Globalisation, militarisation et migrants

Onécimo Hidalgo Dominguez

CIEPAC, A.C.

Le phénomène de la migration est mondial parce qu’il est la conséquence des politiques néolibérales que le Fond Monétaire International et la Banque Mondial ont imposé en tant qu’une forme inhumaine d’enrichissement des entreprises les plus puissantes, tandis que les pauvres deviennent plus pauvres, parce qu’ils paient les coûts de cette richesse. Mais simultanément, la globalisation est en train de générer ses propres ennemis et elle se désamorce, comme par exemple: les Etats Unis, pays qui impose les mesures néoliberales, sont le principal capteur de la main d’œuvre clandestine au niveau mondial. A tel degré que pour le gouvernement de ce pays, la migration clandestine est devenue un thème majeur de sécurité nationale. En conséquence, les prisons et les lois raciales augmentent tous les jours, et les éléments de la police de frontières ont été autorisés à utiliser des balles caoutchoutées contre les migrants, de même qu’une tolérance officielle se fait jour envers les fermiers pour attraper les migrants comme des lapins.

Les Etats Unis font une pression particulière sur le Mexique car ce pays est le passage obligé pour tout migrant et surtout parce qu’il y a certains migrants qui ont des antécédents spéciaux, notamment ceux qui ont fait partie des guérillas ou autres mouvements sociaux comme par exemple, en Colombie, Corée, Salvador, Pérou, la Chine, l’Irak, le Guatemala, le Nicaragua, la Russie, les Philippines, etc.

Ce phénomène migratoire est en train de progresser au niveau mondial à cause du chômage, des prix bas des produits agricoles et des coûts très hauts des produits de première nécessité, des catastrophes naturelles, des guerres, et surtout en raison des rapports d’inégalités entre pays où les pays les plus riches soumettent avec des mesures de restructuration économique, les pays pauvres.

Etant donné que la migration augmente, les frontières sont les points de contrôle les plus importants, car elles sont le passage pour y entrer, particulièrement pour les Etats Unis. Donc, à cette occasion je vais aborder le problème de la migration et de la sécurité nationale au Mexique ainsi que ses rapports avec les Etats Unis et les implications pour la frontière sud du Mexique.

Les migrants qui viennent de partout en direction des Etats Unis font de grands efforts pour réussir à atteindre leur but «aboutir à trouver un travail aux Etats Unis pour sortir de la pauvreté». Malheureusement dans leur trajet ils sont arnaqués par les réseaux de passeurs, «polleros» et autres bandes de trafiquants des migrants, qui selon l’Institut National de Migration (INM) au Chiapas, sont 52 bandes qui opèrent uniquement du côté mexicain et qui possèdent des instruments et appareils sophistiqués pour falsifier des documents et également avec des structures clandestines qui permettent de repérer uniquement les opérateurs mais jamais les chefs de ces réseaux. Les migrants sont également extorqués par les agents mexicains de migration et les divers groupes policiers qu’ils rencontrent dans leurs péripéties. A tous ces réseaux de clandestins s’ajoutent d’autres problèmes liés au phénomène migratoire tels que les réseaux de prostitution, le narcotrafic, la délinquance organisée, etc.

Les chiffres des migrants dans la Frontière Sud du Mexique.

Par voie terrestre le passage obligé des migrants de l’Amérique Centrale, de l’Amérique du Sud et de l’Asie vers les Etats Unis est la frontière Sud du Mexique, et dans ce sens le Chiapas est la principale porte d’entrée. Cet état mexicain partage avec le Guatemala 962 kilomètres de frontière correspondant aux 17 municipalités de la montagne (Sierra), de la côte (Costa) et de la jungle (Selva). Parmi les principaux points d’entrée il y a Ciudad Hidalgo, Talismàn, Motozintla, Mazapa de Madero, Amantenango de la Frontera, Frontera Comalapa, Ciudad Cuauhtémoc, Marquéz de Comillas. A chaque fois les migrants cherchent d’autres chemins d’égarement et maintenant ils tentent de traverser les rivières, les montagnes ou prennent la voie aérienne.

