État-réseau, réseaux d’État

et « gouvernance mondiale »

La forme réseau qui apparaît par exemple dans une régionalisation accrue (les plans États-Régions et un rôle plus important dévolu aux collectivité locales), dans la mise en place de projets pour les quartiers (DSQ), de projets associatifs menés en liaison avec les pouvoirs publics, ne signalent pas une moindre intervention de l’État, mais une restructuration-redéploiement de ses activités à l’époque de la crise de ses médiations traditionnelles, comme nous l’avons exposé dans notre article précédent1. Il est remarquable que ce mouvement s’effectue dans une nouvelle forme de la démocratie qui bouleverse les rapports entre représentation et légitimité. Cette dernière était traditionnellement associée à l’idée de majorité ou en tout cas à la réalité d’une forte implantation sur le terrain. C’est ce qui a présidé, par exemple, à la définition de « représentativité syndicale ». Or de plus en plus aujourd’hui, des associations sont reconnues légitimes sans être représentatives de quoi que ce soit d’autre…que de leurs membres ! Les pouvoirs publics les valident pourtant pour en faire des médiations, même si elles sont en partie virtuelles à l’origine. A l’abstraction de plus en plus grande des rapports sociaux de la société capitalisée correspond un système d’activation concrète de ces mêmes rapports. Le nihilisme du capital a des limites que l’Etat connaît, lui qui par ses subventions s’assure de nouveaux relais qui participent à ce que des sociologues appellent « la construction du social » . On voit aussi, par cet exemple, que les frontières du public et du privé se brouillent de plus en plus. Bien sûr on pourrait trouver dans cette délégation un abandon des missions de service public, un passage discret vers le secteur privé, la compression des effectifs et des coûts de service public au profit du développement de nouvelles formes de bénévolat, mais on ne peut tout envisager en terme de rentabilité et de « contrôle social2 ». Si le capital a englobé3 la contradiction principale de sa phase bourgeoise, de sa « domination formelle » sur la société, c’est-à-dire la contradiction capital-travail, il n’arrive pas à résoudre la contradiction spécifique à sa domination réelle, celle qui tend à nier tout rapport social en rendant l’humain superflu et à se constituer par là-même en communauté matérielle, alors que par ailleurs sa « gestion de la ressource humaine » l’entraine à en faire « le capital le plus précieux » !

Comme le dit le Cercle social, l’État est partout où l’argent public est investi. Même si sa présence ne passe plus par une forme institutionnelle. C’est un changement fondamental par rapport au modèle du service public dans l’État-nation. Les services effectués n’apparaissent plus comme relevant (à tort ou à raison) d’un bien commun, mais comme quelque chose qui est approprié par des individus ou groupes particuliers, renforçant ainsi ou les renversant, des rapports de force et des positions antérieures4. A l’égalité devant le service public qui faisait qu’en contrepartie il y avait un respect de l’institution, succèdent pratiques de lobbying et ressentiment contre les institutions. A la perte de sens général des interventions publiques qui en découle, se substituent des pratiques mixtes qui cherchent à trouver des sens particuliers qui auraient tous une légitimité équivalente.

Ce mouvement n’est pas nouveau et il faut essayer de le périodiser plus précisément afin de percevoir ce qui est véritablement propre au moment présent. L’interventionisme de l’État-nation, par le biais du droit social, de l’idéologie « solidariste » et des services publics est un élément essentiel de la forme française de régulation des rapports sociaux. Elle constitue une manière particulièrement politique de réaliser l’englobement de l’antagonisme des classes qui se manifeste concrètement par la perte d’identification au modèle de la communauté ouvrière. Des socialistes révolutionnaires comme Sorel et Lagardelle ne s’y tromperont pas en prônant l’état « d’insolidarité » dans lequel doit vivre le prolétariat pour ne pas être contaminé par les autres classes, leur lâcheté et leur manque d’honneur5.

Ce sont finalement les théories keynésiennes qui vont enchainer économie et social dans l’intervention de l’Etat. C’est en impliquant toute la société dans son rapport à l’Etat que l’on rend impossible la détermination d’ une responsabilité et d’un ennemi. Il n’y a plus d’imputation possible6. L’Etatdevient le responsable effectif du devenir des rapports sociaux, le dépositaire du progrès social. La solidarité durkheimienne corrigée par Duguit puis Bourgeois l’emporte à la fois sur l’insolidarité de la lutte des classes et sur la société bourgeoise du contrat et du risque. Il n’y a alors plus ni sujet, ni société civile.

