La question de l'organisation révolutionnaire anarchiste

Position du Groupe Anarchiste Émile-Henry

--adoptée le 30 mai 1999 révisée le 13 mai 2001--

Les anarchistes s'opposent à l'autoritarisme autant par principe que par nécessité. Nous croyons que la seule voie de libération humaine réside dans l'auto-organisation et l'autogestion de l'activité révolutionnaire des classes populaires, que ce soit par le biais d'un système de conseils, ou de tout autres moyens qui sortiront de la fertile imagination révolutionnaire populaire. Nous défendons l'organisation et l'activité autonomes des participantEs dans toutes les luttes.

 

Le rôle de l'organisation révolutionnaire anarchiste

Nous ne rejetons pas l'organisation politique au profit d'organisations populaires qui se suffiraient à elles-mêmes. Nous croyons plutôt que les organisations libertaires sont nécessaires, ne serait ce que pour mener la bataille des idées. Ce que nous rejetons, c'est la vision du "parti-politique-guide-des-masses", vision qui réduit l'idée de révolution à la prise de pouvoir autoritaire par un parti centralisé croyant agir au nom des dites masses. Nous savons aujourd'hui que cette vision mène à des dictatures sanglantes qui n'ont rien à voir avec le socialisme.

Son but n'étant pas la prise du pouvoir, l'organisation anarchiste n'est donc ni un parti, ni une avant-garde autoproclamée, mais une minorité agissante au sein des classes populaires. Elle entend servir de pôle de ralliement libertaire et être partie prenante du combat théorique et pratique contre toutes les idéologies autoritaires. Il s'agit d'abord et avant tout d'une force de proposition qui tente de rallier les gens, par l'exemple et la suggestion, à ces points de vues politiques.

Le Groupe Anarchiste Émile-Henry est depuis longtemps partisan de la formation d'une organisation révolutionnaire anarchiste. Il a donc joint ses forces à d'autres militantEs communistes libertaires pour fonder la Fédération des anarcho-communistes du nord-est (NEFAC). Puisque toute période révolutionnaire doit être précédée par des organisations capables de rallier les gens à l'alternative libertaire et aux méthodes anarchistes, nous croyons qu'une organisation anarchiste forte et surtout présente dans les luttes est nécessaire. Entendons nous bien, cependant, nous ne croyons pas que NEFAC soit, à l'heure actuelle, une telle organisation (mais nous y travaillons !).

 

Principes organisationnels de base

À notre avis, pour être efficace, toute organisation politique doit appliquer un certain nombre de principes de base. Nous en avons dégagé quatre : l'unité théorique, l'unité tactique, la responsabilité collective et, évidement, la démocratie directe.

Le communisme libertaire, que nous prônons, est un ensemble de propositions théoriques et tactiques formant un projet politique cohérent que les anarchistes veulent mettre en pratique et qui, donc, a besoin d'être formulé en un programme déterminé. De plus, pour être efficace et réussir à convaincre les gens de la justesse de notre programme, celui-ci doit être commun à l'ensemble de notre organisation. Il constitue notre unité théorique.

Mais un programme commun ne suffit pas. En effet, pour l'appliquer, il faut employer les moyens adaptés à sa réalisation. Nous croyons que ces moyens ne sont pas arbitraires ; ils sont déterminés par le but à atteindre et les circonstances de la lutte. Le choix des tactiques à employer n'est pas neutre et sans conséquences, d'après nous, il découle du but que l'on se fixe et c'est pourquoi nous choisissons l'unité tactique.

La pratique nous montre que la conséquence logique de ces principes organisationnels est la responsabilité collective. Si nous acceptons collectivement des positions politiques et une ligne d'action déterminée, c'est pour que chaque membre l'applique dans son travail politique. De plus, en nous entendant sur un travail à faire et une façon de le faire, nous devenons responsables, les uns envers les autres, de son exécution. La responsabilité collective, finalement, n'est rien d'autre que la méthode collective d'action.

