Mécanismes de la manipulation de masse1

la pub, les médias, les politiques : LA MANIPULATION2

 

À la veille de la bataille d'Azincourt, Shakespeare fait dire à son héros, le roi Henry V, "Tout est prêt si nos esprits le sont". Six siècles plus tard, nous n'en finissons pas de redécouvrir les méfaits du conditionnement. Les experts de la manipulation, les spécialistes de la propagande, les artistes de l'intoxication ne sont pas nés d'hier ils existent depuis la naissance du pouvoir.

Certains intellectuels font semblant, de temps à autre, de découvrir que les médias sont des chiens de garde, que les thèmes sécuritaires ont contribué à la lepénisation des esprits ou que le capitalisme est une horreur. Forts de ces découvertes tardives, ils s'ingénient à calquer quelques néologismes sur des concepts anciens. Nous n'en avons pas fini avec leur "ultralibéralisme", leur "mondialisation". Cette façon de nous expliquer le monde satisfait leur ego mais surtout développe, chez le dénommé "citoyen", une forte amnésie (puisque tout est neuf) et participe ainsi à la mystification. De l'aube de la tyrannie à nos jours, on n'observe qu'une différence d'échelle dans la manipulation politique, le conditionnement des troupes ou l'utilisation des ressorts de la psychologie de masses. La radio, la télé, Internet, ont permis, à des niveaux de plus en plus importants, la propagation du savoir mais également son inverse : la diffusion du mensonge d'État. Pour discerner entre l'un et l'autre, l'individu, en dernier recours, ne possède que son esprit critique. Pour s'exercer dans des conditions convenables cet esprit critique doit s'appuyer sur la mémoire, l'expérience qui permet la comparaison des faits, mais aussi la sérénité, qui donne le recul vis à vis de l'actualité. C'est pourquoi les idéologues du pouvoir ont deux objectifs : dénaturer ou détruire la mémoire collective et troubler les esprits. L'actualité nous montre que l'oubli et la peur sont les instruments du pouvoir.

TECHNIQUES DE L' AMNÉSIE

1) Dénaturation de l'histoire

Tout débat social ou politique se constitue à partir de réminiscences historiques. A tort ou à raison ces bribes du passé constituent des arguments pour les différentes parties. Le pouvoir ne peut donc pas toujours oublier l'histoire. Il va lui donner le sens qui l'intéresse. Il peut utiliser une référence historique forte et chargée d'émotion pour la plaquer sur l'actualité, hors de son contexte. Le but recherché est d'engendrer l'émoi pour éviter la réflexion. Le slogan "No pasaran !" est attribué à la députée hyper-stalinienne Dolores Ibarruri, dite la Pasionaria. Il avait déjà à l'époque une connotation passionnelle, destinée à pousser le mouvement populaire espagnol vers la défense de la république bourgeoise plutôt que vers la révolution sociale. Dans le Monde du 27 avril 2002, Miguel del Castillo fait justice de l'incongruité, en avril 2002, de ce mot d'ordre asséné par des militants peu pointilleux, repris par les médias et répété à foison "S'il est difficile d'imposer un devoir d'intelligence, écrit-il à ce propos, rien n'oblige à féliciter la niaiserie". Niaiserie, la comparaison de la guerre civile espagnole avec le psychodrame de l'entre deux tours de la présidentielle française ? Oui, certainement, mais niaiserie fort utile au pouvoir ; puisqu'elle a contribué au score abradacabrantesque de Jacques Chirac.

Autre technique, celle qui consiste à rappeler un épisode historique sorti de sa continuité. C'est le cas de la comparaison avec la situation de l'Allemagne des années 30. Les biens pensants attribuent aux abstentionnistes de ce pays la montée des voix nazis. Mais pour expliquer le pourquoi du fort taux d'abstention, il aurait fallu en revenir au massacre quelques années plus tôt des révolutionnaires allemands par les socialistes Noske, Scheidemann et compagnie. Évidemment, les médias dominants occultent ce paragraphe et ne donnent du roman que le chapitre qui les intéresse. Enfin, la répétition à outrance d'une analyse historique arbitraire transforme les thuriféraires de l'urne en modernes Bouvard et Pécuchet, qui, parmi leurs idées reçues développent le parallèle entre le droit de vote et les acquis sociaux. Qu'en est-il ? Le suffrage universel apparaît en France en 1792 lors de l'élection de la Convention Nationale. Il y a 90 % d'abstentions ! Nonobstant, la révolution suit son cours. Les mesures les plus avancées sont prises en 1793, sous l'impulsion du mouvement sectionnaire parisien, qui constitue un embryon de démocratie directe. Puis, le suffrage universel disparaît de la scène politique française pour réapparaître en mai 1848 avec l'élection d'une Assemblée Constituante. La première "oeuvre" de cette Assemblée est de massacrer des ouvriers parisiens révoltés en juin 1848 (4000 morts). Si personne en France n'est mort pour le droit de vote, contrairement à ce qu'on entend régulièrement, il est plus juste de spécifier qu'un bon nombre de révolutionnaires ont été assassinés avec la caution de ce droit de vote. Enfin rappelons que les conquêtes de 1936 n'ont pas été obtenues grâce au gouvernement de Blum, contrairement à une autre idée reçue, mais parce qu'un mois de grève, avec occupation d'usine, ont poussé l'État et le patronat à des concessions. Il ne vient à personne l'idée de dire que si le salaire minimum a été augmenté de 35 % en juin 1968 c'est grâce à De Gaulle. Les accords de Grenelle furent le résultat de la pression des luttes de Mai et Juin 1968.

2) Du négationnisme

Moins subtil que les techniques qui dénaturent les événements, le négationnisme consiste purement et simplement à nier le réel, à nier l'histoire immédiate, celle pour laquelle il existe parfois encore des témoins oculaires. Ainsi a-t-on pu voir nier, à des fins partisanes, l'existence des camps de la mort pour nier le génocide des juifs et des tsiganes en Europe. Si cet épisode du négationnisme est célèbre, d'autres exemples existent qui montrent que cette technique (définie par Goebbels par "Plus c'est gros mieux ça passe",) a encore des adeptes. La thèse du président du Réseau Voltaire appartient à cette catégorie. Meyssan, par ailleurs expert en droit de l'homme auprès de la Commission pour la Sécurité et la Coopération en Europe, nie qu'un avion se soit écrasé contre le Pentagone le 11 septembre 01, pour lui ce serait un missile, tiré par les militaires américains eux mêmes, qui se serait écrasé contre l'édifice. Pour "preuve" il réfute des centaines de témoignages visuels, qui seraient arbitraires puisqu'émanant d'américains, et s'appuie sur des documents photographiques diffusés par le Pentagone sur Internet. Ce genre de procédé pourrait prêter à rire s'il ne trouvait un large écho parmi la population. Il y eu à Toulouse, après l'explosion d'AZF, des rumeurs qui niaient ainsi l'explosion accidentelle de l'usine pour l'attribuer à une attaque terroriste (ou, pour les plus frapadingues, martienne). Cette prédisposition des foules à croire l'incroyable est un atout dans les mains des négationnistes et des manipulateurs de tous poils. Parmi ces manipulateurs on trouve, les services de renseignements des états. Un des premiers internautes à mettre en doute la réalité des attentats du 11 septembre n'est rien de moins qu'un haut fonctionnaire des RG (Renseignements Généraux, police politique française). Le 18 septembre 02, sur son site Internet, il déclare "Comment peut-on trouver simultanément 19 kamikazes ?... que l'on trouve par-ci par-là, un, deux ou trois kamikazes, comme en Palestine, O.K., mais à ce point là, sûrement pas". En Palestine il y a eu depuis cette date des centaines de kamikazes. Simple manque de perspicacité de la part de ce responsable des renseignements français ? Plus loin nous lisons chez le même auteur "Que faisait un photographe avec un appareil au pied de la tour à ce moment là ? Il avait une intuition faramineuse" [1]. Ainsi, les touristes, photographes et cameraman amateurs, "prouvent" le complot par leur présence d'esprit, car, c'est sous entendue, elle est préméditée. A l'inverse, il n'y a pas de touriste qui photographie l'avion du Pentagone ? Dans ce cas, l'absence d'images prouve le complot...

