Une approche du mouvement libertaire juif1

d'après un texte de Jean-Marc Izrine

Il convient de rappeler une page singulière de l'histoire de l'humanité, menacée de tomber peu à peu dans l'oubli : le mouvement anarchiste juif. Voici un rapide aperçu d'un mouvement qui exerça une influence méconnue sur les luttes politiques menées à son époque.

Aussi bien dans le monde occidental que dans les pays du marxisme triomphant, l'historiographie officielle voulut faire sombrer les mouvements libertaires dans l'oubli. A fortiori lorsque ceux-ci étaient juifs, phénomène qui peut même paraître aujourd'hui invraisemblable. Le sionisme a aggravé encore cet oubli, en dotant les Juifs d'une histoire officielle, qui généralement atténue dans la mémoire collective le passé des révolutionnaires juifs, et particulièrement celui des anarchistes. Or, les Juifs furent nombreux parmi les anarchistes. Ils étaient pour l'essentiel ashkénazes, originaires d'Europe Orientale. A dire vrai, l'engagement des Juifs se fit dans le sein du mouvement révolutionnaire général, plutôt que sous une bannière nationale.

A la fin du XIXème siècle et au début du XXème, les anarchistes étaient la principale composante révolutionnaire en Europe occidentale et aux États-Unis, et les anarchistes juifs étaient particulièrement actifs. C'est que les conditions de vie économiques, sociales et culturelles des masses juives poussaient celles-ci vers la révolution. En effet, dans l'Europe Orientale ils étaient pratiquement en voie de clochardisation, alors que dans les pays d'émigration ils se trouvaient dans une situation d'extrême pauvreté.

Pour finir, l'antijudaïsme et l'antisémitisme les cantonnèrent dans les marges de la société, les incitant à un repli identitaire - ou à la révolte.

Les conditions de l'engagement libertaire

Il est à noter que le mouvement anarchiste naquit d'abord en Occident et non dans la "zone de résidence" russe, où pourtant la présence des Juifs était massive - et leur pauvreté extrême. A cela, quelques raisons possibles :

- La Révolution Française, qui déclara les Juifs de France libres et égaux en droit aux autres citoyens, et les incita à participer activement à la vie publique ;

- La Commune de Paris : à cette époque Montmartre et le Marais rassemblaient déjà un prolétariat juif significatif. Des révolutionnaires issus de ce milieu, à l'issue de l'expérience parisienne, lancèrent les premiers clubs ouvriers en Angleterre et en France ; par rebondissement d'autres les imitèrent aux États-Unis et jusqu'en Argentine. Ces clubs ouvriers servirent de support au développement de l'anarcho-syndicalisme.

- La fin du XIXème siècle vit le mouvement libertaire prendre de l'ampleur. Des passerelles se créèrent entre des figures du mouvement libertaire juif et ceux des pays d'accueil, en particulier avec les Allemands réfugiés politiques, dont la langue se rapprochait du yiddish. L'attachement sentimental à la Russie les rapprocha aussi des radicaux russes, tels que Kropotkine, dont le charisme fut certain dans leur milieu.

- L'engagement des libertaires dans l'affaire Dreyfus eut certainement en France un rôle important. Ainsi, la création de sections CGT dans l'habillement ne fut pas le fait du hasard.

Paris et Londres furent les plaques tournantes de la propagande et de la formation militante des révolutionnaires, souvent en transit, car le but ultime pour beaucoup de Juifs était l'Amérique. Cependant, l'attachement à la Russie restait profond, et des échanges se poursuivirent. Des brochures de propagande partaient vers les militants restés ou repartis en Europe Orientale. Et les émigrés furent toujours partagés entre la nostalgie de la "Mère Russie" et leur nouvelle vie.

Quelques caractéristiques des anarchistes juifs

En Europe Orientale, le yiddish fut leur principal vecteur de communication. Les conditions misérables dans lesquels ils vivaient leur donna un sentiment d'appartenance à la classe des exploités ; il s'y ajoutait la marginalisation due à l'antisémitisme. Leur mouvement fut animé par des travailleurs semi-intellectuels. La plupart sont passées en effet dans les écoles religieuses et avaient donc un niveau scolaire relativementavancé. Leurs idées les éloignant ensuite de la religion, ils se retrouvèrent déclassés et rejoignirent le prolétariat juif.