Le rôle de l’école publique, « laïque et démo-méritocratique » a été fondamental en la matière, car cette école a justement pour vocation, entre autres, le désenclavement des classes. Le processus de « moyennisation » de la société y est très avancé, puisqu’il touche aussi bien les jeunes banlieusards que les enfants d’une ex-droite désidéologisée et parlementarisée. Toutefois, ce mouvement n’est pas sans contradictions et la crise générale qui commence à la fin des années 70 et perdure encore sous différentes formes aujourd’hui (pas de nouvelle forme de régulation stable, pas de normalisation des rapports sociaux, tout au plus des ballons d’essai) nécessite un redéploiement des activités de l’État que nous sommes nombreux, justement à essayer de saisir. Pour notre part, nous pensons que ce redéploiement en réseau est la forme que prend la reconfiguration de l’État-nation. Celui-ci est en crise en tant que forme politique s’autonomisant de ses anciennes fonctions régaliennes (modèle de l’État gaulliste), mais il élabore un nouveau compromis entre public et privé, entre institutions et associations, qui est très en phase avec le mouvement même du capital et de ses rapports sociaux. Il n’y a donc pas, pour nous, de nouvel « apartheid social »7, ni de « nouvelles enclosures »8. Ces notions sont complètement inadéquates avec les nouvelles formes du contrôle social. Car si ce dernier repose toujours sur le principe abstrait d’une équivalence entre intervention de l’État et bien commun, il opère désormais en ciblant des lieux d’intervention privilégiés (par exemple « le redéploiement économique et l’animation culturelle » dans des zones urbaines « sensibles » affranchies des charges et des taxes) et en désignant des « acteurs sociaux » relais de ces initiatives (cf. « les médiateurs-sécurité dans les transports ou les espaces commerciaux). Il est donc très difficile de délimiter ce qui relève de l’Etat et ce qui relèverait d’un « non Etat » qui pourrait lui être antagonique.

L’arbitrage ne se fait plus au seul niveau de l’Etat central. Le pouvoir ne revêt plus systématiquement sa figure traditionnelle, auto-centrée, concentration de puissance, mais développe une multiplicité d’instances qui cherchent à gérer des relations jugées simplements conflictuelles. Le service public s’en trouve particularisé, épousant ainsi la forme des différents lobbies particularistes et c’est le « bien commun » qui devient insaisissable. Toutes les polémiques ou même les simples questionnements autour de la notion de bien commun ou d’en-commun, ou autour de la citoyenneté dérivent de ce processus, à partir du moment où le rapport individu – communauté n’est plus appréhendé dans une perspective politique subversive et de discontinuité avec le capital.

Le Cercle Social est d’ailleurs victime de ses références à l’antiétatisme anarchiste de jadis quand il perçoit dans l’externalisation du service public une façon de transformer chacun en fonctionnaire. Il s’agit bien plutôt d’assurer un « changement social » (agir sur les formes du « lien social » plutôt que sur la structure des rapports sociaux) qui réponde aux transformations du procès de production. Devant un processus qui s’autonomise et tend à rendre inessentielle la force de travail, l’individu doit être réenclavé par sa fonction dans la reproduction d’ensemble. Ce mouvement est tout à fait conforme à la société capitalisée qui le produit : une société qui ne connaît plus de société civile et qui a réduit l’espace politique à peau de chagrin quand c’est la gestion qui triomphe et à travers elle, l’économie et le social. L’État n’a donc plus besoin de gagner du terrain pour maintenir ou renforcer son emprise. C’est ce que ne comprennent pas ceux qui voudraient une reprise des nationalisations et la transformation des « individus-fonctions » en individus ayant le statut de fonctionnaires !9 La tension vers un universel ne passe qu’imparfaitement dans les missions officielles de l’État et des services publics et revendiquer leur extension sans plus, est de l’ordre de la répétition historique et du réflexe syndical. On ne peut pas dire non plus que cela s’explique par le fait qu’il y aurait en France une précarisation bien plus forte que chez nos voisins. C’est même tout le contraire et cette tendance, même mystificatrice, constitue une survivance de la formation révolutionnaire de l’État-nation français.

Le Cercle Social ne saisit pas bien l’état actuel de la question quand il définit l’autonomie de l’État par ses fonctions de médiation. En considérant que l’État actuel ne peut être analysé comme le simple État de la classe dominante, cette approche ne dépasse pas les polémiques des années 60-70. On y relève une citation de Ralph Milliband, mais il pourrait s’agir aussi bien de Louis Althusser que de Nicos Poulantzas. Déjà à leur époque et même bien avant10, l’État n’est plus l’État de la bourgeoisie et l’expression « État de la classe dominante » relève plus de la formule-réflexe que de l’analyse. Lorsque Althusser, Tronti et Castoriadis s’interrogent sur l’autonomie des « appareils idéologiques d’État » (Althusser) ou sur l’autonomie du politique (Tronti) ou sur les rapports instituant-institué (Castoriadis), ils tentent de rendre compte de l’affaiblissement des institutions de l'État-nation et de ses médiations. Mais aujourd’hui ces médiations et institutions sont véritablement en crise. Et à leur tête, l’État-nation, « Institution des institutions » cherche à se redéployer comme agent immédiat de la socialisation des individus. A la limite on pourrait dire - si cette limite même n’était pas celle d’une antinomie théorique et d’une contradiction pratique - que c’est l’État qui se fait médiateur immédiat, médiateur dans l’immédiat. A l’opposé de ce qu’avance le Cercle social sur un État-réseau qui manifesterait paradoxalement le retour à une domination formelle sur des individus particuliers, on peut dire que celui-ci achève le processus d’individualisation en pénétrant à l’intérieur des individus. Ce qui est vu comme paradoxe tient en fait à la contradiction dont nous avons déjà parlé entre abstraction de plus en plus grande des rapports sociaux dans la société capitalisée d’un côté (tendance à la négation du pôle humain du capital) et nécessité d’activer ces mêmes rapports sociaux, ne serait-ce que pour reproduire le système d’ensemble (tendance à l’affirmation du pôle humain même sous forme mystifiée et/ou ambiguë comme le montrent actuellement les diverses pratiques « citoyennes » ou « alternatives » et la tentative de recontractualisation des rapports sociaux). Cela nous montre aussi qu’il n’y a pas retour ou régression à un stade antérieur car ce n’est pas l’égalité entre tous qui est remise en cause dans la crise de la forme originelle de l’État-nation. Cette égalité est en effet la prémisse de nouvelles particularisations ou de l’affirmation accrue d’anciennes particularités : par exemple l’affirmation des homosexualités s’appuie à la fois sur l’idéologie des droits de l’Homme (l’égalité abstraite) et sur la lutte pour l’égalité concrète contre les discriminations. Le balancement entre unité et diversité s’exprime dans le rapport conflictuel entre opinion publique démo-républicaine et l’idéologie du politiquement correct.