Pourquoi donc de hauts responsables du Renseignement s'évertuent-ils à nier des faits réels ? Le pouvoir politique, qui s'appuie sur la peur et la soumission des masses, ne peut exploiter cette soumission que si lui même donne une impression de force. C'est toute l'histoire de la féodalité et du servage.

CULTURE DE LA SOUMISSION

1) Apprentissage de la peur

L'omniprésence du pouvoir spirituel ou temporel est une réponse à la peur de la mort et à l'angoisse devant les risques du quotidien. L'état a tout intérêt à cultiver ces sentiments dans la collectivité qu'il domine pour justifier son oppression. Tour à tour, et en fonction des civilisations, prêtres, nobles et bourgeois ont assuré ce rôle intéressé de protection et d'assistance.

Il y a quelques années un hebdomadaire se définissait ainsi "Le poids des mots, le choc des photos". C'est bien de ça qu'il s'agit. L'information est moins cachée qu'utilisée dans un sens principal décrire un monde sauvage, violent, devant lequel l'individu doit se sentir impuissant, devant lequel il doit trembler et supplier les hommes forts, les financiers, les guerriers et les politiciens qui dirigent le monde, de le défendre.

Le téléspectateur est pris à la gorge devant l'image d'une personne agressée, d'un lieu dévasté. On joue sur la réaction primale et instinctive, la télé de sa place privilégiée et centrale envoie un message fort, il est reçu par un individu isolé. La télé puis l'isoloir. Rien qui permette la confrontation, le débat, l'échange ; et rien qui, quelque part, permette de prendre conscience de la force collective. On a peur de l'insécurité vue à la télé d'abord puis de Le Pen ensuite, vu à la télé, la genèse de cette peur est identique. Télérama titre "Abstention piège à cons", d'autres antifascistes réclament l'interdiction de l'abstention, sans se douter du caractère dictatorial de leur revendication. Alors, résultante du choc reçu seul et en direct, voilà les solitudes qui s'additionnent et se laissent prendre en main dans un spectacle organisé par les RG ici, par le PS et le petit Besançennot là-bas. Les manifestations massives de l'entre deux tours des présidentielles 2002 sont des manifestations massives de solitudes additionnées. D'amples cortèges d'individus si bien conditionnés dans leur impuissance qu'ils ne prennent pas même conscience de leur propre force collective. Le pouvoir se frotte les mains : voilà qu'on le réclame, voilà qu'on le supplie à corps et à cris, et mieux que tout à travers une symbolique autrefois contestataire, savamment retournée en sa faveur. La manifestation de rue et ses calicots deviennent une procession à la gloire des puissants. Tout est prêt si les esprits le sont. Contre ceux qui osent parler de s'abstenir c'est la réprobation générale argumentée par l'histoire dénaturée. Dans la grande tradition des hommes forts, la soumission à Chirac va de soi, comme allait de soi les pleins pouvoirs à Pétain et à Papon, comme allait de soi l'élection de Thiers, le fusilleur des Communards. Ceux-là ne se justifient que par la force que l'on leur prête.

2) Exhibition de la force

A l'instar du "barrage" chiraquien contre le fascisme, l'Europe se veut une forteresse derrière Bush et l'état américain, rempart du bien contre le mal. Du sens figuré au sens propre, de la muraille de Chine à celle de Cisjordanie, en passant par le mur de Berlin et la ligne Maginot, l'histoire est pleine de ces aberrations stratégiques destinées à convaincre l'opinion publique. Ce discours et ce comportement de châtelains vont permettre d'exercer l'exploitation en coupe réglée de la population mondiale. Ces contraintes, subies par les populations, sont la rançon des privilèges obtenus par leurs dirigeants. Ces privilèges ne se justifient que par l'existence d'un adversaire qui fasse suffisamment peur et, également, par la force et l'efficacité des nouveaux féodaux si chèrement entretenues par le contribuable et les travailleurs. Cette force là est un fardeau qui veut qu'on l'entretienne au prix de la sueur et des larmes.

Pour l'administration américaine les attentats du 11 septembre se transforment en aubaine à deux conditions. D'abord, qu'ils puissent justifier des guerres à venir, sous prétexte de lutter contre le terrorisme ; ensuite, que l'armée puisse continuer d'inspirer la crainte, et non le ridicule.

En effet, l'adversaire, forcément sanguinaire est tout aussi forcément sournois et lâche, mais il ne saurait en aucune manière être plus fort que le rempart qui prétend nous défendre, d'autant que ce rempart est un gouffre budgétaire (les CIA, FBI, NSA et autres, coûtent l'énorme somme de 30 milliards de dollars par an). Or, le 11 septembre 2001 les fautes grossières des services de renseignements américains sautent aux yeux, mêmes à ceux d'Alexandre Adler. C'est tout dire. Pour ces fautes, il réclame en direct l'exécution du directeur de la CIA. Rien que ça. L'effondrement des tours pourrait devenir ce que fût l'écroulement du mur de Berlin pour le STASI et le KGB. C'est ici que l'art du retournement de situation devient indispensable.

Mieux vaut dans ce cas brouiller les pistes, et plutôt que pour des imbéciles et des incapables, passer pour des méchants. "Une inclination aujourd'hui répandue conduit ainsi à imaginer aux bévues les plus flagrantes des services secrets des justifications magistrales quand elles n'ont pour cause qu'une très réelle niaiserie" [2]. Des services de renseignements pris à leurs propres pièges, ce n'est pas nouveau. Ainsi il est arrivé à l'armée française, pendant la guerre d'Algérie, d'armer des maquis FLN en croyant monter des contre maquis. Mais dans le cas présent, l'erreur est encore plus lourde de conséquences. Alors, il faut retourner le sens de l'effondrement des tours, qui est celui de la quintessence de la sottise militariste, pour lui donner un sens différent : "Nous avons les services de renseignements les plus machiavéliques et les plus cruels du monde" ce qui, sommes toutes, sonne mieux que ceci : "En guise d'espions ; nous avons les crétins les plus coûteux de la planète".

Quoiqu'il en soit, grâce à ce retournement de perspective, à ce jour, la principale victime politique du 11 septembre, ce n'est ni un général ni un des chefs du renseignement, c'est le présentateur vedette d'une grande chaîne américaine, démissionné ce mois de juin. La faute de Bill Maer ? Avoir reçu, le 17 septembre 2001, un invité qui affirmait qu'il n'était pas approprié de traiter les kamikazes de lâches et lui avoir répondu en affirmant : "C'est nous les américains qui sommes des lâches, qui lançons sans risque des missiles contre les populations civiles". On ne saurait impunément désigner en ces termes, sauf à ce que s'écroule l'édifice du pouvoir, l'armée qui protège le monde de la grande menace...

