Du contrôle social au grand décervelage

N.S.

Introduction

 Le contrôle social, c'est cet "ensemble des ressources matérielles et symboliques dont dispose une société pour s’assurer de la conformité du comportement de ses membres à un ensemble de règles et de principes prescrits et sanctionnés.", écrit François Bourricaud dans L’oecyclopedia universalis, volume 17.

Avant c'était clair : il y avait les 4 grands piliers du conditionnement et de la surveillance qui s’appelaient : Famille, Etat, Eglise, Ecole. certaines de ces institutions se sont désagrégées et ont perdu de leur emprise sur les consciences. Des moyens plus subtils, softs et insidieux, se sont mis en place grâce aux progrès de le technique notamment. Ces moyens sont d'autant plus efficaces qu'ils n'utilisent pas la brutalité des conditionnements d’antan. En effet, la grossièreté des moyens employés provoquait parfois la révolte, un sursaut de réaction. Maintenant tout est devenu tellement insidieux et sournois qu'il est difficile de cibler l’ennemi et, par là même, de se révolter. Big brother est parmis nous.

1  L’homme programmé avant sa naissance.

Les progrès de la génétique, sous prétexte d’améliorer notre sort, ouvrent des perspectives vertigineuses, et l'on peut être sûr que leur utilisation sera l'un des meilleurs moyens de contrôle social à venir. Il l'est déjà grâce aux avortements dits thérapeutiques (les biens nommés) qui permettent de tuer dans l'oeuf ces futurs enfants encombrants pour leur famille et la société, au nom bien entendu du droit a la dignité humaine. Mieux vaut pas de vie du tout qu'une vie difficile.

Désormais, une femme qui mettra au monde sciemment un enfant trisomique sera montrée du doigt, suspectée d'un déséquilibre mental quelconque pour avoir fait ce choix contre nature. De victime attirant la compassion, elle deviendra suspecte. La liberté du choix sera da plus en plus lourde à assumer.

Toutes les extravagances sont à portée de main, et compte tenu des préjugés et stéréotypes sociaux largement entretenu par les médias, le pire est à craindre. Si l'enfant à naître n'est pas de la couleur, de la dimension, du sexe désiré ou simplement, s'il n'a pas eu la bonne idée d'être conçu au bon moment, il sera tout simplement "évacué". "Tué", ça ne se dit pas. Là aussi l'emploi des mots n'est pas innocent et fait partie du conditionnement sournois.

Les dernières recherches scientifiques sur le foetus ont mis en évidence sa sensibilité à la douleur et donc à la souffrance. II est question pour des raisons éthiques (regardez comme nous sommes humains) d'anesthésier le foetus pour le tu... pour l'évacuer sans douleur.

2  L'homme Programmé après sa naissance

2.1  La publicité

Si le foetus a réussi son examen d'entrée dans ce monde (bonjour dans le meilleur des mondes !), sa normalisation va être poursuivie par la télévision. I1 ne s'agit pas de la brandir comme l'instrument du diable. La télévision peut être source d’enrichissement, c’est une question de dosage et de sélection, comme le reste. bien que la sélection soit de plus en plus difficile à faire. Mais la publicité, comment y échapper ? Impossible, surtout depuis que l’on se permet d'interrompre une émission pour vous imposer une page de publicité, ce qui est un véritable viol des consciences.

D'autant que la nouvelle publicité n'a rien à voir avec la réclame d’antan qui se contentait de vanter son produit et le faire connaître au plus grand nombre. Les spots publicitaires modernes sont de tout autre nature. Ce sont de véritables petits films (ce n'est pas pour rien qu’elle est devenue un art à part entière), des mises en scène qui ne parlent pas seulement du produit à vendre, mais véhiculent des critères consensuels sur ce que doivent être la beauté, la jeunesse, le bonheur conforme, ce qui est juste et ce qui est vrai. La publicité est devenue un instrument de manipulation mentale tellement évident que plus personne ne s’en offusque. C'est bon pour des soixante-huitards attardés. C'est à la fois évident et insidieux, comme c'est le propre de l'idéologie dominante.