Selon l’information officielle de l’Institut National de Migration, publiée dans la revue hebdomadaire Millénaire du 18 juin 2001, en 1999 il y a eu arrestation de 53 432 guatémaltèques, 47 707 honduriens, 26 998 salvadoriens, 597 nicaraguayens, 647 équatoriens, 458 chinois, 153 colombiens, 117 provenant du Belize, 107 de la Russie et 760 personnes d’autres nationalités. Au cours de l’année 2000, ils ont arrêté 78 819 guatémaltèques, 45 604 honduriens, 37 203 salvadoriens, 2 416 équatoriens, 1 938 nicaraguayens, 294 péruviens, 273 colombiens, 184 irakiens, 181 dominicains, et 1535 personnes d’autres nationalités. Lors des premiers six mois de cette année, ont été détenus: 27 662 guatémaltèques, 18 476 honduriens, 16856 salvadoriens, 830 nicaraguayens et 2499 personnes d’autres nationalités. Les migrants sont décédés par attaque à main armée et vols commis par les bandes nommées "salvatruchas" (truites-sauvées), ainsi que par insolation, accidents et surtout par famine, etc., il y a eu 192 personnes décédées en 1999. Pour l’année 2000, 192 personnes et pendant cette année il y a eu 47 personnes depuis le début de 2001. Toutefois, le consul du Salvador en Tapachula, a annoncé la morte de 130 personnes de l’Amérique Centrale dans cette année 2001.

Le problème de la migration est aussi devenu un thème de sécurité nationale pour le Mexique, Par conséquent l’instrumentation du Plan Puebla Panama (PPP) est un projet qui envisage plusieurs aspects parmi lesquels se trouve un arrêt à la migration. Quoique le coordinateur de ce plan, Florencio Salazar nie à reconnaître que le Mexique fait le sale boulot qui appartient aux Etats Unis, car au Chiapas les faits nous donnent cette confirmation.

Le PPP considère que l’installation de "maquiladoras" (petites usines bon marché) en Centramérique et à la frontière sud du Mexique, est une manière de stopper la migration, mais il ne prends pas en considération des salaires bien rémunérés et de même ne donne pas de l’importance aux services de la santé, de l’éducation et moins encore au fait que les travailleurs puissent avoir la possibilité de constituer des syndicats. Nous savons que les causes qui provoquent la migration ne trouveront pas une solution avec le PPP, car il faut rechercher la solution aux causes qui sont à l’origine de ce phénomène. Afin d’appliquer ce plan, on est en train de militariser la frontière sud du Mexique et celle de l’Amérique Centrale, ainsi au Chiapas l’armée mexicaine a pris ses positions dans la frontière avec le Guatemala. L’armée est partout omniprésente par exemple, à Niquivil, Tonincanake, Pavencul et Buenos Aires et dans les municipalités de Motozintla, Mazapa de Madero et Comalapa aux moyens de barrages installés tous les jours de façon intermittente. En plus, il y a les patrouilles depuis Tapachula jusqu’à Angel Albino Corzo qui traversent les montagnes de la Sierra mère du Chiapas sous prétexte d’appliquer la «Loi Fédérale contre les Armes à Feu et Explosifs». En outre, il est évident que cette ceinture policière va depuis Ciudad Hidalgo, en passant par La Trinitaria, Marqués de Comillas jusqu’à Palenque sur le térritoire du Chiapas et se prolonge aux états de Campeche et Quintana Roo, qui ont une frontière avec le Belize. Certainement, cette militarisation au Chiapas est venue avec l’apparition du EZLN, mais maintenant elle est utilisée pour arrêter les migrants et surtout pour sauvegarder les intérêts des firmes transnationales intégrées dans le PPP (malgré les négations des fonctionnaires du gouvernement du Chiapas et de Vicente Fox, les preuves sont claires lorsqu’on parcourt la frontière avec le Guatemala). Les agents de migration, ainsi que les corps de la police et de l’armée n’ont pas pu empêcher que certains membres se trouvent impliqués dans le trafic des migrants, tel a été le cas récemment lorsque trois militaires mexicains, voyageant au Salvador dans le cadre d’une aide humanitaire, sont retournés au Mexique avec un groupe de clandestins.