NOTES

[1] "L'effroyable mensonge, thèses et fou-taises sur les attentats du 11 septembre", de Dassuié et Guisnel , éditions La Découverte, 2002.

[2] "L'orchestre rouge" G Perraut, 1971.

Petit traité de manipulation3

 

Un peu d'argent, un gros service, beaucoup d'argent… Comment s'y prendre ? Vous pouvez exercer votre pouvoir, ou tenter de convaincre. Mais peut-être êtes-vous chétif et peu éloquent. Il ne vous reste plus qu'une solution : la manipulation. Deux chercheurs de l'université de Grenoble mettent à cet effet quelques techniques à votre disposition. L'un d'eux, Jean-Léon Beauvois, nous offre ici un aperçu de leur théorie, et soulève par là-même des questions troublantes sur la liberté, la responsabilité ou la démocratie.

La base de votre théorie sur la manipulation, c'est en quelque sorte un phénomène de persévérance qui nous caractériserait tous un peu…

Voilà. Il s'agit en fait d'un phénomène relativement simple : en s'engageant dans une décision et dans un acte, on aura tendance à persévérer dans cette décision, et à agir en conséquence. C'est d'ailleurs une valeur perçue comme étant tout à fait noble. Le fait d'assumer ses décisions, de ne pas rebrousser chemin, d'aller jusqu'au bout de ce qu'on a commencé : ce sont des notions qui sont perçues comme étant très positives.

Vous expliquez par ailleurs qu'on associe de manière erronée la personnalité et les comportements…

Cela conduit en effet à une foule de biais et d'erreurs. On a décrit de nombreuses erreurs qui sont liées à notre inaptitude à dissocier un comportement de la personne qui le réalise. On pense que le comportement d'une personne va nous permettre de déduire sa personnalité. C'est faux. Le seul endroit où les gens se comportent effectivement conformément à leurs opinions, c'est l'isoloir. C'est un rêve l'isoloir ! L'isoloir, il vous met seul en face de vous-même. Alors effectivement, avouez qu'il faudrait être couillon de ne pas voter Le Pen si vous pensez que c'est le meilleur. Mais mettez ce type qui vient de voter Le Pen dans le bus, juste à côté de quelqu'un qui se met à tenir un discours politique, vous verrez qu'il n'est plus autant pour Le Pen. Notre comportement a une rationalité qui vient des autres, de la situation dans laquelle on se trouve, etc. et pas seulement de "nous". En fait, il y a une logique comportementale, et Robert Joule et moi-même, nous pensons plutôt que les opinions, les idées, et les motivations sont une espèce de croûte qui recouvre ça et qui affecte plus ou moins ces comportements. Ainsi, on peut arriver à faire en sorte que des personnes aient des comportements totalement opposés à leurs opinions ou à leurs croyances.

Il suffit de regarder toutes les expériences qu'on a pu faire sur le phénomène d'obéissance. Quand ils obéissent, les gens ont des comportements qui peuvent aller à l'encontre de leurs opinions ou de leurs valeurs. Mais l'obéissance est un cas extrême. Je pense que dans la vie quotidienne, on peut facilement amener les gens à faire des choses qui ne correspondent pas à leurs motivations et à leurs attitudes. Et donc à les manipuler.

Vous faites la liste d'une sorte de "techniques" de manipulation. La première est celle de "l'amorçage"…

Ce que nous appelons l'amorçage, c'est le fait de demander à quelqu'un de prendre une première décision alors qu'il n'a pas toutes les informations en main. Et lorsqu'on lui communique ces informations, on constate qu'il va avoir tendance à persévérer dans cette décision, alors que s'il avait eu toutes les informations dès le début, il n'aurait pas pris cette première décision. Au contraire, il maintiendra cette décision, alors que les informations qu'on lui communique après la décision devraient le conduire à renoncer.

Par exemple ?

Il y a des tas d'exemples : "Est-ce que tu peux aller faire quelques courses pour moi ?" "Oui." "Bon, alors tu me prends ça, tu me prends ci, ça et ça…" et c'est parti pour la matinée. On demande d'abord un service, mais on ne dit de quoi il s'agit qu'après que l'autre ait accepté.

En fait, vous décrivez un phénomène que nous pratiquons tous sans que ce soit une stratégie consciente et systématique…

Absolument. Nous n'avons pas cherché des choses très compliquées. Nous avons cherché à ne montrer que des procédés qui sont vraiment banals et qu'on réalise spontanément dans toute sorte de relation.

Mais j'imagine qu'une fois que ça a été théorisé, c'est ensuite utilisé dans le marketing et ce genre de chose…

Bien sûr, il y a des commerciaux qui apprennent ça. Je ne suis pas sûr que tous les commerciaux aient la théorie de ce qu'ils pratiquent, mais c'est un des principaux domaines où les stratégies de manipulation sont utilisées de manière délibérée. Mais j'insiste là-dessus : c'est utilisé de manière non systématique dans pratiquement l'ensemble des relations de pouvoir : parents, chefs, pédagogues…

Vous parlez aussi de "pied dans la porte"…

Je précise d'abord que, quelle que soit la technique, dans tous les cas, il y a un comportement préalable qui en produit d'autres. Dans l'amorçage, la première décision implique la seconde : la décision est déjà prise. Par contre, avec le pied dans la porte, ce n'est pas la même décision. Par exemple, dans la rue, je vous demande de me donner l'heure. C'est un premier acte que, généralement, on accepte volontiers. Je vous demande ensuite deux francs pour téléphoner. Eh bien, la probabilité que vous me donniez ces deux francs est plus importante que si je vous avais abordé directement en vous demandant deux francs. La spécificité, c'est que les deux actes sont de même nature : ici, il s'agit d'apporter une aide à quelqu'un. Et on constate que généralement, si un acte peu coûteux est émis, la probabilité d'émettre un acte plus coûteux un peu après est plus importante. L'expérience la plus célèbre dans ce domaine, c'est celle des panneaux publicitaires. On a demandé à des ménagères américaines si elles acceptaient qu'on installe dans leur jardin un panneau publicitaire de 2 mètres sur 3 en faveur de la prévention routière. La grande majorité a refusé. Par contre, on a refait l'expérience avec d'autres ménagères américaines, mais cette fois-ci, on leur demandait si elles acceptaient de mettre un petit autocollant en faveur de la prévention sur leur pare-brise, ce que la plupart acceptaient. Quelques temps plus tard, on venait leur demander si elles acceptaient de mettre un gros panneau publicitaire dans leur jardin, et la proportion de celles qui acceptaient était bien plus importante.

C'est un peu plus surprenant comme phénomène…

Et pourtant, c'est une technique très efficace. Et ce qui peut paraître le plus étrange a priori, c'est qu'il n'est pas nécessaire que ce soit la même personne qui fasse les deux requêtes. En fait, c'est beaucoup plus une relation entre la personne et son acte qu'une relation interpersonnelle. En s'engageant dans un acte (signer une pétition par exemple), on aura plus de chances de s'engager dans d'autres actes allant dans le même sens, mais des actes plus coûteux (par exemple aller distribuer des tracts toute une après-midi).

