L'Eglise est notre pire ennemie !

P.P.

Dans la dernière encyclique, l'Eglise, par la voix de Jean-Paul II, accepte, justifie et légitime toutes les bases institutionnelles du monde dans lequel nous vivons : le capitalisme (propriété privée, marché, concurrence, profit, entreprise), l'Etat moderne à l'occidentale (qualifié par Jean-Paul II de démocratique !!) et, bien sûr, la Famille, ce qui n'a rien de surprenant. Jean-Paul II, finalement, se contente de souhaiter que des "améliorations" soient apportées au Capitalisme. Il ne fait que reprendre la position de l'Eglise (et c'est bien normal !). Entre le capitalisme sauvage et le communisme, une sorte de capitalisme "tempéré", de social-démocratie, semble tout à fait convenir à l'Eglise ; en somme, elle est rocardienne, depuis un siècle à peu près ! Avant, elle était monarchiste ; on peut espérer que dans 50000 ans elle soit devenue communiste !! Comme s'il paraphrasait Michel Rocard, Jean-Paul II nous souhaite "... une société du travail libre, de l'entreprise et de la participation" !!

Dans ce texte, le pape nous fournit une illustration et même une démonstration particulièrement saisissante de l'installation de l'Eglise dans l'enfer préhumain (ce monde charmant et fantastique que nous habitons !), une installation qui ne va pas sans une dose raisonnable de réformisme et d’humanitarisme : il fait bien "corriger les excès du capitalisme".

Parmi les institutions légitimées par l'Eglise, la propriété privée occupe une place centrale, ce qui est bien normal puisqu'elle est une base essentielle de la Préhumanité. Voyons comment l'Eglise procède pour justifier la propriété privée.

Au départ, Dieu a donné la Terre à tous les hommes : c'est ce que l'Eglise appelle la "destination universelle des biens de la Terre". Voilà une expression tout à fait séduisante que nous pourrions presque reprendre à notre compte, mais derrière laquelle se cache la conception et la pratique d'une Terre envisagée uniquement comme une pourvoyeuse de marchandises, animaux y compris ! Dieu ne semble pas se préoccuper du rôle de la Terre, des écosystèmes, des animaux etc, si l'on en croit, bien sûr, ce qu'en dit l'Eglise ! Mais passons... et admettons avec l'Eglise que Dieu a "donné" la Terre à tous les Hommes (non pas pour la dominer, l'écraser, l'exploiter mais pour la connaître, savoir ce que l'on doit faire et construire avec elle !). Ensuite, pour se nourrir, se vêtir, satisfaire des besoins, faire face à une nécessité, il faut travailler ; rien de choquant dans cette affirmation ! Après, Jean-Paul II et toute l'Eglise avec lui, commettent l'un des crimes les plus "diaboliques" qui soient : ils justifient et légitiment, au nom de Dieu, le passage du Travail à l'appropriation, par le travail, de la Terre et des fruits du travail. Hypocritement, pour boucler la boucle, on proclame et on réclame ensuite le droit à la propriété privée, pour que les pauvres puissent posséder une infime part des "biens communs", une fois que les plus malins et les plus forts ont réussi à en accaparer la plus grande partie !

Le plus grave est bien ce fameux passage du Travail à l’appropriation de la Terre par le Travail. C'est là que tout se noue. En effet, on ne peut contester (donnée objective!) l’existence d'un "droit" légitime de "profiter" des fruits de son travail, cela va de soi : si on travaille : c'est qu'il le faut, pour soi et pour les autres. Il est donc normal, qu'en retour, on en "profite", que les besoins soient satisfaits, rien de plus, rien de moins ! Mais s'approprier la Terre qui, au départ, n'est à personne, qui constitue (entre autres !!) le champ d'application du travail, la "matière brute" sur laquelle agit l'Homme, (le point de vue économique étant loin d'être le plus important), c'est commettre un vol, un crime car en plus des fruits du travail, on veut pour soi (ou pour son clan, sa tribu, sa famille), rien que pour soi, la possibilité de produire et ainsi on prive les autres de cette possibilité. C’est là l'origine du salariat, de la richesse des uns, de la misère des autres, de l'exploitation du Tiers-monde, des ventes d'armes, des guerres... du capitalisme dans toute sa splendeur.

Pas un moment, Jean-Paul II, pourtant si "religieux", si pénétré d'amour, ne songe à remettre en cause ce vol, ce crime si lourd de conséquences. Hypocritement, comme l'a toujours fait en pareil cas l'Eglise, il rappelle à ceux qui possèdent la Terre (et les moyens de production, le Capital, l'information, le savoir) qu'ils n'en sont que les dépositaires et qu'ils ne doivent pas en abuser (!) en vertu de la "destination universelle des biens de la Terre" ! Et il invite à la grande réconciliation finale : patrons et employés, pauvres et riches... L'Eglise bénit l'appropriation ; elle légitime au nom de Dieu la propriété privée, agissant ainsi, elle commet un double crime : elle se sert de Dieu et elle participe directement et indirectement à l'exploitation des salariés, à la scandaleuse inégalité des conditions de vie, au massacre du Tiers-Monde, aux guerres, aux famines... Comme disait J.J.Rousseau (à peu prés) : "Que de crimes eût-on évités, si personne n'avait dit : ceci est à moi" !