Le grand programme dans la frontière Sud du Mexique se connaît sous l’appellation de "Sellamiento de la Frontera Sur" (Fermeture de la Frontière Sud) et celui-ci va de Veracruz jusqu’à la Péninsule de Yucatan où il existe une coordination des corps des polices parmi lesquels il y a l’Institut National de Migration, l’Armée Mexicaine, la Police Fédérale des Routes, la Police de la Sécurité Publique, la Police Fiscale et le Bureau Général de la République ( les initiales en mexicain PGR). Plusieurs de ces groupes coordonnés entre eux s’appellent Bases d’Opérations Mixtes (BOM) et ils se situent dans des lieux stratégiques. Un de ces lieux stratégiques qu’on prétend fermer avec plus d’intensité est la région de l’Isthme de Tehuantepec en Oaxaca parce qu’il est le passage le plus étroit du territoire mexicain, compris dans le Plan Sud lequel consiste à intensifier la surveillance policière pour la détention des migrants. A ce propos on renforce les programmes Bêta Sud, qui selon le délégué de Migration dans le sud, Felipe de Jésus Preciado Coronado, augmentera avec trois autres programmes qui ont un budget mensuel de 2 millions ( Journal Cuarto Poder 26 juillet 2001).

La Frontière Nord

La situation dans la frontière Nord du Mexique est très compliquée car la surveillance policière est en train de se renforcer et d’augmenter les mesures pour stopper la migration. Cette frontière est longue de plus de 3 milles kilomètres que notre pays partage avec celle des Etats Unis avec des villes mexicaines comme par exemple Tijuana et Mexicali en la Basse Californie; San Luis Rio Colorado, Agua Prieta et Nogales en Sonora; Ciudad Juaréz en Chihuahua; Nuevo Laredo et Matamoros en Tamaulipas.

D’ailleurs, le gouvernement des Etats Unis, le 21 novembre 1993, a fini la construction de la barrière métallique et a augmenté la surveillance de patrouilles frontalières dans l’état de la Californie qui est une frontière longue de 224 kilomètres. Déjà dans l’année 1994 il y avait dans cette frontière 1 475 patrouilles entre San Diego et le Désert de Yuma et en 1999 les chiffres étaient de 2 855 patrouilles et ils ont renforcés le système d’éclairage pour la visibilité nocturne et également ils ont installé des capteurs et ont augmenté le nombre de longues vues pour l’observation à distance. La stratégie du gouvernement Etatsunisien est celle d’empêcher la traversée de 22,4 kilomètres par lesquels le passage est particulièrement visible et ainsi dévier la migration vers San Diego. Dans cette zone existent maints monts d’une hauteur de 1 800 mètres et les températures sont supérieures aux 50 degrés à l’ombre. La plupart des patrouilles frontalières de la Californie se concentrent à San Diego et elles se consacrent à une couverture de 105,6 kilomètres de surveillance et dans cette zone on utilise un quart de la surveillance, le 72 % des barrières métalliques et le 54 % de lumières de haute intensité installée tout au long des 3 200 kilomètres surveillés de l’Océan Pacifique jusqu’à Bronwsville, Texas. D’après Claudia Smith de l’Assistance Légale Rurale de Californie, toutes ces mesures font partie de «l’Opération Gardien» monté par le gouvernement gringo.

Le nombre des morts par année, selon le reporteur photographe Roberto Cordova Leyva (exposition photographique "Al Filo de la Linea", Baja California, Mexique novembre 2000) uniquement dans la frontière californienne est: en 1994, 23 personnes; en 1995, 61 personnes; en 1996, 59 morts; en 1997, 89 morts; en 1998 147 morts; en 1999, 111 personnes; en 2000 il y a eu 120 morts. Et tout au long de la frontière entre les Etats Unis et le Mexique, sont mortes 491 personnes, d’après les rapports d’organismes de défense des migrants et de ce chiffre la moitié décédée à cause d’hypothermie ou insolation. La Californie est l’état qui a enregistré le plus de morts et où se trouvent 3 ou 4 lieux de grand risque pour les migrants. Depuis 1992 en Californie, de façon anonyme ont circulé des campagnes xéno phobiques contre les migrants, en disant «s’il n’est pas blanc descends-le. Rappelle-toi, arrête la boue ou sinon tu plonges». Durant les campagnes politiques à travers la frontière Nord, beaucoup de politiciens mexicains éparpillent des discours comme par exemple, « pour un traitement juste et humanitaire pour les migrants», mais lorsqu’ils sont au pouvoir ils soutiennent les politiques néolibérales qui augmentent la migration. Les violations des droits humains contre les migrants continuent tous les jours à l’intérieur du territoire états-unien, tandis que pendant les six dernières années, il y a eu seulement six employeurs de migrants qui ont subi un procès dans les Contés Frontaliers de Californie, pour violation des droits humains. Cette situation est due au fait que le Service d’Immigration et Naturalisation consacre seulement 2 % de son temps pour exiger l’application des lois d’immigration sur les lieux de travail. Il existe plus de 3 200 migrants emprisonnés et les lois les plus racistes contre les migrants, y compris la peine de mort, ont été prononcées dans les états de Texas et Virginie.