La troisième catégorie, c'est celle de "la porte au nez"…

Là c'est un peu plus compliqué. En fait elle est tout aussi simple à décrire, mais le problème, c'est qu'on ne comprend pas vraiment ce qu'il y a derrière. Tout ce qu'on sait, c'est que ça marche. Il s'agit de demander à une personne quelque chose d'exorbitant qui sera à coup sûr refusé. On prend acte du refus, et on demande ensuite quelque chose de plus raisonnable. Et cette deuxième chose a plus de chances d'être acceptée que si on l'avait demandée directement. On ne comprend pas vraiment les raisons, mais pour le coup, il s'agirait plutôt d'une question de rapport qui s'instaure entre les deux personnes.

Parmi ces trois procédés, certains sont-ils plus utilisés que d'autres ?

Je crois que la porte au nez ne peut être utilisée que lorsqu'on y a réfléchi. Ce n'est pas quelque choses d'aussi spontané que l'amorçage. De fait l'amorçage me paraît plus utilisé dans la vie de tous les jours. Le plus classique, c'est "Tu peux me rendre un service ?" La personne aura tendance à dire oui, sans savoir ce qu'est exactement ce service. C'est un amorçage qu'on fait tout à fait spontanément. Par contre, le pied dans la porte est plus utilisé à des fins professionnelles. ça relève plus du marchandage et de la négociation : commencer par demander un petit truc et augmenter progressivement.

Il y a un autre élément, très important, c'est le sentiment de liberté…

C'est d'ailleurs une notion essentielle de la psychologie sociale. Je vais vous résumer ça en deux points. Tout d'abord, la liberté telle qu'on la constate dans nos recherches n'est pas productrice d'actes nouveaux : les gens qu'on déclare libres se comportent comme les gens qu'on ne déclare pas libres. Quand on dit à des gens : "Vous êtes libres", ils le croient, mais ça ne les conduit pas à refuser de faire ce qu'on leur demande. En tout cas, pas plus que si on leur disait qu'ils n'avaient pas le choix. Le deuxième point, c'est que le fait d'avoir été déclaré libre vous conduit à fonctionner autrement dans votre tête et dans vos comportements.

Autrement ?

Imaginez que je vous fasse faire une tâche particulièrement fastidieuse. Si je vous dis : "Si tu ne veux pas la faire, tu as le droit. C'est ton problème." Ça ne vous conduira pas à refuser. En tout cas pas plus que si je ne vous l'avais pas dit. Par contre, dans la tête, ça va vous conduire à trouver cette tâche plus intéressante. Tout simplement parce qu'on vous a déclaré libre.

Pourquoi ?

Parce qu'on a du mal à supporter l'idée qu'on accepte de son plein gré de faire quelque chose de chiant ! Du coup, on est obligé de trouver ça moins chiant que ça ne l'est en réalité. C'est dans la tête que ça se passe, mais ça peut bien sûr amener à des changements de comportement. Si on trouve ça moins chiant, on sera plus amené à le refaire, à accepter d'autres choses du même type, etc. Alors que si vous n'êtes pas déclaré libre, vous vous arrêterez dès que vous en aurez l'occasion.

C'est terrible…

Oui. Parce que c'est une certaine vue de la liberté qui n'est pas la liberté. Ça peut conduire à un usage de la liberté où on peut enfermer les gens dans ce qu'on veut qu'ils fassent. Cette théorie que je suis en train d'expliquer n'est pas des plus sympathiques.

Ça nous renvoie peut-être tous un peu à des choses qu'on préfère ne pas savoir…

Je pense un peu. Parce que souvent, on a l'impression que si on s'en prend à la liberté, on s'en prend à la démocratie. Or, notre propos, à Robert Joule et à moi-même, ce n'est pas de nous en prendre à la démocratie. Au contraire, nous disons qu'il faut essayer d'éviter certaines perversions de la démocratie actuelle.

Ça amène aussi de grosses questions sur la notion de responsabilité…

Tout à fait. Je ne veux pas faire de philosophie, parce que ce n'est pas mon domaine, mais je suis personnellement convaincu que la seule liberté dont on dispose, ce n'est pas celle de dire Oui, c'est celle de dire Non. D'ailleurs, c'est généralement les gens qui lâchent la brouette qui sont considérés comme des gens libres. Ce n'est pas ceux qui disent : "Oui, je veux bien faire ça." Or, tout notre système repose sur l'idée que "ce que j'ai voulu faire, c'est ce que je fais." Et je trouve que c'est parfaitement piégeant. Bien sûr, je ne voudrais pas vivre dans un système totalitaire. Mais un système totalitaire, ça dure cinquante ans… le nôtre, il est parti pour durer trois cent ans… Je ne suis pourtant pas sûr qu'il vaille 19 sur 20. Si les autres valaient 2 sur 20, nous on vaut peut-être 6 sur 20. On pourrait faire mieux quand même…

Ça va très loin en fait. Vous expliquez par exemple que lorsqu'on est amené à avoir un comportement dit "problématique" en ayant été déclaré libre, suite à une manipulation par exemple, on va en fait plutôt changer ses opinions et ses idées… C'est assez hallucinant comme concept.

Oui, on peut se boucher les yeux, mais je n'ai pas cette doctrine là. Je pense que même si ça nous montre avec les mains dans les poubelles, il faut qu'on accepte de se voir comme ça. Je vous donne un exemple : on a fait passer un sondage d'opinion à des étudiants. On leur demande s'ils sont pour ou contre la douleur humaine administrée à des fins scientifiques. Ils sont massivement contre : ce sont des gens bien. Deux mois après, dans le cadre de leurs études, ils vont dans un laboratoire où on leur demande d'administrer des chocs de 100 volts à un pauvre bougre qui fait des erreurs dans un apprentissage. C'est très connu ce truc là, c'est une reprise du paradigme de Milgram (sur la soumission à l'autorité, notamment repris dans le film I comme Icare). Bref, on leur demande ça. Mais on ne dit pas les mêmes choses à tout le monde. On fait de la gonflette psychologique à certains d'entre eux : on leur dit qu'ils sont formidables de participer à ces tests, que c'est vraiment des gens remarquables. Les autres, on leur dit qu'ils ne sont pas mûrs, pas faits pour être des leaders, un peu des pauvres mecs quoi. L'autre manipulation, c'est qu'on a dit à certains qu'ils étaient libres de faire ce qu'ils voulaient, et qu'aux autres, on ne leur dit rien. On a donc en tout quatre cas de figure : libre/pas libre et remarquable/pauvre mec. Eh bien, les résultats montrent que dans tous les cas, presque tout le monde accepte : on a près de 100 % d'acceptation (97-98%). Tout ça chez des gens bien, qui étaient tous contre l'administration de douleur à des fins scientifiques ! Mais bon, l'objet du test, c'était en fait de déterminer la stigmatisation de la victime (celui qui reçoit les chocs électriques). Est-ce qu'ils vont dire : "Le pauvre, c'est pourtant un brave type" ou au contraire "il l'a bien mérité, c'est un pauvre con" ? Quels sont ceux qui stigmatisent le plus la victime ? Ceux qu'on a déclaré libres et qui ont eu droit à de la gonflette psychologique. Ils sont obligés de justifier et de rationaliser leurs actes. Et dans ce cas, ça passe par la stigmatisation de la victime.

Parce qu'autrement, on ne pourrait pas vivre avec son acte ?

