Courant alternatif - OCL

QUELLE UNITÉ DES RÉVOLUTIONNAIRES ?

Un Appel à l’unité des libertaires circule depuis plusieurs mois dans le milieu anarchiste francophone, et s’adresse aux personnes comme aux groupes (1). Cet appel prolonge une brochure publiée aux Editions du Monde libertaire et d’Alternative libertaire (Belgique) intitulée : Unité pour un mouvement libertaire, un appel qui n’a pas pour « objectif d’initier la création d’une nouvelle organisation libertaire ». C’est une initiative dont un des objectifs est « la tenue des états généraux du mouvement libertaire »… C’est déjà tout un programme ! Nous sommes intéressé-e-s par ce type de démarche, nous en avons discuté lors de nos dernières rencontres nationales, et nous en reparlerons lors du camping de cet été, puis dans un numéro hors série. Ainsi le texte qui suit est-il une synthèse des premiers débats au sein de l’OCL : il tente de présenter une réflexion collective en cours, et espère être une contribution aux échanges autour de cette question, contribution qui, pour être constructive, ne peut être que critique…

L’unité… ?

C’est un fait bien connu, il existe autant de conceptions de l’unité que de parties à unir. L’unité fait partie de ces thèmes récurrents dans l’histoire du mouvement révolutionnaire, contre lesquels personne ne peut être, bien que la définition de l’unité du voisin ou de la voisine ne soit jamais la bonne, et qu’ainsi les bonnes volontés unificatrices se soldent généralement par un accroissement des divisions. Ainsi vont le plus souvent les recompositions politiques.

Notre sympathie pour cette démarche unitaire va donc moins à la question de l’unité même qu’à la démarche d’échanges et de débats qu’une telle volonté suppose. En effet, personne n’a intérêt à réciter ses vérités dans son coin, entre camarades d’une même organisation, ou entre complices d’une même dynamique de lutte. Il est nécessaire d’affirmer et de défendre ses positions dans un espace contradictoire, pour les confronter au réel et à l’adversité, pour progresser individuellement et collectivement, et surtout pour ne pas verser dans les dérives sectaires et idéologiques, et sombrer rapidement dans la sclérose qui menace constamment les révolutionnaires en l’absence de révolution… En d’autres termes, il est indispensable de se confronter avec d’autres, non pas pour bâtir des chimères rassurantes et grégaires, mais pour contribuer aux fondements d’une dynamique révolutionnaire pouvant ébranler l’ensemble des aspects de la domination contemporaine. C’est bien sûr ce que nous faisons quotidiennement dans nos pratiques militantes, mais cette confrontation doit aussi s’exercer à un niveau plus théorique, sur le plan du débat collectif. Ainsi, l’annonce, par les initiateurs de l’Appel, d’une brochure-document de travail faisant un état des lieux autour de sujets de fond (le travail, l’individu, la mondialisation…) avec des pistes d’actions collectives semble aller dans ce sens du débat commun.

Il est par ailleurs intéressant de souligner qu’en dehors de l’Appel dont il est question dans ce texte d’autres démarches unitaires sont en cours : un appel de la CGT espagnole pour une dynamique unitaire internationale (voir encadré plus loin), et une demande de rencontre faite par le secrétariat aux relations extérieures de la Fédération anarchiste aux principales autres organisations du courant anarchiste francophone.

… du mouvement ?…

Cet Appel à l’unité postule l’existence d’un « mouvement libertaire ». Or, le terme mouvement est ambigu. Parle-t-on là d’une identité de référence, pour un ensemble épars de militant-e-s, ou d’un acteur identifiable sur le terrain des luttes contre l’État, le capitalisme, le patriarcat, et toutes les formes de domination ? L’OCL définit généralement un mouvement ainsi : « Ce n’est pas un simple regroupement de militant-e-s, mais au contraire un ensemble de gens touchés par un problème précis et qui tentent de réagir à telle ou telle forme de l’oppression et de l’exploitation qu’ils subissent (2). ». Cette définition concerne plutôt les mouvements de lutte, tels qu’ils se constituent au gré des dynamiques, qu’un courant politique défini… Mais, quel que soit le sens sur lequel on s’accorde, il ne nous semble pas qu’existe un mouvement libertaire, la disparité des membres supposés engendrant une diversité des positions, aspirations et velléités d’action trop grande pour que tout ce monde puisse être englobé sous un titre générique. Resterait donc le qualificatif libertaire comme tronc commun