 

Fonctionnement interne

Pour son fonctionnement, l'organisation anarchiste adopte les principes de la démocratie directe et du fédéralisme. C'est-à-dire que toutes les décisions sont prises après épuisement du débat lors d'assemblées générales souveraines ou de congrès (par vote à majorité simple quand c'est nécessaire, par consensus le reste du temps).

Toutes les décisions prises en assemblée générale sont finales, immédiatement applicables et lient les membres. Seule une nouvelle assemblée générale peut renverser une décision ainsi prise. Toutes les règles de fonctionnement de l'organisation sont adoptées en assemblée générale et s'appliquent donc à tous.

Cependant, les anarchistes savent pertinemment que la présence d'une majorité et d'une minorité ne signifie nullement que la majorité ait raison. C'est pourquoi toute organisation anarchiste devrait prévoir des mécanismes permettant à une minorité, tout en étant quand même liée aux décisions prises par l'organisation, de défendre son point de vue à l'intérieur de l'organisation même si il a été battu en congrès ou en assemblée générale. Dans tous les cas, une organisation anarchiste doit être un milieu où le sectarisme est découragé et le dialogue encouragé, un milieu où règne une atmosphère de " franche et saine camaraderie ".

Toutes les tâches permanentes au sein de l'organisation anarchiste sont de nature purement exécutive, sont soumises à un mandat clair et les camarades qui s'en chargent sont révocables en tout temps. Les mêmes règles s'appliquent aux délégations. Sans en faire une règle de fonctionnement stricte, le Groupe Anarchiste Émile-Henry est généralement favorable à la rotation des tâches.

Quand elle le juge nécessaire, l'organisation anarchiste peut également créer des comités de travail et mandater des camarades pour la réalisation de projets spécifiques. Ces comités sont soumis aux mêmes règles que les postes permanents et les délégations.

 

Le Groupe Anarchiste Émile-Henry

Le Groupe Anarchiste Émile-Henry n'est encore qu'un groupe d'affinité anarchiste et il y a beaucoup de chemin à faire, selon nous, avant de voir émerger au Québec le type d'organisation révolutionnaire que nous préconisons. Notre groupe est composé de militantEs de la région de Québec provenant de divers mouvements de résistance et s'identifiant à la tradition communiste libertaire dans l'anarchisme. Depuis notre formation, il y a trois ans, nous nous appuyons sur un certain nombre de principes.

Comme communistes libertaires, nous luttons pour une société sans classe et non-hiérarchique. Nous envisageons une fédération internationale de communautés et de lieux de travail radicalement démocratiques et autogérés. Pour atteindre cette société, il faudra abolir le salariat et socialiser toutes les industries, les moyens de production et de distribution. Nous rejetons la division du travail qui condamne un individu à une vie d'activités restreintes pour les seules fins de l'économie de marchandise. L'abolition des marchés et de la valeur d'échange permettra la satisfaction des besoins humains en adhérant au principe communiste : " de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ".

Nous croyons que la seule façon d'y arriver est une révolution sociale, politique et culturelle où les classes opprimées mènent la lutte jusqu'au bout, renversent la civilisation bourgeoise et abolissent le capitalisme, l'État et le patriarcat. Une telle perspective de rupture radicale ne pourra émerger, selon nous, que de mouvements sociaux. C'est pourquoi nous prônons la radicalisation de toutes les luttes (du latin " radix ", c'est-à-dire " racine ", radicaliser signifie aller aux racines des problèmes).

Par le biais de cette radicalisation et de notre engagement dans les divers mouvements de résistance auxquels nous participons en tant que communistes libertaires, nous voulons aider au développement d'une conscience de classe autonome, seul garde-fou contre les récupérations politiques de diverses tendances (incluant une éventuelle récupération par un courant anarchiste).

Conséquemment, notre activité s'organise autour de trois axes: l'étude et le développement théorique, l'agitation et la propagande anarchiste, et l'intervention dans la lutte des classes soit de façon autonome soit par le biais de notre présence active dans les mouvements sociaux. C'est là l'embryon de notre unité tactique, les grands traits de la ligne de conduite que nous nous sommes tracée.