La manipulation est partout : panneaux d'affichages, pubs sur les bus, les caddies, les magasins, la télé, les vêtements, la radio, les objets usuels (stylos, porte-clés, cartables...), prospectus... La publicité, c'est l'air que l'on respire, est-ce que l’on pense à respirer ?

Les techniques de vente sont devenues presque une science. Ces stratégies où rien n'est laissé au hasard ont pour objectif de nous faire consommer toujours plus. Savez-vous qu'il existe un hypermarché laboratoire à Saint-Quentin-en Yvelines où le consommateur cobaye est étudié dans tous ses comportements par des sociologues et des psychologues. Après étude et analyse, ils en tirent des conclusions pour aménager les hypermarchés en vue de stimuler la consommation.

2.2 L'informatique et les grands moyens de communication de masse sont de redoutables techniques d’asservissement.

Les techniques de sondage viennent à la rescousse de la publicité pour définir le profil moyen du consommateur-électeur qui, finalement, n'est que la résultante et la concrétisation du matraquage de masse. Les sondages définissent soi-disant d'une manière neutre, objective et scientifique "l'opinion publique" qui a été elle-même forgée par les médias. Ce qui existe en dehors de cette norme, soit on en parle pas, on l'oublie, ce qui est une manière douce de le tuer, soit c'est considéré comme marginal, donc déviant, puisque ne reflétant pas la majorité ! CQFD !

On retrouve dans l'organisation perverse des élections cette même volonté d'éliminer les minorités qui pourraient brouiller l'image consensuelle rassurante, homogène donc plus facile à manipuler.

Les questionnaires des sondages sont en effet exemplaires. II faut répondre par oui ou par non à des questions qui demanderaient de multiples développements. Les réponses doivent être carrées et les sondages sont les ennemis de la nuance. Certaines questions ne s'y trouvant pas, on aboutit à des résultats complètement tronqués, déformés, qui sont censés être le miroir exact de nos opinions. C’est ainsi que l'on peut faire élire qui l'on veut grâce aux techniques publicitaires, aux sondages et à l'organisation électorale conjuguées.

"Les sondages établissent une nouvelle forme de conditionnement qui nous influence en douceur. En nous rappelant sans cesse le désir du plus grand nombre, ils nous suggèrent d'aller dans le même sens" écrit Ignacio Ramonet dans le "Monde Diplomatique".

Le conditionnement va de pair avec la surveillance. L'informatique, censée alléger notre quotidien, est devenue un merveilleux moyen de contrôle. Les gestes anodins, comme un retrait bancaire. un paiement par carte de crédit, un appel téléphonique, laissent des traces dans les réseaux informatiques qui sont autant de balises qui permettent de reconstituer un parcours, un profil de vie. Ne croyez pas que ce soit le revers de la médaille obligé, le prix à payer pour l'allègement de notre vie quotidienne. Les moyens mis en place ne sont pas innocents car on aurait pu choisir des techniques qui n'introduisentpas nécessairement le fichage, comme la carte téléphonique pré chargée ou les cartes porte-monnaie à puces. Mais c'est quand même plus pratique de faire payer par les citoyens eux-mêmes leur propre flicage.

Note : à ce sujet il y aurait à dire à propos d’internet, des cookies, des sondages-jeux-fichages et autres puces espionnes... Dans un prochain article ?

3  Pourquoi et comment le contrôle social est-il accepté ?

C'est l'identification de ses membres à un modèle commun qui assure l'unité symbolique de l'institution sociale. Il faut donc que chacun intériorise la norme sans la considérer comme une intrusion, un viol : sinon ça ne pourrait pas tenir dans le temps. Le contrôle social s'appuie sur nos instincts les plus primaires et sait créer une contrepartie avantageuse pour que cela puisse être accepté. Par exemple, au 19° siècle, le paternalisme patronal achetait la servitude volontaire des ouvriers en échange d'une totale prise en charge matérielle sécurisante.