Voilà. On pourrait vivre avec si on se doutait qu'on n'a pas été si libre que ça… Et pourtant cette recherche, elle est vieille comme la lune : elle date de 1964. Mais aujourd'hui on ne pourrait plus la faire, à cause de "l'étharchie". Ce que j'appelle l'étharchie, c'est les gens qui causent de l'éthique. Les étharques sont des gens qui sont de profonds démocrates… donc ils se ferment les yeux. Là j'exagère un petit peu, parce qu'en France on est encore protégé. Mais aux États-unis, on ne pourrait plus. C'est pas ethically correct. Et du coup, il y a de plus en plus de chercheurs français qui se joignent à l'ethically correct. Vous savez que les chercheurs français ont ça de particulièrement couillon qu'ils veulent tout faire comme les Américains.

Y'a pas que les chercheurs !

C'est vrai, mais dans la recherche, c'est particulièrement sclérosant. Et je suis convaincu que l'ethically correct va se mondialiser comme le politically correct s'est mondialisé.

Et quelque part, ça, c'est au service de cette idée : "Vous êtes libres mais en même temps…"

… mais en même temps vous ne faites que ce qui montre qu'on a raison de vous faire considérer que vous êtes libres ! Parce qu'en étant libres, vous vous conformez.

Vous dites par contre que d'un autre côté, l'engagement dans une conduite " non problématique " stabilise et amplifie ce type de conduite à l'avenir…

Mais ce coup-ci, ça va dans le sens des opinions, des idées, etc. Toutefois, ça peut amener à se radicaliser dans ses actions et ses opinions, à être plus militant.

Ce que vous dites là peut faire penser à ce qui s'est passé avec l'OTAN ces derniers mois…

Ah, là, il y a de l'escalade d'engagement ! Ça, c'est encore autre chose. Ça se rapproche un peu de l'amorçage par le fait qu'un engagement est pris et qu'il est difficile de se désengager. Ça a d'ailleurs été particulièrement étudié avec Johnson et la guerre du Vietnam. La conclusion qui en a été tirée, c'est qu'il faut changer la personne qui prend les décisions pour rompre l'escalade. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé. Il a fallu que Nixon arrive pour arrêter la guerre. C'est ce qui est terrible dans l'escalade d'engagement : plus ça échoue, plus on a de chances de s'y accrocher. C'est un fonctionnement qui conduit à faire des choses aberrantes. Maintenant, pour les choses qui se passent à l'heure actuelle… Allez savoir.

Les décerveleurs4

La pédagogie de la soumission enseignée par le Parti de la presse et de l'argent (PPA) repose sur quelques colifichets idéologiques destinés, telle une paire de lunette bleue posée sur le nez de Guillaume Durand, à changer des outres vaniteuses en lanternes savantes. Dans les années 1980, les journalistes et leurs larbins diplômés injectèrent dans les crânes les figures imposées de l'idéologie dominante : "modernité" (du capitalisme), "société civile" (patronat), "débat" (récupération), liberté de la presse (c'est-à-dire celle des capitalistes qui possèdent la presse)… À quoi servent ces baudruches ? Leur "fonction première est d'exprimer et de produire l'intégration logique et morale de la classe dominante" [1].

Mais le PPA bouge sans cesse. Il revitalise son discours totalitaire et dissimule son monolithisme derrière un archipel de divergences microscopiques. Et quand son train déraille, il s'en prend toujours aux cheminots. L'Europe va mal ? Il faudrait plus d'Europe ! Le marché tue ? C'est parce qu'il n'est pas encore partout ! Crétins à plume et têtes de micros s'égosillent : "Vive la crise !", "Sus aux retards français !" Vous protestez ? C'est que vous n'avez rien compris à la "complexité". À l'instar de deux Sardons célèbres, PLPL "se propose de démasquer ces moutons qui se prennent et qu'on prend pour des loups, de montrer que leurs bêlements ne font que répéter dans un langage philosophique les représentations des bourgeois" [2].

Dans un éditorial plus infatué que d'ordinaire, Jean-Marie Ramina [Colombani, ndlr] "analysait" les raisons du score du Front national au premier tour du scrutin présidentiel : "Ce n'est pas essentiellement une crise sociale ou économique qui fait le lit de ce parti, mais une crise politique, une crise du lien politique dans toutes ses dimensions. […] Cette crise du lien politique se nourrit évidemment d'une crise du lien social et d'une crise du lien national" (QVM, 07.05.02). Satisfait de son "travail", le directeur du Quotidien vespéral des marchés [ex-Le Monde] précisait : "Le diagnostic n'a pas changé par rapport à ce que nous écrivons, dans ces colonnes, depuis bientôt vingt ans". Ramina n'a pas tort : pour les commentateurs du PPA, toute difficulté sociale, politique ou économique est une "crise".

La "crise", roue de secours du PPA

Il n'en fut pas toujours ainsi. Avant d'user de la "crise" comme d'une roue de secours pour gloseurs paresseux, les agents du PPA s'employèrent à vider ce terme de toute connotation subversive. Pour les Sardons, la "crise" du capitalisme devait en effet ouvrir la voie d'une révolution qui balaierait le PPA au profit de la Sardonie libre. Mais à la fin des années 1970, marxistes renégats et essayistes balladuriens jugèrent qu'une révolution menacerait la propreté de leur piscine dans le Luberon. Ce n'est donc plus le capitalisme qui serait en crise. En 1981, l'essayiste mondain Pierre Rosanvallon bâcle un digest des lieux communs des antichambres américaines et l'intitule "La crise de l'État-providence". Un an plus tard, le journaliste François De Closets caquette son best-seller : "La crise étant indissolublement liée à l'économie de marché, laquelle est non moins indissolublement liée à un certain niveau de vie, nous sommes condamnés à nous en accommoder. [3]" De tremplin pour un bouleversement de l'ordre social, la "crise" devenait l'instrument de sa perpétuation.

Ce travail accompli [4], le PPA pouvait enfin hurler "Vive la crise !", titre d'un supplément de Libération diffusé en février 1984 et d'une émission de télévision. Monté par Alain Minc, le canasson reaganien Yves Montand y expliqua que la crise permettrait de casser les "acquis sociaux", de stimuler les jeunes entrepreneurs (Philippe de Villiers fut cité en modèle) et de donner le pouvoir en Europe à Margaret Thatcher. Le jeune Laurent Mouchard-Joffrin fit chorus, marquant l'histoire de ce néant intellectuel dont il serait par la suite un des plus loyaux interprètes : "La vie est ailleurs, elle sourd de la crise, par l'initiative, par l'entreprise, par la communication." [voir PLPL 9, p. 6-7] Les deux millions de chômeurs de l'époque apprécièrent plus encore la sortie de l'ancien dirigeant maoïste Serge July, devenu patron de Libération : "Pour rendre la crise positive, il faut faire des citoyens assistés des citoyens entreprenants. [5]"

Chez les histrions du PPA, "crise" renvoie à maladie et accident, mais aussi à soudaineté, émotivité, irrationalité. Lors du mouvement de grèves sardones de novembre-décembre 1995, Alain Duhamel diagnostiqua une "grande fièvre collective", François de Closets une "dérive schizophrénique", Alain Minc un "goût du spasme" [6]. Les journalistes préfèrent moduler à l'infini la description des symptômes plutôt que d'interroger leurs causes. Quand la dégradation des conditions de vie dans les quartiers populaires laminés par le chômage et la précarité trouva sa traduction médiatique dans le spectacle des voitures brûlées, le PPA invoqua donc un "malaise des banlieues", une "poussée de fièvre".

