Divers textes de revolte

DE LA PRISON A LA REVOLTE

Mademoiselle C

"Être né esclave dans une classe asservie de la société (...) nous conditionne à considérer l'emprisonnement comme inéluctable."

George Jackson

Dans une société où le lumpenprolétariat est le criminel, les prisons sont remplies par le lumpenprolétariat. Nous nous attendons à voir des révoltes dans les prisons, non par la faute d'une "crise du système pénitentiaire" mais par la manifestation d'une crise de cette société, ayant lieu dans le secteur le plus séparé de son organisation. La révolte des prisons est une révolte contre la société, contre la propriété du travail. Les détenus ne peuvent que goûter de façon précaire à la liberté. Ce manque de liberté est absolu et c'est la conscience de ce manque qui doit produire l'explosion. L'explosion peut arriver et ce jour là, les plus pauvres, les plus exploités, les plus opprimés se dresseront pour détruire les lieux de l'injustice bâtis sur le mensonge et le profit.

Ceux qui ont transgressé l'unité du monde, c'est-à-dire l'unité de sa misère, du travail-marchandise et de la réification de l'homme, ne sont pas faits pour vivre sous le règne de la marchandise incarné dans nos sociétés par le mythe démocratico-libéral. La société de la propriété et de la privation de propriété, de la propriété des choses à travers la propriété des êtres, trouve sa réponse naturelle dans le vol et l'assassinat, réponse à la loi universelle de l'expropriation individuelle, de l'esclavage et du vol protégés par la loi. Les détenus sont les esclaves désobéissants qui ont osé menacer les rapports de propriété, fondement de toute civilisation, mais qui ne les ont pas supprimé, pas plus qu'ils n'ont été supprimés.

Il existe dans notre société une multitude d'infractions et la répression des crimes est une de ses fonctions centrales. L'Etat a toujours éliminé les parasites, les indésirables, les "terroristes" qui, se battant pour leurs convictions ont trouvé une raison de vivre, et donc de mourir. Le profond dégoût qu'inspire cette société conduit de l'insoumission à la révolte. Chaque geste de révolte est geste contre les rapports sociaux existants, qui doit trouver son expression en actes et seul le refus de la totalité de la société peut unir les détenus en attente de procès et les déjà-condamnés. Nous avons à nous battre contre tous ceux qui nous ont fait naître esclaves pour bâtir la société libre et abolir l'enfer que sont les prisons.

L'isolement est la sauvegarde de la propriété, il contient à la fois sa défaite totale et sa négation radicale. En isolant les détenus, la société se sépare d'eux mais ne cesse de les soumettre à ses lois: lois d'expiation et de sacrifice. Leur réadmission dans le monde de l'exploitation doit passer par un isolement qui lui assure que ses lois seront désormais respectées et que la culpabilité aura été reconnue, que ces opposants au système l'intégreront volontairement. Ce qui exaspère le plus le pouvoir, c'est que les coupables refusent leur indignité essentielle, ils ne se sentent ni coupables, ni résignés. Si les détenus prennent le pouvoir au sein de ce vase clos que représente le système pénitencier, même momentanément, il s'agit d'une affirmation confuse de liberté totale, d'une situation révolutionnaire car abolissant la hiérarchie et la notion même de prison.

LA LIBERTÉ EST LE CRIME QUI CONTIENT TOUS LES CRIMES

Mademoiselle C

Les prisons sont le lieu le plus rétrograde de notre société, celui dont aucun parti ne s'occupe. Aucun parti de gauche ne saurait s'intéresser aux détenus avec les égards dus habituellement à la clientèle électorale, vu qu'en prison l'homme n'est plus citoyen, il n'est donc plus électeur non plus.

Les humanistes, les chrétiens et les pseudo-progressistes en tout genre, parlent souvent de la réinsertion difficile des anciens détenus, la prison doit leur servir pour quand ils seront à nouveau libres, mais comment pourraient-ils être libres? comment pourraient-ils s'intégrer, sans se renier, dans un monde dont ils ne veulent pas et qui ne veut pas d'eux? comment pourraient-ils supporter mieux l'oppression à l'extérieur qu'à l'intérieur de la prison? Piller pendant dix ans ne leur rendrait pas ce qui leur est pris tous les jours: exclus de la survie organisée devant l'abondance marchande, dégoûtés par elle, ils réclament la VIE. Un homme qui sort de prison a le choix entre une place de sous-prolétaire pour survivre, reprendre du service dans la délinquance et le crime ou rendre sa révolte consciente et motivée. Nous nous battrons avec eux pour la liberté totale. Ces hommes sont perdus pour la société telle qu'elle est aujourd'hui, mais ils savent qu'ils le sont.

Dans le contexte actuel, il est impossible d'améliorer la situation des prisonniers, une politique sociale est inconcevable pour le système bourgeois car elle irait à l'encontre de ses propres intérêts et aboutirait à la libération des esclaves et à la désaliénation des exploités, sans lesquels il n'y a pas de profits possibles ni de capitalisme réalisable. Les prisons actuelles correspondent à notre société actuelle, le jour où elles changeront, c'est que le système aura changé.

Les moralistes de la pensée gauchiste qui affirment que les causes des fautes des individus sont à rechercher dans la société, omettent de dire de quelle société il s'agit et quelles sont les fautes qui souillent les individus. Il y a en effet une différence entre un individu bénéficiant des Droits de l'Homme et un homme qui sait que sa liberté passe par la liberté de tous. Cette petite comédie de la bonne conscience sociale ne va pas durer éternellement. Cette société qui rend l'injustice pour protéger l'inégalité va un jour exploser.

La révolte est la seule réponse claire, laissons les braves citoyens s'horrifier à la seule pensée du drame ABSOLU que serait l'autolibération des détenus affluant dans les villes. Il suffit de peu pour que la violence destructrice libère sa positivité.

Une fois le masque de la compassion ôté, le cynisme bourgeois remonte à la surface. Les révoltes dans les prisons sont de ces sujets qui disloquent la démagogie et les mensonges de la gauche parlementaire ou non. La révolution moderne n'est plus la révolution propre, stérilisée, la révolution bureaucratique bien conduite. La révolution moderne pêche en eaux troubles, elle est la FÊTE SAUVAGE qui trouve des alliés en tous ceux qui n'ont aucun pouvoir sur leur vie et le savent.

Nous voulons la suppression de la prison, de toutes les prisons!

DES MINEURS EN PRISON ?

AGIR PLUTOT QUE PUNIR

Martine Ruchat

Un peu d'histoire

La prison, comme lieu d'exécution d'une peine qui s'exerce sur la liberté individuelle, est une création du 19e siècle. Elle a nécessité au préalable une modification de la philosophie de la peine, laquelle s'est basée sur une critique des abus et de l'injustice des prisons d'Ancien Régime, de la torture et de la peine de mort. Cesare Beccaria (1738-1794), âgé alors de 26 ans, édite à Livourne en 1764 son traité "Des délits et des peines" qui met en avant l'idée d'une pénalité rationnelle, c'est-à-dire naturelle, s'appuyant sur une échelle proportionnelle de peines en fonction des délits. Ces peines sont plus humaines, puisqu'elles ne s'adresse plus au corps de l'individu mais à sa liberté, et elles sont infaillibles, et par ce fait doivent être dissuasives. La prison va s'offrir comme l'institution par excellence qui remplit les conditions de l'exécution d'une telle pénalité (humanité, proportionnalité, utilité sociale, dissuasion). Dans son ouvrage "Théorie des peines et des récompenses", Jeremy Bentham (1748-1832) vante les mérites des peines "pénitencielles": la solitude, l'obscurité, la diète. La référence monastique est forte jusque dans les principes pénitentiaires: l'isolement, le silence, le travail et l'éducation religieuse.

Dès sa mise en place, la prison a été l'objet de réformes pénitentiaires permanentes. Leurs objectifs premiers: assurer l'amendement des prisonniers par un système idoine, éviter qu'ils ne se corrompent en prison, qu'ils en sortent plutôt transformés et qu'ainsi les prisons ferment les unes après les autres. Rêves de philanthropes.

Fruits de cette réforme à la fois juridique et pénitentiaire: les articles 66 et 67 du Code pénal de 1810 qui concernent les enfants entre 7 et 16 ans ayant agi sans discernement (c'est-à-dire sans conscience du caractère délictueux de l'acte au moment où il est commis et de ses conséquences) (art.66) ou avec discernement (art.67). Les premiers sont placés dans une maison de correction et les seconds en prison moyennant une transformation des peines criminelles en peines correctionnelles et un abaissement de celles-ci.

L'idée qui préside au 19e siècle à cette "politique" pénale et pénitentiaire à l'égard de la jeunesse est d'une part une volonté de ne pas la corrompre au contact de détenus "plus enracinés dans le vice" (éviter la contagion morale) et d'autre part permettre une éducation correctionnelle, notamment pour ceux qui, par manque d'habitude ou d'intelligence de la faute, doivent être éduqués (rééduqués) plutôt que punis. C'est pour répondre à ces objectifs que s'ouvrent, dans la seconde moitié du siècle, les maisons de correction. 1

Beaucoup d'idéologie

La prison ressortit à un idéal républicain, pacifique, philanthropique et pédagogique. En effet elle est considérée par certains comme une école du peuple, alors que l'école est vue comme un antidote à la prison. Éduquer plutôt que punir pourrait être l'adage de la réforme pénitentiaire.

Or, certains sociologues dit "du milieu social", comme Léonce Manouvrier par exemple, ne s'y trompent pas. En 1885, lors du congrès d'anthropologie criminel, celui-ci s'oppose à Cesare Lombroso, anthropologue italien, tenant de la théorie du criminel-né, en mettant en avant non seulement le rôle du milieu social dans les causes de la criminalité, mais aussi le caractère à la fois sociologique et relatif de la pénalité. Ces peines infaillibles selon l'idéologue Beccaria ne sont en fait que le résultat d'une malchance et d'un tri effectué par la justice. Manouvrier écrit en 1892: "Quand on songe à la multitude innombrable des actes de violence et des violations volontaires du droit commun qui se commettent chaque jour depuis le sommet jusqu'au bas de l'échelle sociale, sans parler des actes d'injustice et de brigandage commis par les sociétés elles-mêmes sous le couvert des nécessités politiques, religieuses ou sociales, et dont fourmille l'histoire enseignée à la jeunesse, on est obligé de se demander si les criminels emprisonnés ne constituent pas simplement une catégorie de criminels plus facilement saisissables par la loi ou par la police, plus particulièrement dangereuse, peut-être, pour la tranquillité publique, et trop exclusivement sacrifiée, en tout cas, comme une sorte de bouc-émissaire, pour assurer à la loi une sanction indispensable." 2

Cette idée, alors novatrice en 1892, sera un des chevaux de bataille des sociologues américains de la déviance dès les années 1950: démontrer que le prisonnier, le criminel comme le déviant, interpellé par la justice est le fait d'un processus qui va de l'intolérance à la dénonciation, de la dénonciation à l'arrestation, de l'arrestation au jugement, du jugement au placement pénal ou administratif. Une approche culturaliste des phénomènes de déviances amène à voir dans ce processus une mise en scène de représentations sociales, mais aussi des normes sociales et culturelles qui s'inscrivent dans des rapports de classes entre celui qui juge et celui qui est jugé: entre l'enfant et l'adulte, entre l'enfant des classes populaires et l'adulte des classes bourgeoises, entre l'enfant étranger et l'adulte indigène, entre celui qui détient le pouvoir d'émettre des jugements sur ce qui est juste et injuste, vrai et faux, moral et immoral, tolérable et intolérable et celui qui est objet des jugements .

Ainsi l'idéologie qui sous-tend le projet démocratique d'une justice basée sur la nature et la raison et son exécution dans des lieux d'amendement (les prisons, les maisons de correction) se transforme en un appareil de contrôle social et de pouvoir sur les moins chanceux, les moins doués, les moins puissants, les plus étrangers, les moins argentés, les moins "adultes". Les enfants en sont certes les victimes les plus "faciles".

De la politique passionnément

Prison, maison de correction, maison de rééducation, établissement d'exécution de peine pour mineurs s'inscrivent hier comme aujourd'hui dans une logique identique. Au nom de la protection de l'enfant on l'isole, au nom de la "contagion" on le sépare, au nom de l'éducation on l'oblige à se soumettre à des méthodes éducatives ou thérapeutiques qui viennent s'ajouter à un processus d'exclusion sociale, de stigmatisation et de souffrance.

En février de cette année, un projet de loi est déposé au Grand Conseil genevois par le Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'investissement pour transformer la Clairière, centre éducatif pour adolescents. Ce centre, existant depuis 1963, est présenté comme un "centre d'arrêt et d'observation" pour des adolescents de 15 à 18 ans envoyé par le Tribunal de la jeunesse de Genève ou par les autorités pénales d'autres cantons. "Ces mineurs y séjourneront soit avant leur jugement, soit en exécution d'une peine ou d'une mesure d'une durée d'un jour à un an". 3

Ce projet de loi pourrait être une occasion de poser une nouvelle fois la question non seulement de l'utilité sociale d'un tel lieu, mais aussi de l'utilité individuelle, c'est-à-dire du bien fondé de la privation de liberté. La question n'est pas vaine lorsque de toute part l'on entend que l'isolement est néfaste pour les jeunes et que la prison ne doit être qu'une ultima ratio, c'est-à-dire un dernier ressort après les mesures de travail et la prise en charge thérapeutique. De l'avis des juges, les mineurs sont de plus en plus jeunes à commettre des délits nécessitant un placement (11 ans 1/2). Ce sont les plus souvent des jeunes exclus du monde scolaire et en butte à des problèmes psychiatriques. La prison, et en particulier le système de l'isolement cellulaire, n'apparaît-elle pas comme une nouvelle souffrance qui s'ajoute à d'autres plus anciennes?

Nonobstant, le débat ne semble porter aujourd'hui ni sur l'abolition des prisons pour les jeunes, ni sur l'abolition de l'isolement cellulaire, questions qui pourtant fait l'objet de discussions au niveau européen (Comité européen pour la prévention de la torture). Il porte essentiellement sur l'instrument qu'est pour les juges un tel lieu d'arrêt et de détention (voire d'observation), son bénéfice pour les jeunes filles, et enfin sur l'agrandissement des cellules. Outre l'aspect "utilitaire" pour les juges, c'est avant tout le souci d'adapter les pratiques de détention des mineurs et mineures aux normes fédérales et européennes qui semble avoir motivé le Conseil d'Etat. Et enfin la question financière (moindre coût que l'envoi hors du canton et subventions fédérales pour les travaux).