« L’État proche de chacun de nous » ne signifie pas que la domination deviendrait palpable, comme pouvait l’être celle des seigneurs et maîtres sur leurs serfs et serviteurs. La proximité peut parfois prendre des formes très abstraites ou très souterraines qui masquent sa présence. C’est patent en ce qui concerne la question de la surveillance des « citoyens ». Le dispositif est multiforme et omniprésent, sans qu’il se rende forcément visible. D’ailleurs le discours d’extrême-gauche est particulièrement archaïque et relève d’un double langage qui reproche à la fois à l’État une trop grande présence policière et la mise en place de la vidéo-surveillance et des îlotiers. Il va sans dire que les deux procédés sont évidemment liés, mais évoluent en sens inverse, au rythme de la progression de la forme-réseau.

La forme réseau prise par l’État est facilitée par sa maîtrise stratégique sur les grands moyens de communication (« société de l’information ») et de contrôle (réseaux des services secrets et de défense du territoire), mais elle est aussi très proche de la forme réseau des grandes entreprises, aux pratiques d’externalisation et de sous-traitance. L’entreprise « light » devient un nouveau modèle à atteindre, relativement différent de sa forme de la fin des années 70, dans la mesure où la « taille minceure » ne l’empêche plus d’étendre ses ramifications dans le monde entier.

L’apport du Cercle social sur ces questions est important, comme le montre le texte : Guerre financière, criminalité transnationale et capital global. Même si l’ensemble est seulement descriptif , il apparaît bien :

- qu’il n’y a pas de contradiction fondamentale entre niveau national et niveau mondial. Par exemple, l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux qui pourtant pénalise la ponction fiscale, est compensée par une hausse de la masse fiscale finale produite par les réinvestissements postérieurs. Il en est de même du « blanchiment » de « l’argent sale ».

- que ce mouvement scelle aussi l’alliance ou la complémentarité entre États et grandes firmes.

Mais cette sorte de régulation par le crime ne stabilise pas le système d’ensemble qui se trouve fragilisé par la tendance à une valorisation purement financière. D’où les mesures conjoncturelles de lutte contre les paradis fiscaux, l’argent de la drogue, etc.

Le processus des réseaux tend vers une réversibilité : de l’État-réseau vers les réseaux-États. Il est bien évident qu’à partir d’un certain moment, cela n’est plus acceptable : la mafia colombienne et le clan Ben Laden ne peuvent usurper longtemps le droit de l’État à la seule violence légitime (c’est pour cela d’ailleurs que ces groupes recherchent un paravent étatique derrière lequel ils s’abritent le plus longtemps possible). En dehors de tout critère éthique, ce droit à la violence légitime s’exerce de plus en plus au niveau d’une puissance mondiale non encore unifiée qui opère plus par opération de police que sous le forme d’ une guerre traditionnelle.

Le dernier point de ce texte du Cercle Social peut être repris intégralement :

« il ne s’agit pas d’un revirement extrême lié au 11 septembre, ou à des choix politiques spécifiques au président Bush. On a vu que la question des avoirs financiers des organisations « terroristes » était déjà posée auparavant et que la lutte contre les grands producteurs de drogue était en place depuis quelques temps. De ce point de vue la guerre d’Afghanistan n’a fait que précipiter un mouvement existant. Cela semble contredire la vision courante d’une « mondialisation néo-libérale ». C’est le cas. Le néolibéralisme est une réalité, une idéologie en action, avec des buts bien déterminés qui sont de détruire les structures héritées de l’ancien stade du capitalisme (économie mixte au niveau de l’État-nation, État-providence, protectionnisme et impérialisme) et d’alléger le poids de la dette des États occidentaux. Mais cela nécessite la mise en place et le renforcement d’institutions mondiales (FMI, BM, OMC, ONU) qui forment une gouvernance mondiale sans gouvernement central – ce qu’Antonio Negri appelle L’Empire. Le capitalisme globalisé, loin de connaître un affaiblissement de l’État, se caractérise plutôt par un renforcement de la gouvernance au niveau global. C’est le même mouvement qui transforme les États nationaux – en les recentrant dans leur mission de contrôle social – et qui institue l’État au niveau mondial. Il n’y a donc rien de surprenant à voir l’administration US, supposée inféodée au néolibéralisme, agir dans le sens souhaité par les néoréformistes – sans la justification éthique associée – en faveur d’une régulation des flux financiers. Elle se comporte, tout simplement, en porte-parole conscient du capitalisme global dans ses intérêts à long terme – place que l’État assume d’autant plus volontiers qu’il est lui-même le capitaliste le plus puissant ».