Depuis plusieurs années, le Mexique est aussi l’éjecteur de main d’œuvre bon marché et également de clandestins vers les Etats Unis, toutefois les dix dernières années ce flux a été très accéléré à tel point que des 11 millions de migrants qui travaillent aux Etats Unis, 3 millions sont mexicains provenant principalement des états d’Oaxaca, Zacatecas, Michoacan, Guanajuato, Puebla, Chiapas, Guerrero et Sinaloa.

Le gouvernement de Vicente Fox sous pression des migrants et des groupes de solidarité auprès de l’ambassade et consulats du Mexique est en train d’essayer d’instrumenter le «programme brasero», qui consiste à fermer la frontière Sud pour les centraméricains et ouvrir la frontière Nord pour les Mexicains qui pourraient entrer ainsi légalement avec documents aux Etats Unis pendant une période bien déterminée. Tout ceci implique salaires bas et aucun droit à la santé, l’éducation et l’organisation syndicale ce qui engendre une confrontation avec les migrants qui ont déjà passés plusieurs années et qui cherchent à régulariser leur situation de migration (amnistie) et du chômage massif.

Par ailleurs, les organisations des migrants de tous les autres pays, qui sont aux Etats Unis, ont commencé depuis deux années un processus d’organisation pour entre-tisser les réseaux qui établissent les luttes stratégiques afin de modifier la loi qui octroie plus de respect, de mobilité sociale, le droit à la santé, le droit à l’éducation, et au travail comme tout citoyen nord-américain. Dans ce réseau d’organisations, dénommée Alliance Nationale d’Organisateurs ( en anglais NOA), participent plus de 250 organisations et au sein de ce réseau on construit un mouvement d’organisateurs des migrants qui cherche à créer des meilleures conditions de vie avec sa propre logique, dynamique et structure organisatrice. Ainsi, lors de la seconde réunion qui s’est déroulée du 27 juin au 1 juillet en Sonoma, Californie; ont assisté plus de 600 personnes parmi lesquelles beaucoup font partie du processus d’organisation contre la globalisation (qui a eu lieu à Seattle, Washington D.C., etc., ), conscientes que ces problèmes sont le produit de la globalisation.

Il existe une proposition, très soutenue, pour modifier les lois aux Etats Unis présentée cette année (février) par le Congressiste Luis Gutiérrez (Démocrate d’Illinois) et qui cherche à légaliser et donner la résidence permanente aux migrants sur le sol nord américain. Cette proposition appelée HR-500 essaie de donner une protection au travail et des solutions à une série de besoins de la population sans documents. Donc, cette initiative législative a l’appui de plus de 30 Congressistes, parmi lesquels il y a Maxime Walters, Grace Napolitano, et Loretta Sànchez.

Pour finir, je considère que le phénomène migratoire ne va pas trouver une solution avec la quantité d’infrastructure installée aux frontières, la militarisation, et de la même façon que les barrières métalliques ne freineront pas l’entrée clandestine à n’importe quel pays du monde, si on ne donne pas un traitement plus juste et humain aux migrants et également si on n’aborde pas les causes qui provoquent la migration. En revanche, quand le capital transnational arrivera à avoir comme centre d’attention le visage humain au lieu de l’augmentation des profits, le monde sera plus juste.