique, mais moi, je ne me sens pas moqué."

- B.-arts. Les peintres et les sculpteurs qui ont personnifié l'anarchie l'ont représentée le plus souvent sous la figure d'un serpent, d'un dragon vomissant du feu, quelque fois sous la forme d'une hydre aux têtes toujours renaissantes à mesure qu'elles sont coupées. Dans son Apothéose de Napoléon, M. Ingres s'est écarté de ce poncif académique ; il a donné à l'Anarchie une forme monstrueuse, mais qui tient par certains côtés de celle du démon traditionnel. A ce propos, M. Maxime Du Camp a écrit les lignes suivantes, qui s'appliquent parfaitement à certaines époques de l'histoire: "Nous sommes reconnaissant à M. Ingres de ne pas avoir peint l’Anarchie sous la forme consacrée d'une hydre ou d'un serpent. Mon Dieu! est-ce que depuis le temps qu'on la terrasse en littérature, en peinture et en sculpture, cette vieille Hydre de l'anarchie n'est pas morte encore ? Je ne sais, mais il me semble qu'on ne l'a jamais bien comprise. Elle est laide, j'en conviens de grand cœur; mais sa laideur ne serait-elle pas un masque ? Arrachons-le hardiment, et derrière nous trouverons peut-être le visage pâle, extatique et songeur de ce jeune homme éternel qu'on appelle le Progrès! Hélas! Galilée ne fut-il pas un anarchiste ? La société ressemble un peu à une femme: un jour, elle se déforme, son visage s'altère, sa santé s'épuise; de grandes douleurs se font en elle; elle crie, elle prie, elle se désespère; elle prend chacun à témoin de ses souffrances; elle croit qu'elle va mourir, et tout à coup elle met au monde un enfant vagissant qui la rend orgueilleuse, et qui peut-être plus tard sauvera l'humanité."

- Antonymes. Ordre, paix ou tranquillité publique.

ANARCHIQUE adj. ... Qui tient de l'anarchie, qui est livré à l'anarchie... - Qui favorise l'anarchie, qui excite à l'anarchie...

ANARCHIQUEMENT adv. ... D'une manière anarchique, sans autorité légitime: Vivre anarchiquement. Gouverner anarchiquement.

ANARCHISANT ... part. prés, du v. Anarchiser.

ANARCHISÉ ... part. pass. du v. Anarchiser. ANARCHISER v. a. ou tr. Néol. Jeter dans l'anarchie, pousser, exciter à l'anarchie: Les Girondins poussaient à l'émeute, les Jacobins ANARCHISAIENT l’armée. (Lamartine.)

ANARCHISME s. m. Système politique d'après lequel la société pourrait se gouverner sans gouvernement établi, ou du moins sans gouvernement central. - En mauvaise part, opinion des anarchistes : On continua de qualifier de bousingots les démocrates avancés et suspects D'ANARCHISME. (Fr. Wey.)

ANARCHISTE s.m. Partisan de l'anarchie, fauteur de troubles : Le parti des ANARCHISTES, des radicaux, des démagogues, des adulateurs de la multitude, bouleversait Athènes. (Lamartine.) Les vrais ANARCHISTES sont ceux qui sont impatients d'avoir toujours obéi, et qui sont incapables de commander (Lamartine.) De bonnes choses, dites par un ANARCHISTE, n'en sont pas moins de bonnes choses. (Colins.)

- Adjectivem.: Doctrines anarchistes. Il ne lisait que les journaux

ANARCHISTES. Dans ce demier sens, syn. d'anarchique. Passy, 20 août 1864.