En Occident, le gros du prolétariat juif fut employé dans l'habillement, dans les métiers de sous-traitance. Ce fut le "sweating système" [1] : de petits patrons juifs exploitaient les derniers arrivants dans des conditions extrêmes. Ils travaillaient dans des taudis pour des salaires de misère, de l'aube au soir. Louise Michel parla de l'East End de Londres comme du "cloaque de l'humanité".

Dans les deux régions, l'anarcho-syndicalisme eut une implantation importante dans le prolétariat juif, même s'il revêtit des réalités différentes suivant les pays. Le discours idéologique fut très présent. L'antiélectoralisme, l'antimilitarisme en furent le fer de lance.

Le rapport à la religion

Un libertaire du XXIème siècle pourrait s'étonner du rôle que put jouer pour ces hommes la religion de leurs pères. Il faut se souvenir du fait qu'elle était un facteur important dans la société dont ils étaient issus. Elle joua d'ailleurs de manière contradictoire :

- L'aspect messianique de libération fut souvent valorisé (la sortie d'Egypte, la révolte des frères Machabée). C'est que la formation de ces révolutionnaires ayant été faite dans les yéshivas, leur langage faisait souvent appel aux références religieuses. Leur fort anticléricalisme fut rythmé par le calendrier religieux : bals anti-Yom Kippour, manifestations devant les synagogues…

- La haine de la religion fut forte ; il faut rappeler que dans la zone de résidence russe, les Juifs subissaient une terreur mystique de la part des religieux intégristes. En revanche, la démocratie occidentale leur permit de s'en affranchir.

- On peut rappeler la collaboration qui fut reprochée aux rabbins avec les pouvoirs locaux et la bourgeoisie juive, source de fréquents conflits. Cependant, cette haine fut aussi la cause d'une perte d'influence dans les pays d'accueil, car une partie du petit prolétariat restait attaché aux traditions religieuses et se lassa de la propagande outrancière des révolutionnaires. Ces phénomènes ne furent d'ailleurs pas limités aux milieux juifs, ils étaient dans l'air du temps. Faut-il rappeler, par exemple, que Sébastien Faure sortit de chez les jésuites, ou que les frères Reclus avaient un père pasteur ?

- La religion eut des effets différents suivant les pays. Si l'exposé ci-dessus peut s'appliquer pour l'ensemble des Juifs issus de la zone de résidence, il y a un particularisme chez ceux d'Europe Centrale, notamment en Allemagne. Ici, les Juifs furent souvent d'origine bourgeoise, leurs familles étaient en voie d'assimilation. La rupture se faisait alors en liaison avec une revendication identitaire fondée sur la religion, avec l'ajout d'un désir de soutien au camp des exploités. Ce furent souvent des intellectuels appelés anarchistes messianistes. Le Français Bernard Lazare pourrait être classé dans cette catégorie.

Mourir les armes à la main...

Autre fait qui bouscule les a priori : de nombreux Juifs prirent les armes pour défendre l'idéal de la liberté universelle. Tous ne se laissèrent pas tuer comme des moutons, victimes des pogroms ou, plus tard, dans les camps de la mort.

Pourtant, s'armer dans ce milieu n'était pas facile. Emma Goldman raconte dans ses souvenirs qu'elle tenta de se prostituer pour pouvoir acheter le pistolet dont Alexandre Berkman devait se servir pour tuer un patron de la métallurgie, coupable d'avoir réprimé brutalement une grève. Le terroriste écopa d'ailleurs de 15 ans de prison.

L'histoire de Simon Radowitski, qui attenta aux jours d'un préfet à Buenos Aires, fut aussi terrible, et se termina par 15 ans de bagne à Ushuaïa.

Rappelons que parmi les anarcho-erroristes russes de 1905 la moitié furent des Juifs, que quelques années plus tard, c'est l'anarchiste Samuel Schwatzbard qui assassina à Paris le pogromiste ukrainien Pétlioura [2], qu'il y eu une section de canonniers juifs dans "l'armée noire" de Nestor Makno, "armée" anarchiste en Ukraine durant la guerre civile.