La "crise de l'autorité" constitua le thème du premier numéro du Koursk [ex-Le Monde des débats], mensuel des abysses intellectuelles. Flairant les poncifs comme un verrat les truffes, Laurent Mouchard-Joffrin, directeur de la rédaction du Nouvel Observateur, fit publier le recueil de ses bavardages avec un petit reptile desséché (PRD) nommé Philippe Tesson. Le sujet ? "Peut-on parler d'une crise générale de l'autorité ? [7]" Réponse du Reptile desséché : "Derrière cette crise de l'autorité se profile une crise de la société, une crise de la vie en commun." Trois ans plus tôt, le ministre Claude Allègre n'avait-il pas signalé chez les "jeunes des quartiers" une "crise de la citoyenneté" relevant d'une "crise de mutation" [8] ? Une poignée d'experts l'avait aidé, injectant dans les bajoues ministérielles une pâté composite : la "crise du lien social" répondait à une "crise de l'intégration" liée à la "perte de tous les repères moraux et sociaux" [9]. Résultat, une "crise des institutions républicaines [10]" menaçait, alimentée par une "crise familiale", une "crise scolaire", une "crise de l'impunité". Martine Aubry compléta le propos. Nous nous trouvions face à une "crise sociale multiforme" entraînant "peurs et repli sur soi" [11]. Tous ces vocables décrivaient les conséquences sociales d'un capitalisme qu'Aubry, Allègre et leurs amis "socialistes" s'emploieraient à dynamiser.

Pourquoi tant de "crises" ?

D'abord pour justifier l'existence de ceux qui les diagnostiquent. Si demain n'était pas différent d'hier, qui accepterait de suffoquer sous la mélasse verbale des faux savants ? La "crise" valorise le caquetage incessant des médias et des experts. Le Figaro interroge le crisologue Jacques Julliard : "Vivons-nous une crise des institutions, une crise de la démocratie, une crise de la civilisation ou les trois à la fois ?" (03.05.02) Et Julliard de répliquer par un poker de clichés : "Le peuple est devenu objectivement conservateur. Il a peur de l'évolution, de l'Europe, de la mondialisation, de la libération des mœurs."

D'une "crise", on attend le dénouement. Les rosses expirantes de l'attelage du PPA la prophétisent régulièrement. La version pessimiste fait surgir le spectre d'une démocratie mise à mal par les "peurs" (comprendre les "refus") de l'Europe ou de la mondialisation, les "replis sur soi", les "passions" populaires (grèves), la perte des "valeurs", etc. Ces hypothèques, fruits d'un "déficit d'explications", seraient levées par un "effort pédagogique", un "débat d'idées", "citoyen" de préférence. Il enseignerait au peuple ce qu'il n'a pas "compris" : c'est, par exemple, au service du seul bien commun qu'entre 1998 et 2000 le patron de l'industrie du luxe Bernard Arnault a empoché chaque heure l'équivalent de 64 années de salaire d'un smicard.

La version optimiste table plutôt sur une "mutation" bénéfique dont l'avènement exigera quelques menus "sacrifices" : le renoncement à ces "archaïsmes" que sont la protection sociale, les minima sociaux, le droit du travail, etc. Mais là encore, il faudra éduquer les masses. "Il y a toute une pédagogie qui n'est pas faite, et notamment une pédagogie du risque", insista Christine Ockrent, l'amie des patrons, après un reportage sur des jeunes qui se rebellaient contre la précarité de l'emploi (France 3, 22.04.01). Dès lors qu'une "crise" justifie des "remèdes" extraordinaires, la "crise de l'autorité" impose un renforcement autoritaire des autorités, sous la forme de cars de CRS dans les banlieues ; la "crise familiale" permet la suppression des allocations aux parents de délinquants ; la crise du "lien social" débouche sur des allégements de charges sociales en faveur des patrons. Et la "crise de l'impunité" se résout par la mise en place d'une justice expéditive pour les pauvres.

La régression sociale en retard

Mithridatisés par l'absorption massive de prose vermineuse, les archivistes de PLPL ne peuvent même pas lire qu'un tel est "en retard" sans une convulsion de dégoût. Car depuis vingt ans, toute divergence avec le modèle économique dominant est décrite et décriée comme un "retard". Capitaine de la calamiteuse équipe de France de football, Marcel Desailly a confié au mensuel Capital (avril 2002) ses attentes vis-à-vis du nouveau gouvernement : "Il faudra augmenter les moyens des forces de l'ordre. Autre impératif : baisser l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu qui étouffent le pays. La France est vraiment en retard. En Grande-Bretagne, où je vis, on peut plus facilement créer des entreprises sans être accablé par les taxes."

Récemment, pour expliquer le score de Le Pen au premier tour de l'élection présidentielle, le patronat a sermonné : "Cette situation trouve ses origines dans le retard d'adaptation de nos structures collectives, notamment publiques. [12]" Suivant l'exemple donné par les poussah socialistes au soir du 21 avril 2002, le Medef invoqua "un manque profond de compréhension" des électeurs dû à "un déficit d'explication".

Sous la plume des petits pions du PPA, le diagnostic de "retard" permet en effet de tout faire passer sous la toise des "avancées" du capitalisme libéral. Quand, en janvier 1998, Lionel Jospin refusa de satisfaire les revendications des chômeurs, Bernard-Henri Lévy avait salué le "courage" du premier ministre en expliquant : "On ne peut céder à des mots d'ordre qui, s'ils étaient satisfaits, ne feraient que retarder l'Europe." (Le Point, 24.01.98) L'Europe est en effet le prétexte à combler tous les "retards" puisque chaque pays membre est tenu de s'aligner sur celui qui a manifesté le plus de fanatisme dans la régression sociale. La "gauche" rechigne à privatiser le peu qui reste de service public ? Jean-Marc Sylvestre maugrée sur France Inter : "La France est en retard sur le calendrier. Elle entrera donc dans la concurrence, mais sur la pointe des pieds. Le monopole d'EDF n'est donc pas brisé." (16.02.99) De son côté, le Quotidien vespéral des marchés s'impatiente : "Avec un an de retard sur ses partenaires, Paris se conforme aux nouvelles règles européennes. Les députés devaient voter un texte minimaliste alors que plusieurs pays ont opté pour une déréglementation totale." (QVM, 02.02.00) C'est bien sûr le statut d'entreprise publique d'EDF - pas ses déchets nucléaires - qui lui valent d'être "en retard"…

Georges-Marc Bénamou, devenu le boy de Lagardère, aurait préféré, à l'instar de ses confrères, que Lionel Jospin se nommât Tony Blair. La gauche, ironisait-il, "peut persister dans le refus hypocrite du social-libéralisme et continuer à être la plus retardataire d'Europe." (L'Événement, 20.05.99) Chargé de l'éducation politique de Benamou, François Mitterrand avait gardé de son élève un souvenir nuancé : "C'est un garçon complexe et attachant, très disponible. Mais ce qu'il m'a remis est confondant. Il pose des questions de primate. [13]" Depuis, le très disponible primate a fait des émules. Toute personne refusant de s'adapter aux aspirations de la bourgeoisie et des journalistes bourgeois sera cataloguée "en retard". Ne pas investir en Bourse via Internet est donc un signe d'arriération : "Les Français n'aiment pas beaucoup la Bourse. […] Ils sont, en plus, réfractaires aux nouvelles technologies. […] La France est ainsi très en retard par rapport aux États-Unis, bien sûr [sic], mais aussi par rapport à l'Allemagne." (Le Point, 13.08.99) Ne pas être patron, c'est aussi être "en retard" : "Soixante et un pour cent des jeunes veulent fonder leur entreprise. [Mais] la France a un énorme retard à rattraper par rapport aux autres pays." (Le Nouvel Observateur, 13.04.00)

C'est souvent à l'aune des "avancées" américaines que les journalistes apprécient le "retard français". Interviewé par le QVM, un ancien commissaire des RG devenu patron d'un société de sécurité proposait une piste pour rattraper le "retard" : "C'est bien sûr du côté du marché privé de la sécurité que la demande va s'orienter. […] Or, dans ce domaine, la France est en retard par rapport aux États-Unis, où le rapport est de 2,5 agents privés pour un agent public. Cela présage de l'avenir… [14]" Un avenir radieux.