En effet sans "nouvelle" Clairière, les jeunes filles continueront à être placées dans des prisons pour adultes, ce qui est contraire à la loi, sinon elles seront envoyées dans le canton de Vaud (Valmont) où le coût de la prise en charge est plus élevé; sans reconstruction des cellules, pas de w.c dans les chambres, pas de métrage conforme aux règles internationales (notamment des Nations unies pour la protection des mineurs privés de liberté). Et le tout sera "protégé par des clôtures grillagées d'une hauteur appropriée".

Certes dans une logique qui reste celle de l'exclusion, qu'elle soit sous couvert de protection (de qui?), de la punition sous couvert de "thérapie" (pour qui?), un tel lieu reste nécessaire. Mais n'est-il pas aujourd'hui possible de changer enfin de logique? A l'utilité de la privation de liberté, qui n'est celle que des juges, substituer une prise en charge pédagogique et thérapeutique des jeunes, à celle de l'exclusion-punition, qui ne répond qu'à la dangerosité réelle ou supposée du jeune, celle de l'intégration dans un réseau de relations qui soient valorisantes pour le jeune et initiatrices de réussite et non d'échec?

En conclusion

Une société qui a peur de sa jeunesse n'est-elle pas une société qui n'a pas su maintenir le contact entre les générations? Une société qui persiste à punir le mineur n'est-elle pas une société qui refuse de prendre sa responsabilité dans les actes délictueux de leurs enfants quels qu'ils soient? Une société qui reproduit l'exclusion n'est-elle pas une société qui ne peut concevoir l'intégration comme une richesse (ces mineurs placés à la Clairière sont le plus souvent étrangers, immigrés, exclus de l'école)?

Quand donc l'approche de la personne remplacera l'utilité sociale? Quand la souffrance des jeunes éclipsera la faute? Quand une véritable politique d'intégration des étrangers et des différences à l'intérieure de l'école prendra le pas sur la ségrégation et l'exclusion? Quand la préoccupation politique de la répartition du plus de bonheur possible sur le plus grand nombre (rêve des philosophes du 18e siècles et entre autre de Beccaria) remplacera celle des gains financiers?

NOTES

1. Voir à ce sujet Ruchat, M., "L'oiseau et le cachot. Naissance de l'éducation correctionnelle au 19ème siècle en Suisse romande 1800-1913", Éditions Zoé, 1993.

2. Manouvrier, L., "Questions préalables dans l'étude comparative des criminels et des honnêtes gens (1892)", Déviances et société, X, 3, 1986.

3. La Clé, Hospice Général, SGUP, 1992, p.84.

MES PRISONS DANS l'ARMEE SUISSE

Tristan Decker

J'ai eu le malheur de devoir servir dans l'armée suisse. J'ai toujours été un plaisantin qui aime transgresser les règles, mais dans cette armée germanique cela m'a attiré pas mal d'emmerdements. Cela a commencé par de l'insubordination, que cette vaillante armée nomme "refus d'ordre". Ce que les galonnés n'acceptent pas, ce n'est pas tant que l'on refuse des ordres absurdes, c'est qu'on est l'esprit, la capacité psychique de le faire. Si le terrorisme ne suffit pas pour casser toute velléité d'indépendance d'esprit, la prison est là, et avec, l'impossibilité de rentrer en permission le week-end. Il y a aussi les condamnations complètement absurdes, et j'en citerais trois dont je fus victime.

En ce qui concerne la première, tout commença un dimanche soir de retour de permission. Je n'arrivais pas à entrer ma culasse dans mon fusil. La culasse est la pièce la plus importante du fusil, sans elle on ne peut tirer. Chaque samedi matin, avant de partir en week-end, on les enlève, et on les met au local de garde afin d'éviter les vols; puis le dimanche soir en rentrant, on les réintroduit dans le fusil. Or ce dimanche soir je n'arrivais pas à la mettre dans la chambre à culasse, et je n'ai jamais compris pourquoi. Le lendemain nous partions en manoeuvres dans les montagnes. Je reçu l'ordre de mettre ma culasse dans une sacoche de mon harnais. Le mardi, après des exercices qui me firent bouger dans tous les sens, je m'aperçu que j'avais perdu ma culasse. Pendant des heures toute la compagnie chercha dans la neige cette satanée culasse. Mon lieutenant, un fribourgeois assez gentil et toujours bourré, était mal à l'aise, puisque c'était lui qui m'avait donné l'ordre de ranger ma culasse dans mon harnais. Nous ne la retrouvâmes pas, et le soir nous partions pour un terrain d'exercice dans un autre canton. A la fin de cette semaine éprouvante nous avions le droit à deux jours de congés supplémentaires. Or mon commandant de compagnie, ce blaireau, voulu que je rentre dés le dimanche soir pour aller chercher ma culasse. C'était totalement absurde, puisqu'il était évident que je ne la retrouverais pas; de plus il n'était pas sûr qu'il y ait une bagnole de libre pour m'emmener sur le terrain en question. Je décidais de refuser cet ordre absurde. Je fus condamné à 7, ou 8 jours de tôle.

Les "crimes" commis dans le cadre de l'armée suisse ne sont pas jugés par des tribunaux civils, mais par des officiers. Quelque soit la durée de la condamnation, même une demi-journée, cela tombe le week-end. On peut aussi être condamné à des arrêts simples: à ce moment là on fait l'exercice dans la journée, et on passe la nuit en tôle. En tôle, on a le droit à une heure de promenade par jour. On n'a pas le droit de fumer en cellule, on n'a même pas le droit d'avoir un papier et un crayon. On peut juste avoir la bible et les règlements de service. La bible, excepté les Actes des apôtres, vous conviendrez que ce n'est pas de la littérature! Quant aux règlements de service, on les connaît déjà par coeur. C'est un sous-officier qui s'occupe des détenus. Si c'est un gros con, il vous fouille. Sinon, s'il est sensé, il vous laissera emporter en cellule ce que vous voulez. Pour pisser ou chier, c'est trois fois par jour. On peut aussi pisser par la fenêtre, et c'est obligé si on boit des bières. Au début de la détention on dort un max; mais après on s'emmerde mortellement.

Pour en revenir à mon histoire de culasse, je fus donc enfermé. La cellule était vraiment merdique, mais j'avais une belle vue sur un lac de montagne. Le deuxième jour de ma détention, je trouvais la clé d'une cellule vide qui ouvrait la mienne. Je sortais donc illégalement. J'allais en cuisine, où les cuistots jurassiens m'offraient de la gnôle. J'allais aussi me promener dans la forêt et au bord du lac. Une fois j'allais au bistrot du village d'à côté, et malheureusement je tombais sur le sous-off qui était chargé de ma détention. Il ne dit rien à personne, mais le bon temps était terminé. Après ma détention, cette histoire de culasse ne fut pas terminée. D'abord je du la payer, soit 300 francs. Ensuite lors d'une inspection d'un divisionnaire, l'idiot de colonel qui commandait mon école de recrues, m'inculpa pour dilapidation de matériel. J'aurais en effet aidé à perdre cette culasse, et de plus en tant que genevois, c'est à dire ressortissant de la "pute du bout du lac", j'étais un vicieux. Heureusement, le juge militaire fut assez raisonnable pour me relaxer de cette inculpation grotesque, et je n'écopais que d'un blâme. Pour en finir avec cette histoire ridicule, comme pendant un temps certain temps je n'avais pas de culasse, j'étais dispensé de nettoyer mon fusil (une corvée en moins). La bouche à feu fut bouchée par de la terre, et le canon gonfla. Mon fusil, "ma femme", fut bien vite complètement foutu, mais heureusement je n'eu qu'une réprimande verbale. Que par un certain laxisme je sois responsable de tout cela? Pensez-vous bien que non...

Deuxième histoire d'un extraordinaire ridicule. C'était un week-end où j'étais de garde. Il faut vous dire que je faisais mon service dans le canton de Neuchâtel ("Neuch"). Ce week-end là, il y avait une sorte de fête des vendanges. Alors des mecs sympas qui avaient pitié de nous, nous apportâmes des bouteilles de pinard. Mais j'eu la malchance de me faire choper par le lieut. de garde. Cet abruti n'aurait pu rien dire, mais il était tellement abruti qu'il le signala. J'écopais de 7 jours. Je ne fus pas enfermé en caserne, mais dans une autre place d'arme où notre compagnie fut envoyée pour étudier le combat de loc, entendez par là la répression d'une rébellion de chômeurs. La cellule était minuscule: il n'y avait que le lit, même pas un espace pour passer les pieds. Mais surtout la fenêtre ne s'ouvrait pas. Si bien qu'outre que je ne pouvais pas fumer, la transpiration faisait que cela puait un max dedans. Bien sûr moi je ne sentais rien, mais ceux qui ouvraient la porte devaient se boucher le nez. Fort heureusement, le sous-off qui s'occupait de moi était un de mes potes. Il me faisait sortir plus longtemps, et il me fila des bouquins intéressants.

Enfin, voilà la dernière histoire absurde qui m'arriva. Un jour la police militaire débarqua. Pour être flic dans le civil, il faut avoir fait son service militaire. Lorsqu'on devient flic on est dispensé de service (l'armée suisse est une armée de milice, et tous les deux ans on doit faire trois semaines jusqu'à l'âge de 42 ans). Mais les flics qui veulent quand même servir, peuvent rentrer dans la police militaire. Or donc, la police militaire vint fouiller notre caserne pour chercher des stupéfiants (elle ne sert d'ailleurs qu'à cela). Nous fûmes une quarantaine à nous faire choper pour détention de shit. Bien entendu le nombre total de fumeur de la caserne était au moins trois plus élevé, mais les flics ne parvinrent qu'à choper 40 gulus (ce qui n'est déjà pas mal). Le problème, c'est qu'il n'y avait pas assez de cellule de libre. Si bien qu'on casa les fumeurs de chichon un peu partout. Mon commandant, qui est l'homme le plus con et le plus salaud que je n'ai jamais connu, voulu que je sois enfermé dans un local à matériel sans fenêtre: il avait spécialement pensé à moi. Je fis immédiatement recours contre cette volonté salope, et je gagnais. Je fus alors envoyé au local de garde. J'avais là de la compagnie, mais le problème c'est que 24 heures sur 24 il y a du bruit dans ce local, si bien que je n'étais jamais en paix.

L'INSOUMISE

Suicide, révolte et morale

La mort, le suicide: des mots tabous dans nos sociétés aseptisées. Parler de la mort, pour changer la vie. Il n'y a pas de paradoxe dans un monde qui nous dépossède de nos vies. Changer notre vie quotidienne, se recréer totalement passe aussi par ce qui nous effraie, car on nous a appris la peur. L'église est celle qui a le mieux utilisé notre peur de la mort en promettant le paradis, antidote miraculeux, à ceux qui ont eu la faiblesse de la croire. Dieu est mort, et la vie, c'est maintenant et tout de suite qu'on la veut. La mort nous fait si peur qu'on passe sa vie à l'oublier, on passe son temps à préparer des lendemains-qui-déchantent. Ensuite on meurt. Ouf, on a réussi à ne pas y penser. On a même pensé à rien, c'était plus sûr! Pourtant il n'y a pas de question plus essentielle: la vie vaut-elle la PEINE d'être vécue? Nous prenons l'habitude de vivre avant celle de penser et en prenant conscience du temps, on y voit notre pire ennemi. Il s'agit de choisir, entre révolte et suicide.

Le pouvoir et les bien-pensants, les experts et les médias voient les courbes des statistiques concernant le taux de suicides augmenter avec horreur. Avec plus d'horreur encore ils ont à faire face, quelques fois, à l'intrusion inopportune d'un individu ayant pris la LIBERTÉ de disparaître dans leur entourage. Gêne, malaise, silence, sentiment de trahison, voire attirance ou voyeurisme, c'est MAL. On finit toujours par se rassurer.

Notre société entraîne le peuple dans la non-vie et voudrait, par dessus le marché, nous donner des leçons de morale! C'est elle qui pousse au suicide et elle a l'audace de le nommer "fléau". Lorsque toutes les libertés s'évanouissent, le suicide apparaît comme l'ultime séduction à l'appel de la liberté. Cette société dont tous les maux qui nous sont infligés, le sont sous le couvert de la fatalité, nous dit: le monde a pris la voie que ses maîtres lui ont indiquée, vous n'y changerez rien. Le suicide est un moyen de choisir, choisir de ne pas participer à la BARBARIE institutionnalisée. On ne choisit pas de vivre, certains choisissent leur mort. Ils choisissent le néant, pour l'éternité, pour échapper au néant de la non-vie qu'on leur propose. Mais attention, ne vous loupez pas, car ces cons de vivants, eux ne vous louperont pas: ils feront tout pour vous remettre sur pieds et pour vous forcer à partager leur merde. Si un médecin veut se suicider, il choisira une mort douce, il a les moyens pratiques et les connaissances des spécialistes pour être sûr de ne pas se rater, mais ne les divulguera pas. Égoïste.

Nous savons ce qu'est l'école pour l'avoir subie, elle tue, comme la famille, la religion, le chômage, la prison, l'armée. Le pouvoir se moque que le système tue, pourvu qu'il subsiste. Il assassine, rend malade, rend fou. Bien des suicides sont des assassinats, des crimes sociaux, toujours le système a une responsabilité. Mais l'assassinat est impensable en démocratie, il n'a donc pas lieu. Le suicide, quand c'est celui d'un commis de l'État, fera beaucoup de bruit, pour la plèbe, il n'y aura pas un mot. Peur de la contagion?

On appréciera que la morale bourgeoise préfère que l'on tue deux personnes qui ont d'excellentes raisons de vivre (par exemple sa femme et l'amant de celle-ci) qu'une seule qui a décidé de ne plus en avoir aucune. De même qu'il vaut mieux ne pas aider un individu "qui a tout pour être heureux" à se suicider, vous indisposeriez le jury. Le suicidaire commet un crime, que les lois pénales n'atteignent pas, qui est réprouvé par les lois de Dieu comme par la morale: il n'aura pas l'occasion de s'en repentir et ne se sent pas coupable. Le suicide n'est pas un Droit de l'homme. Si le progrès est un mythe, la lutte des hommes pour leurs droits est la réalité.

L'État a toujours éliminé les parasites, les indésirables, et continuera. A chaque époque, on a tué les assassins et ceux qui, en se battant pour leurs convictions y trouvaient leur raison de vivre, et donc leur raison de mourir, pour épouvanter les sociétés et servir d'exorcisme. Seule la mort de l'État comblera nos voeux.