Le terme libertaire n’est cependant jamais clairement défini, que ce soit d’une façon générale ou précise, dans cet appel aussi bien que dans la brochure qui l’a précédé. L’appellation de libertaire est changeante selon que le moment historique est une période de luttes intensives ou de régression sociale. On peut ainsi passer d’un élargissement de l’anarchisme révolutionnaire à des composantes antiautoritaires (3) se situant sur le terrain d’un changement de société, par le développement de la lutte de classes, à un ensemble de gens défendant une sorte d’identité culturelle, ou de mode de vie, articulée autour d’un concept de liberté somme toute bien vague et souvent synonyme de libéral.

L’Appel recherche l’unité de tous ceux et de toutes celles qui veulent mettre en œuvre un anarchisme social sans que celui-ci soit davantage défini. S’il s’agit, comme on le présume, des personnes qui se réclament de l’anarchisme tout en s’inscrivant dans des dynamiques sociales, c’est déjà un acquis, car on échappe alors à l’idéalisme anarchiste abstrait, sorte de position philosophique coupée de toute réalité ou préoccupation sociale. Mais cette évocation nous paraît tout de même insuffisante, comme nous le verrons plus loin ; d’autant que l’appel fait cohabiter l’« anarchisme social » avec les « anarchistes de cœur », ce qui est là encore une définition évasive se prêtant à toutes les équivoques, et permettant de raccrocher à la locomotive unitaire absolument n’importe qui sur une simple base affective, non sur des accords politiques ou théoriques

Le mouvement libertaire dont il est ici question peut être considéré comme un synonyme du mouvement anarchiste, traditionnellement décrit par les historiens comme l’addition de trois blocs : l’un individualiste, l’autre syndicaliste et le dernier communiste. Nous ne pensons pas que les actuelles divisions des anarchistes soient toujours fonction de ces trois courants historiquement datés. En fait, il existe une autre séparation, bien plus fondamentale, entre, d’une part, des « anarchistes » qui aspirent à la reconnaissance, au sein du système, d’un « espace culturel libertaire », et d’autre part, des anarchistes qui s’accrochent à un changement social radical et n’ont pas enterré, au nom du réalisme, l’idée de révolution et de rupture avec le capitalisme par le développement de la lutte de classes.

Ce clivage est fondamental car les premier-ère-s, sans être d’ailleurs renégats par rapport à leurs idées, sont amené-e-s à accepter le capitalisme comme inéluctable, et donc à rechercher un aménagement de la société telle qu’elle existe et à s’en contenter, puisque des « espaces libertaires » peuvent s’y épanouir. Ceux et celles-là, qui considèrent que les outils d’une lutte sont une finalité acceptable et suffisante, sont prêt-e-s à supporter un capitalisme à visage humain, dès lors que le pouvoir tolère une sphère libertaire… Ce projet est culturellement, politiquement et socialement conforme aux aspirations des classes moyennes, qui partagent avec certains secteurs de la bourgeoisie des références et modes de vie issus des années 70 ? allant de l’union libre à la fumette… en passant par des comportements et des modes de consommation en vogue : bouffe bio, tourisme vert, médecine douce… Les nouvelles figures sociales mises en exergue ces derniers temps, telles que les « bobos » et les « lilis (4) », illustrent assez bien les dérives et confusions possibles : les indispensables préoccupations liées à la vie quotidienne sont vidées de leur contenu et détournées de leur finalité subversive pour constituer de nouvelles normes intégratrices et aliénantes.

On peut alors comprendre, sociologiquement, que des « anars » ou des « libertaires » puissent se retrouver à défendre la démocratie occidentale aux côtés de l’OTAN, des valeurs républicaines comme la laïcité et la citoyenneté, à devenir francs-maçons… aux côtés de sociaux-démocrates dont ils partagent tout ou partie des aspirations et des modes de vie, et verser ainsi dans un réformisme prétendument radical qui fixe mal la frontière entre compromis et compromissions.

… libertaire ?