En 1999, quelques "retards français" subsistaient. Le "retard à la propagande d'entreprises" fut dénoncé dans Libération par le conseiller en communication de Lionel Jospin, Stéphane Fouks, qui allait réussir à ruiner électoralement la campagne socialiste (sans le vouloir) après l'avoir ruinée financièrement (à dessein) : "Les entreprises françaises prennent conscience qu'elles ont un énorme retard de communication par rapport à ce qui se passe dans les pays anglo-saxons. […] Les groupes français doivent combler ce retard à marche forcée." (L'Écho des start-up, 19.08.99). Deux ans plus tard, Ramina pourrait bramer à la "une" du QVM : "Nous sommes tous américains !" (13.09.01). Après les attentats du 11 septembre 2001, Jean-Marie Messier détecta un nouveau retard, le "retard à la récupération de la contestation" : "On découvre combien les Occidentaux sont en retard. Ils n'ont pas voulu voir les désorganisations, les inégalités de développement, l'absence de contre-pouvoir, tout ce qu'avaient souligné les mouvements anti-mondialisation." Le patron de Vivendi concluait : "Il faut établir un vrai dialogue entre les cultures si l'on veut éviter un choc de civilisation [15]" Pour débattre de quoi ? D'un monde devenu plus complexe.

Poussières de l'air du temps

"Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est accepter la complexité de la situation et accepter la complexité des politiques nécessaires et cesser tous les tabous, tous les discours idéologiques qui font perdre un temps considérable et ne servent à rien." Le 4 février 2001 sur France Culture, Jean-Claude Casanova, ex-conseiller de Raymond Barre et éditorialiste associé au Monde, ramassait en une phrase les poussières de l'air du temps. Alain Minc ne peut pas écrire dix pages sans hoqueter : "La société est plus complexe. [16]" Chaque éditorial du Quotidien vespéral des marchés précise : "La réalité est sans doute plus complexe." (QVM, 06.04.02) Et René Rémond, l'une des épluchures les plus racornies de Sciences-Po, n'ouvre encore la bouche que pour bredouiller : "C'est aujourd'hui une banalité de dire que la complexité est le maître mot des réalités sociales. [17]" C'est assurément le maître-mot d'une génération d'intellectuels-journalistes parvenus et paresseux. Formés à la domesticité dans les écoles du PPA, ces vils godelureaux sont gavés au berceau : "L'étudiant sortant de Sciences-Po doit être capable de penser la complexité et les dynamiques du monde, à la fois un et divers, dans lequel il va exercer ses activités", expliquait le programme des "enseignements" de 1997 [18].

Vingt ans plus tôt, une poignée de fripouilles avaient mesuré tous les profits liés à la mise en forme prétentieuse du discours creux de la "complexité". En 1977, Bernard-Henri Lévy associait socialisme et "barbarie à visage humain" puis décrétait que "la raison, c'est le totalitarisme" [19]. Le sociologue Edgar Morin se frottait alors les mains : si la raison était "totalitaire", toute analyse (qui consiste à décomposer un tout complexe en ses parties simples) devenait fascisme mou. Morin expliquant que "la pensée simplifiante est devenue la barbarie de la science", il révéla à l'humanité abasourdie les bases de la "pensée complexe" : "Au commencement était l'Action, puis vint l'interaction, puis vint la rétroaction, puis vint l'organisaction [sic] / boucle production de soi - être - existence avec la régulaction [sic], avec la production / Puis vint l'informaction et la communicaction [sic et re-sic], c'est-à-dire l'organisation géno-phénoménale où le Soi devient Autos où l'être et l'existence deviennent vie. [20]" Et l'emberlificoteur ajoutait dans la seule phrase intelligible de son ouvrage : "C'est dire que tout est complexe." Dés lors, toute explication compréhensible serait déconsidérée au profit d'un galimatias ponctué de néologismes clinquants ; le lecteur éprouverait les frissons de l'intelligence en lisant des textes auxquels il ne comprendrait pas un mot.

PLPL peut le révéler : l'univers morinesque est consubstantiel au téléachat moustachu (TAM). Le 17 novembre 2001, après avoir renoncé à mastiquer les strophes inextricables du sociologue, le Roi du téléachat Edwy Plenel recevait une fois de plus l'Empereur de la complexité : "Le sociologue Edgar Morin revient avec le cinquième tome de son maître-ouvrage commencé il y a plus de trente ans, La Méthode. Un livre qu'il faut lire, une œuvre dans laquelle il faut se promener. Une œuvre qui ne met pas à distance le lecteur, qui le rend - je l'ai dit tout à l'heure, je le redis - à la fois plus intelligent et plus humain." (LCI, 17.11.01)

Ce n'est pas seulement le charabia de Morin qui donna à Plenel l'impression d'être "plus intelligent" - il n'en comprit pas un mot et PLPL l'excuse -, mais une remarque glissée entre deux formules ampoulées : "Le problème de la pensée complexe est de penser ensemble, sans incohérence, deux idées pourtant contraires. [21]" Le sang du RTA n'avait fait qu'un tour. Soudain, la "pensée complexe" l'attirait comme l'aimant une limaille. Elle lui permettait de penser ensemble, "sans incohérence", trotskisme et entrée en Bourse du QVM, bonne volonté culturelle et supplément argent, amitiés militantes et cocktails mondains. "Il faut penser contre soi-même", répéterait-il, comme un 78 tours rayé. Décomplexé par la pensée complexe, le monarque moustachu du téléachat frétillait en présentant la nouvelle formule du Quotidien vespéral des marchés : "Quant à [la rubrique] "Entreprises", le choix est dénué d'ambiguïtés : la micro-économie, les marchés et la finance, sans complexe, sans ce rapport trouble, voire hypocrite au monde de l'argent qui nous a parfois handicapé." (Le Débat, mai 1996) Plenel gloussait encore pour justifier les trois "unes" et les vingt-sept pages consacrées par Le Monde à Loft Story en 2001 : "J'ai fait mettre Loft Story sur le canal 27 dans tous les postes de télévision de la rédaction. […] Cette société marchande, elle est complexe. La marchandise, elle relie, elle ne fait pas qu'opprimer, elle est plus contradictoire. [22]"

D'Attali à Sarkozy

Avant de s'épanouir dans des émissions de téléachat, la rhétorique du "plus complexe" avait triomphé au moment du tournant libéral socialiste des années 1980. Riches contre pauvres, bourgeois contre prolétaires, patrons contre salariés, tout cela parut soudain bien trop simpliste aux bonzes du PS désormais préoccupés de déréglementation financière et de marché unique. Jacques Attali serait chargé d'expliquer aux ouvriers licenciés : "La subversion exige de la séduction et de la conversion : faire l'apologie du disparate, du complexe, de l'invention de la négation de soi. [23]" Cette conversion fut promptement acclamée par les commentateurs dont les sympathies à gauche s'émoussaient à mesure que s'élevait leur tranche d'imposition. Leur reniement devint percée conceptuelle "complexe".