Le suicide des jeunes, essentiellement, est matière à réflexion. Dans un monde géré pour et par l'économie, quel manque à gagner qu'un jeune se suicide. Tout ce fric et ce temps dépensés, pour rien! Au nom de quel avenir la société pourrait-elle empêcher le suicide? La jeunesse n'est pas en danger, elle est DANGEREUSE. Lorsque le peuple veut faire l'économie d'une révolution, il épargne ses ennemis.

Nous combattons pour la liberté, pour la véritable vie, pour qu'il y ait une vie avant la mort. De notre révolte, nous devons faire notre arme.

NE VOUS SUICIDEZ PAS, NOUS AVONS BESOIN DE VOUS !

L'INSOUMISE

Le singe qui croque la nuque

"Ils veulent qu'on se drogue", a hurlé, hors de lui, Bernard Annen, libéro-libéral, en découvrant sur sa table, comme sur celle de ses 99 collègues, un journal provocateur contenant un joint d'herbe qui rend nigaud. Cool! Cent députés raides arrachés, passant trois heures à délirer sur une virgule - "ouah! regarde le galbe, c'est carrément trop" - et le tout retransmis sur TV Léman Bleu... Le meilleur programme de prévention possible pour effrayer les jeunes et les faire rentrer ainsi dans le droit chemin.

(Philippe Bach, Le Courrier, 2 octobre 1998)

Genève est une république formidable. L'autre jour je tentais de vendre quelques journaux à la place du Bourg-de-Four, quand je tombe sur l'administrateur en chef du service des patentes. Effectivement si tu veux vendre quelque chose dans la rue, faire la manche ou tout simplement jouer de la musique, il faut payer. Ce gros bonhomme m'a demandé si j'avais une patente. Pas vraiment! Quand on se bat de l'intérieur contre un système qui veut ta peau et un asservissement global de ta personne transformée en vulgaire objet marchand, on ne lui fait pas des courbettes, on lui demande encore moins l'autorisation de le dénoncer, quant à le payer... L'échange de banalités s'est arrêté là. Quelques minutes plus tard, trois flics venaient m'arrêter et m'emmenait au commissariat, confisquaient 200 journaux -que je n'ai jamais revu- puis m'envoyaient une contravention. Il faut encore ajouter que la Suisse est un pays de délateurs en réseaux et de paranoïaques collabos. Quand en 1989, ce qu'on a appelé l'"affaire des fiches", a éclaté, il y avait pas moins de 900 000 fiches, dont celles de 10 000 "extrémistes". Pour un total de 6 millions d'habitants, ça fait beaucoup de terroristes au kilomètre carré! Mais ne nous leurrons pas, la police politique est toujours bel et bien présente, elle s'est assurément améliorée. A force...

Autre sujet. La constitution genevoise note à l'article 168, alinéa 1: "L'assistance publique est destinée à venir en aide aux personnes qui ont des difficultés sociales ou sont dépourvues des moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins vitaux et personnels indispensables." Très aimable, mais quand on s'y présente -peut-être ai-je tort de demander quoi que ce soit à cette bourgeoisie dégénérée- la réponse est: "L'assistance n'est pas un droit." Comprenez par là, qu'il y a des bons et des mauvais pauvres. "Il faut vous débrouiller, allez chercher du travail". Travail! Lorsqu'il n'y en a plus et qu'on en veut pas, quel est l'absurdisme qui veut qu'on en cherche encore, et qu'on soit élevé pour? Je vous fait grâce du temps perdu en paperasseries inutiles, pétitions, et tout le tralala. Mais c'est un fait, l'administration est totalement sclérosée, les fonctionnaires exécrables, la mauvaise foi et l'hypocrisie légion.

Quant au milieu étudiant, il y a de quoi écrire tout un poème. Ca viendra.

Venons-en au milieu politicien. Ridicules comme partout, peut-être un peu moins spectaculaires que chez nos voisins français. A renverser évidemment. Quand un système agonise, on l'achève. On a un ministre de la justice et police qui est pour le rétablissement de la peine de mort. On a des sociaux-démocrates et des démocrates-chrétiens. Par démocrates, j'entends: le meilleur soutien au mythe démocratico-libéral. On a les soi-disants gauchistes, voire extrême-gauchistes parlementaires (n'y voyez là aucun paradoxe). Apôtres de la pseudo-contestation: syndicalistes, féministes, anciens maoïstes ou trotskistes, antinucléaristes, zapatiens, écologistes, ... bref la totale, divisés mais accouplés, à chacun sa spécialisation. Comme le fait de ne pas penser n'est pas considéré comme un crime contre l'humanité -à vrai dire la juste continuation de l'obscurantisme religieux- et que le manque d'imagination comme la bêtise sont la preuve d'une juste aliénation, nous avons voulu provoquer quelques peu nos bien-pensants de députés genevois. Notre petit canard genevois (Le Démocrate Déchaîné) a été remis aux 100 députés que compte notre "assemblée" genevoise lors de la séance plénière du 25 septembre. Au fait, ça a été la galère pour le produire, il est vrai qu'on manque cruellement d'argent, même pour faire des photocopies! On devait déjà, après avoir monté le journal, faire un tirage laser, pour qu'on puisse lire les photos. Impossible, aurait-on dit, vu le nombre d'obstacles rencontrés, de rendez-vous manqués, de malentendus, et de "je commence à péter les plombs". En même temps, il fallait trouver de l'herbe pour rouler les 100 pétards pour nos chers élus. Évidemment, impossible de la payer. Bon, des potes nous ont aidé, nous ont fourni 100g gratuitement. Mais 100g qui traînent à la maison, c'est difficile de résister. Plus tard, on nous a dit qu'ils étaient "légers" nos joints. Sans blagues, on avait même du retourner s'en procurer pour finir le travail. Enfin, après mille et une petites choses, il fallait s'assurer que le journal puisse être distribué aux députés. Et là encore, la course d'obstacles: téléphoner à la chancellerie, à la sautière, voir les huissiers, des députés, et finalement le président du Grand Conseil, directement, en début de séance: M. Koechlin, libéral. Pas un vrai, pour tout dire, car quand il a vu de quoi il s'agissait, il a dit non. Je me suis alors arrangée avec la mascotte du Grand Conseil, Antonio Hodgers, un étudiant-député écologiste, qui m'a dit qu'il distribuerait le journal avec Alberto Velasco, député socialiste, et Luc Gilly, député d'extrême-gauche, pendant la pause du dîner. A 21h15, je monte m'asseoir, au dessus de la tribune des journalistes, qui n'ont du reste pas pipé mot de notre petite distribution. C'est à croire qu'ils ne nous aiment pas beaucoup. Tous les pupitres sont recouverts d'un journal. La salle est presque vide, seuls quelques députés sont déjà présents. Je vois l'huissier prendre un journal, l'ouvrir et lire: "Communiqué de police par le gland de service... non mais c'est une honte, des choses comme ça, ça devrait être in-ter-dit!". Il s'agit d'un avis de recherche. L'homme sur la photo c'est Gérard Ramseyer, le ministre de la justice et police (celui qui est pour la peine de mort). L'homme est appelé Alphonsi Alphonso, mafioso notoire recherché pour filouterie d'auberge, insulte à magistrat, ... Je ne sais pas si c'est le fait d'avoir donné ses signes particuliers -aigri, suspicieux, rancunier et conservateur- qui l'a froissé, mais il n'a pas ouvert la bouche de la soirée. Par contre quelques libéraux ont bien ri, en se cachant derrière leur journal. A l'huissier, une femme -apparemment démocrate-chrétienne- répond en écho, en découvrant le journal:

-"Lettre ouverte à la clique...po-li-ti-cienne?!" J'ai cru qu'elle allait s'étrangler. "Non mais ça va pas? C'est qui qui a distribué ça?" Et l'huissier de répondre:

- "Des partis." Les députés commençaient à arriver. On entend parler de joints, des rires, de l'étonnement:

-"C'est quoi?"

-"Un joint!"

-"Et qui dit joint, dit..." On saura jamais.

-"Moi je veux pas lire le journal, je veux juste fumer le joint."

-"Il paraît qu'il faut d'abord fumer le joint pour pouvoir lire le journal."

-"Ceux qui ne le fume pas peuvent me le donner."

La séance débutait et la moitié des députés étaient en train de lire le journal. Alors, Annen, député libéral, prend la parole et, s'adressant au président:

-"Monsieur le président, avez-vous oui ou non autorisé cela?" lance-t-il en brandissant le journal.

-"Non, non et non. On est venu me demander, j'ai refusé, expliquant que..." Et Annen de continuer:

- "En aval du bureau, j'ai toujours lu et apprécié le "Canard Enchaîné", je veux bien que les députés se droguent, mais là...etc, etc,...". Un brin énervé, il déchire le journal en morceaux et le jette à travers la salle, suivi par deux ou trois de ses collègues.

-"Non, non attends, il y a un joint à l'intérieur!" hurle le député vert Chaïm, à quatre pattes pour retrouver le pétard au milieu des bouts de papier. Applaudissements, rires.

1998 : De la misère en milieu étudiant

La servitude, ou l'idéologie marchande intégrée

L'INSOUMISE

Ce tract écrit dans la précipitation et plagiant copieusement "De la misère en milieu étudiant" de 1966, a fait l'objet de la censure de la CUAE (Conférence universitaire des associations d'étudiants), car "trop politique". Aucun n'a prétendu riposter aux assertions scandaleuses -il fût un temps- contenues dans ce texte à leur égard. A noter que la CUAE s'enorgueillit de sa réputation d'association gauchiste, ceci expliquant peut-être cela. Du tract son sigle a été barré, ce qui n'avait aucune importance, bien au contraire, ce qui fût gênant réside dans l'interdiction à l'accès du moyen de reproduction de l'outil de travail (photocopieuse). Cela n'empêcha ni sa reproduction ni sa diffusion. Cela n'empêcha pas non plus l'attentisme et l'immobilisme.

Octobre 1999. Exclue de l'université, officiellement. Tout comme mon état civil mon incapacité intellectuelle, réelle ou supposée, détermine désormais mon identité, et ceci, garantit dans les faits par notre État de droit, qui proclame la liberté et tue dans la contrainte. Si la servitude volontaire est une ruse de la Raison, alors vouloir être libre signifie s'exposer à la culpabilité.

 





 

 

"La soumission à l'ordre établi est le produit de l'accord entre les structures cognitives que l'histoire collective (philogenèse) et individuelle (ontogenèse) a inscrites dans les corps et les structures objectives du monde auquel elles s'appliquent: l'évidence des injonctions de l'Etat ne s'impose aussi puissamment que parce qu'il a imposé les structures cognitives selon lesquelles il est perçu.

(...) Les exclus se trouvent condamnés au nom d'un critère collectivement reconnu et approuvé, donc psychologiquement indiscutable et indiscuté, celui de l'intelligence: aussi n'ont-ils souvent pas d'autre recours, pour restaurer une identité menacée, que les ruptures brutales avec l'ordre scolaire et l'ordre social (on a observé, en France, que c'est dans la révolte contre l'école que se façonnent et se soudent nombre de bandes de délinquants) ou, comme c'est aussi le cas, la crise psychique, voire la maladie mentale ou le suicide.

(...) On peut donc tenir pour une loi anthropologique universelle qu'il y a du profit (symbolique et parfois matériel) à se soumettre à l'universel, à se donner (au moins) les apparences de la vertu, à se plier, extérieurement, à la règle officielle."

Pierre Bourdieu in Raisons pratiques, sur la théorie de l'action.

 

"L'industrie européenne de haute technologie craint une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée sur le Vieux-Continent. Elle a appelé hier, à Genève, à une coopération étroite entre le secteur privé, les gouvernements européens et les universités afin de trouver une solution au problème. (...) Pour l'industrie de pointe européenne, investir dans la formation de main-d'oeuvre qualifiée permettrait de réduire considérablement le chômage et favoriserait la croissance économique en Europe. Un groupe de travail, composé de représentants de l'industrie, va être constitué. Il va examiner les causes de ce manque d'employés qualifiés et émettre ses recommandations à la Commission européenne, aux gouvernements des Quinze et aux organisations ayant trait à la formation." (ats, 31 mars)

"Pallier cette pénurie d'informaticiens figure parmi nos priorités", déclame Jacques Thiébaut, directeur des HES (hautes écoles spécialisées) genevoises. L'Ecole d'ingénieurs de Genève ou encore la Haute École de gestion auront donc la lourde tâche de sortir des spécialistes de niveau universitaire dûment formés, capables de correspondre aux profils recherchés, l'expérience en moins bien sûr. Pour cela, les programmes devront être revus et calqués sur les besoins des entreprises." (Tribune de Genève, 2 octobre)

"Ingénieur physicien EPFL, docteur en physique de l'Université de Genève, Laurent Miéville est depuis quelques jours adjoint au rectorat chargé des transferts de technologies. Par cette nomination, l'alma mater souhaite répondre aux nouvelles demandes émanant du monde politique et économique. Laurent Miéville devra établir un cadre général, s'inspirant de ce qui se fait par exemple aux États-Unis, où il a acquis de l'expérience en étudiant notamment à Stanford. Il s'agira entre autres d'identifier les technologies intéressantes pouvant trouver des applications dans les industries, de faire l'évaluation économique de ces technologies et d'améliorer globalement l'exploitation des découvertes faites par des chercheurs de l'université. Le physicien a déjà commencé à rencontrer divers chercheurs, en vue de les sensibiliser à l'intérêt des transferts de technologies. il va aussi développer les contacts avec l'industrie et sera disponible pour accompagner et conseiller lors de la négociation de contrats." (Roland Godel, Tribune de Genève, 28 octobre)

Fais attention à tes oreilles : elles ont des murs

DE LA THÉORIE AUX ACTES IL N'Y A QU'UN PAS

Il ne s'agit d'organiser les étudiants que pour se laisser submerger par le mouvement réellement autonomisé, qui décide de prendre en main sa propre marche. L'avenir sera ce que nous en ferons.

Les revendications minimums n'existent pas. Une réforme des études signifie un ajustement tardif au système de production. Défendre des "acquis" ne suffit pas, c'est ajouter à la nostalgie de quelques professeurs qui voient leur fonction de maître pour futur élite petite-bourgeoise définitivement perdue, réduits qu'ils sont au rôle de garde-chiots au gré des aléas des besoins du système économique. C'est leur archaïsme qui ralentit la réforme de la bureaucratisation marchande -où cybernetisation de l'université- leur enseignement devenu désuet au regard de ce qui est demandé aux futurs spécialistes de la production-consommation-pollution-reproduction, qui ne sauront que faire d'une culture "cultivée". Ces mesures sont à combattre, en faveur de la DÉMESURE.