Lettre à l'éditeur du Dictionnaire Larousse

"Monsieur, j'ai reçu par notre ami commun, M. D.... les sept livraisons de votre gigantesque dictionnaire; je possédais déjà la première. Je ne puis trop faire de vœux pour le succès de votre publication, et j'admire le courage, le dévouement à la science, de M. Larousse, qui n'a pas reculé devant une pareille entreprise. Depuis m'a convalescence, j'ai parcouru quelques-uns de vos articles, et je suis de plus en plus étonné de l'énorme masse de matière que vous rassemblez dans vos colonnes. J'apprendrais avec un vrai bonheur que vous trouvez le placement de ses fascicules; cela me prouverait une fois de plus que notre nation n'est pas morte; un peuple qui lit, qui se montre avide de science, qui la cherche sous toutes ses formes, n'a pas donné sa démission. J'ai lu les deux articles que vous m'avez recommandés, Abstention et Anarchie, et je vous remercie de la manière dont vous avez parlé de moi à cette occasion. Je regrette seulement de n'avoir pas été en mesure de m'expliquer moi-même au moment où vous les avez écrits. Sur l'abstention, j'aurais eu à vous dire quelque chose de plus positif et de plus décisif que ce que j'ai trouvé dans le dictionnaire. Quant à l'anarchie, sa rédaction m'en a paru plus exacte et meilleure. J'ai voulu, par ce mot, marquer le terme extrême du progrès politique. L'anarchie est, si je peux m'exprimer de la sorte, une forme de gouvernement, ou constitution, dans laquelle la conscience publique et privée, formée par le développement de la science et du droit, suffit seule au maintien de l'ordre et à la garantie de toutes les libertés, où, par conséquent, le principe d'autorité, les institutions de police, les moyens de prévention ou de répression, le fonctionnarisme, l'impôt, etc., se trouvent réduits à leur expression la plus simple; à plus forte raison, où les formes monarchiques, la haute centralisation, remplacées par les institutions fédératives, et les mœurs communales, disparaissent. Quand la vie politique et l'existence domestique seront identifiées ; quand par la solution des problèmes économiques, les intérêts sociaux et individuels seront en équilibre et solidaires, il est évident que, toute contrainte ayant disparu, nous serons en pleine liberté ou anarchie. La loi sociale s'accomplira d'elle-même, sans surveillance ni commandement, par la spontanéité universelle. Lorsque vous en serez venu aux articles Dieu et Propriété, je vous serai obligé de me prévenir Vous verrez par quelques mots d'explication qu'il y a autre chose que des paradoxes dans ces propositions: Dieu, c'est le mal, et La Propriété, c'est le vol, propositions dont je maintiens le sens littéral, sans que pour cela je songe à faire un crime de la foi en Dieu, pas plus qu'à abolir la Propriété".

Pierre-Joseph Proudhon

"... Que notre plume s'entoure d'un crêpe de deuil, car la faux aveugle a déjà frappé parmi nous; oh ! bien aveugle! puisque la tête qui a été abattue dans nos rangs dominait toutes les autres de cent coudées. Le plus hardi et le plus profond penseur du XIX, siècle, Pierre-Joseph Proudhon, par une lettre que nous avons rendue publique, nous annonçait en ces termes qu'il collaborerait au Grand Dictionnaire : "( ... ) Lorsque vous en serez venu aux articles Dieu et Propriété, je vous serai obligé de me prévenir. ( ... )" Ce vœu, en quelque sorte testamentaire, sera religieusement accompli. Oui, illustre philosophe, quand nous en serons à ces deux phrases si perfidement incomprises, et qui ont soulevé tant d'ennemis contre ta mémoire, toutes les ténèbres hypocritement accumulées tomberont."