Pour nous, la « famille libertaire », la grande communauté des « anars de cœur », est un leurre idéologique : Vouloir à tout prix agglomérer, au nom d’une filiation supposée, des sensibilités par trop diverses conduit à l’inertie pratique et à la paralysie théorique ! En revanche, nous nous sentons proches de tous ceux et de toutes celles qui veulent changer radicalement la société. N’en déplaise à certain-e-s, notre projet de société demeure le communisme, c’est-à-dire une société dans laquelle les moyens de production et d’échanges seront gérés directement par les producteurs et productrices, et qui fonctionnera selon le principe « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ». Cet objectif était d’ailleurs commun à Bakounine et Marx, car historiquement construit sur la base des aspirations émancipatrices du prolétariat urbain et rural, révélées au travers des pratiques de la lutte de classes. Ce communisme est anarchiste, car il vise à l’éradication de toute forme de domination, politique, économique, morale et patriarcale. De ce fait, pour nous l’anarchisme n’est pas réductible à une finalité éthique ou une morale de vie, et nous ne perdrons jamais de vue qu’il était et qu’il est toujours question de révolution sociale.

L’Histoire a montré que les autoproclamés de Marx, c’est-à-dire les léninistes, reproduisaient la société de classes en s’accaparant le pouvoir de l’Etat, qui ainsi ne risquait plus de dépérir, et finissaient par instaurer une dictature bureaucratique au nom du prolétariat, qui avait bon dos !

Certains de ces descendants tendent maintenant à être partie intégrante d’une des facettes de la société capitaliste, en défendant par exemple l’idée et la pratique d’une démocratie participative, aux côtés d’ailleurs de certain-e-s libertaires « réalistes » qui veulent « réactualiser l’anarchisme ». Ceux et celles-là ont fait leur deuil de la révolution sociale, pour se contenter d’options réformistes crédibles et digérables par le système, et ils-elles sont en voie d’occuper la place vacante de la social-démocratie qui mène directement au social-libéralisme, comme n’importe qui peut le constater quotidiennement.

Sans oublier que d’autres léninistes persistent à vouloir créer le Parti… ce qui nous ramène inéluctablement à la case goulag !

Nous ne détenons pas, en tant que communistes libertaires, une quelconque vérité révolutionnaire, nous ne sommes et nous ne serons que l’une des composantes du mouvement révolutionnaire, qui survit difficilement en cette période où le capitalisme a su intégrer et désintégrer toute contestation fondamentale. Mais il faut avoir conscience qu’il ne pourra y avoir développement d’un mouvement révolutionnaire anti-autoritaire que si, parallèlement et dialectiquement, les mouvements sociaux se développent quantitativement et qualitativement, que si des remises en cause globales de l’ordre social se font jour dans des franges significatives de la population. C’est à cette seule condition que pourra se reconstruire une perspective révolutionnaire anticapitaliste, et donc potentiellement communiste libertaire…

Arrêtons de rêver !

Ce qui choque dans cet Appel, et plus encore dans la brochure initiale, c’est l’impression que les auteurs renoncent tout simplement à l’idée même de révolution… Quand on lit que « rêver de barricades et de guerre civile est lamentable », il faut le comprendre comment ? Dans la période actuelle, sous nos latitudes, dans le rapport de forces complètement dégradé que nous connaissons, ce n’est pas « lamentable » mais malheureusement du domaine du « doux rêve », car les révolutionnaires sont loin d’être à l’offensive. Mais demain et ailleurs ?

Comment arriver à transformer radicalement la société ? Certes, l’éventail des méthodes de lutte et des moyens d’action est à réactualiser, et à repenser sans cesse (de la non-violence active à la lutte armée en passant par le syndicalisme). Mais il ne faut pas rêver ! Que les militant-e-s le veuillent ou non, quand un changement radical de société se posera concrètement, cela va nécessairement saigner, et cela saigne déjà à la moindre menace un tant soit peu sérieuse contre les intérêts économiques et stratégiques de l’Occident ou du capital. Pour renverser l’ordre des choses, qui n’est pas une abstraction mais la traduction concrète de la domination d’une minorité sur l’immense majorité, comment faire l’économie du conflit et de l’affrontement de classes ? Écarter l’idée de révolution pour renoncer à l’idée de rupture violente avec le système en place illustre les dégâts que font dans les esprits l’idéologie de la pacification des rapports sociaux et du consensus…

Depuis des dizaines d’années, d’aucuns pensent que le courant anarchiste reste le seul acteur politique pouvant porter un changement radical de société. Cela s’est amplifié au moment de la destruction du mur de Berlin en 1989. En fait, plutôt que de voir les aspirations révolutionnaires s’inspirer des thèses anarchistes, c’est surtout l’idée de Révolution qui a été progressivement défaite depuis la Seconde Guerre mondiale.