Là-dessus nous ne divergeons que sur deux points ; nous avons déjà critiqué plus haut l’idée d’un État entrepreneur. Il apparaît comme le capitaliste le plus puissant seulement parce qu’il est le capital collectif et non pas parce qu’il serait le plus grand capitaliste ; ensuite, Le Cercle Social, comme Negri et Hardt voient dans cette tendance quelque chose d’achevé.

L’intérêt de l’analyse du Cercle Social sur l’État, c’est qu’elle essaie de dépasser la séparation entre économie et politique. Elle semble renvoyer dos-à-dos la thèse idéaliste classique d’un État politique extérieur à la vie collective (la « société civile » de Hegel) et la thèse matérialiste vulgaire d’une économie qui agirait l’État, mais en fait cela conduit à supprimer la dimension politique. Par exemple, l’auteur ne se tient pas à la vision d’un État-médiateur dans la mesure où il le transforme en prestataire de services et finalement en entreprise fonctionnant aux normes du système capitaliste. Il évacue ainsi la question de la fonction politique de l’État en renvoyant à une sorte de division de classes interne à l’État et à son administration, guère différente de celle qu’on pourrait trouver dans une entreprise privée. Mais alors pourquoi parle-t-il, par ailleurs, de « la volonté de servir » de nombreux fonctionnaires qui annoncerai le possible d’ « un monde futur fondé sur l’entraide » et où il n’y aurait plus besoin de compter ses heures ?

D’une manière générale, il me semble qu’il y a là une difficulté à envisager les nouvelles formes de l’État, dans le cadre d’une utilisation très critiquable de certaines thèses de Marx. Cela l’amène à tout voir à travers le prisme de la production alors que dans la société capitalisée, c’est le point de vue de la reproduction qui s’impose, bousculant ainsi toutes les catégories de l’économie politique classique reprises ou affinées par Marx (travail productif / travail improductif, valeur d’usage / valeur d’échange, plus-value / profit, etc.). Ainsi le Cercle social voit dans l’État un entrepreneur comme un autre  : les subventions ne seraient que de l’avance de capital nécessaire à la production (c’est moi qui souligne) et les entreprises nationales cherchent à réaliser du profit. Or l’État ne nationalise pas plus pour faire des profits qu’il ne le fait pour éponger les pertes. Ces deux positions, bien qu’opposées, raisonnent dans les mêmes termes, c’est-à-dire en terme de valeur alors que l’État parle le plus souvent le langage de la puissance. A l’inverse, quand il privatise cela ne renfloue aucune entreprise privée, mais seulement ses caisses et cela ne constitue pas un profit mais un gaspillage de richesses de la part d’un État surendetté. Ces disponibilités bien venues peuvent alors lui permettre d’assainir sa situation financière afin de se redéployer vers des objectifs qui ne sont justement pas déterminés par une pure logique économique et marchande : le contrôle social et la maîtrise stratégique des espaces (logique de reproduction), la recherche (logique de puissance) etc.

Quand l’auteur aborde la question des revenus de l’État, il pense y trouver la clé de sa conception d’un État entrepreneur. L’État aurait une forme particulière d’investissement : les subventions. Celles-ci engendreraient des revenus fiscaux supplémentaires (forme concrète du profit d’État), de la même manière que l’entreprise privée valorise son capital originel. Par là il ne tient pas compte du fait que cette forme d’intervention de l’État n’est pas propre au MPC et qu’on la trouve dans les premiers grands empires et dans ce que Marx appelait le mode de production asiatique (MPA) ; et pourtant le but premier de ces États n’était pas la valorisation. Cette prédominance de la reproduction a amené certains à parler de convergence entre MPC tardif et MPA La différence demeure néanmoins dans le fait que la reproduction dans le MPC est toujours animée d’une dynamique (domination sur les choses médiée par les hommes : le travail reste une de ses présuppositions) qui objective la puissance et permet que le mouvement de la puissance devienne alors valorisation.