On ne s'instruit pas gratuitement aux frais de l'Etat à l'ère de la compartimentation du temps et de la vie. Le capital fait de l'université, depuis que l'intelligence fait partie des conditions de profit, le lieu de la spécialisation des futurs cadres des temps post-industriels. Ils seront considérés comme des privilégiés. Privilégié: choisi par le maître. Mais le maître n'a PLUS besoin d'autant d'esclaves pour le servir. N'y voyez là aucun paradoxe. Les idéologies comme la lutte des classes ne sont pas mortes.

Nous ne sommes pas la future élite de la société marchande,

nous devons la détruire.

Si la plupart d'entre nous a déjà choisi son camp, celui du pouvoir et de l'abrutissement, c'est que la bourgeoisie capitaliste a réussi le coup de force de faire reposer une impossible promotion pour la majorité sur l'égalité des chances, l'espoir d'une place pour chacun au paradis de l'économie marchande comme jadis auprès de dieu, et ceci au mépris de la réalité des faits. Mais qu'importent les faits quand l'essentiel se situe au niveau de la croyance.

La période universitaire est celle du sursis, sursis avant le travail (ou la misère), période transitoire pendant laquelle l'étudiant se sent en sécurité, coupé de la réalité, méconnaissant son avenir comme sa vie, ne pensant pas aux lendemains-qui-déchantent car réfugié dans un temps éternellement présent et irréellement vécu.

Le mépris qu'inspire habituellement l'étudiant est sans doute dû à son manque d'intérêt général, révélant une facette d'un manque multiforme impossible à combler, tentant de se consoler dans l'artifice compensatoire de la consommation ostentatoire des marchandises médiatisées produites expressément pour lui. L'étudiant se sent d'autant plus libre qu'il est enchaîné à l'autorité, son rejet de la critique sera proportionnel à son degré d'objectivation. Enchaîné aux institutions: l'Etat, la Famille, l'Armée, l'Eglise et l'Université, il les aime et les défend, comme il fera demain pour son entreprise, qu'elle soit privée ou publique. Valorisé par l'Institution, l'universitaire s'imagine récolter un peu de son prestige dans le monde, car depuis longtemps le système marchand réclame la fabrication massive d'étudiants incapables de penser. De même il prend ses professeurs au sérieux -les mêmes qui se feraient immanquablement "chahuter" dans n'importe quelle classe du cycle d'orientation, d'autant plus admirés qu'ils sont risibles- et écoute religieusement ce Savoir, d'autant plus étourdissant qu'il est obscur, perdant VOLONTAIREMENT tout esprit critique, il absorbe béatement pour mieux communier dans l'illusion mystique d'être devenu-en digne discipline vertueux- un "universitaire" sérieux en quête de quelques vérités cachées.

LA MANIPULATION ET LE CONDITIONNEMENT

ONT TOUJOURS ÉTÉ

LES INSTRUMENTS ET LES ARMES DES POUVOIRS EN PLACE.

Plus effrayé par a perspective du chômage que du travail aliéné, l'étudiant sépare instinctivement loisirs et travail alors qu'objectivement rien ne l'y contraint. Conditionnée tôt à la NON-VIE comme mode de vie et seule vie possible, la combativité comme le plaisir se retrouvent, chez la jeunesse, à un degré zéro avant même qu'elle ait eu le temps d'y réfléchir, remplacés par l'ennui et la résignation au profit d'une économie transcendantale. Le monde marchand, intrinsèquement lié au milieu étudiant, ne supporte pas le vide, il a pour lui des hobbies tout prêts: associations d'étudiants, sportives, religieuses, soirées spéciales, cinéma et théâtre, pubs et cafés, expositions et cercles, manifestations de la bureaucratie des loisirs en tout genre. Le culturel demeure en dernier recours le meilleur attrape-nigaud destiné à l'universitaire, qui se rapproche ainsi du lieu de sa reproduction sans jamais y avoir accès.

Faisons mentir cette trop vraisemblante caricature du monde étudiant. Faisons perdre le sourire aux pseudo-représentants de notre ville et à leurs laquais, les dirigeants illégitimes de notre université, qui ne prennent notre défense que lorsqu'ils se sentent eux-mêmes menacés. Contre l'ennui du bonheur mystifié et d'un monde sans ENJEUX, construisons nos vies par le JEU car nous sommes le monde des possibles.

PAS LU ET PAS APPROUVE PAR LE RECTORAT

Assemblée générale: mercredi 18 novembre 13h00 Uni-Mail

Merci de photocopier et distribuer ce tract. Toute tentative pour essayer d'enrayer la marche des idées ne peut être que vouée à l'échec.

CUAE

novembre 1998

CADAVRES EXQUIS I

Mademoiselle C

Art, science, morale et répression

Signe qui ne trompe pas: l'autorité de l'Etat comme de l'Eglise reviennent en force. Mais nous ne connaissons pas de pêché originel, notre sentiment est celui de l'innocence. Nous vivons une période de troubles où l'humanité a peur d'elle-même. L'ennemi du pouvoir reste le CHAOS.

"Un sculpteur de 42 ans a été condamné vendredi à neuf mois de prison à Londres pour avoir volé des cadavres humains afin de rendre ses oeuvres plus réalistes, une sentence sans précédent dans l'histoire judiciaire britannique. L'artiste macabre a été reconnu coupable d'avoir dérobé, avec l'aide d'un complice, des membres et des têtes provenant de 35 à 40 cadavres différents dans le sous-sol du Collège royal de chirurgie de la capitale britannique. Il avait été confondu l'an dernier à l'occasion d'une exposition à Londres pour laquelle il avait utilisé des moules des membres humains volés. Les autorités médicales avaient jugé les reproductions trop parfaites en découvrant les photos dans la presse et ordonné une enquête." (afp, 3 avril)

"Sur les arteplages, c'est évidemment l'expo.01 qui gérera les flux de visiteurs. Mais dans la région, ce sont les polices cantonales, en collaboration avec l'armée, et les samaritains, qui devront assumer tous les problèmes de sécurité et de santé des visiteurs sur les sites. Sans oublier que tous ces visiteurs créeront quelques problèmes aux habitants du lieu. Sans parler de l'accroissement probable de la criminalité, songeons déjà à la situation qui régnera dans les gares aux heures de pointe. selon les prévisions, le matin vers 8h-8h30, il arrivera un train toutes les cinq minutes en gare de Neuchâtel! C'est 1400 personnes selon le nombre et le type de wagons. Une quinzaine de personnes constituent l'état-major "Sécurité" expo-01, Laurent Krügel, commandant de la police cantonale neuchâteloise le préside. On y retrouve principalement de hauts représentants des polices cantonales ou locales concernées et des délégués de service de sécurité (pompiers, armée, télécommunications, samaritains). L'état-major travaille en collaboration avec le groupe de management des risques d'expo-01. Une partie de la caserne de Colombier sera utilisée pour la localisation du PC général. Le but de se groupe est clair: prendre toutes mesures utiles pour diminuer tous les risques potentiels. Cela signifie mettre en place des dispositifs efficaces." (La Liberté, 1er octobre)

Comment transformer une jacquerie en révolution ?

Le mouvement "social" en France de décembre 97 a débuté avec des revendications spécifiques: primes de Noël, augmentation des minima sociaux, extension du rmi aux moins de 25 ans. Il a été accompagné d'occupations symboliques "illégales" (dixit Martine Aubry), de réquisitions dans les supermarchés et les restaurants de luxe. En dépassant le cadre des mots d'ordre minimalistes fixés par les structures se voulant représentatives des mouvements de chômeurs (syndicats, organisations politiques et associations -dites "non-gouvernementales"- en tout genre), ces derniers ont déjà fait un pas dans le sens d'une autonomisation par rapport au pouvoir et à ses représentants grimés, dont le seul but est de s'asseoir à une table dite de négociations. Puis ce fût le silence radio une fois le Noël mystico-marchand passé. Le mouvement s'était-il déjà envolé en fumée? Oui, à en croire le silence volontaire des médias dont la meilleure arme est l'OUBLI obligé, où tout est événement et où les événements s'annulent les uns les autres. Si l'extrême précarité de quelques uns avait été mise en avant par les fausses bonnes consciences douloureuses du spectacle et leurs spécialistes es humanitaire, c'était plus pour remettre les compteurs à zéro. Sauf quelques images de personnes légitimement indignées, la misère dans laquelle vit la majeure partie de la population n'entre pas en ligne de mire. A vrai dire, elle est INVISIBLE. Plus grave, cette masse, la majorité, ne se sent pas réellement concernée, elle vit ce mouvement par procuration, de très loin. Elle nie sa participation à la barbarie institutionnalisé et au conformisme comme mode de non-vie institué. Elle a à se satisfaire de son sort, sous peine de rejoindre le cercle des exclus "profonds". Lumpenprolétariat. Honte. Contrairement aux nihilistes qu'ils réprouvent, les chômeurs demandent à être intégrés, réhabilités, dans cette société qui les asservit et qui détruit l'homme sans laisser de traces. Mais ils ont avec eux en commun, et ils ne peuvent le renier sans se mentir à eux-mêmes, d'être le résultat de l'achèvement d'une civilisation qui roule dans le vide. Après le mépris et la condescendance, la violence est l'ultime réponse de l'Etat (blocus, inculpations, expulsions,...). L'intérêt de la répression démocratico-libérale, c'est qu'elle peut se faire en pleine lumière et que son spectacle convainc plus sûrement encore que la répression elle-même. La démocratie est un leurre. Vive les lois DÉMOCRATIQUES!

Une fois l'imaginaire réduit à sa plus simple expression, on ne peut plus que se rabattre sur ce qui est.

Salariés de tous les pays : démissionnez !

Les chômeurs doivent apprendre à se débrouiller, à s'entraider? Si l'Etat n'a plus de tâche, alors il n'a plus de raison d'être. Ses institutions et ses représentants non plus. Dans le cadre du capitalisme, la disparition du chômage, comme de la misère, est une utopie; ce n'est pas la bonne. Les pseudo-contestataires qui pensent pouvoir aménager, voire réformer le capitalisme, en lui donnant un visage "humain" , sont les nouveaux mystificateurs du non-changement et de la soumission à l'idéologie dominante. Comme tous les mythes, il est à détruire. "Selon le dernier rapport sur l'emploi du BIT, aux 150 millions de chômeurs que compte la terre, s'ajoutent aujourd'hui 10 millions de personnes privées d'emploi par les seules retombées de la crise financière qui s'est déclarée en Asie en 1997. Quant à l'UE et ses 18 millions de chômeurs, elle doit aussi dénombrer ceux qui sont contraints à travailler à temps partiel et les chômeurs de longue durée dont les perspectives d'emploi sont parfois nulles." (Le Temps, 25 sept.) Les valets du capital bâtissent leur bonheur vide sur le dos d'une misère pleine. Un chômeur heureux est montré du doigt: c'est un fainéant et un profiteur.

"Dormez tranquille, votre argent fructifie." (Publicité de la Vaudoise assurances)

"Le thème de la rentrée, c'est la précarité"

dit la députée socialiste Marisol Touraine, digne représentante du "jospinisme triomphant" .

Les chômeurs entrent dans le minable spectacle médiatico-médiatique de leur propre liquidation. Ne serait-ce qu'une banale crise de la consommation? Les sans-lendemains-qui-chantent, victimes non indemnisées, viennent réclamer leur dû: "Un travail, c'est un droit, un revenu, c'est un dû!". Mais ces derniers n'ont pas conscience de la possibilité de l'avènement d'un moment historique. Ils n'ont rien à perdre mais au contraire tout à gagner dans une lutte INCONDITIONNELLE. Les hommes sortent dans la rue, dressent leur budget, réclament leur minimum à consommer, mais restent muets sur le principe de consommation qui les a ainsi jetés à la rue. Une révolte? Non, c'est une réclamation! Rejetant les luttes passées aux poubelles de l'histoire, ils sont incapables de formuler une critique qui dépasse le cadre étroit de leur pouvoir d'achat. Les chômeurs ont des DROITS. Ils ont également le DEVOIR de disposer de leur légitimité de contestataire à des fins révolutionnaires.

En dénonçant leur inutilité, le vide de leur existence, ils font ressortir le caractère aliénant du travail comme seul horizon social possible et désirable. Le statut socio-professionnel, que l'on se doit de gagner, en digne garant de l'ordre social établi. Le droit à exister est donc indissociable de son autonomie financière et de son abrutissement au travail. Les chômeurs, devenus inutiles, se rappellent au bon souvenir d'un monde qui ne les emploie plus, et demandent le rétablissement d'un état archaïque, désormais dépassé.

ON NE REVIENDRA PAS EN ARRIÈRE.

Vies humaines et valeur marchande

"Les vidéocassettes de "Titanic", vendues dès demain en Italie, seront livrées chez les distributeurs italiens sous la protection d'escortes armées, sous prétexte qu'elles risquent d'être piratées." (Le Temps, 30 sept.) La marchandise spectaculaire est sous haute surveillance.

Sa valeur, c'est qu'elle n'en a pas.

"Depuis le début de la crise financière asiatique, le nombre de suicides atteint des records en Corée du Sud. Vingt-cinq personnes mettent fin à leur vie chaque jour, la plupart du temps pour des raisons liées à l'évolution de l'économie, ont annoncé les services du procureur général de Séoul. au total, 2288 personnes se sont suicidées dans les trois premiers mois de l'année." (Tribune de Genève, 24 avril)

Quand le néant se propage, que le sujet s'efface et que le sens se désintègre, les mots sonnent creux et les signes perdent toute signification.

Au royaume de l'éphémère, tout se démode très vite. Il n'y a pas une seconde à perdre.

"L'industrie du spectacle est la vedette de la reprise économique californienne. Elle a généré pour 27,5 milliards de dollars en 1996. L'explosion de l'industrie du spectacle est en partie due à un appétit croissant du public pour les films et les programmes télévisés." (ap, 24 avril)

Où l'information est une marchandise comme une autre, la publicité s'appelle communication.

"Durant trois jours, Worldaid 98, "salon de l'humanitaire", va remplir un étage de Palexpo. (...) Marché en pleine expansion, l'humanitaire bénéficie d'une hausse de la demande (des millions de victimes en plus) et d'un chiffre d'affaires croissant (plus de 10 milliards de dollars)." (Tribune de Genève, 6 octobre) Parmi les participants à Worldaid, on trouve Bofors -firme suédoise fabriquant des mines antichars- qui présente ses appareils de déminage.