En 1991, le QVM se régalait donc en lisant le projet "socialiste" de Michel Charzat : "Trois [théoriciens] apparaissent aujourd'hui comme les nouveaux "maîtres à penser" de la gauche. Le premier, Edgar Morin, est français : ce que retiennent les socialistes de son œuvre abondante et diverse, c'est avant tout sa réflexion sur la notion de "complexité", qui permet, selon Michel Charzat, de "s'élever à l'intelligence du pluralisme". (QVM, 05.09.91) Espérant lui aussi régénérer la gauche par la construction d'"espaces d'intercompréhension", le jeune Philippe Corcuff, aujourd'hui conseiller éditorial au Figaro, chroniqueur à Charlie Hebdo et squatter des pages "rebonds" de Libération, compte déjà au nombre des "intellectuels" chargés de fragmenter en osselets morinesques la colonne vertébrale marxiste de la gauche. "Il n'y a pas, d'un côté, le propre (la gauche radicale) et, de l'autre, le sale (la gauche 'plurielle"), plaide Philippe Corcuff en songeant à Philippe Corcuff peignant les traits de Philippe Corcuff, mais, de part et d'autre, […] des êtres contradictoires, des êtres travaillés par des histoires, des identités et des intérêts divers, bousculés par des doutes." (Libération, 27.12.00) Confiner la contestation à l'aile gauche du discours dominant est devenu un métier. Profil recherché : rebelle passé du côté de l'ordre. Mission : produire une critique acceptable pour le système et disqualifier ceux qui rien renié. Discours : "Il faut montrer que les choses sont compliquées. J'essaie de rendre crédible une critique à gauche de la gauche qui ne soit pas le nez rouge gauchiste." (Philippe Val, rédacteur en chef de Charlie Hebdo, entretien à Rouge, 23.03.00) L'expérience aidant, on assimilera "refus de la complexité" et fascisme. Ainsi procède Jean Quatremer, journalisticule à Libération, interviewant le commissaire européen à la concurrence Pascal Lamy : "Le vote en faveur des extrémismes ne traduit-il pas aussi un rejet de la complexité de l'Europe et du monde ?" Réponse de Lamy : "Est-ce que les Français comprennent la complexité de leur propre système ?" (ESU, 03.05.02)

Fort heureusement Le Koursk, [Feu-Le Monde des débats], entendait leur expliquer le fond des choses : une "crise" se déclenche à cause d'un "retard" dû à un "définit d'explications" d'un monde devenu "plus complexe" et elle se résout par le "débat" qu'entravent les extrémistes. Nommé capitaine du Koursk en janvier 2001, Jean Daniel, avait proclamé pour l'occasion : "Nous étions dans l'ère des certitudes et des injonctions. Nous sommes dans celle de la complexité et du questionnement. […] Nous avons à prendre tous les risques de l'imaginaire pour affronter le complexe et le contradictoire. […] S'installer enfin dans la complexité pour l'épouser avant de la réduire parce que le fait, le réel, l'événement est par nature complexe. Relater plutôt que sermonner et complexer [sic] l'éthique de conviction par l'éthique de responsabilité : voilà quels sont nos commandements, notre catéchisme, pour le journalisme, qu'il soit culturel, intellectuel ou politique." L'aventure pathétique du Koursk s'achèvera quelques mois plus tard contre un iceberg nommé PLPL [lire PLPL nos 2/3 et 6].

Forgé pour endormir les résistances sardones, le discours de la "complexité" dissimule aussi l'ignorance et la paresse des éclopés du cerveau munis d'une carte de presse. Le 11 août 2001, le malheureux Gérard Dupuy, éditorialiste à tout faire de l'ESU, doit commenter un sondage sur la Corse. Problème : il ne connaît de l'île que les somptueuses villas des chefs du PPA. La difficulté est vite surmontée : "Il y a une réelle ouverture à la complexité du monde"…

Le cheminement idéologique de la "pensée complexe" a trouvé son terme peu avant la nomination de Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur. Le petit traître balladurien ne put réprimer un sourire lorsqu'il annonça : "Le monde d'aujourd'hui est si complexe qu'il n'y a pas de réponse binaire" (France 3, 28.04.02.) La réponse "complexe" vint quelques jours plus tard, sous forme d'opérations coup de poings dans les quartiers populaires.

NOTES

[1] Pierre Bourdieu et Luc Boltanski, "La production de l'idéologie dominante", Actes de la recherche en sciences sociales, n° 2-3, 1976, p. 4 et 5.

[2] Karl Marx et Friedrich Engels, L'Idéologie allemande, Éditions sociales, 1982, p. 60.

[3] François De Closets, Toujours plus, Grasset, 1982, p. 324

[4] À l'époque, le PPA s'était regroupé dans une association, la Fondation Saint-Simon, qui rassemblait universitaires, patrons et journalistes.

[5] "Vive la crise !", supplément hors série au numéro 860 de Libération, février 1984.

[6] Propos cités par Serge Halimi, Le Monde diplomatique, janvier 1996.

[7] Laurent Mouchard et Philippe Tesson, Où est passée l'autorité ? Nil, 2000.

[8] Claude Allègre au colloque de Villepinte, Des villes sûres pour des citoyens libres, Ministère de l'Intérieur, 1997, p. 31.

[9] Christine Lazerges et Jean-Pierre Balduyck, Réponses à la délinquance des mineurs, La Documentation française, 1998, p. 20.

[10] Michel Wieviorka, Violence en France, Seuil, 2000.

[11] Martine Aubry, Des villes sûres pour des citoyens libres, op. cit., p. 37

[12] Communiqué du bureau du Conseil exécutif du Medef, 29 avril 2002.

[13] Pierre Favier et Michel Martin-Roland, La Décennie Mitterrand. IV - Le déchirement, Seuil, 1999, p. 626.

[14] Le QVM-Économie daté du 9 octobre 2001.

[15] Cité par le QVM daté du 31 octobre 2001

[16] Alain Minc, Le Fracas du monde, Seuil, 2001, p. 10.

[17] Cité par le sociologue sardon Alain Garrigou dans Les Élites contre la République, La Découverte, 2001. Le PPA a évidemment censuré tout compte rendu sur cet ouvrage.

[18] 18. Ibid.

[19] Le Matin, cité par le philosophe sardon Jacques Bouveresse dans Prodiges et vertiges de l'an< 31 p. 1999, d?agir, Raisons>

[20] Edgar Morin, La Méthode. I - La nature de la nature, Seuil, 1977, p. 387, 369 et 378. Le chapitre s'intitule "La complexité de la complexité". (Edgar Morin aurait produit une partie de son œuvre à l'aide du fameux GATO, le Générateur automatique de textes obscurs.)

[21] Ibid, p. 379.

[22] "On aura tout vu", La Cinquième, 24 juin 2001.

[23] Jacques Attali, Les Trois Mondes, Fayard, 1981, p. 296.


1 Piqué sur : http://le.mouton.fievreux.free.fr/.

2 Initialement publié dans : Le Combat Syndicaliste CNT-AIT Juil/Août 2002

3 Propos recueillis par Stéphane Corcoral - L'œil électrique - numéro7. Disponible en Kiosque. Abonnement 23 euros pour 6 numéros : l'œil électrique - BP 60238 35102 Rennes Cedex 3.

4 Source : PLPL N°10.