En fait, si l’État est responsable du « procès global de valorisation du capital » ce n’est pas parce qu’il est le Grand Entrepreneur, mais parce que tout d’abord il est une représentation institutionnalisée du capital global et qu’ensuite il manifeste aujourd’hui la prédominance de la reproduction sur la production. Si l’auteur a bien l’intuition de cette transformation de dominante, il cherche encore à l’interpréter dans les termes d’une loi de la valeur qui ne peut justement rendre compte de cette évolution. D’où tout son questionnement en termes traditionnels de « productifs/improductifs » et ses interrogations sur le réel statut des fonctionnaires. Dans son exemple sur les enseignants, il définit ce qui est « productif » comme tout ce qui est utile au capital. Mais si tout est utile au capital, tout devient alors productif et le serpent se mord la queue. Il assimile implicitement plus-value à profit sous prétexte qu’en fin de compte la plus-value devient profit. Donc sur le long terme tout a participé au processus de création du profit. Nous sommes bien d’accord, puisque c’est cela, cette mise en valeur directe du profit, en sautant le temps de la plus-value, qui signale la domination de la reproduction. Mais à long terme plus rien n’est évaluable du point de vue d’un quantum de capital et c’est la référence elle-même à l’individu productif qui devient caduque. Son analyse de l’enseignement est typique de la réduction économiciste quand il fait de l’école une institution de valorisation au même titre que la formation permanente. C’est tout au plus une tendance traversant l’école et qui cherche à en faire le premier moment d’approvisionnement du « capital-formation » des individus, pour ensuite le valoriser tout au long de la vie, mais ce n’est qu’une tendance, pour l’instant contredite par la fonction politique de l’école que nous avons maintes fois analysée au cours des mouvements de lutte en son sein. Si d’ailleurs l’école n’était que fonction, fonction économique de surcroît, l’école publique n’existerait plus.

La réduction des fonctions de l’État à des fonctions économiques apparaît bien aussi dans l’article du même auteur : Quelques notes sur l’État capitaliste dans la globalisation, quand il nomme « marchandises d’État » les infrastructures collectives, comme si celles-ci n’étaient qu’appropriées par le capital privé (contre impôts) et non aussi par les individus, dans le cadre des missions de service public. On conçoit mieux alors que N. ne puisse supporter cette notion. Non pas tant parce qu’elle suppose la réduction de l’en-commun au domaine défini comme service public et donc la reconnaissance de l’encadrement étatique (c’est la position traditionnelle des anarchistes), mais plutôt parce que pour lui, tout doit être appréhendé à partir du prisme du profit. Malgré ce qu’il dit sur le capitalisme comme rapport social (concession aux théories de l’ultra-gauche ?), il ne perçoit en fait l’État que comme simple instrument du capital. « L’intérêt général » n’est alors plus considéré que comme mystification, alors que justement, les formes prises par cet « intérêt général » dépendent étroitement des rapports sociaux, des luttes et des rapports de forces. Si derrière la mission de service public, il n’y a en fait qu’exploitation des travailleurs de l’État, alors bien des luttes de ce secteur restent incompréhensibles. En particulier, celles qui proviennent du milieu enseignant ou de la « communauté scolaire ». L’exemple plus général du mouvement de 1995, montre au contraire que ce sont les luttes du secteur de la reproduction qui, avec celles des chômeurs, manifestent le mieux la crise du « système de reproduction capitaliste ». Elles la posent à partir, justement, de la crise politique de l’État-nation, tout comme les chômeurs le font à partir de la crise du travail, dans l’époque présente de la tendance à « la valeur sans le travail ». Leur limite est encore de ne pas renvoyer dos-à-dos le public et le privé - ce que réalise de fait le capital depuis la « révolution keynésienne » - et de continuer à penser l’exigence d’un « commun » sous la forme d’une opposition entre privé et public. Cette assimilation entre « commun » et public est encore affirmée comme une position de principe, une position politique de repli, une référence à « un  acquis historique des luttes ».

Cette position économiciste que l’auteur développe, étrangement, à partir de la croyance en la réalité d’un néo-libéralisme – qui plus est de marché (« le marché mondial des États »), alors qu’on a bien plutôt à faire au développement des réseaux des entreprises multi et transnationales – il ne peut la tenir jusqu’au bout quand il reconnaît que l’État a tendance à se recentrer sur sa fonction de contrôle social au détriment de sa fonction entrepreneuriale. Mais alors, dans ce cas, le fonctionnaire n’est plus un « travailleur productif », mais une sorte de policier et il en va ainsi pour tous les « travailleurs sociaux » ! Il retrouve alors des analyses plus classiques, plus cohérentes aussi avec l’idéologie antinéolibérale des libertaires, celles sur « l’État-ministère de l’intérieur », sur « l’apartheid social » et finalement ce qui serait le triomphe d’un antimodèle américain.

Ce blanc-seing accordé à ce que dit le capital sur lui-même, amène l’auteur à conclure sur les thèses de Massimo de Angelis et de la revue The Comoner selon lesquelles le néolibéralisme permettrait cette nouvelle phase d’accumulation primitive d’un capitalisme global. Il devrait ensuite céder la place à un néo-réformisme qui nous mènerait vers un néo-keynésianisme (« un État mondial accompli » peut-on lire). Ce n’est pas que cela soit faux, d’un point de vue descriptif, mais ce point de vue ne fait que coller aux différentes formes du capital, alors que, justement, sa spécificité tient au fait qu’il ne se fixe dans aucune, ce qu’avait déjà remarqué Marx. Au-delà même d’une interprétation dialectique en terme de développement contradictoire, c’est sa grande labilité qui le caractérise. Ce que N. reconnaît implicitement dans sa réponse à O. du 23/10/01 : « Le pragmatisme affiché par l’administration Bush, à défaut d’avoir l’envergure d’un New Deal, correspond bien à une rupture discrète avec l’orthodoxie néo-libérale. Rupture dans la continuité puisque la période néo-libérale ne s’est pas soldée par une moindre intervention de l’État, mais par la restructuration de celle-ci ».