"La police du Merseyside, dans le nord de l'Angleterre, a emmené des groupes d'adolescents voir le dernier film de Steven Spielberg "Saving private Ryan", sur les atrocités de la Seconde Guerre mondiale, pour leur apprendre à "respecter les personnes âgées". Pour qu'aucune ambiguïté ne subsiste, la séance de cinéma s'est terminée par un face-à-face organisé avec des vétérans." (afp, 1er octobre) La fiction plus-vraie-que-nature. Quand tout se mélange, qu'on ne sait plus ce qui est vrai et ce qui est faux.

"Projet sur la diversité du génome humain" , tel est le nom d'une entreprise en cours de réalisation depuis 1991, son but: constituer une "génothèque" internationale issue de la collecte d'échantillons d'ADN de plus de 500 groupes linguistiquement différents, afin de dresser des "portraits génétiques" des ethnies du monde. Entre 1981 et 1995, un nombre total de 1175 brevets ont été délivrés à l'échelle mondiale pour des séquences d'ADN humain. Plus des trois quarts de ces brevets appartiennent à des intérêts privés, la plupart à des sociétés établies au Japon et aux Etats-Unis.

"Dans le cadre de la lutte contre la délinquance, le gouvernement Blair a mis sur pied une "équipe d'intervention" contre les vols et saccages de voitures, très nombreux en Grande-Bretagne." (Tribune de Genève, 1er octobre)

Si exploiter n'est pas un crime, voler, comme détruire la marchandise, en est un. A l'ère de la haute sécurité, la marchandise est plus protégée que la vie. Les pauvres sont emprisonnés pour garantir la propriété privée de leurs agressions légitimes.

Décalage entre image et réalité

On nous dit d'être réaliste? Mais qu'est-ce que la réalité, si ce n'est le leurre de cette dernière? L'image sensée nous dépeindre, qui nous recouvre de son voile glacial et aseptisé, qui transforme le monde mais aussi falsifie la propre vision que nous en avons, qui empêche sa compréhension et la possibilité même d'en envisager la chute, de peur de la réalité véritable que nous pourrions alors découvrir: l'homme vivant. La réalité qu'on nous impose est comme la publicité, sans profondeur. "La voiture qui parle, qui freine d'elle-même grâce au radar anticollision ou qui sait retrouver toute seule son itinéraire: l'automobiliste peut désormais conduire des véhicules "intelligents"." (AFP, 2 octobre)

Les socialistes l'ont rêvé, les capitalistes vont le réaliser

La CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) a publié son rapport annuel en septembre, elle propose un mécanisme pour contrer la spéculation financière internationale: un moratoire sur le service de la dette pour les pays débiteurs, dont la monnaie est attaquée, et des restrictions de change.

Guerre économique et économie guerrière

Mi-septembre, les députés ont dénoncé le système Échelon mis en place dès 1948 entre USA et GB, qui "permet d'intercepter les liaisons téléphoniques, par Internet, les e-mail, fax ou télex, relayés par satellites Intelsat, dans le monde entier. Toutes les informations sont captées par des bases terrestres au Royaume-Uni puis transmises à l'agence américaine NSA (National Security Agency) où elles sont triées. Destiné au départ à l'espionnage militaire, Échelon a probablement été utilisé pour les renseignements économiques." (AFP, 17 sept.)

"Un capitaine d'entreprise est un chef militaire, un chef militaire est un capitaine d'entreprise. Et conséquence logique et pratique, l'un et l'autre doivent rechercher des synergies" a expliqué le commandant de corps Jacques Dousse, chef des forces terrestres, lors de la journée officielle du 19e Comptoir de Fribourg, où l'armée est l'hôte d'honneur. Depuis plusieurs mois, l'armée a lancé le programme Armée et économie. La disponibilité de l'économie à collaborer avec l'armée à la formation de cadres compétents "est une contribution à la stabilité et à la sécurité du pays", a relevé le commandant de corps." (ATS, 4 octobre)

Faussement persuadés de maîtriser notre vie intérieure comme le monde extérieur, nous en recherchons les preuves dans la multitude d'images que nous renvoie ce même monde, avec complaisance. Ignorants d'un AUTRE possible, esclaves d'un reflet, l'imaginaire est néantisé, l'utopie inexistante.

Oublier de vivre pour oublier qu'on meurt...

Une pilule contre la timidité va être commercialisée en Grande-Bretagne et remboursée par la Sécurité sociale. Le Sunday Times rapporte le cas d'une Londonienne de 29 ans, qui n'osait pas sortir de chez elle: "Elle rattrape le temps perdu et passe tous ses week-ends dans les pubs et les discothèques" , raconte sa psychiatre.

Gagner du temps pour faire quoi, alors qu'on nous apprend à vivre dans l'espace? Pour oublier l'ennui d'une vie où nous sommes déjà morts? Dans un présent omniprésent, tout devient plus rapide et pourtant nous restons débordés, submergés. Ce qui nous importe n'est pas tant la durée de nos vies, mais l'usage que l'on en fait.

Le péril jeune sur le périphérique

Selon le directeur de l'ONU à Genève: "l'inquiétude de la communauté diplomatique pour sa sécurité est grandissante", en effet selon La Tribune de Genève, c'est surtout "la fameuse semaine anti-OMC du printemps dernier qui suscite ces angoisses diplomatiques." (18 sept.) Les bourgeois se moquent de notre désir de liberté, ils nous pensent jeunes et que cela nous passera.

Lysiane, la soeur de Audry Maupin: "Audry poussait aussi dans les discussions et les lectures, quasiment du matraquage. Il a politisé Florence. pour mon anniversaire, Audry m'a offert un duvet. Et l'intégrale de l'Internationale situationniste pour celui de Florence. Elle préférait mon cadeau." (Libération, 14 octobre)

Détrompez-vous, vous allez trembler.

La répression devient féroce, nous serons considérés comme des délinquants pour oser défier le pouvoir. Nous serons appelés terroristes. "Partout où les autorités locales les jugent nécessaires, des couvre-feux vont pouvoir être imposés aux enfants de moins de 10 ans en Angleterre et au Pays de Galles. (...) Ces interdictions de sortie sont l'une des dispositions du nouvel arsenal destiné à combattre la délinquance juvénile décidé par le gouvernement, qui inclut aussi des séminaires de "rééducation" pour les parents des délinquants, l'obligation pour les adolescents de s'excuser auprès de leurs victimes, ou encore la possibilité donnée aux tribunaux de dévoiler les noms des récidivistes. Le premier ministre Tony Blair devrait aussi annoncer la création de 25 zones de "tolérance-zéro" dans des quartiers très touchés par la délinquance, où les adolescents n'auront droit à aucune indulgence de la part de la police et de la justice. Les prisons sont encombrées de jeunes délinquants, au point que le gouvernement a récemment ouvert la première prison pour enfants (12 à 14 ans) du pays, une mesure très critiquée par les associations qui y voient un vivier pour la récidive." (afp, 28 sept.). La récidive est obligatoire si le monde n'a pas changé entre temps.

Marcher, jusqu'à l'épuisement

"Une "marche mondiale des femmes", destinée à dénoncer la pauvreté et les violences faites aux femmes, doit avoir lieu en l'an 2000 à l'initiative d'ONG réparties dans 54 pays. La marche devrait aboutir à un rassemblement sur chaque continent le 17 octobre 2000." (ap, 4 mai)

L'affirmation exacerbée de n'importe quelle différence ne fait que nous leurrer sur l'accablante similitude de notre misère généralisée.

"Ni calicots ni slogans n'accompagnent en effet la première Techno Parade organisée en France. Ce samedi après-midi, le cortège qui ébranle Paris ne scande ni son mal-être ni sa peur de voir disparaître ses avantages acquis..." (Le Soir, 21 septembre)

"La fête est accessible à tous car, c'est son originalité, elle ne coûte rien. Ou presque. Certes, Technopol, l'association à but non lucratif qui a lancé ce projet il y a quinze mois, a bénéficié d'un budget de 1,8 million de francs français, subventionné par les Ministères de la culture, de la jeunesse et des sports et par la Sacem, entre autres donateurs." (Le Monde, 22 septembre) Les contre-valeurs deviennent valeurs. Inoffensives, elles ont même droit à des subventions.

"Il n'en a été retenu que l'aspect joyeusement festif. Pourtant, en fin de journée, des groupes de jeunes "venus des quartiers" se sont livrés à une série de violentes agressions. (...) La manifestation anti-Millon à Lyon, samedi dernier, a connu le même phénomène. Une fête joyeuse, nombreuse, colorée. Et puis, à l'heure du concert de Cheb Mami, deux cents jeunes qui attaquent, cassent des vitrines, rackettent des passants avec des couteaux, les contraignant à donner leurs cartes bancaires avec le code. François, militant de gauche à Vaulx-en-Velin, en a la rage au ventre: "Pendant le cortège, à gueuler contre le racisme de Le Pen, contre les discours d'exclusion, j'avais remarqué qu'il y avait peu de jeunes des quartiers, pourtant directement concernés. Et puis après, j'en ai vu: c'est eux qui ont mis le bazard. (...) Jospin a eu raison de placer l'ordre au centre des préoccupations de la gauche, ce sera compris par les gens sur le terrain." (Le Temps, 10 septembre) Toujours le même subterfuge depuis Mitterrand, le FN et le PS se nourrissant l'un l'autre. "L'insécurité constitue un des dangers majeurs de notre société. (...)A ces jeunes qui pratiquent ces agressions, je voudrais dire que leur attitude est totalement absurde et autodestructrice. Ces actes sont et seront sanctionnés. Quand il s'agit de très jeunes adolescents, c'est à leurs parents de les tenir, c'est leur responsabilité. (...) On a tendu à opposer le parti de l'ordre et celui du mouvement. Je pense que ces oppositions, aujourd'hui, doivent être dépassées. Moi, je suis attaché à la réforme, je veux être toujours représentatif du parti du mouvement, mais je veux que ce mouvement soit fait dans l'ordre. Nous avons besoin de règles, de normes, de repères. (...) L'ordre dans un cadre républicain est une valeur de gauche." (Lionel Jospin, France2, 8 octobre) Quant un ministre fait semblent de s'adresser à "ces jeunes" -alors qu'il ne parle que pour son électorat, et que les "jeunes" en question sont en train de faire brûler des voitures et non de regarder leur poste de télévision- se rend-il seulement compte qu'une partie de monde s'est détachée et qu'elle lui est totalement inconnue?

Les machinistes parisiens de la RATP et des SNCF sont en grève: "Les autorités privilégient la solution policière. Le président de la RATP a obtenu hier du ministre des Transports 200 CRS de plus (il y en a déjà 400) pour patrouiller sur le réseau. La RATP elle-même a décidé d'accélérer l'embauche d'"agents de médiation", des emplois-jeunes destinés à pacifier les lignes chaudes. Reste à prouver qu'ils auront l'autorité nécessaire pour calmer les voyous." (Tribune de Genève, 7 octobre) Où l'autorité est l'ennemi, des jeunes employés comme esclaves à surveiller d'autres jeunes en quête d'affranchissement. Tout cela est ridicule. dans des banlieues où le seul service public sont les bus, il est évident que rien ne sert que le deuxième service public qui s'installe en force soit les CRS.

La pratique améliore la théorie et vice-versa

La Prévention routière relève que l'agressivité au volant et ses effets les plus fréquents sont à l'origine de la plupart des accidents de la route. Chaque année, près de 8000 personnes perdent la vie et 170 000 sont blessées sur les routes de France. (ap, 19 octobre)

"Des gamins, âgés de 13 ou 14 ans, jouent au trampoline sur les toits des véhicules. La manifestation n'a pas parcouru plus d'une centaine de mètres que déjà elle s'annonce d'une extrême violence. (...) Les casseurs viennent pour la plupart de banlieue et annoncent fièrement les noms de leurs villes: Pantin, Fontenay-sous-Bois, Enghien, Les Mureaux, Trappes, Nanterre. Forte présence des Yvelines. "On va niquer Paris", crie une adolescente. (...) Distribution gratuite. D'autres ramènent des cartons entiers, les jettent au sol. Des dizaines d'adolescents se précipitent, arrachent les emballages, se servent." (Libération, 16 octobre) "Distribution gratuite, geste gratuit. Voilà ce que le système ne peut supporter. Et portant, nous ne sommes pas nés pour être des consommateurs-producteurs aliénés. "On court, on se fait courser, on joue au chat et à la souris. Ca nous amuse. C'est excitant" explique un lycéen." (Libération, 16 octobre) Dans ces moments là, on découvre ce que JEU veut dire.

L'homogénéité maintenue policièrement se fragmente. Les classes dangereuses décident de venir animer nos villes et nos vies.

CADAVRES EXQUIS II

Mademoiselle C

Intérêts temporels et morale mercantile: "Le Saint-Siège, arguant des accords de Latran (1929) qui régissent les rapports entre le Vatican et l'Etat italien, refuse de s'acquitter d'une facture de 35 millions de CHF contractée envers l'Etat transalpin qui menace de couper l'eau et l'électricité." (Le Temps, 25.10.99)

"Le porte-parole du Vatican, Joaquin Navarro a confirmé une démarche diplomatique du Saint-Siège auprès du gouvernement britannique en faveur du général chilien Augusto Pinochet." (La Liberté, 20.2.98)

"L'objet de prière le plus populaire s'enrichit d'une version des plus modernes autorisée par le Vatican: le rosaire du IIIe millénaire au format carte de crédit. Existe en plastique, laiton, cuivre, argent et or. Son avantage? "On sait où on en est dans la prière", nous répond-on. Prix: plastique, 5 CHF environ." (Le Matin, 7.2.99)

"Le Magistère de l'Eglise engage pleinement l'autorité reçue du Christ quand il définit des dogmes, c'est-à-dire quand il propose, sous une forme obligeant le peuple chrétien à une adhésion irrévocable de la foi, des vérités contenues dans la Révélation divine ou bien quand il propose de manière définitive des vérités ayant avec celles-là un lien nécessaire." (article 88 du Catéchisme de l'Eglise catholique, 1998)

Rappelons, à l'heure où les Indulgences sont à nouveau de mise, que lorsque Luther afficha ses 95 thèses à Wittenberg en 1517, il s'éleva contre la commercialisation des rites qui permettait cette comptabilité de l'au-delà et faisait de l'Eglise une Babylone moderne. Il s'éleva contre les prélats qui s'appropriaient le rôle fictif d'intercesseur privilégié entre Dieu et les hommes. La Réforme protestante mènera jusqu'à la Paix d'Augsbourg, quarante ans plus tard, et ruinera définitivement l'idée impériale d'une Respublica christiana universelle et bicéphale. La Renaissance marque le retour au texte, à l'écrit, contre l'image, à l'original contre la copie. Elle semble s'être achevée.