L'Eglise fait tout ce qu'elle peut pour assassiner Dieu et pour maintenir "l'humanité" dans la barbarie. L'Eglise, qui ne cesse de se faire passer pour la servante de Dieu, n'est qu'une prostituée au service des pulsions les plus basses de l'homme.

La manière de procéder est la même pour toutes les composantes du capitalisme : une escroquerie permanente, une manipulation insidieuse. On part de données objectives et à un moment du discours, de l'argumentation on passe à une affirmation qui se contente de constater des comportements et des pratiques sans les "expliquer" ni les relier aux données objectives. A l'aide de cet artifice, on légitime tout et on fait croire à un enchaînement logique, naturel, inévitable, alors que l'origine est purement irrationnelle, instinctuelle, et se trouve dans les pulsions de volonté de puissance, de compétition, de domination propres à toute la préhumanité, l’Eglise y compris.

Et comme il faut toujours citer ses sources, voilà un extrait tout à fait représentatif : "Grâce à son travail, l’homme utilisant son intelligence et sa liberté parvient à dominer la Terre et il en fait la demeure qui lui convient. Il s'approprie ainsi une partie de la Terre, celle qu'il s'est acquise par son travail. C'est là l'origine de la propriété individuelle." !!! Oui, vous avez bien lu ! (chapitre IV, intitulé: "La propriété privée et la destination universelle des biens", paragraphe 31, de l'Encyclique de Jean Paul II, "Centisimus Annus")

L’Eglise par la voix de Jean Paul II ne fait que continuer ce qu'elle fait depuis 2000 ans : elle use de son pouvoir sur les consciences pour détourner fidèles et "incroyants" (par effet de repoussoir) d'une prise de conscience et d'une rupture radicale. Aux premiers, elle offre des cadres rassurants, conformistes, prédigérés, codifiés, normalisants, faisant taire ainsi la voix sourde, intime, souterraine de l'interrogation fondamentale, de l'inquiétude, de l'angoisse. Elle leur offre surtout un formidable alibi et une formidable justification : la caution de la foi et du dévouement. Pourtant, dans la pratique, la foi les détourne de Dieu en interposant entre eux et lui l'Eglise, les Livres, la Tradition ; et le dévouement laisse intactes les causes de la misère qu'il prétend soulager.

Ainsi les fidèles, croyants, religieuses, religieux s'intègrent dans nos merveilleuses sociétés ! Au mieux, on les verra du côté des socio-démocrates combattre les fascismes rouges ou noirs, ou les "excès du capitalisme" (c’est bien le moins pour des chrétiens !) mais lorsqu'ils sont installés dans des pays comme la France, ils en acceptent toutes les institutions fondamentales, comme le leur recommande Jean Paul II.

Aux "incroyants", aux "gens de gauche", aux rationalistes, aux scientistes, l'Eglise offre le spectacle d'une institution prétendument divine qui pactise depuis deux millénaires avec les pouvoirs civils, militaires, étatiques, économiques, et qui, au nom de Dieu, bénit les canons et se contente de dénoncer "les excès du capitalisme" ! Pauvre Dieu, qui n'y est pour rien ! Il n’empêche que, là encore, l'attitude de l’Eglise donne un bon alibi, un bon prétexte à ces gens (que pour aller vite nous qualifierons "de gauche"), pour évacuer Dieu et avec lui la seule voie de sortie de l'enfer préhumain. Eux aussi s'installent confortablement (au moins moralement, psychologiquement, intellectuellement) dans leur réformisme "athée" ; eux non plus ne feront jamais changer le monde (il est vrai qu'ils n'y tiennent pas !).

En bref (!), et pour simplifier notre propos, l'Eglise est notre pire ennemie, la plus putasse, la plus salope de toutes les institutions préhistoriques que les préhommes aient inventées. Y-aura-t-il un jour une Histoire : that is the question !

L'Eglise prétend agir au nom de Dieu et elle a su, depuis deux millénaires, pratiquer à merveille le confusionnisme, l'entortillage, le double langage, la manipulation, la récupération, etc etc , de façon à donner de fausses réponses à de vraies questions et de trop confortables certitudes à des gens qui ne demandent que ça !

L'Eglise est une machine redoutable et elle a parfaitement réussi à annexer Dieu et à persuader pratiquement tout le monde que Dieu est ce qu'elle en dit !

Si le diable existe, il n'a plus de boulot sur terre : l'Eglise l’a mis en chômage !