N. voit aussi l’État-capitalisme comme une vaste entreprise militaro-industrielle. Il établit un parallèle entre d’une part le découpage en départements et branches de l’État (les différents ministères par exemple) et les forces qu’ils représentent et qui se font concurrence et d’autre part un gigantesque marché interne d’intérêts privés. C’est assez juste, mais il ne dégage pas l’idée que c’est la façon dont le capital prend vie à l’intérieur de l’État, une sorte de forme symbiotique dans laquelle on ne sait plus qui phagocyte qui. Les arbitrages qui s’y opèrent ne sont donc pas des façons de régler l’appropriation et le partage d’un gâteau, mais le fruit d’un état des lieux des rapports de force et de pouvoir, constamment actualisé. Le capital est toujours rapport social, mais les anciens repères du pouvoir (« amis »/« ennemis ») et de sa contestation (les luttes de classes) sont perdus ou difficiles à rétablir. Des décisions contradictoires de la part des États ne sont donc pas forcément des décisions absurdes, mais le reflet des nouvelles confrontations et rapports de forces, dans une situation où il n’y a pas vraiment de centrale politique en mesure d’assumer un nouveau « plan du capital ».

Pour conclure, il faut en revenir à la tentative du Cercle social de dépasser la distinction entre économie et politique. On y trouve, certes, la critique implicite aussi bien de la thèse de l’autonomie politique de l’État que de la thèse d’un État serviteur de l’économie. Mais dans la mesure où cette tentative n’aboutit qu’à dissoudre la politique dans une économie qui serait la forme actuelle de la totalité, la critique se trouve désarmée devant la résurgence de théories politiques, alors qu’est annoncé, d’une façon ou d’une autre, la fin de la politique et de l’explication du réel par la politique. Pourtant, il faut reconnaître que si le capital tend vers la totalité, c’est au travers d’un processus historique et politique de totalisation, au sein duquel des agencements (dont l’État) expriment une autonomie relative, source d’interaction. L’État intervient bien encore comme un des pôles de la souveraineté, mais sans exprimer une véritable capacité politique à restructurer les rapports sociaux : il gère au cas par cas. Cette difficulté à intervenir politiquement, au-delà de la simple gestion des contradictions, fait que le simple exercice de la souveraineté apparaît à beaucoup comme le fait d’un État d’exception. Cette notion que Carl Schmitt a mis en avant pour caractériser l’intervention de l’État dans le moment de la production de la souveraineté devient chez Althusser : « Enfin, ne sommes-nous pas toujours dans l’exception ?» que la postérité maoïste transformera dans les années 70 en théorie de la fascisation de l’État (cf. surtout Glücksmann) et chez Hardt-Negri : « L’État d’exception permanent » qui existerait comme « intervention continuelle, à la fois morale et militaire », ce qui peut éclairer le fonctionnement du capital mondialisé (« l’Empire »), mais pas le fonctionnement des divers États nationaux. En effet, ceux-ci, en étant partout («l’ État-réseau ») ne semblent plus être nulle part, ce qui autorise les analyses les plus paradoxales, comme celles des libertaires pour qui le néo-libéralisme liquide l’État social d’un côté, mais développe son contrôle social de l’autre. La « résolution » du paradoxe relève alors d’un coup de force théorique qui s’énonce ainsi : le néo-libéralisme liquide l’Etat-social pour (c’est nous qui soulignons) renforcer son contrôle social !

La crise des médiations traditionnelles et des grandes institutions de l’ancien État bourgeois entraîne une sorte de dissolution de la souveraineté, une dissociation de la tête et des membres pourrait-on dire, qui fait apparaître toute réaction de l’État central comme raidissement. Le néo-libéralisme est appréhendé, au pire comme un nouveau système (par tout le courant citoyenniste) et au mieux comme un instrument pour autre chose (Cercle social et The Comoner), mais jamais dans sa dimension de réaction à la totalisation. C’est assez logique puisque si on en reste à quelque chose de purement descriptif (cf. les attaques contre le capital financier) ou de purement idéologique (cf. « les économistes contre la pensée unique »), le néo-libéralisme apparaît comme le moteur du processus de totalisation. Cela permet de passer sous silence le fait que son offensive contre la forme providentielle de l’État, s’accompagne de la résurgence des valeurs fondatrices de L’Utopie capital sous un habillement moderniste : la liberté (fondement de la « subjectivité des acteurs »), la concurrence (une des formes du multiple !), le nomadisme (ce n’est plus celui de la conquête de l’Ouest, mais une des formes de la flexibilité !), le risque (un effet de la liberté).

Le système n’étant qu’un équilibre instable de forces, il va sans dire que tout ce « mouvement » est contrebalancé par la résurgence parallèle des valeurs traditionnelles de la stabilisation : famille, culture et religion, elles aussi parées de nouveaux atours aux couleurs de l’individu et non plus de la communauté.