Certains nuanceront en disant qu’aujourd’hui on constate un développement d’une présence libertaire dans tout ce qui bouge, c’est-à-dire dans la majeure partie des mouvements sociaux de ces dernières années, dans les rassemblements « antiglobalisation » aux quatre coins de la planète ; mais on est bien loin d’un phénomène de masse. La masse, y compris celle qui peut à un moment donné lutter, semble bien loin de s’impliquer dans (même d’aspirer à) un processus de changement de société. En fait, c’est le système capitaliste qui triomphe aujourd’hui et qui mène l’offensive.

« La présence libertaire qui s’affirme là où ça bouge » et « sa visibilité de plus en plus incontournable au quotidien » ne semblent pas franchement évidentes, ou du moins restent insatisfaisantes si elles se réduisent à la comptabilité des drapeaux noirs ou noir et rouge dans des mobilisations sporadiques.

Quand à l’« unification à la base » dépeinte dans la brochure, elle mérite d’être questionnée. Des pratiques communes entre militant-e-s d’organisations différentes et/ou inorganisé-e-s existent bel et bien ici ou là, en fonction des moments ou des spécificités locales, mais le phénomène n’est pas nouveau. Ce qui fonctionne relativement bien également, c’est la solidarité contre la répression ou l’union ponctuelle contre une adversité commune. Mais lorsqu’il y a nécessité à mener des campagnes d’envergure, lorsqu’il y a urgence à prendre des positionnements importants, comme ce fut le cas pendant la guerre au Kosovo, ou lorsqu’il s’agit de choix stratégiques comme dans le mouvement des chômeurs, l’unité des libertaires vole en éclats, y compris dans les groupes de base. Trop souvent, quand il s’agit de faire de la politique (intervenir dans le débat public, construire un pôle de forces et mettre en pratique nos idées pour peser sur une situation), il n’y a plus ni unité ni mouvement libertaires, faute de positions communes — des positions communes qui sont bien souvent éludées par un fonctionnement collectif centré sur l’implicite libertaire qui nous réunit !

L’«unité des libertaires» a son histoire

Nous ne remonterons pas jusqu’à l’après-Révolution russe, mais l’«unité des libertaires» a une histoire récente.

L’OCL, comme d’autres, a toujours tenté l’unité dans les luttes ou dans les dynamiques locales quand c’était possible, et nous continuerons de le faire. Ce discours a connu quelques concrétisations au moment de la lutte d’indépendance du peuple kanak, où beaucoup d’anarchistes se sont retrouvés dans la Coordination libertaire anti-impérialiste (CLA) sur des bases politiques clairement anticolonialistes. Mais c’était dans le milieu des années 80... Puis, la dernière fois où s’est tenue une initiative collective d’envergure dans la mouvance libertaire, ce fut en 1996 au sein des Groupes anti-G7 (celui-ci se réunissant alors à Lyon). L’unité fut sommaire, et le bilan provoqua un certain nombre de divisions. Depuis cette date, l’OCL a tenté à diverses reprises de fonctionner collectivement avec d’autres ; la dernière fois au moment de la Marche mondiale des femmes, voici un an, et ce fut un échec ! Il est alors légitime de poser ces deux questions : s’il y a aujourd’hui une volonté unitaire, pourquoi ne s’est-elle pas concrétisée récemment dans des pratiques communes ? Quels sont les changements récents du paysage libertaire qui auraient amené une telle volonté de regroupement ?

On ne compte plus les luttes récentes auxquelles des anarchistes participent ou dans lesquelles ils et elles sont des éléments moteurs, sans qu’il y ait une quelconque unité (le Mouvement des chômeurs et des précaires de l’hiver 1997-1998, l’antinucléaire, la lutte des sans-papiers…). S’il n’y a pas eu d’unité, cela ne s’explique pas seulement, comme le disent les initiateurs du présent « Appel à l’unité », par des querelles de leader-e-s ni même par des querelles de chapelles à la recherche d’une hégémonie. C’est un problème de divergences politiques réelles, avec essentiellement des implications sur les terrains de lutte. En effet, certain-e-s privilégient, pour des raisons d’efficacité, une démarche avec des — et au sein de — structures institutionnelles pendant que d’autres, dont les membres de l’OCL, veulent développer des structures autonomes rupturistes vis-à-vis du capital et de l’Etat.