Pierre Larousse, 20 décembre 1865

ANARCHISM2

Arthur Lehning

GENERAL PRINCIPLES. Anarchism is a social philosophy and a political doctrine based on the value of individual freedom. As such it is linked up with liberal and all other kinds of progressive ideas. Essential for anarchist thought, however, is the rejection of all coercive authority exercised by men over men. The Greek word an-archy must have meant absence of authority or government. The word "anarchy ", describing a stateless society, was for the first time used by Louis Armand de Lahontan in his Nouveaux Voyages dans I'amérique septentrionale (1703), describing the Indians living in a society without state, laws, prisons, priests, private society, in short, "an anarchy". Colloquially however, anarchy became identical with confusion and disorder. A wide diversity of anarchist views can be found in the work of philosophers, religious thinkers, writers, and poets throughout the ages; for example, in Diderot's "I don't wish either to give or to obey laws, " we have a short and perfect statement of the anarchist creed. Opposing Plato's "state communism", Zeno, the founder of the Stoa school, advocated a society without government. Laws should be abolished, since virtue and morality could only be achieved in liberty. As a general principle, anarchism advocates a society from which the coercive elements have been removed. Like anarchism, liberalism stemmed from the concern for freedom, and the wish to keep the activities of the state and the functions of government to a minimum. Anarchism, however, holds that liberal postulats are realizable only on the basis of the abolition of economic monopoly and the coercive institutions of political power because, while equality is still possible without liberty, there can be no liberty without social and economic equality ; "Liberty without socialism is privilege, injustice ; and socialism without liberty is slavery and brutality" (Bakunin). The liberal view of the "minimization" of the state, and its replacement by free federalist groups, was first expounded by Wilhelm von Humboldt in his treatise, Ideen zu einem Versuch, die Grenzen der Wirksainkeit des Staats zu bestimmen, written in 1792 and published in 1851 (English transl. The Sphere and Duties of Government, 1854). John Stuart Mill was influenced by this work in writing On Liberty (1859). Both works exposed the danger in democracy of the "tyranny of the majority", using principles very close to anarchist doctrine. Anarchism holds that there is no conflict or irreconciability between the rights of the individual and society. Sociologically anarchism is based on the distinction between state and society. As men continually are bound to work together for almost any purpose, their aims will be achieved more efficiently if the guiding principle is solidarity or "mutual aid ". The individual is not only a single entity, but his very existence presupposes also a collective relationship. Anarchism postulates that human potentialities, spontaneity, individuality, and initiative, buried in an authoritarian society and in a network of bureaucratic institutions, can be freed by de-institutionalizing society. Life-enhancing processes of society will be liberated with the passing of the domination of the state, which is regarded as a tumor on the body politic. The state, the supreme authority, with its machinery (the government) which carries more power than is required for administration - i.e. the "political surplus" should be abolished. Education has always played an important part in anarchist doctrines. Modern psychology and education, with its child-centered principle of self-education and self-discipline, has distinctive anarchist implications in this respect. In recent times new schools in criminology (especially in the USA; and partly in England and in the Netherlands) have advocated a change of attitude in judging delinquents and in recognizing their right to some form of deviant behavior, and to being regarded as equals instead of being made by authority to adapt to the actual dominant pattern. The aboliton of the punitive element in justice as well as the abolition of prisons as "seminars of vice" "where man comes out worse than he enters" (William Godwin), is gaining ground. The essence of the artist as a creative individual implies absolute freedom to realize his aesthetic aims, and suo ipso anarchistic thought, even if he is not aware of its theoretical basis. In our age, without abandoning its traditional aesthetic norms in art, this need for freedom becomes even more evident. Anarchism postulates that without coercion and stringent outside regulations everyone would have greater possibilities to develop his potential creative personality.