Jacques Wajnsztejn

(19/02/02)


1  L’Etat-réseau et l’individu-démocratique, revue La Griffe, n°21 de l’automne 2001, pages 6 à 9.

2 Il est paradoxal de voir à quel point ce concept de la sociologie moderne (moderniste pourrait-on même dire) a été repris de façon a-critique par certains courants anti-capitalistes, libertaires notamment.

3 Qu’on ne nous fasse pas dire ce que nous ne disons pas, comme le font ceux qui nous reprochent d’avoir abandonner la référence à la lutte des classes. Quand nous employons le terme d’englobement, ce n’est nullement par hasard et ce n’est sûrement pas en tant que synonyme de celui de dépassement. Cette contradiction continue bien d’exister et de produire ses effets, mais elle n’est plus centrale.

4 Le livre de Beaud et Pialoux, Retour sur la condition ouvrière, Ed. Fayard, 2000. qui se penche sur le sort des ouvriers de Peugeot Montbéliard, montre bien les nouvelles pratiques d’utilisation de l’institution scolaire et ce, particulièrement par les familles d’OS issues de l’immigration algérienne ou marocaine.

5 On sait vers quelles dérives politiques, cette exaltation des vertus guerrières a fini par conduire Lagardelle ! L’idéologie corporatiste et pré-fasciste de l’entre-deux guerres est une réaction à cet affaiblissement de la souveraineté de l’Etat dans l’exercice de la solidarité sociale.

Plus généralement, sur les rapports historiques entre « question sociale » et Etat, on pourra se reporter à L’invention du social  de J. Donzelot. Ed. Seuil, coll. Points.

6 On assiste d’ailleurs à un mouvement parallèle dans le procès de travail et au lent enclenchement du processus de « la valeur sans le travail ».

7 Notion avancée par la mouvance No pasaran en France et la revue Krisis en Allemagne et que nous avons critiqué dans : La crise du travail exige une révolution dans la théorie (surtout les pages 50 à 54), Temps Critiques n°10, printemps 1998.

8 Notion avancée par Massimo de Angelis et la revue The Comoner et reprise par Le Cercle Social dans : « Quelques remarques sur L’État réseau et l’individu démocratique », à paraître dans Temps critiques n°13, automne 2002.

9 Très souvent, dans les discussions courantes, le terme de fonctionnaire sert à définir celui qui a une fonction dans le secteur public, comme s’il était clair que les serviteurs de l’Etat n’ont plus de métier.

10 Dès la phase de « domination réelle » du Capital, pour parler comme le Marx du « Sixième chapitre inédit du Capital ». Bourgois, coll. 10-18 et en référence à la présentation commentée qu’en fait J. Camatte : Capital et Gemeinwesen, éd. Spartacus, 1978.

Nous ne pouvons en effet accepter l’interprétation qu’en fait le Cercle Social qui réduit les concepts de domination formelle et domination réelle à une description pratique et même quantitative alors qu’ils relèvent de la théorie et désignent des rapports. Le renouveau de la petite entreprise dans les secteurs high tech, le développement des start up, la mode de l’entreprise « light » ne sont donc pas des retours à la domination formelle, mais une accélération du processus qui voit tout devenir capital. Ces phénomènes n’ont été conjoints que dans la période de la domination formelle, ce qui a permis à Marx, comme sur bien d’autres points, d’anticiper les nouvelles formes. Aujourd’hui cette forme conjointe n’existe plus qu’au niveau mondial dans l’inégale insertion des divers capitaux et pays dans le processus de capitalisation. Il ne faut donc pas confondre phase historique et processus inégal. Seule la caractérisation de la phase permet de saisir la signification du processus. C’est fondamental pour pouvoir apprécier théoriquement et politiquement des phénomènes historiques tels que les luttes d’indépendance nationale, le développement du syndicalisme ou les conseils ouvriers. Sinon on ne peut que rabacher des positions érigées en principes intangibles. Les tables de la loi de la révolution !

Si nous voulons donner une définition rapide et nécessairement simplifiée des deux termes cela pourrait être :

-          Dans la domination formelle le procès de travail est déjà soumis au procès de valorisation du capital (ce qui n’est pas le cas dans la phase antérieure de la petite production marchande que le Cercle social confond justement avec la domination formelle). Le stade de production y est déjà proprement capitaliste, mais pas encore celui de la reproduction. C’est d’ailleurs la production (surtout de plus-value absolue dans l’analyse de Marx) qui est au cœur de cette phase. Tout n’est donc pas encore capital et c’est ce qui fonde la distinction entre société bourgeoise et rapports de production capitalistes. On s’accorde généralement à la dater de la révolution industrielle jusqu’aux années 20 du XX° siècle qui voient la contre-révolution vaincre la révolution et s’engendrer une restructuration du capitalisme sur les nouvelles bases de la domination réelle.

-          Dans cette phase de la domination réelle, tout apparaît comme capital. La force productive du travail se trouve incluse dans le capital fixe qui, pourtant, se pose comme extérieur, autonomisé du procès de travail, mais étroitement lié au développement de la technoscience. « Le mort saisit le vif » et le capital se présente lui-même comme la source de la survaleur : le profit efface la plus-value (en langage marxiste, c’est la domination de la plus-value relative) et l’entrepreneur cède la place aux managers, technocrates et actionnaires. La société bourgeoise devient la société du capital en englobant la société civile. Le « discours du capital » remplace « l’idéologie bourgeoise ».