Nous ne devons pas nier ces divergences fondamentales, qui relèvent de la stratégie de militant-e-s révolutionnaires au sein de mouvements sociaux dont ils-elles sont partie prenante. Ces divergences ne s’expriment d’ailleurs pas qu’en période de luttes, car dans le quotidien certain-e-s font le choix d’être par exemple permanent syndical et acceptent ainsi une fonction de régulation sociale, pendant que d’autres refusent cette délégation de pouvoir, pour ne pas verser dans la cogestion et la bureaucratisation. On retrouve même ce type de clivage au niveau électoral, où d’aucun-e-s sont enclin-e-s à participer, d’une manière ou d’une autre, à la démocratie représentative en l’affublant des oripeaux de la participation directe « des citoyens et des citoyennes », et cautionnent l’idée d’un contrôle possible et désirable du capitalisme.

Alors demain, pourquoi pas?

S’il pouvait exister des lieux de confrontation entre anarchistes et plus largement entre toutes les personnes, groupes... qui veulent se battre pour changer radicalement la société, sur des bases anti-étatiques, anticapitalistes, antipatriarcales, cela permettrait peut-être d’échapper à des vindictes exclusives et sectaires. Nous arriverions peut-être à poser calmement et clairement nos divergences que nous ne pouvons, les un-e-s et les autres, nier ! Nous arriverions peut-être aussi à nous mettre d’accord pour défendre une position commune face à tel événement important, et pourquoi pas à mener des campagnes communes sur tel ou tel thème. On peut ainsi viser des alliances ponctuelles et circonstanciées (et plus si affinités), plutôt qu’une unité séduisante mais qui risque de mal supporter les retombées de la dynamique de l’appel.

Mais nous n’échapperons pas à une analyse de la situation politique, économique et sociale, car si nous voulons changer de société, il faut d’abord que nous analysions l’actuelle, sauf à nous contenter de vérités ahistoriques et d’un anarchisme de cœur.

Nous sommes pour l’expression des différences et des divergences. Les contradictions doivent toujours pouvoir s’exprimer, elles sont nécessaires à une adaptation réelle de la pratique politique aux réalités du moment. Nous sommes très critiques envers toutes les formes organisationnelles qui permettent de niveler les débats en recherchant constamment un consensus a minima. Car l’unanimité nous fait peur, et nous préférons qu’il y ait plusieurs organisations plutôt qu’une seule. En effet, nous n’assignons pas de rôle de direction aux formes organisationnelles auxquelles nous pouvons participer, qu’elles soient politiques, syndicales ou associatives, et nous constatons que dans les dynamiques de lutte, la multiplicité des points de vue est un facteur d’efficacité si le débat est réel et le choix possible

Avec ces préoccupations en tête, nous sommes donc d’accord pour « mouiller notre chemise » dans une démarche unitaire, s’il s’agit d’allier des forces vers des objectifs communs. À nos yeux, cela passe nécessairement par des analyses de l’évolution de la société et par un bilan collectif de nos pratiques réciproques, pour enfin débattre sur le fond et ainsi dégager une convergence des luttes.

Si nous y parvenions, ce serait déjà un beau résultat, alors pourquoi pas ?

OCL, le 19 mai 2001

Notes

(1) Plusieurs journaux libertaires l’ont publié, dont CA (n° 108, mai 2001). Quelques centaines de personnes l’ont déjà signé : des membres de diverses structures libertaires (dont l’OCL), des personnes sans carte de visite particulière si ce n’est leur fonction sociale, et quelques « personnalités ».

(2). OCL, Positions et orientations, 1996.

(3). Que nous définissons comme étant des personnes ou des groupes œuvrant pour un changement radical de société, en rupture totale avec les diverses variantes du léninisme (« communistes autoritaires »), sans pour autant se réclamer de l’anarchisme révolutionnaire.

(4). Bourgeois bohèmes et libéraux-libertaires, pour ceux et celles qui ne seraient pas tendance…