Quant à nous, pauvres pécheurs, je propose de créer l'OMCMO: organisation mondiale contre le mensonge organisé.

"En créant des obstacles supplémentaires à la frontière, les autorités suisses ont contribué -intentionnellement ou non- à ce que le régime national-socialiste atteigne ses objectifs. L'ouverture de la frontière n'aurait pas entraîné une offensive des puissances de l'Axe, ni engendré d'insurmontables difficultés économiques. La Suisse a pourtant refusé d'aider des personnes en danger de mort. Une politique plus sensible aux exigences humanitaires aurait sauvé des milliers de gens du génocide perpétré par les nationaux-socialistes et leurs complices." (Extrait du rapport de la Commission Bergier)

On ne fait pas l'ÉCONOMIE de la lutte des classes: Le rapport 1998 du PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) nous donne des informations crues, celles qui ne font pas trop longtemps parler d'elles tellement elles révèlent le tragique et l'absurde de nos sociétés poussées à une production-consommation-pollution à outrance qui cumule l'inutile au nuisible: les 20% les plus riches de l'humanité (les consommateurs des pays industrialisés) se partagent 86% du gâteau planétaire, 1,3% pour les 20% les plus pauvres. Deux milliards de personnes ont moins de 2 dollars par jour pour vivre. En 1998, il a été dépensé de par le monde pour 400 milliards (dollars) dans la publicité, la consommation s'est élevée à 24 000 milliards dont, en Europe, pour 11 mia de crèmes glacées, pour 50 mia de cigarettes et 105 mia d'alcool. Les dépenses militaires mondiales se sont élevées à 780 mia. A côté de cela, il faudrait 6 mia pour étendre l'éducation de base à toute l'humanité, 6 mia pour l'eau potable et l'assainissement généralisé, 12 mia pour des soins gynécologiques et obstétriques à toutes les femmes, 13 mia pour une nourriture et une santé de base pour tous. Soit 4% de la richesse cumulée des 225 plus grosses fortunes.

AU LIEU DE SE SACRIFIER POUR SAUVER L'ÉCONOMIE,

SAUVONS-NOUS EN SACRIFIANT L'ÉCONOMIE.

Carte génétique de la marchandise avec usure intégrée

 

GuERRE EN DIRECT

PPDA, journaliste renommé -au-delà des frontières françaises- pour le professionnalisme de ses interviews, autant que pour la qualité de ses émissions culturelles, a fait preuve une fois encore de sa perspicacité audimatrice. Grande Messe de 20 heures, jeudi 25 mars 1999, TF1: interview -en direct depuis Paris- du ministre des Affaires Étrangères de la République yougoslave -à Belgrade- sur les bombardements tandis qu'ils se produisent. Pour la première fois dans l'Histoire, on voit à la télévision un homme politique, dont le pays est attaqué, se faire interviewer sur la guerre par un journaliste, dont le pays participe à l'attaque. Cela méritait un hommage.

La guerre technocratique est le reflet de notre société. Une guerre vécue par procuration du côté des exécutants, celui des vainqueurs, un champ de bataille virtuel, ni batailles ni péril, et pourtant des morts, bien réels, mais chez l'Autre. Rien de ce qu'il y a d'évolué dans notre société n'est capable d'empêcher la guerre, et pourtant une guerre propre, ça n'existe pas; une guerre zéro mort, ça n'existe pas; une guerre juste, ça n'existe pas. La guerre est ressentie comme une malédiction, dont nous ne savons que trop bien qu'elle est le fait des hommes et de leur volonté de puissance. Notre impuissance est accablante: nous voyons, nous savons, mais nous ne pouvons rien.

"Les bombardements commencent. New-York n'avait pas été influencé par les frappes aériennes sur la Serbie. Malgré un début de séance en baisse, le Dow Jones s'est vite positionné en territoire positif et dans un volume relativement moyen." (Tribune de Genève, 26.3.99)

Des voix s'élèvent au sein de l'Assemblée nationale contre les frappes, apprend-on sur France2. Qui? Hue, Chevénement, LePen et Léotard...évidemment, ça change tout. Régis Debray a émis des doutes? On lui dit adieu. Rien de nouveau, donc? Non, si ce n'est cette nausée qui ne nous quitte plus.

"L'euro avait pourtant débuté la journée en retrait face au billet vert après le bombardement accidentel par l'Otan de l'ambassade de Chine. Mais la nouvelle en fin d'après-midi d'un retrait des forces serbes du Kosovo redonnait des couleurs à la devise européenne qui est même repassée brièvement au-dessus de 1,08 dollar." (Agefi, 11.5.99)

La guerre est infâme, avilissante, nous sommes écoeurés, désemparés, bouillants de rage, la gorge nouée par les sanglots étouffés, par le désespoir qui refuse de penser l'absurde. Les mots deviennent sans emploi quand il s'agit de dire l'indicible, de penser les tragédies que nous voyons jouées -jour après jour, par les uns et les autres- sur nos petits écrans. Si la bêtise est incommensurable, notre révolte l'est également.

Certains, qui loin du pouvoir mais payés par lui, ont dit: il n'y a pas de solution. Effectivement, la bureaucratie capitaliste incapable d'analyse comme d'anticipation ne pouvait que choisir la contrainte à la persuasion, la violence à la réflexion. Incapable de résoudre le problème, elle a tenté de le dissoudre. Sa légitimation, elle l'a trouvée dans l'image, dans l'affect et non dans la réflexion. L'émotion c'est pour l'opinion publique, les experts eux, ne regardent pas les images qu'ils font diffuser, on n'exécute pas avec des sentiments. Entre résignation et action, le choix se fait tous les jours, mais jamais définitivement. L'Histoire est cruelle quand on ne peut lui donner de sens. Ce qui semble sensé -le calcul pragmatique des dirigeants politiques de l'OTAN, de leur bureaucratie militaire, de leur industrie d'armement- cela peut nous donner à réfléchir: ceux qui détiennent le pouvoir sont-ils des salauds ou des incompétents?

"Le gouvernement de la Fédération croato-musulmane et le compagnie française Bouygues travaux ont signé un contrat pour la construction d'une autoroute entre Sarajevo et Zenica dont la valeur a été estimée à 600 mio de marks (317,5 mio de dollars)." (AFP, 26.11.99)

LE SEUL MOYEN D'ARRÊTER LA GUERRE EST DE PARTAGER

"Investir dans les industries d'armements n'est pas contradictoire avec la défense de la paix, a déclaré le directeur de la Fondation Nobel, Michel Sohlman." (Le Temps, 14.12.98)

Chaque guerre nous rappelle que l'idéologie des Droits de l'homme, morale moderne issue des dogmes chrétiens laïcisés, ne peut faire autorité tant que l'homme continue à tuer légalement, jour après jour, sous des formes plus ou moins raffinées. Là où l'autorité est inexistante, le recours à la violence la remplace. La guerre transforme et se transforme. Plus besoin d'historiens pour raconter les faits. Les correspondants de guerre sont comme les soldats: spectateurs d'une guerre qui se fait sans eux, comme à leur insu. Pour raconter ce qui s'est passé, rien ne sert d'aller sur place, il suffit de prendre des notes au quartier général de l'Otan. L'Histoire écrite directement par les militaires, avant de passer à autre chose, définitivement. La désinformation stratégique et la manipulation de l'opinion publique sont des armes lorsque la guerre repose sur la rapidité du renseignement et la surveillance en temps réel. Le règne de l'immédiateté, de l'instantanéité, n'est pas celui de la démocratie qui implique la perception, l'entendement, l'expression et la décision politiques. Quand la politique veut dans un même mouvement incarner la puissance et s'accaparer l'humanitaire, elle discrédite les deux. Le résultat: les images d'une armée qui construit des abris, monte des tentes, installe des sanitaires dans des camps d'infortune.

Aux kosovars reste ce qu'ont perdu les serbes: un idéal, et un nationalisme gonflé à bloc. Les bureaucraties occidentales ont pris parti pour l'UCK, mais nous pouvons affirmer que si les circonstances l'exigeaient, les alliés d'hier seraient les terroristes de demain, les victimes d'hier, les bourreaux de demain.

GUERRE EN DIFFÉRÉ

"Quatorze personnes impliquées dans les attentats d'août et septembre en Russie ont été arrêtées confirmant la "piste tchétchène", ont annoncé les autorités russes." (ats, 3.12.99)

Eltsine quant à lui a sûrement lu le dernier numéro d'En Avant ("Qui sont les terroristes?") et ne s'y est pas trompé: c'est l'Etat, quelque soit sa forme. Il est donc passé du bulletin de vote aux cocktails molotov, de la théorie apparente à la pratique efficiente. Si on rechigne à s'imaginer que les attentats terroristes étaient le fait de la bureaucratie mafieuse au service du mensonge institutionnel, on ne peut nier que la Raison d'Etat, elle, soit terroriste.

Terrorisme: Emploi systématique de mesures d'exception, de la violence pour atteindre un but politique (prise, conservation, exercice du pouvoir...); Ensemble des actes de violence (attentats individuels ou collectifs, destructions) qu'une organisation politique exécute pour impressionner la population et créer un climat d'insécurité. (Petit Robert)

"D'après les autorités tchétchènes, six missiles sol-sol sont tombés sur le marché central de la ville, sur une maternité voisine du palais présidentiel et sur une mosquée. Ils ont fait 137 morts et 260 blessés.(...) Alors qu'il participait à un sommet entre la Russie et l'Union européenne à Helsinki, le Premier ministre russe n'a guère clarifié les choses. Vladimir Poutine a laissé entendre que "l'opération spéciale" n'avait rien à voir avec les explosions. Elle aurait visé "un marché qui n'était pas un marché au sens usuel du terme, mais un endroit où il y avait des stocks d'armes". (...) Vladimir Poutine a dit "ne pas exclure que l'explosion qui se soit produite là-bas soit le résultat d'un affrontement entre bandes opposées." (TdG, 23.10.99) Les cibles choisies sont des symboles. Si l'imaginaire qu'ils véhiculent ne correspond en rien à la réalité, il n'empêche que ce sont les idées elles-mêmes qui doivent périr. Tous les domaines de la vie sont clairement menacés: la maternité comme lieu de la reproduction de la vie, le marché comme lieu d'échange économique permettant la reproduction des conditions matérielles de la vie, le palais présidentiel comme volonté politique et garant de l'ordre public, la mosquée comme idéologie et culture. Étant donné que de part et d'autre fusent la désinformation et l'ignorance, le cynisme et la lâcheté, il ne nous reste qu'à reconnaître ce que nous éprouvions déjà: qu'un marché n'en est plus un, que les militaires -au sens usuel du terme- gardent le contrôle, et que toutes les opérations sont spéciales dès lors qu'une opportunité devient circonstancielle. Nous ne nous étonnons guère que cela contente pleinement les autorités européennes régies par la force de l'inertie: "L'Union européenne réaffirme le droit de la Russie "de préserver son intégrité territoriale" et "de lutter contre le terrorisme". (...) Mais pas question de fermer les robinets du FMI ou de suspendre la Russie du Conseil de l'Europe, comme certaines organisations de défense des droits de l'homme l'ont suggéré. "C'est très délicat parce que la Russie est dans la dernière phase de la campagne pour les législatives, explique un diplomate allemand de haut rang. Nous ne voulons pas faire le lit des forces nationalistes." (Le Temps, 11.12.99) Pour être en pleine campagne, on est bel et bien en pleine campagne! Le message est clair: d'ici les élections présidentielles -à moins d'un nombre élevé de soldats russes tués-, il n'y aura pas de négociations entre russes et tchétchènes. Pour un diplomate de la bonne école, cela s'appelle sans doute du bois dont on fait la langue. Les russes peuvent-ils vaincre en Tchétchénie? Juste perdre ou massacrer. Qui a prétendu que la Raison d'Etat était logique ? Il importe seulement qu'elle paraisse logique.

"L'actrice française Brigitte Bardot a exprimé hier sa reconnaissance au premier ministre russe, Vladimir Poutine, qui a répondu à ses protestations contre la violence envers les animaux. "Je comprends que le gouvernement russe a beaucoup d'autres préoccupations, et le fait que le premier ministre a trouvé la possibilité d'exprimer son inquiétude envers le destin des animaux suscite de l'optimisme", a affirmé Brigitte Bardot." (Le Matin, 25.12.99)

SUR LA PRIVATISATION DU CRIME

ET LE TERRORISME D'ETAT

J'apprends dans les journaux des choses étonnantes, et très confuses. Alors me voilà obligée de participer à la grande confusion ambiante par quelques morceaux choisis dans les archives de la désinformation, qui je l'espère en inspireront plus d'un. N'hésitez pas s'il vous plaît à m'envoyer vos réflexions et vos ébauches de théorie, scientifique s'entend, sur le sujet. Nous les publierons assurément, quand publication il y aura.

Non seulement les gouvernements anglais et français auraient comploté pour faire assassiner Milosevic à Genève, mais de plus, cinq serbes arrêtés en novembre dernier sont accusés par Belgrade d'avoir été organisés par les services secrets français en vue de faire assassiner leur président, à Belgrade cette fois. Nous ne saurons rien, peut-être dans 50 ans, nous en apprendrons de bien bonnes sur le gouvernement Jospin, quoi qu'il en soit, vu le degré de clientélisme et de corruption qui régissent cet État, la seule solution réside dans le passage à la VIe République.

Abdullah Ocalan aurait fait l'objet d'une tractation entre Turcs et Russes à Davos, lors du World Economic Forum. Les Russes l'auraient lâché au profit d'un tracé plus favorable(?) des routes pour acheminer le pétrole d'Azerbaïdjan. Rappelez-vous, le thème de la 29e édition était: "la globalisation responsable".

Suite aux attentats de 1995, 138 islamistes ont passé devant la 11e Chambre correctionnelle de Paris (délocalisée à Fleury-Mérogis dans une salle de gymnastique), accusés d'appartenir à un réseau français de soutien logistique au GIA, préparant des actions sur le territoire français, sans qu'aucune preuve formelle ne soit apportée.