11 Les nombreux écrits sur l’autonomisation des corps et sur leur « mise en communication », sur les « biopouvoirs » », témoignent de ces processus d’internisation de l'État-réseau dans les modes d’être-au-monde des individus. Mais le plus souvent ces approches qui se réfèrent aux théories d’auteurs faisant l’apologie des flux, des « rhizomes » et autres « branchements désirants » (Foucault, Deleuze/Guattari) ne font qu’exprimer en termes philosophiques ce que la publicité exhibe en images. Elles perdent toute portée critique en ce qu’elles sont immédiatement le devenir du capital. Une fois passées au révélateur des médias, elles intègrent, à leur corps défendant, le discours du capital.

12 Les récentes manifestations de policiers sont aussi l’indice de la crise de l’Institution et de sa fonction de médiation. Il faut alors créer de nouveaux médiateurs qui exercent dans l’immédiateté de leur appartenance au réseau qu’ils sont chargés d’activer et de contrôler.

13 Le « Small is beautiful » décrit par Schumacher. Ed. Seuil, coll. Points.

14 Texte paru sur le site du Cercle Social.

15 Pour de plus longs développements sur cette question, se reporter à notre supplément hors série de l’automne 2001 : Soubresauts.

16 Pour une critique de cette position, se reporter à mon article pour le n° 21 de la revue La Griffe, automne 2001, pages 6 à 9 : « De la souveraineté nationale à l’Empire »

17 Les fonctionnaires ne foutent peut-être rien, mais ils sont des travailleurs productifs…, texte initialement paru sur le site de discussion du Cercle Social.

18 Par exemple la revue Invariance, série II.

19 Alors que dans le MPA, il y a domination sur les hommes médiée par les choses.

20 C’est assez net quand on regarde la fonction de la technoscience et surtout ses effets.

21 Cf. la citation de la revue Perspectives Internationalistes.

22 Des courants néo-opéraïstes font la même analyse à partir de la domination de la circulation (voir surtout les développements de M. Lazzarato).

23 L’embauche ou non d’un enseignant ne se pose pas en terme de plus-value supplémentaire où en termes de productivité marginale, mais en fonction d’une gestion globale de l’institution à l’intérieur d’une conception précise de la puissance publique qui est propre à chaque puissance publique en fonction de son histoire, de l’histoire des luttes de classes, etc. En France, cette histoire trouve son origine dans la Révolution française, la lutte contre l’aristocratie et contre la religion.

24 La Griffe, n°21, automne 2001, pages 4-5.

25 Pour une délimitation du secteur de la reproduction se reporter à : Le sens du tous ensemble  (surtout les pages 97 et 98) du n°9 de Temps Critiques et pour une définition de la notion de « Système de reproduction capitaliste » se reporter, dans le même numéro, à l’article : «  Quelques précisions sur le « système de reproduction capitaliste », pages 11 à 42.

26 Il ne voit, par exemple, les nouveaux pays-États que comme de nouveaux produits mis sur le marché, alors que le mouvement de balkanisation auquel on assiste, dans l’ex-Yougoslavie comme dans l’ex-URSS, comme en Afrique, indique des résistances et des dysfonctionnements du processus mondial d’unification.

27 Marx’s theory of primitive accumulation : a suggested reinterpretation.

28 On peut la trouver sur le site de discussion du Cercle Social.

29 Sans s’ y référer explicitement, le Cercle Social n’est, ici, pas très éloigné des thèses d’ H. Lefebvre sur « Le mode de production étatique ». Dans une optique marxiste indépendante entreprise dans le courant des années 70, Lefebvre tentait de rendre compte de la mondialisation des Etats-nations, mais sans abandonner le présupposé productiviste de la notion de mode de production. Il tentait aussi, à sa manière, de dépasser la distinction entre économie et politique à propos de l’Etat, mais il l’a fait en hypostasiant un « mode de production étatique » qui devenait chez lui « un équivalent général » (planétaire) d’une forme politique passée et dépassée, celle de l’Etat de la classe bourgeoise. Pour le coup, il aurait eu besoin pour périodiser correctement les transformations du MPC, de la conceptualisation en domination formelle et domination réelle dont nous avons déjà parlé!

30 « L’État-nation n’est plus éducateur. L’État-réseau particularise l’École. Un traitement au cas par cas. » , Temps critiques, n°12, hiver 2001, p.89-101.

31 Althusser : Contradiction et surdétermination. 1962.

32 « Empire », Ed. Exils. 2001, page 65.

33 On en a des exemples aussi bien dans la loi Debré de mars 1997 que dans le non règlement actuel de la question des sans-papiers.

34 Sur cette notion, cf. Critica dell’ Utopia Capitale de Giorgio Cesarano (non traduit en français pour le moment)

35 Il est bien évident que cette analyse ne concerne pas toute une partie de l’aire islamique, même si celle-ci n’est pas en dehors du processus. Pour une mise en situation de cette question cf. notre supplément hors série 2001 : Soubresauts.