Quelques années plus tard, lors de la Guerre d'Espagne, tous les engagés volontaires juifs des Brigades Internationales ne furent pas des communistes. C'est Karl Einstein, neveu du grand physicien, qui prononça l'éloge funèbre de Durutti à Barcelone en 1936, en tant que membre de la colonne du nom du célèbre militant anarcho-syndicaliste.

La presse et les écrits

Il y eut une profusion de titres de journaux et de revues d'expression anarchiste. On en compta des dizaines dans le monde entier. Cependant, en Europe Orientale cette presse fut éphémère à cause de la répression tsariste. Aussi c'est d'Occident que venait principalement la propagande.

Le Freie Arbeiter Stimme dura 100 ans, le tirage atteignant jusqu'à 12 000 exemplaires. Germinal et l'Arbeiter Freind, journaux à la fois politiques et culturels, se vendaient à plusieurs milliers d'exemplaires et rayonnaient à travers le monde.

En Argentine, la FORA (organisation des anarcho-syndicalistes argentins) ouvrit une page en yiddish dans son journal national. En France dans les années 1960 La Libre Pensée tirait encore à 1 000 exemplaires.

Le mouvement libertaire des décennies passées laissa aussi un testament littéraire important et diversifié. Par exemple David Edelstat et Moris Rosenfeld, qui écrivirent de nombreux poèmes exprimant la misère populaire. Ernst Tollers était connu comme un dramaturge important. Gustave Landauer théorisa l'anarchisme, Bernard Lazare, Martin Buber expliquèrent le messianisme juif. Chaoul Yanovsky et Josef Cohen furent de brillants journalistes et polémistes.

Certains survivants de la révolution Russe laissèrent une analyse historique perspicace de la prise de pouvoir par les bolcheviques, la description du vécu du peuple russe durant la période révolutionnaire et les débuts de la contre révolution bolchevique a de quoi à faire pâlir les historiens de la droite libérale actuelle : les écrits humanistes de Gorelik, Berkman, Goldman, ou de Voline expriment une critique révolutionnaire du centralisme autoritaire et s'inscrivent dans une aspiration de libération collective et communiste des individus.

Alexandre Berkman laissa un souvenir émouvant de sa vie dans les prisons américaines, et son amie Emma Goldman retraça sa vie de militante féministe, de libertaire dans "l'Epopée d'une anarchiste", avec la passion qui caractérisa toute sa vie.

L'un des plus beaux écrits sur la guerre d'Espagne est un livre écrit par Kaminsky, Ceux de Barcelone. Ce livre est l'équivalent libertaire de "l'Espoir" de Malraux ou du film "Land and Freedom" de Ken Loach. Ce même auteur écrivit aussi une biographie de Bakounine, ainsi que le premier pamphlet contre Céline ("Céline en chemise brune", ed. Mille et une nuit).

L'implantation par pays

Dans l'Occident, l'Angleterre fut le bastion du mouvement anarchiste ; il y fut hégémonique jusqu'en 1914. Son mouvement syndical restera autonome par rapport au TUC. Or, il faut rappeler qu'il y eut plus de juifs parmi les anarchistes dans ce pays qu'il n'y eut de Britanniques.

En France, ils entrent dans la CGT. Ils furent à l'initiative du seul meeting tenu dans le milieu juif immigré lors de l'affaire Dreyfus. Ils furent présents dans le théâtre, constituèrent des cercles de débats, ouvrirent des bibliothèques. La préfecture de police recensa 450 anarcho-communistes en 1907 à Paris, pour une communauté estimée à 20 000 personnes. La proportion est importante.

Aux États-Unis, ils intégrèrent les syndicats réformistes ou rejoignent les IWW, organisation syndicaliste révolutionnaire créé en 1905. Des groupes s'implantèrent dans plusieurs villes et une fédération anarchiste de langue yiddish vit le jour. L'Argentine, comme l'Uruguay, eurent une présence anarchiste juive attestée. Les sections de l'AIT (FORA et FORU) publièrent des manifestes et des textes en yiddish.