Après l'assassinat d'un conseiller municipal de Pampelune, en Navarre -automatiquement attribué à l'ETA-, la police annonce qu'elle a pu déjoué une énième tentative d'assassinat contre le roi Juan Carlos, prévue à San Sebastian, au Pays basque, en été 98. C'était au début du mois de mai 1998. Trois semaines plus tard s'ouvrait le premier procès des organisateurs des GAL (Groupes antiterroristes de libération) à Madrid pour 28 assassinats répertoriés dans les milieux proches des séparatistes basques entre 1983 et 87. Sur le banc des accusés: l'ancien ministre socialiste de l'Intérieur (1982-88), l'ex-secrétaire d'Etat à la sécurité, l'ex-coordinateur de la lutte antiterroriste,...qui crient au complot politique. L'ex-président du gouvernement Felipe Gonzalez n'est entendu qu'à titre de témoin, de même pour le numéro deux du gouvernement (conservateur) actuel de José Maria Aznar.

Le 21 mai 1999, j'apprends l'assassinat d'un haut fonctionnaire à Rome: Massimo D'Antona, proche collaborateur du ministre italien du Travail, secrétaire d'Etat aux Transports de 1995 à 96, nommé à la direction générale du Ministère de la fonction publique avant de devenir conseiller juridique de la présidence du Conseil sur les questions de privatisation; il a en outre été sympathisant du Parti communiste italien, puis membre de la commission juridique de la confédération syndicale CGIL. L'assassinat a été revendiqué par un groupe se nommant "Phalange armée", mais cette information n'est pas "crédible" selon le ministre italien de l'Intérieur. Tout s'éclaircit le lendemain: "Les Brigades rouges ont resurgi brutalement en Italie en revendiquant l'assassinat d'un conseiller du gouvernement D'Alema plongeant le pays dans le cauchemar d'un terrorisme qu'il pensait disparu. La réaction de la classe politique a été unanime et rapide, dans la condamnation de l'attentat et dans son rejet d'un retour à une "stratégie de tension". (...) L'ancien président du Conseil et sénateur à vie Giulio Andreotti a mis cet assassinat en relation avec les événements en Yougoslavie." (TdG, 22.5.99) Pour Francesco Piccioni, membre de feu les BR, condamné à la prison à vie, il s'agit de fous ou d'une provocation des services secrets "afin que l'Italie rentre dans le rang et qu'elle devienne plus fiable pour la guerre dans les Balkans. Mais ce n'est là qu'une hypothèse."

Oussama ben Laden quant à lui, serait impliqué dans les attentats -dans le désordre- contre: les ambassades américaines à Nairobi et Dar es-Salaam en 1998, le Planet Hollywood au Cap la même année, le World Trade Center de New York en 93, un centre d'entraînement de la garde nationale saoudienne à Riyad en 95, à Dahran en 96, à Louxor en 97, à Coimbatore (Inde) en 98. Des rumeurs circulent (toujours), anonymes (toujours), selon lesquelles Oussama ben Laden aurait commandité des attentats (manqués ou non exécutés) contre Bill Clinton en novembre 94 lors de sa visite aux Philippines (puis au Pakistan), Hosni Moubarak, et le pape. "L'ambassadeur d'Allemagne au Soudan conteste la position américaine, selon laquelle l'usine pharmaceutique bombardée à Khartoum dans le cadre de la riposte au terrorisme anti-américain participait à la production d'armes chimiques." (TdG, 31.8.99)

Comme pendant l'Inquisition, il y a des victimes, des personnes qu'on désigne coupables, hérétiques, car ressenties comme une menace pour l'ordre établi. Celles qu'on a dit sorcières n'ont jamais ourdi de complot, pourtant des dizaines de milliers de femmes ont été brûlées pour leurs pouvoirs surnaturels, pour des crimes qu'elles n'avaient pas commis, comme agents du démon, du Mal. La Raison n'a rien à voir avec toutes ces histoires. L'Etat moderne en construction supportait mal les archaïsmes de la culture populaire. L'autorité et ses institutions, pour se faire connaître et reconnaître, doit protéger des peurs qu'elle a elle-même déclenchées. Quand un système s'écroule, imposer la nouvelle croyance passe par la Terreur de ceux qui détiennent le Savoir. On pense aujourd'hui que le Diable n'existe pas.

L'HISTOIRE DEVENuE uNIVERSELLE :

uNIFICATION DE L'ESPACE ET Du TEMPS

FICTION COMMUNISTE

 



 

L'administration et la reproduction du même sont les tâches que se répartissent État et capital en vue d'entretenir l'illusion des représentations -fondées en droit- et l'apparence du renouvellement dans un éternel présent, sans passé ni avenir, comme un au-delà, réalisé ici-bas. Pour que les hommes n'éprouvent pas le statu quo, tout doit aller nécessairement très vite, se renouveler, se transformer sans cesse, sans que jamais ne se pose la question du SENS. Le Savoir consiste essentiellement à être au courant des dernières nouvelles et nouveautés, et à en user, assurant à la machine productive sa perpétuelle avance sur les hommes. Quand le gouvernement des hommes se résume à l'administration des choses, le bonheur ne peut plus être autre que privé. Les inégalités ne sont pas légitimées, elles sont niées. D'où l'idée absurde de la fin de la lutte des classes.

Le but de l'Histoire, dans la société sans classes, est de devenir sans objet, de s'abolir. Le marxisme devait y mener -une société pacifiée et une nature maîtrisée, où l'homme pourrait s'épanouir librement-, sa disparition aurait le même effet: l'homme maître du temps et de l'espace, qui se dépasse lui-même en dépassant l'Histoire. Si toute action sociale est réduite à une fin économique, alors il n'y a plus de politique, plus de poésie, plus d'événements, plus de souvenirs, plus d'histoires à raconter.

L'Etat omnipotent, si ce n'est pas sous la forme de l'Institution traditionnelle, c'est sous celle de l'association, du collectif... qui participent à la gestion normative du temps socialement imposé et à la planification des comportements. L'école, l'armée, le travail ne sont que les formes les plus visibles de la contrainte. Bien plus pernicieux est le système de représentations qui légitime l'état de fait comme un état de droit. L'anonymat du discours social est l'idéal de toutes les bureaucraties, le discours totalisant intégré, ou l'instituant est l'institué. Cela passe en premier lieu par la médiatisation médiatique du monde qui reproduit, en même temps qu'elle la crée et la légitime, l'image que nous retrouvons dans la réalité. La norme -comme source de loi et du lien social- rend vraisemblable l'illusion du contrat social réalisé. Le même discours mais qui prend le visage de milliers de personnes différentes et vivantes. L'hypocrisie consacrée valeur dans les relations entre les hommes empêche la vérité et favorise la culpabilité. Et c'est bien parce que nous connaissons la RÈGLE que le mensonge est devenu une institution. Difficile de dire la vérité, son opinion, et donc d'en débattre. Partout où l'individu doit s'inscrire dans le discours social, il a à légitimer son appartenance à la norme, il sait le danger de perdre la face, de faire un faux pas s'il n'agit pas conformément à ce qui est attendu de lui. Les automatismes et l'habitude permettent à l'individu de faire comme si, et finalement d'y croire avec le moindre effort.

Ainsi la loi, d'extérieure nous devient intérieure, reproduite par les individus. De transcendant, le sens devient immanent. La reconnaissance sociale passe par le jugement des autres. L'exclusion est le châtiment par l'exemple, il force les déraisonnables à l'obéissance. Là où la contrainte ne passe pas par la force physique, la terreur est morale. Le possible et le désirables sont tabous, il faudrait en faire le deuil. Le Jugement dernier peut s'abattre à tout moment sur l'individu, et définitivement, nul recours, nul pardon ne peut être attendu de la société bien-pensante. Les lois des puissants ont été crées pour notre plus grand déplaisir.

N'ATTENDONS PAS LA SUITE, CRÉONS L'ÉVÉNEMENT.

31 décembre 1999: Fête Mondiale de la Consommation: "Il se pourrait qu'on ait dépensé près de 1000 milliards de dollars pour faire obstacle au bogue de l'an 2000. On pouvait donc s'attendre à des résultats." (Ian Hugo, expert en informatique britannique, La Liberté, 3.1.2000)

Ni attentats anti-américains, ni suicides collectifs, ni Apocalypse, ni "black out" électrique et téléphonique en Russie, en Ukraine, ou en Indonésie, pas d'avions qui s'écrasent, d'ascenseurs qui tombent en panne, ni de centrales nucléaires reconverties en chaudières, la bourse ne s'est pas détraquée, rien que de la consommation, partout, et presque en même temps.

"Le Monsieur Bogue de la Maison Blanche, John Koskinen, estime lui aussi que certaines défaillances pourraient surgir plus tard. Il a lancé un avertissement contre toute complaisance, au moment où l'homme de la rue commençait à douter sérieusement qu'il y ait jamais eu un véritable problème du bogue ." (TdG, 3.1.2000)

A la question du Matin (26.12.99): "Le 1er janvier sera-t-il, ou non, le premier jour du IIIe millénaire?", Nick Hayek, artiste maudit, accessoirement directeur de Swatch répond: "Moi, je vis dans le cyberspace et cette question ne m'intéresse pas. C'est une discussion typiquement bourgeoise: les créateurs, les rebelles ne sont pas des comptables. Avec notre mesure du temps, une journée commence à 000 beat et c'est tout. A l'échelle humaine, l'important est de passer d'une année à l'autre, et pas de changer de siècle ou de millénaire."

Socialisation universelle: Au milieu des levers de soleil à répétition, des pétards, du champagne et des cotillons, une apparition surréaliste: Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies, tel un représentant du futur gouvernement mondial, a fait une déclaration télévisée, le 1er janvier de cette année, à l'adresse de tous les citoyens du monde. Axant son message sur l'interdépendance entre nations, il nous a convié à la solidarité et a rappelé que malgré tous les progrès réalisés en une génération, la souffrance subsistait.

L'HOMME APRÈS AVOIR TuÉ DIEu (Ou SON OMBRE) ,

VOuLÛT SE FAIRE DIEu POuR TENTER DE PALLIER

À L'ARBITRAIRE Du SIGNE ET Au VIDE DE SENS

"Vous travaillerez pour l'avenir et l'avenir travaillera pour vous. AMD Athlon. Le futur tel qu'on en rêve" (publicité pour le processeur le plus performant du monde). L'innovation techno-scientifique comme but et moteur du système de domination capitaliste.

L'humanité décomposée en une formule chiffrée: Sur l'identification biométrique (identification par une de nos caractéristiques physiques ou comportementales uniques): Fabio Righi, directeur de Digital Persona, résume l'avantage de cette approche: "Une carte magnétique ou une clef ne sont que ce que vous avez. Un code n'est que ce que vous savez. Tandis que l'empreinte biométrique, c'est ce que vous êtes! (...) jusqu'ici, les empreintes évoquaient dans le public l'image de suspects. Il s'agit de le convaincre qu'elles peuvent au contraire protéger les bons!". (Le Temps, 8.12.99) Le corps de l'homme vivant réduit à un code, comme n'importe quelle marchandise. Les sens ne sont plus nécessaires à l'homme quand la technique l'asservit au point de rendre son cerveau superflu. Le langage n'est plus indispensable quand le signifiant EST le signifié.

"Un milliard de paires de gènes humains ont été décodés par le consortium Human Genome Project. Au total, le génome humain est composé de quelques 3 milliards de paires de gènes, responsables des caractères héréditaires de chaque individu. En 2003, tout le bagage génétique de l'homme devrait avoir été lu." (AFP, 23.11.99)

Alors que l'autonomie des chercheurs a été néantisée au fur et à mesure de l'appropriation de la science par la volonté de la raison marchande, n'attendons aucunement de la part des scientifiques en général -ou des médecins, des généticiens en particulier- qu'ils s'opposent à la prolifération de la mort face à l'industrie pharmaceutique ou agro-chimique, ni ne s'élèvent contre les États qui subventionnent chaque année par milliards la destruction de la nature et des hommes.

Aucun argument ne peut valoir face à l'obligation de rentabilité. Ainsi, il est plus avantageux de produire un médicament que de chercher à résoudre le mal à la racine, et ceci plutôt pour une minorité de riches -qu'on a préalablement rendus malades ou à qui on fait croire qu'ils sont malades- que pour une majorité de pauvres qui meurt.

"Le Service infos obésité a publié une estimation du coût de ce problème en Suisse. Ceux-ci s'élèveraient à 3,87 milliards de francs -conséquences directes et indirectes confondues- dont 2,27 milliards au système de santé. Environ 30% de la population souffrent d'une surcharge." (TdG, 16.4.98)

"Après la ruée sur le Viagra, le Xenical, la pilule anti-obésité de Roche, devrait connaître un boom. Le géant bâlois table sur un chiffre d'affaires de 700 à 800 millions pour le Xenical. Autorisé depuis peu par l'Union européenne, le Xenical a propulsé hier le bon Roche de plus de 250 francs." (TdG, 5.8.98)

La psychologie au service du pouvoir: On connaît tous les tests d'aptitude, d'orientation et d'évaluation, dès l'école primaire, qui contribuent -à leur façon- à opérer un tri entre les individus, une SÉLECTION, portant le label de la scientificité. Willy Pasini, professeur de psychiatrie à l'Université de Genève, fondateur de la Fédération européenne de sexologie: "L'important, c'est d'avoir assez de flexibilité pour pouvoir passer d'un langage public à un langage privé." (feu Info Dimanche, 14.2.99)

SENS OBJECTIVÉS: De la perception du monde par nos sens à l'objectivation des organes de nos sens.

Pierre Schulz, psychiatre et médecin-chef de l'Unité de psychopharmacologie clinique des Hôpitaux genevois: "De temps en temps nous recevons une personne se trouvant en situation de stress extrême, sur le plan familial et professionnel. Nous lui donnons un antidépresseur et soudain elle trouve la vie belle, alors que fondamentalement rien n'a changé dans son existence. C'est très impressionnant. Les gens disent: "Depuis dix ans j'allais mal et maintenant je vais bien." Et cela parce que leur regard sur la situation s'est modifié sous l'effet du médicament."