DIFFERENT TRENDS. Although different trends - anarcho-communism, indivdualism, collectivism, mutualism, and all the intermediate programs - can be distinguished, all anarchist schools of thought bave a fundamental conception in commun, viz. freedom of the individual, rejection of government, state, and all coercive institutions. These forms of anarchism are simply the ways considered best for achieving freedom and solidarity in economic life, the ways believed to correspond most closely with justice and freedom for the distribution of the means of production and the products of labor among men. It is the constant searching for a more secure guarantee of freedom which is the common factor among anarchists even when divided into different schools. "The achievement of the greatest measures of individualism is in direct ratio to the amount of communism that is possible; that is to say, a maximum of solidarity in order to enjoy a maximum of freedom (Malatesta, 1926). Bakunist anarchism was called in the late 1860's "collectivism". Anarcho-communism, rejecting the extreme of individualist anarchism, as a variation of collectivism, laid the emphasis on communist distribution and local and communal association. Developed mainly by Kropotkin since the end of the seventies, the communal form became the dominating trend of anarchism in the following decades. The anarcho-communists who regarded trade unions as instruments in the struggle for the economic and social improvement of the working class within the framework of existing society and as the means to carry out revolution and social reconstruction, called themselves anarcho-syndicalists. The ultimate goal of anarcho-syndicalism, identical with that of collective anarchism, is to raise the masses to independent management of production and distribution by the common action of all manual and intellectual working men of every branch in industry. Violence is not an essential part of anarchism. Neither is terrorism. Because of the spectacular attentats and outrages, connected with the names of Ravachol, Auguste Vaillant, Emile Henry, Sante Caserio, mainly in France (1891-1894) and of later syndicalist bombings, anarchism and terrorism became associated in the public mind. Their acts were usually retaliation for the persecution and repression by the government and they did not believe in any social organization by the working class, or in propaganda, and acted in a state of rebellion again society. However, their acts of rebellion were isolated, and the number of anarchists who took part in them was always very small. Most of the terrorists in modem times were not anarchists. Some anarchist currents, like Christian and Tolstoyan anarchism, reject all violence. Central to Leo Tolstoy's religious anarchism, derived from the Scriptures, is the rejection of the state and of all authority exercised by men over men, the denial of property, and the need for moral revolution by persuasion and example, as well as by experiments of communal living. Men should destroy the state by ceasing to cooperate with it, and by forming new social organizations and patterns of behavior. Refusal to obey, an essential principle of Tolstoy's teachings, influenced Gandhi in his principle of nonviolent noncooperation. Gandhi was inspired also by Henry David Thoreau's treatise On the Duty of Civil Disobedience (1849). These ideas of individual resistance can be summarized in the words of Etienne de la Bo6tie : "Resolve no longer to serve and you will be free". Anselme Bellegarrigue would write (1850): "There are no tyrants, there are only slaves". Noncooperation, nonretaliation, nonviolent resistance, war resistance, boycott, and direct action are applications all derived from these principles.

POLITICAL DOCTRINE. Anarchist thought exercised its main influence as a political doctrine. As such it is part of the history of socialist thought, of which it represents the libertarian and anti-Jacobin trend. Like socialism, anarchism is a product of the political and industrial revolutions. As a matter of fact the history of modem anarchist thought and anarchist movement is bound up since the middle of the nineteenth century with the history of the labor'movement. It is strongly influenced by Marxist ideas about the class struggle and the emphasis of the economic side of the emancipation of the laboring class. Anarchism - in contrast with Marxian theory - rejects the theory of the political organization of the labor class with a view to the conquest of the state. It rejects pressure through the mechanism of parliamentary parties as well as dictatorship in the period of revolution as instruments to achieve these ends. It objects to representative government and to parliamentary democracy because it denies that in a political sense one man should represent another, unless he is a delegate to represent a group in relation to a definite issue or form of activity, and is always subject to recall. Marx, and Engels too, defined anarchy as the final stage of socialism, i.e., a classless and stateless society. Anarchism however regards the Marxian theory of the inevitability of the historical economic process, leading to the conquest of power and subsequently the "withering away of the state" as fallacy and as utopian dialectics. Anarchism recognizes only regional differences and demands for every group the right of self-determination in solidarity with all other associations of an economic or territorial order. Federalism is an essential part of its doctrine. In place of the present state organization, anarchism would establish a federation of free communities which would be bound to one another by their common and social interests, and would arrange their affairs by mutual agreement and free contract.


1 Extrait du bulletin n° 57, mars 2001, du Centre International de Recherches sur l'Anarchisme (CIRA), Lausanne, Suisse.

2 Extract from the DICTIONARY OF THE HISTORY OF THE IDEAS, New York, 1972