En Europe Orientale, ils devaient affronter la répression féroce organisée par l'absolutisme tsariste, ce qui les obligeait à la clandestinité. Les militants furent souvent de très jeunes gens peu aguerris ; la presse et le matériel de propagande venaient de l'étranger. Cependant, une imprimerie clandestine tint quelques semaines à Bialystok. Les réunions politiques se faisaient souvent, comme pour d'autres mouvements révolutionnaires, à l'extérieur des bourgs, dans les bois et les forêts. La violence était très importante. Lors des manifestations dans les villes, les anarchistes défilaient habillés de noir, sous des drapeaux noirs. Ils jouèrent un rôle important lors des insurrections, autant en 1905 qu'en 1917. Beaucoup donnèrent leur vie en combattant aussi bien les blancs que les bolcheviques.

A la périphérie de la zone de résidence, les libertaires juifs furent présents en Bulgarie, en Roumanie et jusqu'à Thessalonique, où on nota même quelques foyers libertaires d'origine séfarade. La personnalité la plus connue parmi eux fut Alcalay, qui participa à la révolution espagnole en tant qu'instituteur, aidé par sa connaissance du judéo-espagnol. En Boukovine, David Stetner raconte que dans les années 30 un groupe d'une centaine de personnes se réunissait dans une clairière pour y lire des textes libertaires. >

Le cas particulier de l'Europe centrale : Ici, la plupart des anarchistes juifs furent issus de la bourgeoisie locale. Ils furent en rupture avec l'assimilation prônée par leurs parents. Ils se forgèrent une personnalité particulière en théorisant le côté messianique du judaïsme, tout en se référant à la lutte de classes. Si l'Allemagne fut la principale référence, il exista aussi une variante en Yiddish à Vienne, et un groupe à Prague dans lequel le jeune Kafka fit quelques apparitions. Le Français Bernard Lazare se trouva dans le même genre de configuration.

Certains eurent un destin tragique. Landauer fut assassiné lors de la répression des conseils ouvriers de Bavière. Les nazis continuèrent le travail, soit directement, par exemple avec Musham, qui périt assassiné dans une latrine du camp d'Orienbourg en 1933, ou bien indirectement : Tollers se suicida à New York, Karl Einstein et Walter Benjamin en firent de même au pied des Pyrénées. Pierre Rasmus mourut dans des conditions étranges sur un bateau qui l'emmenait en Amérique.

Là où on ne les attendait pas...

Ils se solidarisèrent avec une révolution qui ne les concernait pas directement : l'Espagne libertaire de 36. Certains s'engagèrent directement sur le terrain dans les rangs anarcho-syndicalistes de la CNT et la FAI, d'autres organisèrent dans leurs pays respectifs la solidarité financière ou médicale, et l'envoi de matériel.

Les libertaires juifs furent aussi passionnés par l'éducation. Les revues qu'ils éditaient incluaient de la poésie, des romans littéraires, de l'initiation aux mathématiques ou à la physique. Des écoles libres furent créées dans les communautés autogérées. La plus fameuse fut l'école Francisco Ferrer, qui appliquait les méthodes de ce pédagogue libertaire espagnol. Il y eu des colonies autogérées aux États-Unis, telle la colonie de Stanton dans l'Est du pays, qui comprenait notamment un petit atelier et un service de bus. Un atelier autogéré de tailleurs fonctionna à Paris après la Deuxième Guerre mondiale. Par la suite, certains investirent des kibboutzim en Israël.

Le rapport aux "goïm" libertaires

Quelques figures de nonJuifs marquèrent profondément le mouvement libertaire juif. En voici quelques exemples :

- L'Américaine Voltayrine de Clerc, qui fit de l'alphabétisation dans ce milieu d'immigration.

- L'Allemand Johan Most fut la référence idéologique des Américains.

- Rudolf Rocker, lui aussi d'origine allemande, fut l'animateur du mouvement en Angleterre. Il structura l'agitation politique, les mouvements de grève, apprit le yiddish et s'occupa - entre autre – des revues "Germinal" et" Arbeiter Freind". Sa compagne, Millie Wilcop, était d'origine juive. Les Juifs anglais non libertaires le respectaient et le considéraient comme une sorte de Messie ; ce qui est quelque peu paradoxal pour un Goy... Il écrivit un livre qui n'existe qu'en version anglaise ou espagnole : "Nationalisme et culture", qui devrait être une référence alternative aux guerres ethniques dans le monde. Son expérience au sein de l'East End londonien lui donna cette faculté d'analyse des problèmes ethniques d'un point de vue libertaire.