Quand la loi scientifique se fait loi de Dieu: Danah Zohar, physicienne, philosophe, consultante d'entreprises (Motorola, Shell,...) et intercesseur sacré entre le Savoir et ceux qui sont interdits de pensée comme de parole. Prêtresse d'un déterminisme sélectif basé sur les hypothèses scientifiques de notre époque, elle interprète pour nous les signes de la main invisible et de l'ordre cosmique libéral, impénétrable et immortel. Le doute n'est pas permis: "Tout irait beaucoup mieux si les tops leaders se pensaient comme des Servants, ou des Agents, du vide quantique. Ou, si vous préférez: comme les pensées de Dieu. Parce que nous sommes les pensées de Dieu. (...) L'important est qu'il serve les valeurs qu'il révère le plus profondément (...) D'ailleurs, contrairement à ce qu'on croit, il ne faut pas attendre de résultat d'un dialogue. Le plus important dans le dialogue, c'est le PROCESSUS lui-même." (Construire, 26.10.99) Tout ce que vous direz pourra être totalement illogique, puisque ce qui importe est non pas ce que vous dites -et encore moins ce que vous pensez- mais le fait que vous énonciez quelque chose, comme moyen et fin de la communication.

Don d'ubiquité: "Il n'y a qu'un monde. Un seul numéro de téléphone devrait donc suffire. Indepensis déclare votre indépendance et celle de toutes les femmes et de les tous les hommes d'affaires qui se déplacent fréquemment. En mettant à votre disposition un numéro unique et personnel qui vous permet d'être joignable en permanence, dans le monde entier, par téléphone ou par fax." (Pub Indepensis)

Consubstantialité: Le fantasme de la bureaucratie démocratico-libérale n'est-il pas de nier l'imprévisible, de faire du social un tout homogène et indivisible respectant une représentation totalisante cohérente, et d'abolir la contestation en même temps que tout ce qui est historique dans l'histoire? La domination par l'organisation, partout, sans nom et sans visage. La règle intériorisée, absorbée dans les consciences individuelles, où chacun renvoie à autrui l'image d'une socialisation réussie, d'une opinion devenue universelle.

"Deviens ce que tu es" (publicité Lacoste).

La technique alliée à la science ne se limite pas à transformer ou reproduire des processus naturels, elle peut dénaturer, produire ce qui n'existe pas, modifier la vie même. La norme est l'imperfection. Quelles seront les limites face à une multitude de demandes individuelles? Qu'est-ce qui est sacré dans l'Homme? Qu'est-ce qui fera la différence entre améliorer et franchir les limites de l'humain? Qui en décidera?

La standardisation exige l'abolition de l'imprévisible, la reproduction du même. L'Homme est concerné.

Le XXIe siècle sera éthique.

LA LIBERTÉ DE PENSER NE SUFFIT PAS, NOUS PRENDRONS LA LIBERTÉ D'AGIR.

A mort les bourgeois !

L'INSOUMIS

Ah! mes amis, mes frères, si vous aviez vu cette fête! Oui, l'émeute est une fête.

Les intellos s'efforceront de comprendre la violence, ils donneront des réponses à ceux qui ne comprendront jamais rien. Les intellos ne s'arrêteront jamais de parler, il leur faut combler leur mortel ennui. Ils ne savent pas ce qu'ils perdent: la vie. Je le dis: la violence est naturelle pour ceux qui veulent rendre les coups. Les intellos ont sûrement l'impression de ne pas en recevoir: ils sont peut-être au-dessus de tout cela? Que neni, ils ont la conscience secrète de leurs humiliations. Alors, les intellos je vous le dis: on ne sert pas le genre humain qu'avec des mots. Je vous le dis: jetez des cailloux, vous vous sentirez légers. C'est comme faire caca: on se sent mieux. La violence est purificatrice, elle purge notre compromission. La violence est révolutionnaire parce qu'illégale. La violence est nécessaire, car elle s'adresse à la violence. Ceux qui craignent la violence ont peur de perdre leurs repères. La violence s'oppose au pacifisme, mais elle n'est pas pour autant antidémocratique. La violence institutionnelle est-elle pacifique? Est-elle démocratique? La bourgeoisie soutient le pacifisme, car elle craint la violence. Elle fera dire à ceux qu'elle tient: "la violence nuit à la cause". C'est faux: la violence est le moyen de la cause. Quel résultat à donné le pacifisme? La bourgeoisie financera des documentaires sur Martin Luther King, sur Gandhi, c'est-à-dire sur deux échecs maquillés en victoire de la raison et du bon sens. Que le pacifisme, et son corollaire le parlementarisme réformiste, mettent fin à l'iniquité fondamentale, nous l'attendons depuis la révolution française. Nous pouvons l'attendre encore longtemps! Mais nos vies sont courtes. Le néant nous attend. Alors, assez de faux semblant! C'est maintenant ou jamais. Armons-nous mes frères!

Si vous aviez pu voir cet affront, cet outrage, dans la fameuse ville internationale. Ce fut historique, et ce n'était qu'une répétition. Protégez-vous bourgeois, le pire vous attend! Construisez des forteresses, car lorsque le peuple insurgé vous prendra pour cible, vous ne serez en sécurité nulle part. Le peuple doit vous abattre, messieurs les bourgeois, car vous êtes l'obstacle à sa libération. Il vengera aussi ceux qui furent tués dans leur vie pour votre bon plaisir. Voyez-vous, le peuple peut sommeiller pendant des lustres, mais lorsqu'il se réveille, rien ne peut l'arrêter. Comprenez-vous cela? Les intellos vous l'expliqueront. Nous n'en voulons qu'à ce que vous représentez. Ceux d'entre-vous qui voudront nous rejoindre, nous les accueillerons comme des frères.

Ah! mes amis, vous étiez absent, mais vous étiez là. Nous luttions pour vous. Nous serons un jour enfin réunis. Et côte à côte, nous donnerons l'assaut à la vieille civilisation. L'amour est une joie diffuse; la révolution est une joie concentrée. Et avons-nous d'autres choix? Laisserons-nous crever nos vies à petit feu? Non, mes frères, la voie est tracée. Allons camarades, assez d'attentes stériles! Ne repoussons pas le désir! Avons-nous d'autres choix!? Nous sommes pauvres, nous n'avons aucune perspective qu'un avenir de merde. Nous avons tout à gagner à renverser cette société! Les valets diront: vous avez tort; les esclaves diront: il faut attendre. Nous n'avons pas tort: nous sommes logiques avec nous-mêmes; nous n'avons pas à attendre: nous voulons un changement total et immédiat. Les sociaux-démocrates ne peuvent plus nous berner de leurs belles promesses: nous ne sommes plus des enfants! Nous sommes la pègre. Nous sommes le cauchemar de la gauche bon chic bon genre. Nous ne sommes pas là, et nous sommes là. On peut nous attendre, on peut se réjouir de notre absence. Lorsque nous sortons pour casser, rentrer chez vous petit-bourgeois! Nous ne vous en voulons pas, nous devinons les raisons de vos manques. Les intellos vous les expliqueront. Et puis, d'une certaine façon, vous êtes nos cousins.

Camarades, si vous aviez pu voir l'impensable dans cette ville! Le grand capital fut outragé, par le lumpen, la pègre qui fit toutes les révolutions. Cela commença par les multinationales, cela continua contre les représentants de l'ordre bourgeois: les flics. La bourgeoisie a tout, sauf nous. La bourgeoisie orchestra une campagne de presse pour discréditer les casseurs. Elle mit en lumière les quelques vitrines brisées de petits commerçants. Évidemment elle "oublia" de dire que la police était la seule responsable de ces débordements. En effet lorsque la dispersion est violente, la réaction est violente. Jamais les flics ne furent dans une situation critique, mais ils agirent comme tel. Le responsable de ces flics, Ramseyer, est incompétent; et son sous-fifre, Walpen, aussi. Puisque je parle de Ramseyer, je dois dire que quelqu'un avait marqué sur un mur: "Va te faire enculer Ramseyer". Ce n'était pas une mauvaise idée: soyons grossiers avec les cons! Je ne connais pas ce type personnellement, mais je sais que lorsqu'on est officier dans l'armée, membre d'un parti bourgeois, et partisan de la peine de mort, alors on est forcément un gros con. On peut avoir de grandes qualités, mais il y a des défauts qui nuisent à l'humanité. Tu es un gros con Ramseyer, et si tu ne le savais pas, je te l'apprend. Tu pourras le nier pour te rassurer. Tu prendras prétexte ceux qui t'entourent. Mais ne te fies pas à eux: ils sont aussi cons que toi.

Ah! camarades! Comme vous auriez aimé! Ceux qui connaissent l'émeute ne peuvent s'en passer. Elle est enivrante. Imaginez une insurrection: des jours et des jours d'émeute! Nous l'attendons de pied ferme! La décomposition du système rend inévitable un jour ou l'autre une belle explosion. Nous sommes prêts, il n'y a plus d'hésitations.

L'affront est fait. Le poison est dans nos veines. Plus rien ne sera comme avant.

Vive le peuple insurgé !

INSURRECTION


"La hache
de guerre
est
Déterrée"
Destruction de la Colonne Vendôme lors de la Commune de Paris

La société libérale, qui domine le monde, s'édifie sur l'absence de principe. Elle ne favorise que le nihilisme, c'est à dire le refus d'une autorité supérieure à soi, le refus d'une faculté de connaissance supérieure à la raison individuelle: la multiplicité n'est plus unifiée par la conscience de principes transcendants et universels. On peut se demander si la complexité est viable. Ce dont on peut être sûr, c'est qu'une civilisation doit répondre à l'exigence de la conscience envers le sens de l'existence. C'est pourquoi, s'il y a un avenir, le libéralisme n'en a pas.

Pour Monsieur Petrella, expert très en vue en Suisse, si nous nous y prenons maintenant, dans 20 ans la tendance sera inversée. Ceci pose trois questions.

Qui va inverser la tendance et de quelle façon? Pouvons-nous compter sur ceux dont c'est le rôle, les politiciens du Parti socialiste? Assurément pas: convertis à l'économie de marché libre et à sa corruption, ils ne leur viendraient pas à l'esprit un tel projet. Le libéralisme a une majorité dans les parlements, il n'en a pas dans la population. C'est donc à nous, les citoyennes et les citoyens, de prendre notre destinée en main. La puissance du grand capital sur le politique, est la conséquence du sous-développement de la société civile dans son rôle souverain d'arbitrage. Ce que nous entendons par société civile n'est ni le capital qui s'en est retiré, ni les partis d'Etat; la société civile c'est l'ensemble de la population qui n'est pas intégrée dans les pouvoirs de décisions et d'opinions. Cette société civile devrait être tout: elle n'est rien. Tant que nous refuserons d'être des hommes libres, on abusera de nous.

Vingt ans: en avons-nous le temps? car l'heure est grave. Dans cet espace-temps où chaque année en vaut dix, la domination du grand capital peut devenir irréversible, s'il elle ne l'est pas déjà. Vingt ans: c'est assez pour un retour des abominations du passé: voilà trop longtemps que dure l'inacceptable, les démocrates sont discrédités. Vingt ans: c'est assez pour détruire le legs positif des vieilles civilisations. Si ce retour du politique se produit au bout de vingt ans, les décombres, les cimetières peupleront le monde,- et les catastrophes déjà programmées pourrons-nous les surmonter?

L'heure est pour le moins grave.

Si l'on admet que nous puissions renverser les forces immenses de gravité et d'inertie qui nous poussent droit dans le mur, quelles orientations prendrons-nous? Pour beaucoup il s'agit de restaurer l'ordre ancien. Obscurément ils savent que pour des centaines de millions d'hommes, et plus que cela, le cauchemar n'avait jamais cessé, alors pour soulager leur conscience ils se disent: ce n 'était pas une société idéale, mais c'était une société. Ils ne veulent pas savoir que si l'on peut revenir en arrière c'est sans retrouver ce qui a disparu, et surtout ce qui n'a jamais existé. Il leur faut comprendre que cette société, qui selon eux était la moins mauvaise, portait les germes des destructions passées et à venir. Les idéologies ont toujours été la théorisation de la domination effective ou à venir de groupe ou de classe: l'instinct précède la raison.

Dernièrement, on pouvait lire sur la pancarte d'un chômeur français:

" Le travail c'est un droit

Le revenu c'est un dû "

Le travail ne peut plus être un devoir. Mais chacun doit avoir le droit incessible d'exercer une activité dans le secteur privé ou public, ou dans le tiers secteur. Nous avons les moyens économiques d'instaurer un revenu d'existence,- et quelle panacée propose le Parti socialiste? Le partage du travail, c'est à dire le partage de la misère psychosociale. Le PS est progressiste: il n'a que vingt ans de retard.

Nous devons juger le crime historique des classes dirigeantes. Nous devons admettre que le capital n'est plus le nerf de la guerre, qu'il est la guerre elle-même. Nous devons rompre l'ensemble des lois qui protègent l'iniquité fondamentale du système, c'est à dire qui consacrent le privilège du grand capital sur l'intérêt général. Nous devons comprendre que la - croissance capitaliste, lorsqu'elle existe, accroît les inégalités, crée plus de nuisances et d'aliénations qu'elle n'en réduit, concentre toujours plus les pouvoirs: le progrès recherché pour lui-même n'a aucun intérêt pour la collectivité et son imaginaire.

Nous avons beaucoup à accomplir pour qu'enfin advienne une époque qui ne soit pas condamnée par l'histoire: la fin du règne des tyrannies sans visage.

En février de cette année, à l'initiative de l'Action Mondiale des Peuples (AMP), se sont réunies à Genève des associations du monde entier qui veulent s'unir pour lutter ensemble contre la dictature du capital transnational. Il s'agirait de résister par la désobéissance civile. La première action est prévue à l'occasion du 50ème anniversaire de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). « La hache de guerre est déterrée » déclare un représentant de l'AMP.

Insurrection civile et politique, romantique et pacifique.

Insurrection économique et artistique, littéraire et populaire.

Insurrection: soulèvement qui vise à renverser le pouvoir établi.

Insurrection: un mot qui peut troubler le confort mental. C'est pourtant une façon de conserver ses acquis. Evidemment lorsqu'un bateau coule, on peut espérer s'en sortir: mais il est quand même préférable d'éviter de couler.

L'insurrection peut être le plus saint des devoirs, dit Victor Hugo.

Insurrection: révolte populaire contre l'autorité.

Squatters et fonctionnaires, travailleurs et entrepreneurs, étudiants et paysans: tous ensemble.

Insurrection civile: arrière les avant-gardes! dehors les politiciens!

Insurrection politique: démocratie directe à tous les niveaux!

Insurrection économique: débarrassons-nous des spéculateurs mafieux!

Insurrection artistique: donnons la vie aux murs éteints!

Insurrection civile et politique, romantique et pacifique.

Insurrection économique et artistique, littéraire et populaire.

La hache de guerre est déterrée: serons-nous la brandir?