Aujourd'hui, on s'appuie sur l'instinct sécuritaire toujours grandissant pour nous faire accepter, par exemple, la télésurveillance. Grâce aux nouvelles lois Pasqua, la vidéosurveillance va s'intensifier dans la rue, les carrefours, dans les lieux publics et même à l'entrée des immeubles ! Pourquoi pas une caméra dans chaque appartement quand on y est ! (Mais c’est pour mieux te protéger, mon enfant !).

Il y a à peu près 600 caméras dans les rues de Lyon, bientôt 800 et plus. Le dernier petit espace de liberté vient de s'écrouler sans que personne ne réagisse.

C'est grâce à une caméra de surveillance que les deux enfants de 11 ans qui ont tué un enfant de 2 ans à Liverpool en 1993 ont pu être identifiés et arrêtés. Cette histoire est exemplaire de la perversité médiatique. Ces deux criminels ont tué selon un rituel imité d'un film d'horreur qu'ils voyaient régulièrement. Ils ont mis en pratique ce que les médias ne leur interdisaient pas en imaginaire. Il est bien difficile pour des enfants de faire la différence entre réalité et fiction. Ces deux enfants ont leur part de responsabilité bien sûr, car tous les enfants n'en arrivent pas à de telles extrémités. Mais qui parlera de la responsabilité des médias qui nourrissent les instincts les plus bas et savent aussi réprimer les monstruosités qu'elles ont nourries !

L'instinct grégaire est aussi un instinct primitif sur lequel s'appuie le contrôle social.

Les psychologues (toujours eux) et les spécialistes de la communication ont étudié cette tendance de l'individu isolé à douter de ses propres convictions, puis à renoncer à son indépendance et sa volonté pour se mettre en harmonie avec le groupe. Il est en effet bien difficile de ramer à contre-courant et bien plus confortable de se rallier au plus grand nombre !

Ce qui n'empêche pas chacun de se targuer d'avoir son opinion personnelle sur ceci ou cela, alors que tout le monde, peu ou prou, vit et pense pareillement.

Mais chacun est persuadé d'avoir des idées très "personnelles". C'est ça le fin du fin : avoir créé une homogénéité de pensée et de comportement, tout en faisant croire qu'on n'est pas un mouton de Panurge.

Conclusion

Matraqué, fiché, filmé, enregistré, sondé, testé, analysé, pisté, l'individu subit un tel endoctrinement que lorsque il dit "je pense", on peut se demander si ce qu'il croit être la substance d'une réflexion personnelle n'est pas simplement le résultat de ce qu'on lui a appris à penser.

On se demande même comment certaines sectes arrivent à détourner des brebis de l'autoroute consensuelle. Elles emploient bien sûr les mêmes méthodes de décervelage dans les mêmes buts de profit et volonté de puissance.

L'article d’Ignacio Ramonet, dans "Le monde diplomatique" de mai 1994, très lucide, très documenté et critique, se termine par la peur que "la robotisation des âmes" ne menace la démocratie ! Ce qui prouve bien que même les esprits "évolués" subissent cet endoctrinement puisque il pense qu'il y a une démocratie, alors que tout son article prouve le contraire.

Une démocratie digne de ce nom ne pourrait pas engendrer toutes les horreurs qu'il a si bien décrites.

N'entendez-vous pas comme une voix subliminale qui dirait : "Ne vous inquiétez pas. Nous vivons en démocratie. De toutes façons ça bouge ; on va vers un progrès" ?

C'est la petite voix consensuelle qui nous amène à accepter l'inacceptable.

Mais comme il faut toujours terminer par une note optimiste, il faut se souvenir qu'il y a en chacun de nous une réalité vivante prête à ne pas se laisser manipuler par qui que ce soit, à partir du moment où on lui laisse la place.

L'Absolu en nous, si on le veut bien, ne se laissera jamais capter. Il est notre liberté qui nous pousse, sinon à être "dissidents", du moins à être des "résistants" au consensus social.