- Louise Michel, le Français Sébastien Faure, l'italien Malatesta eurent l'occasion de fréquenter les anarchistes juifs.

En retour, certains Juifs ont eu une influence sur le mouvement libertaire général ; les Juifs américains aidèrent à structurer le mouvement aux États-Unis ; en Angleterre ils furent à l'origine de l'acquisition d'un immeuble pour créer un local de propagande et de culture à Londres. Parmi les individus à remarquer, une femme, Maria Korn, alias Marie Isidine ou Goldsmith fut l'une des principales animatrices de l'organisation étudiante française ESRI.

Toutefois, le plus extraordinaire cas se trouve en Chine, : le grand poète libertaire chinois Pa Kin posa son regard sur le judaïsme. Il se dit étonné, au travers des lectures qu'il put se procurer sur la Russie, d'apprendre qu'il pouvait y avoir des juifs capitalistes ou rabbins, car la seule référence du judaïsme qu'il connaissait était le groupe anarchiste juif de Paris. Dans son livre "Rêve en mer" il raconta l'histoire de Samuel Schwarzbard qu'il traduisit en chinois par "Barbe Blanche".

Identité nationale

La question identitaire se posa aux anarchistes juifs de trois manières :

- Ceux qui se considérèrent comme des internationalistes et dont la référence principale fut l'attachement à la classe des exploités ;

- Ceux qui privilégièrent l'identité au travers de la langue et de la culture, et des conditions particulières de l'exploitation au sein des communautés. Ici, l'appartenance identitaire fut reconnue comme une partie intégrante parmi d'autres au sein de l'internationale des peuples exploités.

- Enfin, la tentation du sionisme révolutionnaire initié par Mose Hess et Bernard Lazare prit toute son importance du fait que les sociétés occidentales ne purent (et l'affaire Dreyfus en fournit une preuve classique) éradiquer l'antisémitisme. Le pogrom de Kichinev laissa aussi dans les mémoires un traumatisme important. La Shoah finit de faire basculer une grande partie du mouvement vers l'espoir d'un foyer national en terre d'Israël. La mystification du kibboutz communiste finit de parfaire la justification idéologique.

Qu'en reste-t-il aujourd'hui ?

Si le "Freie Abeiter Stime" continua de paraître à New York jusque en 1981, le mouvement spécifique s'essouffla dès avant la Deuxième Guerre mondiale. Après la guerre, des groupes continuèrent d'exister, mais ils étaient bien amoindris. Cette courbe descendante est à inscrire dans le cadre du déclin anarchiste en général, ainsi que de l'extermination des juifs d'Europe centrale et orientale par les nazis. Et il ne fait pas de doute que dans les pays de l'Est, parce que juifs et parce qu'anarchistes, les rares survivants ont dû faire face à la répression communiste stalinienne.

Quelques figures sont cependant dans la lignée directe de ce mouvement, surtout aux EtatUnis. Tel l'universitaire Paul Avrich ou l'écologiste Murray Boukchin, ou encore le linguiste Noam Chomsky.

En France, la fédération anarchiste édita en 1980 deux numéros de "Schwartz Fohne". En Israel quelques militants sont regroupés dans le mouvement des Kiboutzim et dans les universités, mais tout ceci reste très marginal.

Cependant, avec la chute du communisme autoritaire, des Juifs s'impliquent de nouveau dans les courants libertaires. Ceux là sont souvent issus du mouvement social dans lequel ils s'engagèrent, mais l'identité yiddish y est inexistante, d'autant plus que plusieurs d'entre eux ont des origines séfarades.

NOTES

[1] De l'anglais "to sweat" : suer, désigne un système d'exploitation à outrance des travailleurs

[2] La LICRA fut alors créée pour soutenir Schwatzbard lors de son procès.


1 Texte repris du site internet de la CNT-AIT : http://www.cnt-ait.info/article.php3?id_article=622. Diffusé par A-Infos.